samedi 9 novembre 2019

Vatican: le pape François adepte de la christologie kénotique ?


Selon un athée qui en est proche, le pape François serait un hérétique

Cela fait un bon mois que les bonnes feuilles du dernier livre d’Eugenio Scalfari, 95 ans, fondateur du quotidien La Repubblica en 1976, et longtemps son éditorialiste dominical, ont agité l’univers catholique romain. Mais, le 5 novembre dernier, La Reppublica lui offre une tribune, et ce n’est qu’hier que le Vatican a émis une mise au point : les propos du pape François recueillis par Scalfari ne sont pas verbatim, point.
Ce n’est guère différent de ce qui s’était produit en 2013, 2014 et 2018. Car Scalfari converse régulièrement avec le pape… Et il publie les propos pontificaux entre guillemets, les authentifiant ainsi.
Le laconisme des réfutations vaticanes peut laisser supposer que Scalfari serait le porte-parole officieux du pape, qui, bien évidemment, ne confirme pas urbi et orbi ce qu’il lui confie. Car s’il s’exprimait ainsi ex cathedra ou ex officio, soit paré d’une infaillibilité pontificale décrétée en 1870, laquelle, malgré les efforts du théologien Hans Küng, reste acte de foi, un nouveau schisme ne saurait tarder.
En substance, selon Scalfari, l’actuel pape serait un adepte de la christologie kénotique, dérivée de l’interprétation de propos de l’apôtre Paul, selon laquelle Jésus aurait renoncé à sa divinité dès sa venue au monde et ne l’aurait recouvrée qu’après sa mort. Ce n’est pas l'homme incarné qui serait ressuscité, et c’est sous la forme d’un esprit que cet homme se serait manifesté après sa mort. L’apôtre Thomas aurait donc été un illuminé victime d’une apparition ou l’évangéliste Jean aurait inventé le dialogue entre le Christ et son apôtre.
Cela étant, pourquoi pas ? Si tant était qu’il ne fut qu’un seul authentique Jésus (de… Nazareth, d’une autre localité ?), qu’un dieu unique se soit incarné en lui (quand ? dès l’annonce faite à Marie ? post-partum ?), et lui ait donné la latitude de se renoncer à sa divinité en tant qu’homme jusqu’à son trépas (dès son premier vagissement, plus tard ? mystère...), tout cela reste abracadabrantesque.
Bref, que le pontife catholique apostolique romain (entre autres multiples pontifes catholiques, chrétiens…) n’accorderait — le conditionnel s’impose — aucune foi en la « résurrection corporelle du Christ » ne change pas grand’chose.
Le dieu unique et la société moderne, le livre de Scalfari, met à mal les Actes des apôtres, les conclusions du concile de Nicée-Constantinople (325-Nicée ; 381-Constantinople), que certaines églises protestantes ne contestent pas. Pour résumer, l’anathème pourrait frapper un pape romain…
Mgr Strickland, un évêque américain, se proclamant gardien de la vraie foi, a condamné sans équivoque le « prétendu journaliste Scalfari ». Lequel échappera sans doute au bûcher.
En fait, Scalfari est accusé d’être un crypto-communiste laïcard, mais une partie de la cour vaticane s’empresse de relayer ses allégations / présupposés / affirmations (in)fondées (rayez la mention qui ne vous convient pas) afin d’écourter l’actuel pontificat.
Si le quotidien français La Croix a fait état du démenti du Vatican (mars 2018) selon lequel le pape François n’aurait jamais déclaré à Scalferi que « l’enfer n’existe pas », sauf erreur (d’inattention, d’absence de recherches approfondies), les dernières controverses sur l’authenticité des propos rapportés par le journaliste tardent à être évoquées dans ses colonnes.
La doctrine veut que ce Jésus ait été, de sa conception à sa résurrection, à la fois un homme et un dieu. « Vrai Dieu et vrai homme ».
Deux supputations contradictoires veulent que soit le pape ait réellement tenu de tels propos, soit qu’il ne soit plus maître en sa maison et que son service de presse laisse entretenir le doute.
Comme l’exprime Riccardo Cascioli de La Nuova Bussola, tout cela revient à « mettre la foi des simples en péril ». Et à endosser une lourde responsabilité « devant Dieu avant tout ».
Comme l’exprimait Ludwig Wittgenstein, « les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. ». Et on se demande si Eugenio Scalfari et le pape François vivent vraiment dans le même monde, ici, maintenant, et dans un incertain au-delà.
J’irai plus loin : certes, qu’un Jésus se soit voulu Jésus et non Christ de son vivant ne change pas grand’ chose à sa présumée divinité (antérieure, postérieure). Mais j’imagine que d’autres intégristes des autres obédiences dites « du Livre » (monothéistes) ne vont pas laisser passer ces propos (doublement, aux deux sens ?) apocryphes. Ils peuvent conforter l’idée que ce Jésus ne serait qu’un prophète parmi tant et tant d’autres. D’un autre côté, on pourrait espérer qu’ils aient valeur d’incitation à mettre en doute des hadiths, de multiples gloses… En toute intégrité intellectuelle, ou pour favoriser des jeux de pouvoir, des ambitions ?
Tout cela est en fait plutôt insignifiant en soi (quant au devenir climatique, au sort de millions d’êtres humains), mais ce ne serait pas la première fois qu’un fait d’apparence très secondaire finisse par revêtir une signification primordiale.
Petites causes, grandes conséquences : un nouveau pape serait-il appelé « araignée » ? L’effet papillon ne doit jamais être négligé.

vendredi 8 novembre 2019

Brexit : Moscovici veut bouter l’anglois langaige hors de l’UE !

L’anglais, lingua non grata ? Just a joke

Bien évidemment, ni l’Irlande, ni Malte ne veulent que l’anglais (même s’ils disposent de langues nationales) soit banni du continent. Et bien sûr, Pierre Moscovici (locuteur de langues romanes), même s’il en a émis l’hypothèse, s’est rétracté. Et en anglais : just a joke !
Jamais l’Eurospeak ne renoncera à la langue anglaise. En sus, on ne va pas licencier les anglophones du bureau de la Traduction des Communautés européennes (à l’origine de la campagne Fight the fog, et d’une fameuse marche orthotypographique, merci de m’en avoir fourni la version imprimée).
L’ex-commissaire aux Affaires économiques ne s’est pas étendu sur la question linguistique, développant des propos relatifs à la santé économique des 27, rappelant la France à l’ordre (« davantage d’efforts structurels et de réduction du déficit »), au soutien de la croissance. Et lui au moins s’est abstenu d’évoquer les élections britanniques… Ouf. Il s’est contenté de dire : « on verra bien ».
Mais la presse britannique (surtout celle pro-Brexit) n’a retenu que sa boutade. 
Et le fait qu’il a utilisé pratiquement autant le français que l’anglais lors de son allocution.
Sur l’emploi de l’anglais sur le continent, il a précisé de nouveau : "Don’t be alarmed, itw as just a joke.".
En fait, il fut bien question de retirer l’anglais de la liste des langues « agrées » par l’Union européenne. Ce qui ne serait pas illogique, d’un point de vue cartésien.
Mais l’anglais, une résolution fut adoptée en ce sens, restera une langue officielle. Pas qu’en raison de l’Irlande (moins d’un pour cent de la population de l’UE) et de Malte (0,09 %). Mais comme l’avait exprimé la Polonaise Danuta Hubner, il faut faire avec la lingua franca de facto. Ce pourrait être le russe… En dépit de la Francophonie. Arménie, Géorgie, Albanie, Bulgarie, Croatie, et bien sûr Roumanie (Andorre et Belgique, et Luxembourg, Suisse, ce qui semble aller de soi), et même Chypre, sont membres de l’OIF.
Mais soyons réalistes : en Roumanie, pays autrefois ô combien francophone, je dois de plus en plus fréquemment recourir à l’anglais.
L’anglais ne fut pourtant agréé qu’en 1973, lors de l’adhésion de l’Irlande et du Royaume-Uni. Officiellement, à Bruxelles et à Strasbourg, on s’en passait. Officieusement, un délégué du Lichstenstein et une déléguée danoise échangeaient en anglais. Cela s’est encore accentué depuis le milieu de la décennie 1990 (diverses adhésions, Finlande, Suède, Autriche, en 1995). Puis au cours des années 2000 (Chypre, Pays Baltes, Hongrie…).
Et que parlent les « Exiters » de Bruxelles et de Strasbourg entre eux ? L’anglais. Allemands et Français doivent s’y résigner.
C’est un peu dommage. Le français fut longtemps la langue diplomatique par excellence, et l’allemand, très apte à conférer à un concept complexe une dénomination (parfois longue comme un terme aggloméré gallois), est un formidable langage subtil.
Mais avec l’anglais, je me débrouille avec tous les chauffeurs de taxi du continent européen. Et de même sur le pourtour méditerranéen. Y compris, en de rares occasions, au Maghreb. Il en est de même en Israël, et j’imagine, désormais au Liban. Donc, en Afrique dite « francophone », avec les commerçants libanais (bientôt supplantés par les chinois). Un mot espagnol vous manque au Mexique ? Tentez l’équivalent anglais.
Il y a bien sûr des résistances : j’ai connu un polyglotte alsacien, spécialiste du pachtoune et du persan, qui affectait de ne pas parler l’anglais. But, marooned. Coincé. Il lui fallut bien, maintes fois, y recourir.
Peut-être que sous « Commission européenne », sous des pupitres, nous ajouterons (intercalerons Europäische Kommission), à European Commission. À quel coût ? Le symbole en vaut-il la chandelle ?

À Rome, faites comme les romains : fuyez les restaurants

Les gargotes de Rome salent les notes à la tonne

On ne compte plus les anecdotes sur les restaurateurs de Rome fusillant des touristes à leurs caisses avec des notes exorbitantes. Mais jusqu’à présent, il s’agissait essentiellement de touristes étrangers. Cette fois, des provinciaux italiens se sont vus exiger 22 euros pour un hot-dog.
Blague napolitaine qui me fut contée, à Napoli, par un Napolitain. C’est à Naples, et un visiteur se targue de très bien connaître la ville, d’y séjourner fréquemment, &c.
  Et vous n’avez jamais été volé ?
—  Euh, non…
   Alors, c’est votre premier séjour à Naples.
À Rome, si je vais au restaurant, c’est dans l’un ou l’autre des modestes établissements proches de la gare Roma-Termini. Jamais ailleurs (ou presque). Et si je vais dans des quartiers touristiques et que j’ai soif, je m’approvisionne dans un hypermarché.
Pour cause. Si vous ne regardez pas soigneusement les tarifs des menus, vous risquez de devoir régler une addition faramineuse, exorbitante, insensée, y compris pour des « plats » très, très ordinaires, ou des boissons comme de l’eau du robinet en bouteille.
L’un des premiers cas à ma connaissance remonte à 2009. Un couple de japonais avait dû régler 695 euros pour un dîner très ordinaire proche de la Piazza Navona.
Régulièrement, la presse (étrangère et italienne) fait état d’abus. C’est par exemple une famille britannique se voyant réclamer 64 € pour quatre cornets à emporter par un glacier situé près de la place d’Espagne. C’était en 2013. Il s’agissait de l’Antica Roma, via della Vite, qui facture le supplément chantilly (ou approchant) à 3,50 €.
Plus proche : fin septembre 2019, un autre couple japonais se vit réclamer 430 euros pour deux assiettes de spaghettis au poisson et… deux verres d’eau municipale. Le patron de l’Antico Caffè di Marte (situé près de Sant’Angelo) a répliqué que le poisson était frais, que le prix aux cent grammes était clairement indiqué…
Mais le Caffè Vaticano vend un hamburger à 25 €, le cappucino doppio à huit, et ajoute 7,40 € pour le « service ».
D’autres établissements, comme à Venise — fuyez l’Osteria de Luca, qui perçut près de mille euros pour quatre plats insipides —, ajoutent au service un prix de couverts.
À chaque fois que telles arnaques sont relevées par la presse romaine, la municipalité proclame qu’elle prendra des mesures.
Résultat, cette fois, lundi dernier, Il Messaggero a fait état de l’histoire d’une famille venue des Pouilles qui a réglé près de 120 € pour trois hot-dogs, un sandwich jambon-fromage, quatre canettes de Coca et une eau minérale. 22 € unitaire pour du hot-dog. Plus le service à… 17,34 €.
Et comme cette fois il s’agit d’Italiens, cela passe encore plus mal.
Courant mai 2016, Il Messagero s’était livré à de rapides enquêtes… Le prix d’un jus d’orange passait du simple au double selon que le client soit un Italien ou un étranger. Un journaliste a commandé un cappuccino et un croissant au café du Teatro Marcello. Revenu plus ou moins déguisé en touriste (italien), il passe la même commande : le prix monte d’un tiers. Une Espagnole se présente : de deux euros (note initiale), cette fois le prix monte à 3,50 €. Puis, c’est une jeune Française qui se présente un peu plus tard. Toujours pour un cappuccino et un croissant, il lui est réclamé six euros. Soit le triple du prix réel. Mais cette fois, le reçu indique qu’il ne s’agit plus d’un cappuccino et d’un croissant mais de tabacchi.
La patronne a prétexté d’une erreur d’inadvertance de sa caissière, perturbée par « un problème de famille ». Mais n’a trop su expliquer une codification différente de la caisse (code « 1 bar » pour la note à deux euros, « 2 bar » pour celle à trois).
La mairie a promis de nouvelles mesures qui seraient (ou pas) annoncées mercredi 13 prochain. Et appliquées ?
Autre arnaque parmi tant d’autres, se laisser photographier auprès d’un déguisé en légionnaire ou centurion sans avoir discuté auparavant le prix. Idem pour les parcours en calèche.
En revanche, la circulation des pièces de 500 lires, très semblables à celles de deux euros, tend à se raréfier. Si une telle pièce vous est rendue, vous perdez donc deux euros mais vous vous consolerez : elle valait environ 1,50 €.
Là, ce n’est pas tout à fait une arnaque, mais faute d’avoir mis sur pied un service de police dédié à protéger les touristes, la mairie a promulgué des mesures pour protéger la ville des touristes… Comme manger ou boire dans la rue près de lieux touristiques, s’asseoir sur les marches de la Trinité-des-Monts, boire, mais non pas « à l’italienne » (il faut boucher l’écoulement d’eau qui ressurgit par le haut) aux fontaines publiques, &c. L’amende peut être de 150 €. En Italie comme en France, nul n’est censé ignorer la loi ou un arrêté municipal.
Cela étant, Rome et Venise ne sont pas les deux seules villes italiennes où les touristes se font rançonner (comme d’ailleurs à Paris…). À Milan, un grand apérol peut être facturé 35 €. Et bien « mouillé » avec cela (glaçons en abondance, généreuse dose d’eau gazeuse).

jeudi 7 novembre 2019

MST : après le sida, la dengue

Dengue : du moustique à l’homme… et à la femme

Selon un centre national espagnol de microbiologie, ce que rapporte El Pais, la dengue serait aussi une maladie sexuellement transmissible.
Ne me demandez pas ce qu’est la dengue, je ne suis pas plus épidémiologiste que ma tante, si elle en avait. Et puis, vous avez Wikipedia pour cela. Flemmard·e ? Bon, c’est un virus bénin ou mortel des pays tropicaux transmis par des moustiques.
J’ai eu deux copains ayant risqué d’y passer à cause des amibes, l’un diagnostiqué initialement pour une grippe (Michel Arnould, dit « Sousse », Libération), et l’autre je ne sais plus pourquoi (le Gaby, fameux restaurateur belfortain). Tous deux revenus de contrées lointaines (Philippines ou j’ai oublié où, Afrique). Plus Monique (Rémoise défunte, mais sauvée un temps par un médecin breton ayant décelé qu’en siphonnant son aquarium, elle avait été empoisonnée par des poissons des Grands Lacs). Autant vous dire que, sans être parano, ni hypocondriaque, un titre comme “uno de los primeros casos de tranmisión sexual de dengue…” me fait plus chaud que froid.
Comme le relate El Pais, c’est à l’hôpital Ramón y Cajal de Madrid qu’un gars revenu des Caraïbes (Cuba et République dominicaine), ayant contacté la dengue, l’a refilée à sa petite amie. Après des rapports sexuels non protégés. Et l’inverse ? Possible.
Grosse fièvre, érythème (voir ce mot), et douleurs intenses. Aïe, Ouille, Héloïse, fallut-il amputer (castrer) ? L’article ne le dit pas…
Toujours est-il que le moustique tigre, qui nous vient par containers d’un peu partout, transmet la dengue. Va-t-on aussi la transmettre à nos partenaires (et vice-versa ? Hélas...).
La rose a des épines, la dengue des variantes. Celle de Cuba n’est point celle de l’abonné du 22 asniérois. Mais demain ?
Il paraîtrait qu’un autre cas de transmission telle fut repéré en Corée. Et même qu’à Murcie, au sein d’une famille peu ou nullement incestueuse (pure supputation : ni calomnie, ni diffamation), mais ce serait une autre histoire liée au moustique tigre.
Et attention, il y a eu des cas d’infections « autochtones » (dus à des moustiques issus de l’immigration) en France et en Croatie.
Se méfier des Françaises, des Croates et des Espagnoles et Catalanes car le virus fut détecté dans les « flux vaginaux » (traduction libre pour sécrétions, ou mouille).
Pour le moment, j’en ris… jaune. Arrgh, nous sommes déjà vendredi, dimanche pleurera.
Car avec le réchauffement climatique, les moustiques… Et qui s’y frotte s’y pique.
Comme le chantait Dutronc, je fus aventurier ayant beaucoup bourlingué. Naguère, cela épatait quelques donzelles. Mais à présent, se méfieraient-elles ?
Mesdemoiselles, à présent, défiez-vous aussi du gars d’Bezons. Une tigresse lui a peut-être planté son dard dans le râble.
Et de fil en aiguille, si votre culotette cherra… La dengue adviendra. La peste soit de la vérole et des vérolé·e·s.
Va-t-on chanter, « sous la moustiquaire vient t’asseoir, Yvonne… » (Botrel) – « puisque ton RER va repartir bientôt, Kenavo… ».
J’ai les boules (euh, les foies). Je bravache, je matamore, je tartarine… Brandissant ma raquette électrifiée tue-moustiques.
Il me semble bien que j’eusse traduit une nouvelle de Tom Coraghessan Boyle à propos du préservatif intégral (Grasset éd.) couvrant des cheveux aux ongles des orteils (et réciproquement, de bas en haut). Issue de If the River was Whiskey. Modern Love. Si tu me lis, Tom, saches que… Nous y sommes.

Brexit : à l’aune électorale, que de vestes retournées

Défections et coups bas marquent la campagne au R-U…

Il semble qu’il n’y ait que des élus ou caciques du Plaid Cymru (Wales), du SNP (Scotland) à ne pas retourner leur veste ou virer casaque ou à se présenter contre leur parti alors que la campagne électorale britannique tourne vilain.
Je ne vais pas vous abreuver de détails : des conservateurs qui se présentent sous l’étiquette indépendant, des travaillistes désavouant leur formation (et surtout Jeremy Corbin), et même un Lib-Dem se maintenant contre l’avis de Jo Swinson…
Pour ce dernier, cela découle du pacte électoral des Remainers (Unite to Remain), soit les Verts, le Plaid Cymru et le Lib-Dem. Cet accord, portant sur 60 circonscriptions, fait des remous à la base. Il est censé faire gagner une quarantaine de sièges à ces trois formations, mais les analystes ne prévoient guère qu’un gain de cinq ou six.
Cette campagne est déjà marquée par des gaffes de toutes parts, et surtout par des coups bas.
En témoigne la une de ce vendredi du Daily Telegraph, mettant encore plus en relief les propos de Boris Johnson sur le Labour. En gros : les travaillistes veulent mettre à genoux la classe moyenne tel Staline massacrant les koulaks (les agriculteurs pas trop indigents). Cela donne le ton.
Plus agressive encore, cette prise de position contre Corbyn et le Labour de la Jewish Chronicle. Certes, Corbyn et d’autres travaillistes ont prêté le flanc à l’accusation de, comment dire ? L’antisémitisme ne vise plus tous les sémites ? Il n’y eut que les Juifs (très majoritaires) à être exterminés dans les camps de la mort ? Je ne suis pas le moins du monde révisionniste. En revanche, l’appellation de sioniste, autrefois plus qu’honorable, prête désormais à confusion. Et des Juifs de partout (Israël, Amérique du Nord, du Sud, Europe…) en conviennent. Et ce n’est pas de leur fait.
Corbyn a répliqué : il est anti-raciste, des Juifs sont membres du Labour, &c.
J’ouvre une parenthèse : en France, le « vote juif » était un mythe, y compris en Alsace. Il est désormais activé par l’extrême-droite… comment encore dire ? Judéo-opportuniste, clientéliste ?
Tout cela est fortement détestable. N’allez pas me faire dire que les torts sont partagés et que je m’en lave les mains. Ils sont partiellement partagés (entre de multiples composantes, dont de franches anti-Juifs, s’assumant, soit par convictions dévoyées, soit pour vendre leur soupe nauséabonde ; et entretenue par un complot Trump-Poutine-Netanyahou & co ? Allez, foin de billevesées).
N’empêche… Une travailliste, Ms Kate Ramsden a considéré que l’État d’Israël évoque « un enfant persécuté devenant un adulte persécuteur ». On ne doit pas le voir ainsi : « l’État » israélien n’est pas la Nation israélienne. Ce qui se vérifie, y compris sur place (voici un an, j'y étais).
Pour moi, Kate Ramsden a gaffé… Aggravant son cas en estimant que les accusations visant Corbyn provenaient du “wealthy establishment”. Celui lui a coûté son investiture.
Et chaque jour, une nouvelle gaffe, provenant d’un bord ou de l’autre, va émailler cette campagne électorale. Ébranlant la cohésion britannique davantage que le terremoto romain endommage le forum et le Colysée.
Je m'en mêlerai, je gafferai... C'est devenu quasi-inévitable car tout peut être de nos jours (et de ceux d'hier, et avant-hier) interprété pernicieusement de travers. Rappelez-vous Siné et son « il ira loin ». Mon insignifiance m'y autorise, en quelque sorte. Mais, pas davantage qu'à d'autres, ma bonne foi ne saura constituer de circonstance atténuante aux yeux de qui voudra la contester.
C'est ce qui pend au nez des commentateurs « autorisés » des instances européennes.
Toute déclaration exposant au backlash inévitable. Triste époque.

Via Facebook, des arnaques de plus en plus futées

De l’hameçonnage sans filtre sur FB ?

Hameçonnage ? Je me suis préservé de vérifier… Voici environ cinq heures, sur FB, une publicité prétendant avoir été passée par Le Figaro. Menant à un site contrefait. Pour un peu, je m’y serai laissé prendre.
Belle publicité de « LeFigaro FR » ? Elle met en valeur un article affirmant « Apple donne des iPhones gratuitement ». J’aurais dû me méfier. Figurait la mention « sponsorisé » et la provenance « LeFigaro-24 Site ». Mais bon, pourquoi pas ?
Je suis... vers un site habillé à la manière de celui du quotidien. Un article, calibré Fig’ (titre, chapô) d’un certain Caleb Spencer. Titre : « Le plus grand vendeur de produits Apple distribue gratuitement des iPhones en France ». Bien rédigé… Juste une faute typographique (m2, chiffre aligné et non en exposant, pour mètre carré). Quand même une faute d’accord (« quasi-totalité des téléphones (…) pas été détruit ») par la suite. Mais on lit en mode survol (et c’est à la relecture que je la décèle). Puis un lien. Vers un site (iphxmax.chingforblingz.extention) qui n’a rien à voir avec la marque ni l’un de ses distributeurs… J’ai fui.
Là, j’y retourne et constate, en bas de page, une incitation à concourir pour gagner un iPhone XS Max. Assortie d’une période d’essai « pour un service d’abonnement affilié » au tarif de… 65 euros mensuels « automatiquement prélevés sur votre carte de crédit ». Légal ? J’en doute fort.
J’avoue, c’est bien fait… Sur la page du faux site du Figaro, utiliser un onglet renvoie vers le site du quotidien. Mais si vous remontez l’arborescence (Accueil>Actualité>Socité), vous aboutissez à une page 404.
Si j’ai bien compris le système Facebook, les publicités sont publiées sans vérification en amont et Facebook Inc. s’en remet à ses utilisateurs pour signaler les éventuelles frauduleuses… Qui sont alors masquées… pour seulement celle ou celui effectuant le signalement ?
C’est quelque peu risqué de la part de FB. Car cela jette la suspicion sur tout contenu sponsorisé. Qu’il provienne de, par exemple, la SNCF, et d’autres annonceurs fréquents et présumés crédibles.
Là, je vois une nouvelle annonce mirifique. D’une société HostnFly promettant que, loué ou non via AirBnB, votre appartement vous rapportera pendant votre absence. HostnFly serait une « conciergerie » assurant la remise des clefs au(x) locataires… Et pourquoi ne serait-ce donc pas une officine répartitrice d’adresses entre des aigrefins qui prendront connaissance de vos dates d’absence ?
Qui garantit que le « Grand Jeu » Carrefour (« 100 % gagnant ») n’est pas un coup fourré ? Peut-être par le fait que, pour ce contenu, vous pouvez consulter les commentaires… Ce n’était pas le cas pour celui de « LeFigaro-24 » qui pourtant affichait une liste de commentateurs.
J’en viens aussi d’ailleurs à me demander si des ami·e·s ou connaissances identifiées publiphobes « aiment » véritablement tel ou tel annonceur. Leurs noms (au moins un) s’affichent pourtant parfois au-dessus de ces publicités. Je ne les vois pas, par exemple, s’abonner pour recevoir « des plats ultra-frais » (autre publicité). Je veux bien admettre qu’Untel ou Unetelle apprécient le quotidien La Croix qui offre trois semaines d’accès (« sans engagement »). J’attends de voir un libre-penseur notoire « aimer » le Centre évangélique d’information et d’action (autre annonceur).
Quant à cette publicité « Le Figaro » contrefaite, je découvre à l’instant sur Le Monde (rubrique Pixel, 17 sept. dernier) que le quotidien s’est fait lui aussi contrefaire et qu’il existe « au moins une dizaine de ces faux sites sur Internet ». Et que, prévenu « Facebook a ensuite fait cesser la diffusion des messages correspondants ». Sans porter plainte ? Sans prendre la moindre disposition pour que de telles arnaques ne puissent se reproduire ?
Comment passe-t-on de la complicité passive à la complicité par abstention aggravée ? J’avais cru comprendre que « seule la complicité par simple abstention », dépourvue le la volonté de s’associer au comportement délinquant, peut « être exclue du champ de la répression ». N’y a-t-il pas incitation morale à commettre la duperie ? L’omission de signalement à la répression des fraudes ne constituerait pas une complicité ?
Alors que la victime d’un piratage du fait d’un cybercriminel peut être poursuivie pour complicité passive, car ne pouvant se prévaloir de son ignorance (encore moins de ses propres turpides), de tels faits, répétés, de… collusion ? devraient être tolérés indéfiniment ?
Autre approche : sur mon « mur », je vois de nombreuses contributions relayant des articles de presse. Jamais vu celui du Monde du 17 septembre. Étonnant.
Qu’on m’explique…

Brexit : le Brexend n’est pas entré dans le Brexicon

Un peu de lexicologie pour s’aérer la tête

Cette nuit, j’évoquais la tribune de l’académicien Jean-Marie Rouart dans Le Figaro se lamentant, après tant d’autres, sur la contamination du franglais. Ce après, hier, avoir présenté Le Livre des mots inexistants. Et poursuivant sur cette lancée…
C’est un marronnier : presque toute nouvelle édition d’un dictionnaire est précédée d’une série d’articles de presse annonçant les nouvelles entrées.
Souvent des néologismes, comme ceux de l’ouvrage de Stefano Massini (Le Livre des mots inexistants), des mots étrangers ou des créations argotiques ou jargonnantes.
Hélas, les sortantes sont rarement signalées. Ces entrées antérieures, éliminées, resurgissent parfois ultérieurement sous une forme dérivée, moins souvent identiques (pensez, exemple imaginaire, à l’appellation d’un plat médiéval remise au goût du jour par un chef contemporain renommé).
Eh oui, si on fait du neuf avec du vieux, il faut surtout élaguer pour faire place aux mots nouveaux.
Je ne sais plus quel éditeur de dictionnaire(s) avait fait appel au public pour lui signaler des mots repérés ou inventés susceptibles de devenir des « candidats » (nouveau mot susceptible de se transformer en entrée). Merci, si cela vous évoque quelque chose, de me le signaler.
On peut faire mieux, on fera mieux, avec les mégadonnées. Soit le traitement de millions de numérisations, d’enregistrements. Au départ d’articles de presse, d’émissions de radio ou télévision, peut-être aussi par après transmis par Le Grand Frère (Big Brother) ou les écoutes téléphoniques. Une vraie binge-watch lexicologique (expression entrée dans le Collins en 2015). C’est déjà en cours mais la maison Collins a pour l’instant recours à Corpus. Soit un moteur de recherches scrutant les sites et les réseaux sociaux pour déterminer des candidats.
C’est ainsi que furent repérés les expressions récurrentes du veganspeech : vegangelist, veganaise (ersatz de mayonnaise egg-free), seitan (qui serait à la viande ce que Canada Dry, au « vrai » gingembre — de synthèse —, est à l’alcool).
Cette fois, Collins a décidé que climate strike était « l’expression de l’année ». Pendant la grève, ne vous contentez pas de replanter, passez au réensauvagement (rewilding), qui va plus loin que l’écoforesterie (Le Robert 2019) à la sauvage (sauvageonnage ?). Les rétifs au hopepunk, comme Catherine Bertrand (auteure de l’album de coloriage L’Anti Mandala, déjà évoqué ici), s’en forment une autre idée. Serait-elle non-bopo, Catherine Bertrand ? Soit opposée à la “body positivity” ? Que prône le dernier Siné Madame ? Voyez « SinéMadame en panne de libido ».
Et le Brexit dans tout cela ?
Eh bien, de B à R, c’est la petite douzaine de mots du Brexiton (Brexit+lexicon). Soit Brexiteer, brexiety, flextension, Remoaner (sub. masc. formé sur remain et râleur ou lamenteur ; ou gronsoneur ; de gronsoner ou gronsonéir,   groucer, groucher)  — tel le crocodile pleureur).
Beaucoup plus intéressant, le verbe to milkshake. En « bon » français, entarter (voire godiner). Soit chausser au moine ou frapper au lait ? En fait, balancer un smoothie à la Noël Godin. Ou encore le cakeism (fait de se faire Hans im Schnokeloch ou de vouloir beurre et argent du beurre, to have your cake and eat it, les meilleurs de deux mondes incompatibles, c’est selon) Le stockpiling consiste à faire des stocks (en prévision du Brexit, de l’arrivée ou du retour de Jeremy Corbyn ou de Boris Johnson au pouvoir, c’est selon). La, le Brexend, trop incertain(e) n’est pas du nombre…
Si vous écoutez Europe 1 et le « monde changer » vous aurez peut-être aussi reconnu sur des affiches un(e) non-binary. Soit a she ou an he usant de they pour se, s’indéfinir ? Se dégendrer ?
Un(e) influencer est aussi recensé(e). Non point un inducteur, mais un influenceur. Surprenant… Que ce terme apparaisse si tard… Tout comme entryist (entriste). Notez les dérivés d’influencer : kidfluencer, grandluencer, petfluencer… Je suis, ou plutôt mon coton de Tuléar, un éminent petfluencer (quand cet enfant paraît, le cercle de famille cynophile s’élargit, voyez-le là : « le labradoodle ou le toutou-faux »).
Très, que voilà donc un excellent inducteur (psycho-digressif. Car le verbe chienetchater (to cat-and-mouse ; et a cat-and-mouse situation) a fait précédemment son apparition, avec des définitions différentes dans le Collins, le Cambridge Lexicon, le Merrian-Webster et l’Oxford Learner’s (et d’autres). Pas si digressif, en fait car, que fait la lexicologie à l’usage des dictionnaires avec la langue de la halle (aux draps, pour se coucher en chapon, voyez Duneton) tel un du Bellay défenseur, illustrateur et enrichisseur-épurateur de la langue écrite ? C’est jouer au chat avec des souris qui surgissent ou s’enfuient…
Notez aussi qu’un(e) sosage n’est pas si wise (sage, avisé) que cela mais comestible (comme la, le tofurkey, à base de tofu, un dry nord-américain de dinde, voir supra Canada).
Nul deepfake dans ce qui précède.
Ne pas confondre « frappe climatique » et « grève climatique ». Climate strike est ainsi traduit (frappe) de l’ukrainien par Google (intéressant article d’Espresso TV 24 sur ces mots sélectionnés par Harper Collins Publisher).
Enfin notez que si to double up existait (se plier en deux, de rire, de peine ; partager une chambre ; faire la culbute soit revendre au double, selon le contexte), double down, qui a parfois la même signification (doubler sa mise, voire mettre les bouchées doubles), revêt une nouvelle acception : celle de s’enferrer ou de persister en affrontant l’adversité.
Des mots nouveaux, il en gouttine (ex-belgicisme entré au Larousse) parfois dru (oxymore). Trop hélas s’assèchent, se momifient, s’enfouissent. Consultez Les Mots disparus de Pierre Larousse (coll., 2017, Larousse éd.). Ou Les Disparus du Littré (Héloïse Neefs, 2008, Fayard). Mais, certains d’entre-eux, peut-être ressusciteront après un détour par… l’anglais, ou quelque idiome… velche.

Brexit : que les 27 observent et se taisent !

L’UE doit interférer le moins possible dans les élections britanniques

Deux adages que les 27 et Bruxelles feraient bien d’observer : wait and see, keep calm and carry on. Bien sûr, il n’est pas question de laisser des candidats britanniques énoncer de flagrantes et abusives contre-vérités. Mieux vaut bien (rien) faire et laisser dire…
Donald Tusk regrettait n’avoir pas dénoncé les mensonges flagrants des Leavers lors du référendum. « Passe encore » de la part d’un président sortant. Mais il aurait certainement pu attendre de publier ses mémoires pour l’exprimer.
Mais quel est l’intérêt, pour l’Union européenne, d’avoir un Jean-Claude Juncker estimer que l’approche prônée par Jeremy Corbin est « irréaliste » ? Discutable n’aurait-il pas suffi ? Tusk n'est pas Talleyrand. La presse britannique se charge amplement d’expliquer comme lui que, quoi que Boris Johnson puisse en dire, négocier un accord de libre-échange prendrait sans doute plus d’un an (après deal ou no deal).
Et pourquoi donc Michel Barnier a-t-il estimé opportun de déclarer que pas même Nigel Farage n’a su lui exposer la « valeur ajoutée » du Brexit pour le Royaume-Uni ? Redire qu’un dumping fiscal de la part du pays sortant ne serait pas acceptable suffisait amplement.
Pour critiquer le Brexit et les Leavers, de nombreux Britanniques s’en chargent. Ainsi de Jo Swinson ou John Bercow. L’ex-Speaker conservateur a considéré que le Brexit constituait « la plus grosse erreur du pays depuis la guerre ».
Le comble est peut-être d’avoir fourni des éléments de langage à une porte-parole de la Commission européenne alors qu’une conférence de presse ne s’imposait aucunement. J'vous en cause en ex-vaseux (communiquant), puis journaleux.
Selon ses dires, le protocole Theresa May aurait seulement été « clarifié » par Boris Johnson… Bref, ce serait un protocole à l’identique alors que, d’évidence, c’est faux.
Faux en raison de l’Irlande du Nord (les contrôles douaniers principaux s’effectuant dans les ports ou, en tout cas, plus à proximité de la frontière avec la république), dont l’assemblée pourra remettre en cause les dispositions de l’accord projeté sous un délai de quatre ans.
Cela peut donner l’impression d’abonder dans le sens de Nigel Farage et du Brexit Party dans l’intention d’affaiblir les conservateurs aux yeux des Leavers.
À rien ne sert to boo the Bo(jo) ou tout autre. Cela ne renforce que la hargne des tabloïds pro-Leave.
Sur le terrain, c’est très chaotique : des conservateurs, des travaillistes qui se retirent, d’autres se présentant en indépendants.
Rien à voir ? Je lisais, dans le Fig’, la tribune de l’académicien Jean-Marie Rouart sur « le franglais qui nous envahit ». Vieille antienne. Et le voilà qui en appelle à Étiamble, Cioran (romanophone, francophone, &c.). Je ne sais à quel point le « cancer » qu’il évoque gangrène (dit-on métastaser ?) les Britanniques. Devenus encore plus Européens (et « continentaux ») qu’auparavant. Le réfutant véhémentement pour certains. J’adresse à cet immortel — moins rapidement oublié que je le serai — ce dessin de Matt, du Telegraph… Angliciste, c’est la première fois que je constate que le mot « gaffe » (issu du provençal, du latin médiéval et du gotique ; non du gascon mais du Gaston de Franklin) était devenu usuel outre-Manche. Food for thought. Matière à réflexion…
C’est d’ailleurs pourquoi je souhaite que le fossé entre Angleterre et France se comble. L’anglois préservera peut-être le françois. En bon Breton, je préfère évidemment l’erse et le gallois (posture, vu que je ne pratique même pas le gallo). Comment énoncer cela en eurospeak ? Fight the fog. Au sens non pas linguistique (bannir la langue de bois, le jargon « bruxellois »), mais à celui littéral : dissipons les brumes entre les deux littoraux. Mais, pour l’instant, de notre côté : hush.

mercredi 6 novembre 2019

Néologisation : la dictionnairique trouvera-t-elle un générique ?


Question à deux balles : quid des dicos des mots inventés ?

Mots-valises, néologismes, mots inventés, mots imaginaires, mots inexistants, néovocables, mots tordus, mots tarazimboumants… Nombre de synonymes, mais existe-t-il un terme pour désigner les dictionnaires les compilant ?
Quand je suivais les cours du Déss ILTS (Industrie de la langue et traduction spécialisée, Paris-Diderot, campus de Jussieu), sa directrice était une spécialiste de la néologisation et nous avions aussi une professeure de dictionnairique.
Cette dernière (primo-dernière en date pour moi ? je n’avais jamais abordé auparavant sa discipline) nous avait soumis tout une série de vocables peu fréquemment (litote) recensés par les dictionnaires contemporains.
Ainsi de celui désignant un patriarche de je ne sais plus quelle église catholique non-romaine (syro-malabare, syro-malankare ?).
J’ai tout oublié de ce titre ecclésiastique (toujours en vigueur ou non ?).
Toute phobie ou presque est désignée par un mot ; mais la… quoi ? Dicophilie, philodico-kekchoz-nimportnawak ? Souffrez que je renonce à basculer en italiques divers mots allant suivre. Bref, ces innombrables dictionnaires de mots sortis des remue-méninges ébulliants de littérateurs, écrivains, et absents (jusqu’à nouvel ordre) des autres, les dictionnaires « autorisés », de référence et révérence, n’ont point (à mon humble connaissance et incommensurable ignorance) de mot pour les désigner. S’il en était un, en français hexagonal, ultramarin (québécois ou cajun aussi), sabir francophonisant, ou dans une langue étrangère, merci de m’en faire part.
J’avais collaboré, circa 1980, à je ne sais plus quelle édition du Harrap’s Slang & Colloquialisms. J’allais à la halle, près de carburo-stations-services, pour trouver les équivalents français du jargon des cibistes. Je relisais Paul Wenz (dit Paul Warrego) — non, ce n’est qu’une décennie plus tard que je lus son Diary of a New Chum, mais je le glisse en cuistre — pour tenter de trouver des mots australiens qu’il aurait pu franciser. Là, flemme de consulter la contribution d’Arnaud Léturgie (univ. Cergy-Pontoise), « Une pratique lexicographique émergente : les dictionnaires détournés ». Il semble s’être retenu de créer les mots diconéomorphologique, diconéomorpho-sémantique et diconéosémantique.
Dans sa biblio, je trouve Robert Galisson et ses « dictionnaires de parodie ». Pas de mention d’abutyrotomofilogène (ou niaisoxyloglotte, faibloxyloglotte, déficientissimoxyloglotte ?).
Comment vous vient ce questionnement ? Eh bien, je vais vous le dire…
Aux multiples dictionnaires de ce type vient depuis peu de s’ajouter un nouveau dictionnaire apocryphe (suggestion d’Alain G. Leduc). Il s’agit du Livre des mots inexistants (éds Globe) ou Dizionario inesistente (Mondadori). 256 pages traduites de l’italien par Nathalie Bauer. Je ne m’imagine même plus traduire de l’anglais un ouvrage similaire (ni même de l’espagnol). Tour de force. On songe aux traducteurs de Joyce.
L’auteur, Stefano Massini, qui ne sera pas « absent de Paris » (formule tombée en désuétude) le 26 novembre prochain, à 19 h 30 au musée d’Art et d’histoire du judaïsme (ou MahJ, rue du Temple à Paris), évoquera aussi son précédent ouvrage, Les Frères Lehman (prix Médicis de l’Essai 2018). Qui traite de Bavarois émigrant aux États-Unis. Ariel Wizman sera son interlocuteur. Comme quoi j’avais tort de présupposer que l’auteur et dramaturge florentin venait au musée en marge des interventions d’Alessandro Guetta (c’était le 15 septembre dernier) et d’Arnaud Bikard (tous deux de l’Inalco, et ce sera pour lui le 15 janvier) sur les juifs d’Italie à la Renaissance (pour le premier) et Élia Bahur Lévita, poète yiddish de Nuremberg qui se fixa à Rome et Venise après 1500 (pour le second).
C’est érudit, ce Livre des mots. En témoignent ces quelques exemples :
Mapucher : ce verbe transitif, dérivé de la longue guerre d’Aurauco, menée par le peuple Mapuche de 1536 à 1881, indique une forme extrême d’engagement dans une cause. Ainsi « mapucher une dispute familiale » signifie « transformer un conflit en hostilité acharnée et permanente ».
Grantairique : adjectif, dérivé de Grantaire, personnage des Misérables, qui définit un pacte d'amour, d'amitié ou de collaboration l'emportent sous toutes sortes de liens.
Hearstien : adjectif, dérivé de William Randolph Hearst (1863-1951), qui définit l'attitude contradictoire de qui se voit contraint d'agir contre ses principes, valeurs ou opinions.
Parksien : adjectif, dérivé de Rosa Parks (1913-2005). Qui définit une conquête mémorable née d’un petit geste.
Faradien : adjectif, dérivé de Michael Faraday (1791-1867), qui désigne l’état d’âme de ceux qui se sentent sous-estimés. Car, quoi que vous fassiez dans la vie, il y aura toujours quelqu'un pour vous traiter comme un domestique.
Je fus un éminent faradien, ce qui est plus honorable que faiseur…
Pour Rosa Parks, je subodore confusément (son petit geste consista à se caler les fesses dans un bus, à contester une amende avec l’appui de Martin Luther King ; petit fessier, grande conséquence).
Pour le magnat de la presse Hearst, promoteur du yellow journalism, j’avoue patauger. Je vous laisse deviner ce que désigne le hookisme, la fusagie et le dottisme, l’adjectif caransébique. Allegro dottissimo serait-il un oxymore ? En tout cas, festina lente de venir à bout de ces quelque 250 pages pesant presque leur livre (et vous allégeant de 24 euros).
Cela étant, ce livre est moins un dictionnaire qu’une réunion de récits, d’évocations de personnages (le substantif birisme découle du nom des inventeurs hongrois du stylo à bille, et le bichisme du patronyme du baron franco-italien dont les rasoirs « rasent plus blanc » et qui acquit le brevet). Le spilungone hongrois (l’échalagesque ou échalasique magyar ?) vous est présenté en long (et à travers ses pérégrinations sud-américaines).
En Déss ILTS, nous traitions aussi du traitement automatique du langage (correcteurs, traducteurs, textomètres, &c.).
Je vous suggère vivement, surtout si vous pratiquez l’italien, de trouver les pages des sites ayant traité de ce dizionario et de le passer à la moulinette Google.
Cela donne par exemple :
« Parmi les autres bières, pas pour rien, László est connu - plus que pour ses longs silences - pour ces plaisanteries éblouissantes et très justes qui le déclarent soudain, non seulement vivant et bien, mais plus féroce et fouetteux que jamais. ». Sferzante, ici cinglant, devient fouetteux… Et ces « bières » sont des comparses de libations du bon-vivant. Et non des linceuls lorrains ou des suaires souabes.
Je ne sais comment la consœur a pu traduire l’entrée liarismo. Il ne s’agit pas de King Lear, mais de l’empereur des hâbleurs, l’Australasiano-suisse Louis de Rougemont (en fait, Henri Louis Grin, un Vaudois).
Un personnage qui a sans doute ravi l’ami Éric Poindron (amateur de girafes, animaux qui passèrent un temps pour des chimères). S’il en est un qui se délectera de ce Livre des mots inexistants, ce sera très certainement Poindron (assurément lecteur de Chifflet et Jean-Marie Gourio). Alain (Georges) Leduc — grand amateur de bières — ne saurait non plus rester insensible à cet éloge de László Biro, pilier de bistro. Et je pourrais mentionner maints et maints autres compères, picaros de comptoirs, amateurs de Villon, Rabelais, Boby Lapointe et tant d’autres. Je devrais d’ailleurs ici les mentionner tous car, lors d’étrennes ou d’anniversaires, l’ouvrage risque de circuler (bah, elles, ils, trouveront bien à offrir à d’autres ce second ou troisième exemplaire…).
Avis aux aminches houblonistes, évitez le doublonisme : de cette maison, Globe, offrez-moi plutôt Nomadland, de Jessica Bruder (trad. par Nathalie Peronny). Cela me ravivera des souvenirs… d’hoboisme (nord-américain).
Au fait, quel néologisme pour un collectionneur-collecteur d’imaginaires, comme Massini (Bernard, fameux amateur de peinture) ou Massini (Stefano) ?
Cogitez.

Mutuelles santé : plutôt crever (dans le fossé) !


Des reniements des idéaux mutualistes

Vieux barbon (senior « avancé »), affligé et perclus (modérément), je n’ai pas d’assurance complémentaire et n’en aurais pas avant… jamais, longtemps ? Déjà parce que juste au-dessus du seuil pour obtenir une aide de la collectivité (vous), surtout parce que… le mutualisme ? Aucune envie de gaver ses dirigeants.
J’ai vécu à Niort, ex-« capitale des mutuelles » (comme Cholet des mouchoirs), mon fils fut employé dans une mutuelle d’assurances diverses, je fus agent général d’assurances d’une société mutualiste (pas vraiment longtemps, et par défaut).
Le mutualisme, quelle belle idée ! Un peu comme le communisme, avant que ses chefs de file ne se vautrent dans des datchas, des palais, roulent en limousines.
Le mutualisme s’exemptait de dispendieuses campagnes de publicité (payées par les adhérents). D’opérations de relations publiques (diverses, dont de soutien à des manifestations sportives, à des navigateurs : voir les Banques « populaires ») dont le coût est ponctionné sur les sociétaires (cotisations, frais bancaires).
Le mutualisme n’est plus. Ses dirigeants s’empiffrent, rétribuent grassement des présumés « sachants » (licencier, au besoin, regrouper les services, améliorer la productivité des salariés…).
Voici plus de trois lustres, une infirmière me mit en garde : sans assurance complémentaire, j’aillais un jour en baver grave. Eh bien, qu’il en soit ainsi, et que j’abrège par mes propres moyens. Plutôt crever que de contribuer à la pérennité d’un système dévoyé.
J’en ai vu, connu, côtoyé, des dirigeants syndicalistes à gros cigares, des présidents de sociétés mutualistes (et leurs cadres supérieurs, actuaires et autres, qu’ils ont recruté) se vautrant dans l’aisance. Et pour ces derniers approuvant toute mesure visant à maximaliser les profits en sélectionnant les risques. J’en ai connu des mutualistes siégeant au Conseil économique et social.
La pire arnaque, l’assurance obsèques mutualiste. Crédit mutuel (enfin, la principale fédé, à la tête de multiples titres de presse régionale), Macif, Malakoff-Médéric, et j’en passe… L’assurance obsèques, « case ruineuse » selon les associations de consommateurs.
Plutôt la fosse commune ! Le suicide au bord de la falaise à marée haute… Rien qu’en trois ans de cotisations, il y a de quoi s’offrir un décès sur une côte infestée de requins, un désert survolé par d’innombrables charognards d’un autre genre que les dirigeants mutualistes.
Il fut un temps où l’on cotisait en fonction de ses revenus (c’est toujours le cas, d’une certaine manière : on opte pour la couverture la plus complète, et on multiplie les actes médicaux aux dépens de celles et ceux ne pouvant souscrire qu’à la moindre, et hésitant à se soigner). L’offre antérieure était claire, sans options, sans diversification des stades ou strates multiples de garanties. La tarification liée au revenu a rétréci telle une peau de chagrin.
Je logeais, à Angers, rue Saint-Aubin, au-dessus de la Pharmacie mutualiste. Devenue Pharmacie des Halles (rue Baudrière). La Mutualité Anjou-Mayenne l’a cédé à une minime fraction du prix du stock, de la valeur immobilière. C’était en 2016.
Et toutes les mutuelles engraissaient la Fédération nationale de la Mutualité française (environ six euros par adhérent), histoire de payer des gueuletons aux dirigeants, de grenouiller dans les couloirs des deux assemblées et à Bruxelles. Mais la Matmut, se rapprochant d’AG2R La Mondiale, a cessé de verser. Trois millions d’euros quand même, la contribution de la Mamut. Employés à quoi ? Vous me posez la question ? Eh bien, je ne sais vous répondre. Peut-être à rémunérer des coquins et copains d’officines diverses, des groupes de réflexion élaborant de nouveaux moyens de vous traire. Votre mutuelle est-elle vraiment une mutuelle ? Vous pressentez la réponse : non. Aucune, sauf exception que je recherche en vain.
On reparle de Richard Ferrand et des Mutuelles de Bretagne ? Nul besoin. Tout le monde à compris. Pas vraiment un bénévole… C’est l’image même de ce qu’est devenu le mouvement mutualiste.
S’il subsistait des (rares) rares exceptions, merci de m’en informer. Je me suis documenté, pas encore trouvé.
À cela s’ajoute la complaisance avec les pratiques du data mining. Prenons la GMF (branche assurance IARD et automobile). Qui sait déjà tout de vous ou presque, mais, quand vous vous rendez en agence, oblige à finaliser un avenant en ligne. Histoire de piller vos données ? Je ne vais pas aussi loin (faute d’envie de vérifier, de creuser). Données revendues à des annonceurs ? Un mutualiste n’est pas un prospect « merchandisé ».
C’était mieux avant ? Oui, de ce point de vue informé des idéaux initiaux mutualistes. C’est réversible ? Sans doute non.
Alors, plutôt crever la gueule ouverte que de prêter main-forte à cette mascarade. Cela ne saurait plus trop tarder. Tête haute, droit dans mes nu-pieds éculés.
À la bouche une dérisoire chanson : « Mort aux vaches ! ».

mardi 5 novembre 2019

Brexit : and the Speaker is… Sir Lindsay Hoyle

Curieux Anglais : insulaires avant tout ?

Au revoir John Bercow. Voici Lindsay Hoyle, Speaker des Commons pour un jour (car le Parlement sera suspendu demain, mercredi). Deux lustres de John Bercow, conservateur remuant, et… Notez que c’est un travailliste qui succède à un conservateur.
L’actu, c’est bien sûr que Lindsay Hoyle, travailliste, succède à John Bercow, conservateur, en qualité de président des Commons. Mais c’est moins important que la décision de Nigel Farage de présenter 600 candidats d’en autant de circonscriptions. Soit, marginalement, de limiter la prédominance des conservateurs. En fait, faute d’accord ratifié entre le Brexit Party et les Tories, une sorte de compromis tacite entrera en vigueur : le Brexit Party visera en priorité les circonscriptions travaillistes à dominance Leavers (pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne), mais n’endommagera pas trop les conservateurs ailleurs. Ce fut un peu la stratégie de Donald Trump lors des dernières élections étasuniennes : mettre le paquet là où c’est le plus jouable.
Qu’en résultera-t-il ?
Peut être un hung Parliament (sans majorité). Sauf que… En Irlande du Nord, les républicains (le Sinn Fein) ont passé un contrat avec les Remainers (donc, le DUP, les unionistes, peuvent craindre de perdre au moins un siège). Sauf que… Je ne vais pas vous barber avec le SNP (indépendantistes écossais), troisième formation aux Commons en nombre de sièges. Ni trop entrer dans les arcanes des prévisions de résultat des prochaines élections.
Ce qu’il faut peut-être bien intégrer, c’est ce que dit Donald Tusk de Tony Blair. Pour les Anglais (j’exclus les Écossais et les Gallois), l’Union européenne (nouzôtres), ce n’était qu’une opportunité commerciale. Du business, pas autre chose. En d’autres termes : mieux se gaver. Inversement, d’autres intérêts ont estimé que l’Union européenne était un carcan.
Hier soir, un ami, A. G. Leduc pour ne pas le citer, me dit en substance « dessine-moi le Brexit ». Simple : d’un des intérêts financiers à court ou moyen terme et des ambitions politiques, de deux, divers Anglais (et, hélas, des Cornouaillans) vaguement fêlés du bocal. Qu’en Breton (« tête de con »), je comprends. Quoique, pour les Cornouailles, je me demande encore si les très nombreux Anglais s’y étant établis ne l’ont pas emporté. Tout anglophile, dont je suis, est un poil ou en plus velu encore anglophobe (modéré) ; les francophiles anglais réciproquement.
Cela étant, je partage l’opinion de Sébastien Lacroix, de L’Union (amicaux souvenirs au passage) : « Dites-vous bien que, si vous avez compris le Brexit, c’est qu’on vous l’a mal expliqué. ». Définition du Brexit : semi-oxymore, hémi-antilogie. Simplicius Simplicissimus (le personnage de von Grimmelshausen) et le Hans im Scnokeloch auraient pu en débattre longtemps pour arriver à cette conclusion : dans le Brexit, il y a à boire (dru et de travers) et à manger (indigeste), un peu de tout et son contraire.
Vu d’ici, il faudrait peut-être comprendre que the times, they’re a-changin’, que certes la France fut le meilleur soutient des États-Unis (des origines) ; mais que, depuis, la vassalisation du Royaume-Uni… Auquel il n’est proposé d’autre choix que de choisir son « joug ». Ce que je peux exposer sans risque me faire casser le portrait dans le plus proche débit de boisson de John O’Groats mais pas dans un pub du Yorkshire. C’est un peu ce qu’exprime autrement Jeremy Corbin (faut-il mieux être à la merci clémente de Bruxelles qu’à celle léonine de Washington ?).
Rien n’est simple, ni dans les propos des uns ou des autres, ni dans les arrière-pensées. Exemple : Jeremy Corbyn promet qu’en cas de victoire des travaillistes serait organisé un nouveau référendum et « en même temps » assure que son parti se fixe jusqu’au 20 juin pour obtenir de Bruxelles un meilleur accord que le protocole de Boris Johnson. Le conservateur Michael Gove se dit à la fois assuré de signer un accord de libre-échange avant la fin 2020 et néanmoins rappelle qu’il faut se préparer à toute éventualité (dont celle d’un no-deal, et d’interminables échanges sur les échanges commerciaux).
Dessine-moi le Brexit, ardu. Un, des Brexit, envisageable.
Mais prévoir le résultat des élections, même si les sondages conservent les conservateurs en tête, et ce qui s’ensuivra, alors là…
Pratiquement tous les partis (hors Lib-Dem et SNP, DUP peut-être) sont divisés. Une vingtaine de candidats potentiels viennent de quitter le Brexit Party. Lequel présente dans le Sussex un Australien-Américain qui n’a qu’un an de résidence au Royaume-Uni mais indique qu’il obtiendra à temps la nationalité britannique. Ce qui n’est pas un requis (tout citoyen d’un pays du Commonwealth peut voter et se présenter).
Eau chaude, eau froide, eau mitigée, chantait Boby Lapointe (Le Tube de toilette). Brexit dur, mol, dièse ou bémol, de toute façon, les prolongations seront sans doute aussi importantes que le type de protocole adopté (quand ?) par le Parlement et aboutissant à un accord. Comme l’a rappelé Michel Barnier, l’objectif de l’UE est aussi « zéro dumping » (fiscal). Pas de taxes, pas de quotas réciproques, mais en sus, pas de concurrence déloyale pour attirer des entreprises et des capitaux. Il faudra près de deux ans, estime-t-il, pour parvenir — ou non — à un accord de libre-échange.
En tout cas, la campagne s’annonce plus qu’animée. Les échanges de noms de poissons-volants vont voler et plonger plutôt bas. Le chanteur Stormzy vient de qualifier le conservateur Rees-Mog de « véritable étron » (“actual piece of s***”). Cela donne le ton. C'est vrai qu'il est gluant, Rees-Mog, l'affalé des Commons. On va jouer Shitty Shitty Bang Bang ; version gore.
C’en est à se demander si les Anglais, qui brassent autant de bières que les Français affinent de fromages, ne se sont pas francisés, devenant ingouvernables. Aucun des chefs des quatre principales formations (hors SNP, 36 sièges à Westminster) n’est vraiment populaire (voir le tableau du Daily Express).
Américanisés aussi quand on voit une publicité de la Fair Tax Campaign sur Facebook affirmant que voter travailliste condamnera à payer 214 livres de plus en impôts et taxes (quoique… en 1981, on vit des Français assurer que Mitterrand interdirait le PMU). Quand on sait que Moscou affûte l’infotox.
En fait, hier, c’était hier (qui se prolonge nonobstant), aujourd’hui est incertain, encore moins que demain… Pour le moment, la libérale-démocrate Jo Swinson assure qu’elle revendiquera le poste de Premier ministre et qu’elle exclut se rallier aux travaillistes.
Mais, selon The Sun, qui hurle au complot « remainiste », Jeremy Corbyn s’est refusé à dire qu’il ne révoquerait pas l’article 50 pour obtenir l’appui de Jo Swinson afin d’accéder à Downing Street… Pas de telle coalition, répètent les travaillistes… Mais dans cinq-six semaines, entre 35 et 40 jours, voire auparavant ?
Dans ce cas, le Brexit resterait le plus fort accès de fièvre que le Royaume-Uni aura connu en ces débuts de siècle…
Ce qui ne changera sans doute pas, c’est l’attachement des Britanniques à leurs innombrables et cocasses traditions… Le nouveau Speaker, Sir Lindsay, possède divers animaux domestiques. Boris (Johnson) le perroquet ; Gordon (Brown) le rottweiler ; Maggie (Thatcher) la tortue ; Betty une chienne terrier (du nom de sa collègue Mrs Boothroyd). Il a été désigné après quatre votes successifs puis « traîné » à son perchoir en faisant semblant de ne pas vouloir le rejoindre. C’est ainsi. Us pérennes. Toutefois, on ne sait s’il se coiffera de la perruque en crins chevalins de ses fonctions dont Betty Boothroyd puis Michael Martin et John Bercow s’étaient dispensés (en 1992). Bercow était allé plus loin en enfilant une sorte de blouse en lieu et place de la robe noire à parements et poignets blancs… Croyez-le ou non, un candidat malheureux au poste avait annoncé qu’il reviendrait à la tradition (remontant aux années 1680, wig et gown d’époque). Commentant ces déplorables infractions, The Telegraph avait condamné ces fâcheuses concessions à l’Eurostyle (comprenez : continental).
Kate Hoey (travailliste), saluant le nouveau Speaker, exprima sa défiance envers la « modernisation » et en appela au respect des traditions. David Lidington a plaidé pour « la restauration et le renouveau » de la culture et des mœurs multiséculaires des Commons.
L’une des erreurs commises lors de l’entrée du Royaume-Uni dans l’UE fut peut-être de ne pas doter les parlementaires européens d’une tenue solennelle, et de ne pas instaurer de rituels. Pompe et décorum.
Récemment, à Strasbourg, je vis un député européen (italien ? oublié son nom) prendre la parole, coiffé d’une casquette de base-ball portée sur le côté, tel un marlou de naguère la sienne de laine. Not cricket (incorrect) et même so shocking (indécent). Le Brexit, c’est aussi cela : proud to be a Briton… Comme le proclama George The Third accédant au trône (en 1760).
Je ne saurais dire si le sentiment majoritairement pro-Européen des Écossais reste en partie lié à la nostalgie de la Auld Alliance (avec la France).
Ce qui me semble sûr, c’est qu’au cours de cette campagne électorale britannique, Bruxelles et les autres capitales des 27 gagneront à s’abstenir de s’en mêler. C’est mal parti avec des déclarations de diplomates critiquant les déclarations « irréalistes » de Corbyn. Certes, Tusk a exprimé le regret de ne pas avoir répliqué aux mensonges et exagérations de Boris Johnson et de Gove au cours de la campagne pour le référendum. Mais il cède sa place au Belge Charles Michel, que l’on dit proche des positions d’Emmanuel Macron. Mais moins impulsif, plus modeste, que ce dernier.
Jusqu’au dénouement (fin 2020, fin 2021 ?) ne dessinons pas le Brexit…

lundi 4 novembre 2019

L’Anti Mandala de Catherine Bertrand : à (s’)offrir !


Un album à colorier en variées nuances de gris

C’est un cahier de coloriages pour ados et adultes (voire jeunes Mozart) un peu paradoxal car sous-titré : pour une vie sans détox, sans méditation, sans pensée positive. Pour gribouiller rageur ?
Un mot sur l’auteure de Chroniques d’une survivante (de l’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan), livre paru en octobre 2018 aux éditions de La Martinière.
Catherine Bertrand, dessinatrice, n’est pas son homonyme : il s’agit bien de la même, sortie de l’état de stress post-traumatique, comme on le nomme. Enfin, sortie…
Son dernier tweet remonte au 24 juillet dernier. Elle se rend à un guichet de la CPAM et son interlocutrice lui recommande un livre : « je le prends et je fonds en larmes (…) “je l’ai écrit”. ».
Alors, je ne sais quelle est la genèse de cet Anti Mandala (même éditeur). Mais j’imagine que Catherine Bertrand s’est vue conseiller de faire du yoga, des exercices de relaxation (« mon bras est lourd, lourd, lourd (…) mes membres sont lourds »), de méditation, d’absorber des fleurs Bach, et d’écouter la musique des sphères… Au point d’en avoir sa claque.
Je n’ai pas trop compris cette floraison de livres de coloriages pour adultes, pour la plupart de type Art & Craft, un poil neuneu parfois. Pourquoi ne pas se mettre au tricot ou à la broderie ? Ou à la calligraphie ?
C’est tout autant trognon-régressif, peut-être moins onéreux.
Mais Catherine Bertrand est une graphiste-illustratrice et après tout, nul n’est forcé à se munir de feutres ou crayons de couleur pour apprécier l'ouvrage. Les planches décrivent des moments, situations (embouteillages, panne de réseau…), et emm… du quotidien. Histoire de « rester en colère » ?
En tout cas, comme disait Winston (Churchill, pas la marque de tiges) : ”No sport!” Pétanque, tennis de table, croquet et frisbee pas trop athlétique restant tolérables. Mais pas la peine de forcer sur les pédales genre Sarkozy photographié par Paris-Match. Et marre de ces multiples injonctions à rester zen, à ingurgiter des racines bio, à s’accroupir face au grand large au lieu de s’affaler dans un canapé avec un album de BD.
Faire « le vide en soi » au lieu de s’envoyer une cannette ou un pastaga ? Très peu pour moi, et pour plein d’autres.
C’est d’ailleurs pourquoi j’achèterai ce livre, non pour réviser la roue chromatique, mais l’offrir. À qui me bassine. Au lieu de pousser une beuglante (dont l’efficacité pour soi-même peut entraîner des effets pervers, obliger à s’excuser, ou claquer la porte derrière soi en oubliant son paquet de clopes à l’intérieur et sans avoir vidé le flacon de grappa…), cet album offre une solution pratique : un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours, dit-on. Pas faux. Au besoin, on peut pousser le bouchon un peu plus loin : maculer les pages de sauce, d’encre de stylo-plume (pour qui en utilise encore), d’empreintes de doigts graisseux, de morve, voire de substances odorantes. Parfait aussi pour tenter d’écraser des mouches ou autres insectes avec avant de remettre au, à la destinataire.
Une quarantaine de planches au format 17×22 cm et 0,12 kg (pas commode à glisser anonymement sous une porte ou dans la fente d’une boîte à lettres, mais on pourra peut-être télécharger une version électronique et la retransmettre en pièce jointe depuis une adresse bidon).
Irais-je jusqu’à penser que dans un genre beaucoup plus édulcoré, cet album est à rapprocher de celui du dessinateur texan et gay Nathan Rapport (franchement porno) ? Last Night I Dreamt that Somebody Loved me est aussi un ouvrage de coloriages à portée thérapeutique (dessiné après une très pénible rupture amoureuse de l’auteur). En tout cas, si vous en avez votre claque d’un, d’une illuminée, qui vous gonfle à vous concocter des plats vegans tout en vous gavant d’alignements des planètes, l’offrir peut représenter un premier jalon judicieux. À vous d’en imaginer les multiples usages (familiaux, extra-familiaux, inamicaux). Ouvrage précieux et peut-être ô combien salutaire. À répandre sans modération.