samedi 30 janvier 2021

La base de Trump s’élargirait

 Et cela vaut aussi pour ses soutiens

Donald Trump était bien la « poule aux oeufs d’or » de divers médias, dont Foxnews, qui s’emploient à entretenir la ferveur. Ce qui paralyse encore les élus républicains s’opposant timidement aux trumpistes.


Alors que la sortie du livre de GraigUnger, American Kompromat (voir précédent billet) détaille largement l’influence du Kremlin sur Trump, on aurait pu s’attendre à ce que les élus républicains s’interrogent sur le traitement du Mueller report par la Maison Blanche trumpiste. Que croyez-vous qu’il advint, ce fut le contraire qui survint. La procédure de mise en accusation de Trump au sujet des interférences de la Russie dans l’élection de 2016 doit rester un immonde complot démocrate sans le moindre fondement.

Une escouade d’élus du GOP ont dénoncé le laxisme de la peine judiciaire infligée à un ex-avocat du FBI, Kevin Clinesmith, qui avait contribué à orienter les soupçons de l’équipe Mueller sur collaborateur de Trump, Carter Page. Quimporte qu’il ait été établi que les services russes aient tenté de recruter Page, le mettre en cause n’était qu’un vil acharnement visant Trump.

Ce n’est qu’un détail, mais significatif. Tout comme il n’est guère anondin de constater que Steve Bannon ait laissé longuement déblatérer Rudy Guiliani sur la thèse du complot d’un mystérieux républicain Never-Trumper qui aurait recruté des antifas pour mener l’assaut contre le Capitole. Certes Bannon a fini par contredire Guiliani en exposant qu’il est facile d’accuser ainsi sans apporter la moindre preuve étayant ses dires. Mais en fait, Bannon sait bien que son objection n’a aucune valeur aux yeux des trumpistes : il s’agit d’entretenir le culte, de faire passer Trump pour une victime.

C’est certes de même anecdotique mais l’état-major républicain ne veut absolument pas désavouer Marjorie Taylor Greene, une représentante adepte de Qanon dont l’une des dernières facéties en date consista à accréditer l’idée que la défunte juge suprême Ruth Bader Ginsburg (proche des démocrates))avait été remplacée par une sosie des années durant...

La Trumpland commune veut entretenir le culte et dans les États, l’appareil républicain en rajoute. Ainsi, dans l’Ohio, il est question de faire du jour anniversaire de Trump une journée chômée d'hommage à l’ex-président. En Floride, il est préconisé de renommer la route 27 la Donald Trump Highway. Déjà, dans l’Iowa, un élu républicain, Dave Millage, a dû démissionner, car opposé à Trump. D’autres ont subi le même sort dans le Michigan et l’Arizona.

On pourrait multiplier les exemples. Foxnews se gargarise d’une enquête de Politico selon laquelle « les gens ne veulent rien entendre contre Trump ».

Donald Jr a estimé que le GOP est devenu The Trump Party. Contraint et forcé pour une minorité, enthousiaste pour la majorité.

Toute mise en cause de Trump ou des élus trumpistes est vu tel un acharnement haineux sans le moindre fondement.

La famille Trump veut clairement un parti républicain « à sa main » et ne tolérera aucune dissidence. Trump a placé déjà de très nombreux fidèles dans les divers États, et à défaut de faire total acte d’allégence (ce qui pourrait détourner l’électorat des banlieues), nul candidat ne se risquera à s’aliner la famille Trump. Laquelle est sans doute plus intéressée par collecter des dons que de remporter des sièges. La question est pour elle d’estimer si prendre le GOP en otage est plus rémunérateur que de lancer un parti des patriotes ou un autre.

Melania Trump s’est mise aussi de la partie, elle relance son programme Be Best, un projet éducatif, ce sera peut-être l’occasion de revoir Barron Trump, disparu du paysage médiatique depuis la mi-janvier.

Comme cela va, la seule façon pour le parti républicain de se débarrasser des Trump serait de se rallier massivement à Marjorie Taylor Greene, qui vient de clamer avoir le soutien total des Trump. Au moins, ce serait une clarification.

vendredi 29 janvier 2021

Trump sous influence du KGB de longue date

 American Kompromat, la suite du Mueller report

Sauf erreur, ni Le Monde, ni Le Figaro ne se sont empressés de faire état du livre de Craig Unger, American Kompromat, qui laisse entendre que le KGB cultivait Donald Trump depuis bien avant 1987.


Craig Hunger est un journaliste qui avait déjà écrit House of Trump, House of Putin et qui cette fois, sur la base de témoignages d’anciens agents du KGB (dont en particulier Yuri Shvets), mais aussi de la CIA et du FBI, affirme que Donald Trump fut astucieusement manipulé par le KGB. Jusqu’à quel point ? Il semble difficile de l’établir.

L’intérêt des services tchécoslovaques, rapidement partagé par le KGB, pour Donald remonterait au mariage de l’homme d’affaires avec Ivana Zelnicknova, en 1977. Il s’agit de la mère de Donald Jr., d’Ivanka et Eric Trump. Cela reste une activité de veille jusqu’à la visite de Trump et Ivana en Russie, en 1987.

Le Guardian, qui a pu joindre Yuri Shvets, ex-commandant du KGB ayant fait défection vers le milieu des années 1990, indique que c’est après ce séjour que Trump se serait mis en tête d’avoir un rôle politique.

Sa campagne électorale présidentielle fut financièrement soutenue par le Center for American Progress dont les dirigeants de l’époque entretenaient des contacts fréquents avec la Russie.

Si le Mueller report, chapeauté par le conseiller spécial Robert Mueller, a surtout mis en cause des responsables de la campagne électorale de l’ex-président, la preuve d’une collusion entre Donald Trump et la Russie n’a pu être établie. La Maison Blanche parvint à ce que l’intégralité de cette investigation ne puisse être examinée par le Congrès.

Si divers degrés de collusion ont pu être établis, ils n’ont pas été estimés suffisants pour entraîner des poursuites visant Trump lui-même.

Si, tout au long de sa présidence, Trump s’est gardé de critiquer Vladimir Poutine ou la Russie, il est hasardeux d’avancer que ses décisions à propos de l’Ukraine (des États baltes) ou de la Russie et de l’Otan aient été toutes influencées par le Kremlin.

Ce qui semble sûr, c’est que l’administration Trump a pris amplement le temps de faire le ménage à la Maison Blanche, en divers ministères, voire au Pentagone (où Trump nomma des fidèles).

Le livre de Craig Unger aborde aussi la relation toute particulière qui liait Donald Trump à Jeffrey Epstein qui se suicida en détention.

Par ailleurs, Vanity Fair s’étend sur le cas d’Anna Malova, une dauphine de Miss Russie 1993 qui sera, à partir de 1995, une fréquente invitée d’Espstein et de Trump, tant en Floride qu’à New York. Trump la placera dans le concours Miss Univers de 1998. Une autre jeune beauté, Anouska de Georgiou, retiendra les attentions et faveurs, tant d’Espstein que de Trump. Par la suite, Jean-Luc Brunel, proche d’Espstein aurait fourni les deux hommes en beautés russes, pour la plupart très jeunes. Trump Model Management (une agence de mannequins) fournissant des contrats en toute illégalité puisqu’il s’agissait d’étrangères et se chargeant de l’hébergement. Les jeunes femmes égayaient les soirées du Trump Plaza Hotel.

Les liens entre Epstein et Trump s’arrêtent en 2004, les deux se disputant l’acquisition de la Maison de l’Amitié à Palm Beach. Trump se financera auprès de la Deutsche Bank et doublera sa mise en revendant la demeure au milliardaire russe Dimitry Rybolovlev. Le livre de Graig Unger développe aussi ce type de relations qualifié « d’idylle fraternelle ».

En 2019, lorsqu’Epstein fut arrêté, Trump dira de lui qu’il le connaissait comme « tout le monde à Palm Beach » mais qu’ils ne s’étaient pas parlé « depuis 15 ans ».

Le Daily Mail a aussi fait état du livre qui indique qu’après la faillite des casinos Trump d’Atlantic City, il n’a pu se refaire une santé financière qu’en bénéficiant de fonds russes. Resterait à l’établir indubitablement.

La famille Trump n’a pas commenté ces dires, mais les trumpistes se sont empressés de les qualifier de « fausses nouvelles » en divers commentaires. Pour Oann, commentant les déclarations d’un fidèle de Trump, Corey Lewandowski, Trump serait sur le point d’opérer « un retour en politique majeur » en vue de placer des élus trumpistes à la Chambre des représentants. Oann veut croire que le Republican National Committee invitera Trump et d’autres candidats en vue de l’élection présidentielle de 2024. La perspective que Trump fonde un parti tiers, le parti des patriotes ou le Maga Party semble donc s’éloigner.

jeudi 28 janvier 2021

Covid : ne plus chanter qu’en japonais !

Du danger de chanter la rose de la lande


Dès que je vois un article sur la, le, les covids, je passe à autre chose. Mais là, tombant sur un titre du site de CBS, je n’ai pu m’empêcher. Chanter en japonais répand moins le virus que chanter en d’autres langues…

Röslein, Röslein, Röslein rot/Röslein auf der Heiden. J’aimais entonner cette rengaine, dans la langue de Goethe. Dans l’éventualité où je serais contaminé, je ne la chanterai plus qu’en japonais. Ou pas du tout, en attendant qu’on me communique sa version en japonais.

Car chanter en allemand projette des particules à 111 cm, tandis que si c’est en japonais, c’est quasiment deux fois moins (61 cm). Ce sont des ténors et des sopranos qui ont permis de l’établir. Et non, ce n’est pas en vue d’obtenir un prix Ig-Nobel que de très sérieux chercheurs nippons en sont venus à cette conclusion.

Cela étant, la question d’un biais chauvin peut être posée. Les chanteurs et cantatrices, les Caruso et Castafiore du Soleil levant ont interprété une chanson enfantine japonaise, L’Ode à la joie et la Traviata. Je ne sais si, la chanson japonaise, traduite en allemand et italien, génère ou non plus de particules qu’en version originale.

Toujours est-il que le guttural allemand diffuse 1 302 particules, le plus vocalique italien 1 166, et le plus mélodieux japonais 580 seulement.

Mais que font Macron et l’inepte gouvernement Castex ? Au lieu de songer à nous re-re-confiner (enfin, cela vaut pour Macron), que ne nous incitent-ils pas à l’apprentissage du japonais ?

Pensez donc, à Bruxelles, on échange encore en un sabir anglophone, un pidjin interlope, cela plus de 28 jours après le Brexit. À situation d’urgence, mesures d’urgence. Faisons du japonais l’unique langue officielle de l’Union européenne. Comme disait ma commère, c’est l’évidence même.

Je pressens néanmoins les objections des espérantistes. J’en tiens compte. On a bien transformé des chaînes d’usines diverses en vue de la production de masques et de gels. Pourquoi ne pas inciter Sanofi et l’Institut Pasteur à se muer en centres de recherches linguistiques ?

Mais à quoi pensent-ils donc, à l’Élysée et à Matignon ?

Attendent-ils que le professeur Raoult leur vante la pratique du japonais ou de tout autre idoine idiome ?

J’ai beau soutenir l’apprentissage du breton, je préconise à présent celui du japonais. Une langue inventive, qui fait de Macbeth un Château de l’araignée, et de Hamlet un Les salauds dorment en paix. King Lear devient Ran (chaos), et Le Comte de Monte-Cristo, Gankutsuou. Inutile d’insister, c’est clair comme de l’eau de roche, le japonais s’impose. Les voyelles japonaises restent inoffensives en ce temps de pandémie.

En Espagne, où il y a de la jota en l’air à chaque coin de rue, on constate bien les déplorables résultats. Et d’ailleurs, pourquoi ne pas remplacer l’étouffant masque par un éventail ? En paille ou en chanvre, faute de bambou en quantité suffisante.

En France, on a du covid, mais plus d’idées ; qu’attend donc Bayrou pour développer la filière du rhapidophyllum histrix, lequel, comme son nom l’indique s’adapte fissa à divers sols et convient parfaitement à la production d’éventails.

De l’audace, des actes et moins d’allocutions télévisuelles, que diable, et le covid reculera. 

mercredi 27 janvier 2021

Tristan Corbière, singulier versificateur

Corbière, ou le crapaud grinçant

Quand l’actualité cocasse vous semble étale (un Trump vous manque, tout est dépeuplé), on se retourne vers les valeurs sûres : nostalgie, littérature facétieuse. Alors, pourquoi pas ce jester breton, Tristan Corbière.


En mal de titre ? Antéposez singulier suivi de quasiment n’importe quoi. Quant au sous-titre, il m’est inspiré par Corbière lui-même, pour crapaud, et une anecdote vécue. La Cane, prof de maths ainsi surnommé, entre dans la classe et s’adresse ainsi à Baumier, chargé de consigner les notes des interros orales. « Baumier, levez-vous ! Que signifie PGCD ? Asseyez-vous, Baumier, et mettez-vous un zéro, je vois bien que vous ne savez point. Eh bien non, PGCD, ce n’est pas petite grenouille et crapaud dansant. ». Je vais donc évoquer Corbière et m’attribuer un zéro anticipé. Pourquoi Corbière ? Le vent des occasions, un mien ami prosateur (spécialiste de Gaston Couté, pour ne pas le nommer) est en passe de creuser Corbière pour une revue savante. Il me sollicite parfois en son arrière-garde, et je m’ingénie à lui suggérer de fausses pistes de réflexion menant à des impasses au bout desquelles il déniche des issues imprévues qu’il prolonge. Du fond de mes culs-de-sac, il fait surgir hirondelles et lapins.

Corbière donc. Versificateur breton déconcertant. Ce qui lui vaut une certaine distance des prosateurs magnifiant la Bretagne. Non point que, tel Mirbeau, il se soit montré dédaigneux des Bretons. Au contraire, il est toute compassion pour les gueux des pardons, pour les péris en mer. Mais fort peu lyrique ou folklorique. Et puis, ce n’est guère un monomaniaque de la Bretagne. Tristan, localement, ne visite plus que Jacques Josse, du côté de Liscorno (Lannebert ou Surzur, je m’égare, plutôt Lannebert). Kerguiduff le chante encore, peut-être en raison de La Pastorale de Conlie, mais il est bien le seul. Souffreteux, réformé, Tristan dénonce la concentration de Conlie où les pieds verdis des soldats bretons sortent à fleur de terre, et dont les hâves survivants sont livrés, chairs à canon, aux Prussiens et « des Français aboyaient — Bons chiens ! ».

Conlie, proche du Mans, ex-marche de Bretagne, reste davantage dans les mémoires bretonnes du fait du Mercier d’Erm, un nationaliste breton, que de Corbière.

Il faut dire qu’à Roscoff, le Tristan a laissé le souvenir d’un hurluberlu. Il casse des verres en série chez son logeur, précipite son canot sur des récifs par bravade et défi lancé à son passager, et multiplie les facéties douteuses. Ce canot, il le remise dans la demeure familiale estivale pour y dormir en compagnie de son chien homonyme. Autre fait d’armes, faire ingérer à son chien des monnaies enduites d’une pâte laxative, histoire de voir des gamins courir derrière ses brisées.

De son vivant et même à titre posthume, le grand auteur de Morlaix, c’est Édouard, le père de Tristan. Ce notable fut un romancier coté, connu nationalement. Lorsque la stèle de Bourdelle réunissant père et fils est dévoilée, la foule se presse. L'Ouest-Éclair du 2 oct. 1913 relate l’inauguration. Avec en première page un texte de Théodore Botrel ne glorifiant que le père. Le beau linge se succède à la tribune, enchaînant les éloges du père. Il n’est guère que le ministre de l’Agriculture, Étienne Clémentel, à s’attarder un peu sur Tristan, casant peut-être la prose d’un sous-préfet au champ lui ayant servi de prête-plume. Revint quand même à un causeur local de déclamer des vers de Tristan et à François-Henri Villain, pensionnaire de la Comédie française, de faire de même avant de lui dédier une ôde, élégie assez flonflonneuse pompière de son cru. Je l’ai retrouvée dans L’Éclaireur du Finistère du 4 octobre 1913. Passez muscade, Tristan peut retourner dans l’oubli breton.

Par la suite, la famille éloignée de Tristan le campe en bon chrétien. C’est là sans doute pieux mensonge. Tristan, s’il ne fut pas athée déclaré et militant, mourut sans doute agnostique indifférent. Mais, contrairement à Mirbeau, il ne ridiculise pas la bondieuserie bretonne. Il ironise sans âpreté. Ainsi dans son éloge de saint Tupetu, bienheureux pourrais-tu ?, qui réunit aussi en sa personne diverses madones.

Quitte à passer pour un béotien aux prétentions asinines, je mets en doute les doctes sachants de France et d’ailleurs qui font de Tristan, à la suite de Verlaine « prince des poètes », ou plutôt curiosité pittoresque lui-même, comme Tristan, un immense trouvère injustement méconnu.

De son court vivant (il décède à moins de 30 ans), il plaça quand même trois textes dans La Vie parisienne. Titre lu par des gens bien, voire de biens. En fait, je me demande si ce n’est pas son père qui obtint ces publications.

Tristan fut surtout un peu retors ou insistant écornifleur, vivant aux crochets de sa famille, sans chercher à en abuser. Il se complaît en solitude et modestie. En Italie, à Naples, il s’essaie à mendier en jouant de sa vielle et se fait rosser par la concurrence mendigote locale. Il retournera en Italie aux basques de sa muse et du souteneur d’icelle, un comte manceau. Cette lorette italienne est la Marcelle de son unique recueil publié, Les Amours jaunes.

Toutes et tous les doctes (thésardes et thésards) ont disserté sur cette couleur, peu (ou alors j’ai mal cherché), sur cet énigmatique pluriel. Comme Joséphine Baker, avait-il, en sus de Marcelle, des affections contrariées pour diverses contrées de Bretagne et d’imaginaires ailleurs ?

Sa bohème miteuse dut complaire à Verlaine, puis tout se serait enchaîné. En réalité, cela démarre timidement. Il semble que le supplément du Figaro du 28 mai 1890 ait publié un Paris nocturne et un Paris diurne de Tristan (Je le vois dans Le Mercure de France du premier oct. 1891 ; Claude Lanzmann et Jacques Dutronc s’en inspirairent-ils lors d’une aube blafarde et alcoolisée ? .

C’est en fait surtout Le Mercure de France qui entretiendra la flamme, surtout à partir de 1912-1913.

Il y eut de rares précédents. Sutter Laummann adresse dans La Justice du 22 fév. 1887, une lettre ouverte à Alphonse Lemerre, pour faire rééditer Tristan. Dans cet appel, il estime cependant que la tentative de Verlaine échoua. Laummann veut ajouter Steamboat et À une camarade à cette réédition. Adolphe Sutter, auteur des Meurt-de-faim, de Par les routes et de L’Ironie du sort vit en doute en Tristan un compère ribleur de guigne.

Le recueil parut, financé par le père sentant peut-être la fin du fils prochaine, dans une édition assez luxueuse mais tirée à faibles exemplaires. Il attire l’attention distraite de Raoul Ponchon, Jean Richepin et Maurice Bouchor avant que Verlaine, par un hasard de circonstances, et l’entremise Charles Morice (dit Karl Mohr), fasse grand cas de Corbière et Rimbaud. Tentez, en titre : Kérouac, singulier ribleur. Du temps du CFPJ, nous avions des séminaires « Écrire pour être lu ». Je pourrais animer un stage : écrire sur ce qu’on a pas lu (en n’évitant pas les incongruités vénielles, mais sans sombrer dans le total ridicule). Singulier ribleur vous vaudrait sans doute d’être lu jusqu’à la moitié du second paragraphe. Si une sèche de rédac’ ne vous poubellisait pas ce vocable de ribleur.

Le Tristan avait deux casquettes, écrivain et dessinateur-illustrateur. À Roscoff, il fréquente des peintres en villégiature, son père était à même de faire placer ses dessins. Or Tristan ne tente rien.

J’émets aussi d’ailleurs le présomptueux doute que ses Amours soient ses œuvres complètes. Se sentant proche de la fin, a-t-il aussi adressé un dernier pied de nez à son père, proclamant « tu vois, je suis bien un raté » (côté maso aussi, peut-être, voire sado-maso). En dilettante assumé, adepte d'une sorte dandysme pouilleux, paradoxal, n’aurait-il point voulu ne laisser subsister que la trace de son étrangeté, de sa singularité dérangeante ? Un docte parmi les doctes soutient qu’il fut en mal de notoriété, soucieux d’épater son père, voire son jeune cousin (qu’il rejoignit à Paris), lequel connut peut-être d’éphémères succès littéraires restés marginaux.

Sa postérité se prolonge par à-coups et éclipses. Jules Laforgue eut la dent dure contre Corbières et son « éternel crincrin », mais, comme l’énonçait Barnum, ce ne fut pas une mauvaise publicité car il fut soutenu que Laforgue pompa à Tristan diviers procédés.

Le soufflé Corbière-Verlaine retomba, s’affaissa. Alexandre Arnoux vers 1930, écrit un Une Âme et pas de violon : Tristan Corbière. Allusion peut-être à la vielle de Tristan et au crincrin de Laforgue.

En 1941, on réédite TC à Alger. aux éds Charlot. Camille Bryen, dans L'Effort de Clermont-Ferrand dont les rubriques paraissent sans doute en divers autres titres, salue la réédition mais évoque quelques poèmes « effroyablement ratés ».

Je ne soutiens pas que le personnage de Tristan attire encore davantage que sa production (j'ai eu le temps de survoler pas mal de belles choses de lui), mais je crois aussi que cela influa sur la perception de ses Amours.

Il doit surtout à présent à des auteurs étrangers, irlandais, et à la Beat Generation, dont surtout Allen Ginsberg, de retenir l’attention.

L’ami Éric Poindron lui fera peut-être une place dans son Cabinet de curiosités, pr le même covidien désœuvrement qui me fait, en parfait cuistre incongru, divaguer sur ce Tristan dont Bernard Meulien, l’autre féru de Couté, nous remet encore quelques tournées et fournées. 

lundi 25 janvier 2021

Brexit : les Écossais du continent privés de haggis

 La Burns Nicht gâchée par les eurocrates

Alors que les Écossais célèbrent la naissance du poète Robert Burns, les eurocrates veulent priver ceux du continent de haggis, relate le Daily Express. Perfide Bruxelles.


Avec une pensée spéciale pour Donnie et Irene Spence, d’East Kilbride (Cille Bhrìghde an Ear ; dont la dénomination anglaise se prononce localement comme quelque chose proche de Istkobræde), résidents de longue date près d’Alicante. On ne dénoncera jamais assez fortement la mesquine perfidie de l’Union européenne (et d’Emmanuel Macron en particulier, insiste souvent l’Express).

Voici quelques jours, le quotidien, dont le siège se trouve à Manchester mais qui diffuse aussi un Scottish Express depuis Glasgow), pavoisait : l’U.E. cédait, battait en retraite, capitulait piteusement, et permettait aux voyageurs britanniques de faire passer sur le continent leurs sandwiches jambon-cheddar et leurs yoghurts. Mais pour le haggis, rien ne va plus, plus rien ne passe de l’autre côté.

On (enfin peu d’entre vous ou nous) se souvient de Jacques Bodoin, humoriste, créateur du petit Philibert (version facétieuse en cancre du Nicolas de Goscinny et Sempé) et de son morceau de résistance, La Panse de brebis farcie. « Charcuterie sucrée avec de la pistache » ou pansse de miouton foorci, version réciproque de la piume de ma tante sur le biourô de mon oncle (une sorte de My Taylor is rich des méthodes d'apprentissage des langues).

Le haggis n’est pas du tout un dessert mais une préparation voisine mais nordique de l’osban ou de babkbouka méridionales. Mais au lieu de harissa, les Écossais peuvent opter pour une sauce au whisky. Je doute fort que les variantes berbères soient du goût des Écossais du côté de Ciudad Quesada ou Rojales (près de 72% de la population est anglophone, mais le russe et des langues scandinaves sont aussi pratiquées, plus fréquemment que le valenciano).

Se rabattre sur les crisps haggis & cracked blach pepper de Mackie’s of Scotland serait fâcheux, mais le haggis de Reeves Butchers, de Torrevieja (ville côtière proche sur la Costa Blanca) pourrait convenir.

Il semble aussi que Iceland Overseas (un supermarché Iceland & Waitrose de la même localité) pourrait avoir du haggis en rayons.

Pourrait, car quand je vois ceux, parisiens, de Mark’s & Spencer, vides tels ceux des alimentations russes du temps de  Горбачёв je m’interroge.

Aux dernières nouvelles, Don Spence a pu se ravitailler et célébrer Rabbie Burns pour la Burns Nicht (la soirée du Rabbie Burns Day). Ce fut une braw nicht avec du haggis.

Mais l’an prochain ? Notamment pour les laddies et lassies qui ne résident pas à proximité de bouchers-charcutiers continentaux appropriés ? Macsweenof Edinburgh, maison qui livrait par correspondance du haggis sur le continent s’est vue cette fois opposer un blocus paperassier.

Emmanuel Macron, souviens-toi de la Auld Alliance. N’inflige plus la pénurie de haggis à nos historiques compatriotes.

Certes, indique le Daily Record, le haggis en conserve passa la frontière. Mais ce n’est pas la même chose. Bannir le haggis, c’est un peu mettre à l’index la poésie culinaire et gastronomique.

Ès qualité de chevalier du Boudin blanc de Rethel, j’en appelle à toutes les confréries gastronomiques et vineuses de l’hexagone. Protestons.

Certes, on peut toujours se rabattre sur le haggis en boîte de Grant’s (disponible en ligne via le site du Comptoir irlandais de Plouédern).Mais Haggis soit qui mal y panse (oui, panse), ode au haggis de Jean-Paul Romac, de Camaret-sur-Mer. Lequel auteur le déguste avec des petits pois et non de purées de rutabagas et de pommes de terre (lesquelles sont amalgamées dans le clapshot des Orcades). La sauce au whisky associe un blended ave du miel de bruyère, de la crème, et des graines de moutarde.

Valérie Kererno est aux fourneaux du Haggis gourmand à Alès, ce que salue la Caledonian Society of France qui a célébré cette année la Burns Nicht à Aubigny-sur-Nère .

J’ai cru aussi comprendre qu’on pouvait déguster du haggis au Black Shelter (Carquefou, près de Nantes et Orvault). Difficile, même pour la seule Bretagne, de retrouver les enseignes servant du haggis. En revanche, lors de festivals ou rencontres de musiques celtiques, ou dans certains gîtes (en particulier tenus par des anglophones), il n’est pas si rare qu’il en soit servi.

Les origines du haggis (ou  taigeis) sont incertaines, le mot apparaît vers 1430 dans le Lancashire et revient sous le nom de haggeis  dans un poème deWillam Dunbar, un makar (barde), ancien escolier de St Andrews,vers 1500. Si des Écossais vous soutiennent que le haggis est en fait l’œuf du haggis sauvage, souriez poliment. Le wild haggis est en fait un peit mammifère fictif équivalent du dahu des montagnes continentales. Sa femelle se dénomme la haguette, selon l’University of Glasgow Veterinary School.

dimanche 24 janvier 2021

CFCM : imposer un gallicalisme celte ?

 Une république indivisible, un allah, un seul, gobannos

Gamberges foutraques. Ce ne sont pas toujours les plus imbéciles, crois-je. Tout le monde voulant croire à quelque chose (voir par exemple la trilogie de Yuval Noah Harari), pourquoi ne pas unifier les divers cultes musulmans et connexes en convertissant leurs clergés au culte du dieu celte Gobannos. Un état provisoire gallican qui en vaudrait bien un autre… Vers un gallicanisme gaulois ? Autant en sourire.


Pour préambule. En bon breton formé dans les écoles et universités françaises, je ne crois pas davantage que Léopold Senghor le pensait que nos ancêtres étaient les Gaulois. En partie, certes, mais pourquoi pas aussi, dans une moindre mesure des Huns, des Berbères mâtinés de Maures, et bien sûr des Scandinaves, entre nombreux autres.

Dans le haut du faubourg Poissonnière, où j’ai résidé, la cave était en partie le vestige d’un logis « arabe », sans doute celui d’un riche commerçant. Au temps pour Poitiers et la mythologie historiographique, tout comme j’ai souvent consigné qu’une île de la Loire devant Saumur n’était pas habitée par des Gitans (vulgate locale des années 1950) mais sans doute par des descendants de Berbères, selon des linguistes berbérisants. Lesquels ancêtres, tels des Scandinaves en Irlande, avaient peut-être violé ou prises en otages de multiples nonnes, nos aïeules, allez savoir.

Dans ces conditions pourquoi un dieu quelconque et pas un autre, tout aussi nébuleux, auquel il suffirait d’inventer un culte, sous l’égide et la houlette d’un clergé. Quand je constate avec quelle facilité celui du mouvement QAnon est parvenu à rassembler des fidèles (tout comme, avant eux, les disciples mormons de Joseph Smith), je me dis qu’il suffit qu’un grand prêtre, un Raël ou un autre sache tirer profit de la crédulité ambiante qui ne demande qu’à croître et embellir, de manière apostolique et prosélyte.

Sont-ce là des propos séditieux ? Que nenni, les tenants du culte de Gobannos seraient sans doute prompts à signer une charte républicaine sans pour autant réclamer un concordat leur assurant des chaires en facultés de théologie. Solution provisoire, certes, car il se trouvera toujours des schismatiques, des hérétiques, pour se hausser du col et imposer une variante leur paraissant plus profitable.

Pourquoi donc Gobannos, dieu celte des forgerons, et non pas celui des rôtisseurs ? Sans doute en raison du fait que du temps de ce culte, un peu tout le monde était rôtisseur tour à tour et que nos ancêtres maîtres queux à l’époque où il y avait déjà autant d’opinions que de fromages, manquaient de cohésion. En quel sens, les tours de broche ? C’était selon. Quel contraste avec le maniement de la Holy Hand Grenade of Antioch des Monty Pyton qui eut raison du Killer Rabbit of Caerbannog. Car « trois sera le nombre que tu compteras. Quatre onc ne prononceras, non plus que deux, mais à trois d’emblée tu passeras. ».

Gobannos, donc, candidat dieu unique gallican, et non Ucuetis ou Volkanus ? Par pur opportunisme. Au lieu de faire dépenser aux Bretons de la région Bretagne et aux habitants de la Loire-Inférieure les frais d’un référendum en vue d’une réunification, pourquoi ne pas clamer que Gobannus le veut ? Point-barre.

On transforme l’association À la bretonne en église œcuménique ligérienne-bretonne, et on bloque pacifiquement le Faubourg-Saint-Honoré avec des tombereaux de gui et de lisier jusqu’à satisfaction.

Nantes, qui doit sans doute son nom au vieil helvète nanto (vallée) avec nous ! C’est du grand n’importe quoi, mais guère plus que le reste, il suffit d’y croire en masse d’adeptes suffisante et de le consigner abondamment.

Cette histoire du culte de Gobannos m’est inspirée par l’accroche d’un article sur le site du Monde, consacré au livre de Gérard Nissim Amzallag, biologiste converti à la théologie hébraïque, que la maison naguère dominicaine Le Cerf publie sous le titre La Forge de dieu.

Faute d’avoir lu ce livre, je me suis tapé tous les résumés des recherches de l’auteur sur le site Academia. C’est calé, et il y a de quoi boire, manger et croire. Croire que le dieu des chrétiens, des musulmans, des religions du Livre, serait celui dérivé de la divinité des Quenites (ou Kenites) de Canaan ou plutôt de leurs élites instruites, métallurgistes, possiblement descendants de Caïn (c’est du moins ce que j’ai voulu faire semblant de comprendre, sachant que Caïn ils pouvaient l’avoir à l’œil, sans trop bourse délier, hormis celles des autres).

J’ai imaginé apprendre tout plein de choses, par exemple que le psaume 67 serait une chanson à répons, sur un mode antérieur au kan ha diskan. Je n’ai pas vraiment compris que le Père céleste avait autrefois pour domaine les entrailles de la Terre ; mais pourquoi ne pas transformer cette hypothèse en dogme ?

Je ne sais si c’est de Gobniu qu’est issu Gobannos ou l’inverse et s’ils se sont mués ou non en Lug (qu’on finit par faire prendre le pas sur les autres dieux, selon que l’on veuille que la poule précède l’œuf ou inversement). Une divinité psychopompe, menant les âmes au ciel est toujours plus rassurante qu’une autre vous vouant à l’ensevelissement.

Mais finalement, fausse bonne idée. Tout culte religieux ne subsiste qu’en imposant des obligations et des interdictions. En vérité, en vérité, on sait ce que l’on a, que l’on perd, mais pas ce qu’on gagne.

Et puis, a lavar la testa all’asino ci si perde il ranno e il sapone. Changer son cheval borgne pour un aveugle ne mène pas mieux à l’écurie.

Quant au Conseil français du culte musulman, je ne sais trop ce qu’il en adviendra. Ventre auquel on présente un plat a des oreilles mais les tend toujours vers le meilleur fournisseur. Faire passer Gobannos pour le dieu poule aux œufs d’or étant au-dessus de mes moyens, je renonce à lui et à ses œuvres.

Je ne sais si Yval Noah Hariri fut un disciple de François Cavanna (Et le singe devint c··, éds du Square) et si Gérard Nissim Amzalla est ou non un émule de l’immense auteur de la somme théologique Les Écritures, les aventures de Dieu, les aventures du petit Jésus (Belfond éd., puis Albin-Michel et Livre de Poche). Il n’y a de Cavanna que Cavanna, et la seule charte qui vaille est celle de Cavanna.

Je signale qu’en 19, Cavanna consigne : « Abram, donc, demeura au pays de Canaan, et Lot s’en alla dans la plaine, et il y dressa ses tentes jusqu’à la ville de Sodome. ». Finalement, Gérard Nissim Amzallag ne fait qu’approfondir, car tout était déjà écrit. Préférez donc l’original.

Pour aller plus loin, même si Cavanna est indépassable, intéressez-vous aux mines de cuivre de Timna dans le Néguev où se dressait le temple d’Hathor que peut-être, les nomades Shasous transforment en Yavé avant de fonder le royaume d’Édom, et finissent par être dénommés les Édomites (ne pas confondre avec les sodomites de Loth). La Genèse en fera des descendants d’Ésau, frère de Jacob. De fil en aiguille et de fils en filles, l’écheveau se complique. Mais on en parviendrait aux Kenites, et l’hypothèse d’Amzallag semble tenir la route. Mais pas très fort aux yeux de Thomas Römer, professeur au Collège de France et à Lausanne, qui voit plutôt Baal supplanter la déité des forgerons. Je vous laisse démêler tout cela.

Je ne vais pas enchaîner sur la théorie LGBT du sexe des anges, encore émergente dans les covens des cultes wicca de liturgies occultistes. En gros, tout est dans tout, et inversement. Inutile de délayer davantage.