samedi 8 août 2020

Quand le Réseau Voltaire contredit Thierry Meyssan

  Mais Beyrouth détruit, c’est forcément Israêl, forcément

Sur le site du Réseau Voltaire Thierry Meyssan, accompagnant sa « démonstration » d’images détournées, voire trafiquées, attribuait la destruction de Beyrouth à « une arme nouvelle israélienne », atomique, forcément atomique. Depuis, le site a rectifié ou plutôt démenti certaines allégations, mais s’accroche toujours à l’observation d’un champignon atomique, photo à l’appui.

L’adage « une information puis un démenti, deux informations » vient de se vérifier sur le site du Réseau Voltaire. Je ne sais d’où provient la photo d’un nuage de fumée  qui « formait un champignon comme lors des explosions atomiques » au-dessus d’immeubles situés je ne sais où. Mais le site la considère toujours authentique depuis le 5 aoûit dernier.

En revanche, le 7, sous le titre « Correction et précisions », des correctifs ont été apportés à l’élucubraton de Thierry Meyssan de la nuit précédente. L’illustration, montrant un tout autre nuage « est apparue être un faux réalisé à partir d’une séquence de CNN ». Faux réalisé par qui ? On ne vous le dit pas mais on peut vous laisser penser : qui a intérêt à masquer, manipuler « la vérité », la vraie de Chez Vrai ?

En sus « la photo de Benjamin Netanyahou n’est pas la bonne » car l’Israélien ne pointait pas l’emplacement du port mais « un site du Hezbollah sur le bord de l’autoroute à proximité de l’aéroport ». Qu’à cela ne tienne, la « bonne photo » doit certainement exister quelque part (soit celle de Netanyahu désignant le port). Aux lecteurs de la fournir au site qui la fera figurer « à la place de l’actuellle ».

Meyssan avait tittré « Isarël détrtuit Beyrouth-Est avec une arme nouvelle ». Pourquoi seulement la partie orientale de la ville ? Bizarrement le nuage provoqué sur un site désertique syrien ayant servi de test préliminaire a beaucoup plus d’ampleur que celui censé s’être élevé au-dessus du port de Beyrouth. Mais gageons qu’on ne tardera pas à imaginer une explication plausible. Au lecteur de s’en remettre à sa sagacité. Pour Meyssian, les engrais incriminés sont « supposés être la cause l’explosion ». Il y avait pourtant du nitrate, sans doute entreposé aux fins de masquer « le tir d’un missile comportant une autre arme nouvelle ». Du nitrate israélien ? À vous de broder la suite.

Ni le Mossad, ni les Gardiens de la révolution, ni même la CIA ne me glissant à l’oreille des informations confidentielles, ne comptez pas sur moi pour vous éclairer sur le sujet. Je veux éventuellement bien croire que des lampistes devront endosser la responsabilité la catastrophe, comme le laisse présumer Thierry Meyssan dont je salue au moins la forte réactivité. Dès que le reste du monde reste dans l’expectative, lui encore plus prompt qu’un Donald Trump à twitter, trouve la réponse.

Meyssan est loin d’être le seul à soutenir la thèse d’un missile. Le quotidien québécois Le Devoir a rencensé des dizaines de faux documents visuels, tous, comme la thèse de Meyssan, oubliant qu’un impact nucléaire dégage une forte vague de chaleur.

Mais Meyssan ajoute un grain de sel, ou de senevé, d’avoine, on ne saurait se prononcer : si Beyrouth-Ouest aurait été, selon lui, préservée (je me dispense de vérifier), c’est que cette partie Ouest aurait « été largement protégée par le slio à grains ». C’est bête, l’armée israélienne aurait négligé ce léger détail : la formidable résistance des silos à grains. Qu’on me permette de proposer d’ériger des silos à grains sur le périphérique parisien afin de protéger la ville des assauts de l’aviation prussienne, laquelle dispose, d’une version nouvelle de dirigeables.

Voici moins d’un mois, le 21 juillet (toujours sur le Réseau Voltaire), Meyssan casait cet intertitre : « Washington et Tel-Aviv ne veulent pas détruire le Liban ».  Suivi de cette fulgurante appréciation : « Personne n’ourdit de guerre contre le Liban et surtout pas Israël ». Cherchez la logique.

Meyssan est un ancien « cul-bénit », comme on disait de mon temps, il n’a jamais été journaliste et il ne reste que chroniqueur invité par les médias iraniens. Mais bon sang,c’est bien sûr, le silo salvateur était empli de grains de moutarde (sénevé) qui déplace les montagnes. Il suffit de croire, au prophète Meyssan (et surtout d’acheter ses livres, assurer son confort matériel) et l’oligarchie mondiale ne sera plus qu’une modeste colline, que dis-je ? un tertre, une butte, un dérisoire monticule. Voire la pelouse d’un golf de Donald Trump gagné sur la mer du Gro enland ou du Labrador.

vendredi 7 août 2020

Nicole Esterolle et la daube artistique contemporaine

Encore un spécial copinage canin !

Jusqu’à tout à l’heure, j’ignorais tout de Nicole Esterolle. Autant dire que ma fin prochaine m’adviendra un tantinet moins idiot. Je le dois encore une fois à l’ami Jiji (Jean-Jacques) Tachdjian des éditions de La Chienne. Comme tout prétexte m’est bon pour faire sa réclame, je saisis illico celui-ci.

Je ne sais si Jiji Tachdjian est l’un des plus grands artistes mondiaux synchrones (de ce siècle et de la seconde moitié du précédent) ou l’un des plus géniaux graphistes-illustrateurs actuel depuis diverses civilisations fort anciennes. Je l’avais, enthousiaste, découvert en tant que prolifique créateur de polices de caractères. De ce point de vue, son talent est reconnu par les plus exigeants. Je ne suis pas pour autant un fanatique de toute sa surabondante création. Je salue à chaque fois le talentueux saltimbanque, mais pas au point de m’écrier bis ou ter constamment. Vu la fréquence qu’il s’impose, je ne vais pas risquer l’extinction de voix, si ce n’est le carcinome laryngé (l’ablation de mes amygdales sous anesthésie insuffisante m’incite encore à la prudence).

En fait, je suis un admirateur mitigé (j’en prends, j’en laisse, de La Chienne et du reste). L’art, en général me laisse d’ailleurs aussi tiède que l’eau du Tube de Toilette de Boby Lapointe). Je me suis un temps intéressé à la gravure, car si la terre ment rarement, la gravure dure… durablement. Le figuratif décoratif conserve mes ringardes préférences. Or donc, le foisonnement de Tachdjian s’en écartant fréquemment, je m’autorise quelques réserves à l’occasion.

En revanche, j’ai été bluffé par les chroniques de Nicole Esterolle, contemptrice non point de l’art contemporain dans son ensemble, mais de la plupart des créations des financial artists prisés des « grands circuits élitistes de l’art muséal » dont les plus riches collectionneurs poussent les cotes (par réflexe mercantile, souci d’optimisation fiscale, ou goût d’épater la galerie, allez tenter de comprendre). Bon, l’Angel Bear de Richard Texier, sur le parvis de la gare du Nord n’offense pas mon regard mais le baratin sentencieux le faisant valoir me donne encore plus envie de lire Nicole Esterolle. Vacharde. Vous trouvez ses textes sur le site du Vadrouilleur urbain,  ou celui du Magazine du Schtroumpf émergent. Entre autres car il advient que la presse la sollicite. Cela donne, pour ne citer qu’un exemple, ce commentaire d’une sorte d’installation de Mac Adams : « cette œuvre avec pot de fleur renversé est celle que je préfère car elle est la plus illustrative de la violence symbolique et de la puissance terrorisant d’un discours capable d’imposer en tant qu’art une telle évidente stupidité » (c’est en tout cas l’une des dernières en date mais comme son prix n’est que de 8 300 euros, elle ne devrait pas tarder à régresser dans le palmarès).

Bien, Nicole Esterolle peut écrire ampoulé-classieux à propos des artistes « conceptualo-bidulaires ». Mais aussi qualifier d’étrons grotesques deux sculptures transportant vers un « au-delà de la laideur ». En gros, elle s’insurge contre le courant daubiste, lequel repousse les limites du « gaucho-duchampisme bidulaire », qu’il soit soumis ou insoumis, peu lui chaud, et autres tendances magnifiées par divers esthéticologues. Parmi ses têtes de turc, Buren, ou Koons et ses croquignolades.

Pour résumer, même hors de la compagnie complice de Tachdjian (dont La Chienne fournit les exemplaires imprimés de ses gazettes, consultables sur le site yumpu.com), elle tient sacrément la route, la Nicole. Ses gazettes renommées niouzes en sont au trentième numéro, daté d’août.

Elle enrichit aussi un Nicole’s Museum (en ligne), un blogue-notes, une page FB. Sur laquelle je constate que Cécile Carière (artiste « singulière », quand vous n’êtes pas du milieu des critiques d’art, casez l’épithète, on vous le reprochera rarement) est du nombre de ses abonnées. Vous êtes ici aussi chez vous, Cécile, revenez quand vous voulez...

Un autre ami, l’écrivain Alain (Georges) Leduc, qui finalise un livre fort peu complaisant sur Yves Klein, a peut-être consulté l’ouvrage La Bouffonnerie de l’art contemporain (J.-C. Godefroy éd.), de la dite. Je ne sais s’ils se trouvèrent des goûts en commun, mais des dégoûts, assurément.

Pour en revenir à Jiji Tachdjian, créateur déconcertant (c’est comme singulier, vous pouvez abondamment le caser sans risque), je constate avec plaisir qu’il sait toujours judicieusement s’acoquiner (entendez : copiner). Qu’il en soit ici, une fois de plus (et là, de mieux encore) remercié. Il déplaît aux tartufes mais est apprécié aussi dans les HLM (clin d’œil à Pierre Perret, poète sensible — pardonnez l’apparente redondance, certains le sont peu). Mais comme il est susceptible de plaire aussi aux publics d’un Patrick Sébastien, auquel je rends aussi hommage au passage en raison de sa grande culture éclectique) ou des films du regretté Jean-Pierre Mocky, on se doute bien que le ministère de la Culture ne lui commandera pas une fresque urbaine ou l’habillage de Beaubourg lors des prochains travaux d’entretien. Le pire est qu’il s’en honore. Ce qui n’est pas le moins du monde respectable. Bien au contraire, comme pourrait sans doute le conclure Nicole Esterolle. Mes compliments, Madame ! 

jeudi 6 août 2020

Médialogie : Macron hué ou fêté à Beyrouth ?

Macron, Aoun, consorts : même engeance ?

Emmanuel Macron saura peut-être retenir cette leçon de sa visite à Beyrouth. Plus personne ne croit aux bonnes intentions de quelconques dirigeants. Mais ce n’est qu’une opinion. En revanche, il est facile de constater qui, de la presse française ou britannique, peut la conforter ou non.

Je ne vais pas vous bassiner de considérations d’éditorialiste. Simplement, vous pouvez vous demander quel traitement la presse française (au moins Le Figaro et Le Monde) a réservé et comparer avec ce que retire le titre britannique The Independent du même (non-)événement.

Pour l’ensemble de la presse britannique, qu’Emmanuel Macron se soit rendu à Beyrouth importe fort peu, ce qui est logique. Si Angela Merkel avait précédé le co-prince d’Andorre et chanoine du Latran à Beyrouth, il en aurait été sans doute de même. The Independent a toutefois fait exception. À Beyrouth, Emmanuel Macron a été l’objet d’incessantes interpellations de la population devant laquelle il lui a fallu démentir qu’il venait en soutien du régime libanais. Il lui a fallu faire entendre qu’il y avait quelque chose de pourri au « royaume » du Liban. C’est sous la pression populaire incessante qu’il a dû promettre que l’aide française serait conditionnée par des réformes. En déduire que l’aide française ne parviendra jamais au Liban serait trop s’avancer.

D’ailleurs, des équipes de secours françaises et un poste sanitaire mobile français ne devrait pas trop tarder à devenir opérationnel dans la capitale libanaise. Pour le reste., on relèvera que Le Figaro a relaté maintes bonnes paroles. Le Monde a plus ou moins fait de même tout en relatant que Jean-Luc Mélenchon mettait en garde contre « une ingérence dans la vie politique du Liban ». Ce qui doit valoir aussi pour tous les gouvernements ayant proposé leur aide financière ou matérielle. Autant être clair et dénoncer toute forme d’aide ou indiquer quels doivent en être les destinataires. Compliqué : si la France était frappée, à quels chef·fe·s de file des Gilets jaunes confier des fonds internationaux ?

Je ne vais pas critiquer les spin doctors de l’Élysée d’avoir raté la photo op idéale : Macron survenant dans Armenia Street au moment où un chien était extrait des décombres. Envoyé spécial, je n’aurais sans doute pas fait mieux, m’accrochant bêtement aux pas du président français.

Un impair majeur a nonobstant été évité : se rendre au chevet de la famille de Carlos Ghosn dont la demeure, située à cinq kilomètres du port (ou moins selon d’autres sources, mais le Japan Times maintient cinq), serait entièrement détruite, selon l’ex-Pdg de Renault. Par chance, le roi honoraire  Juan Carlos d’Espagne, en exil, ne s’était pas réfugié dans la « maison rose ».

Ce qui est sûr, c’est que les reportages de BFMTV corroborent totalement le compte-rendu de l’Independent. Au moins, Le Parisien a titré « À Beyrouth, Macron promet de l’aide et met la pression sur les autorités ». Bien, on verra si le prompt renfort d’un Macron parvenant au port de Beyrouth fera que les plus épouvantés Libanais reprendront de courage.

J’ai eu l’avantage et le plaisir de compter deux amies libanaises (une universitaire spécialiste de typographie, une belgo-gréco-libanaise résidant aux États-Unis). Femmes de grandes cultures, polyglottes ; j’ai aussi fréquenté un peu la diaspora libanaise en Afrique subsaharienne. Daniel Rondeau, académicien, m’avait sensibilisé aux problèmes libanais. Je ne les imagine pas critiquer Emmanuel Macron pour s’être précipité à Beyrouth. Ses prédécesseurs auraient sans doute agi de même. Quitte à se faire huer en les circonstances actuelles. Reste à savoir si l’aide française sera saupoudrée, y compris en direction du Hezbollah. Eh bien, je veux bien que l’on songe d’abord à la Corrèze avant de se préoccuper du Zambèze (dont le bassin ne fut jamais colonisé par la France), Mais le Liban… Même si la France devait commettre des erreurs d’appréciation, autant faire que trop peu faire.