lundi 28 octobre 2019

Typographie et orthotypographie : des points de suite...

Avant la Brexertinity, alignons les points de suspension...

Or donc, la flextension s'appliquera au Royaume-uni jusqu'à... au plus tard le 31 janvier prochain. Quel rapport avec les points de suite (ou de suspension, et non de conduite) ? Petit pastiche authentique de ce qui peut déclencher d'interminables débats typographiques et orthotypographiques. Quel foin de...
Je ne vais pas vous gaver avec le distinguo entre typo et orthotypo (un, une orthotypographe est soit une correctrice, un correcteur, soit une, un allumé du bocal se triturant la tête sur les bons, prescrits ou néfastes usages de l'emploi de caractères divers ; j'en fus... cela se soigne mais le traitement est long, à peu près la durée d'une psychanalyse, généralement — mais je connais plusieurs cas incurables, dont ceux de divers défunts).
Pour vous donner une idée, L'Orthotypographie de Lacroux (et alii) — sous-titres : Orthographe et typographie française, dictionnaire raisonné ; Lexique des règles typographiques françaises — couvre deux volumes (de A à F ; de G à Z), forts chacun de centaines de pages.
Il en résulte deux éditions imprimées et deux en ligne (docs PDF et HTML dus à l'ami Alain Hurtig : orthotypographie.fr). Passe encore... Cette somme résulte d'années et d'années d'échanges de courriels, de discussions passionnées, de colloques informels, entre ou réunissant de multiples interlocutrices et teurs et le regretté Jean-Pierre Lacroux, qui fut correcteur de 16 à 24 heures et de 00:00 à 16:00. Pour traiter par exemple de césure, divisions, tirets et points à la ligne.
Pour l'édification des populations tentées par cette discipline, et à la suite de multiples consultations de documents techniques et autres (depuis quelques jours), dont une page intéressante du blogue-notes « Langue, sauce piquante » (salutations au passage et clins d'œils appuyés), voici une retranscription à peu près fidèle des échanges entre votre serviteur et... Allez, nommons-le : Alain (Georges) Leduc.
Lequel est loin d'être un béotien, un ignoramus, un tout à fait profane, en ces domaines. Mettons un grand amateur... éclairé ? Ce qui correspond à ce qu'il énonce sur le site roger-vailland.com en son article « Les lieux désormais dits ». « Si j'écris que Roger Vailland était à la fois un amateur de voitures et de botanique (ce qui sent bon son zeugma, reconnaissons-le), c'est tout à l'honneur de notre écrivain fétiche. ». Vailland fut congru de courses de F1, de bolides et autres tires en ayant sous le capot, et féru de botanique (ce, dès son jeune âge).
Or donc, voici quelques jours, Alain (Georges) Leduc m'interpelle à propos d'un caractère mystérieux. Je réponds, il me relance, ainsi de suite... Je vous épargne les quelque cinq ou six premiers courriels, celui dans lequel je rectifiais et mentionnais les points de suspension obliques (si, si, c'est un caractère Unicode).
Cela donne ensuite, avec Alain (Georges) Leduc infra désigné A, moi-je J, ou sinon rien en fonction de l'imprégnation anisée :
A  — Ni X (nom d'un célèbre metteur en page), ni Y (consœur journaliste émérite et autre), qui ont néanmoins identifié les « ... », ne savent quel est leur nom exact. Tu n'aurais plus dans tes relations un typographe, qu'il me le dise ?
J —  Franchement, pour ces « ... » , je veux bien que X (id.) et Y (id.) les aient identifiés, mais où ? En langage courant, les points « de conduite » ou « de suite » sont parfois synonymes.En jargon, « points de suite », c'est le sus, le suce, la suspension. Ou, parfois, c'est appelé, proche de l'ang., ellipse (comme au Québec). L'aspect diffère selon que la police est « monospace » (type Courrier) ou non. Avec une machine à écrire, les trois points ont une chasse égale à tout autre caractère. Avec une police proportionnelle, le signe chasse plus large (en général, proche de la chasse du m). Au plomb, selon les polices et les fonderies, il se peut que les points de suite de suspension et d'omission (...) aient été différents.​ Si je n'ai pas sous les yeux (capture d'écran) ce dont tu me parles, je ne pourrai déterminer s'il s'agit d'un manuscrit, d'un incunable, d'un caractère (ou plutôt glyphe) de machine à écrire, de Monotype, de Linotype, de police numérique de telle ou telle époque (les polices évoluent, vois la Vernada et la Verdana Pro, du même auteur...), de telle ou telle version, je ne peux te répondre. Je ne comprends pas pourquoi X (ibid.) ne peut identifier. Je pourrais poser la question sur la liste typographique mais, même chose, sans visuel, personne ne pourra répondre. La seule chose qui me vient à l'esprit, ce serait l'abréviation maçonnique (un triangle, plus ou moins isocèle, en général équilatéral) : si le point sommital était très rapproché des deux points de la base, alors... En cas d'aposiopèse, oui, capitale ensuite.
A — Suffoqué par ce qu'elle lui avait dit, il préféra trouver cela... drôle.Voici un exemple. Si c'étaient des points de suspension, il y aurait une majuscule à « drôle ».
— Non, les points de suspension (de suite) ont plusieurs emplois.
En cas d'aposiopèse, oui, capitale ensuite.
Trouver cela... (on ne sait comment l'énonciateur trouve cela ; le narrateur trouve cela drôle donc : cela... Drôle.)
Si les points de... indiquent un moment d'hésitation, un laps de silence, un intervalle, alors, pas de capitale après.
Prenons :
Tu me gonfles... Marre !
(j'observe un temps de silence, puis exclamation).
Tu me gonfles... marre à la fin.
J'ai hésité à m'exprimer, après un temps, je reprends.
C'est le même signe, le même caractère, et le même glyphe...
Cela étant, je  pourrais aussi énoncer :
— Tu me gonfles... merde, merde, merde, merde...
— Non mais, ça va, reprit-il (autre énonciateur, dialogue), you just don't say so.
Tous les codes, toutes les marches, admettent cette alternative : ... Cap ; ... bas de casse.
C'est le même caractère Unicode. Correspondant sans doute à la même description ISO.
On a même un car. « points de suspension » verticaux.

A — Très bien. J'essaierai de te faire une démonstration orale, ce sera plus probant.
Vous sortez, Z (nom d'un chien) et toi, ce soir ?
— C‌omme répondu précédemment, ce soir, sauf aléa, impératif, imprévu, j'escompte partir de chez moi avec Z (id.) vers les 10:30 ou 11:00 pm (dix-heures-trente ou onze heures, ou 22 h 30 ou 23 h, ou dix heures et demie ou...) afin de remonter le fg W (voie publique) et me rendre au V (nom d'un troquet).
Dois-je ajouter : ... ?
Ou ..?
Certaines marches préconisent ..? ou ..! ; et décrivent cela comme la fusion du troisième point de suite avec les ponctuations en question ou l'élision du troisième point de suite, ou l'emploi d'un caractère deux points de suite (il a existé au plomb, on le retrouve en Unicode) suivi immédiatement, sans espace, de la ponctuation.
Mais, à ma connaissance et mon humble avis, il n'existe pas de dénomination pour ..? ou ..!
Bon, tu me mettras les points sur les i et des barres aux t (à la menthe, à la bergamote, vert... cela reste du thé).
INCIPIT (euh, explicit, je confonds encore...)
A et J sont pourtant deux seniors, avec des années de pratique de la presse et de l'édition derrière eux.
Figurez-vous que de plus savants qu'eux (en typo et orthotypo) ont pu, peuvent, pourront s'échanger des courriels à teneurs voisines des jours, des semaines durant.
Vous en doutez ? Consultez L'Orthotypographie de Lacroux (qui fournit d'assez cocasses échantillons).
P.-S. — le rendu à l'écran découle des copiés-collés et de mon exaspération de tenter d'harmoniser tout cela. Pour qui voudrait poursuivre, je renvoie au Drillon (Traité de ponctuation française), au Ricquier, Au Girault, &c. Et à la thèse de doctorat de Julien Rault, Poétique du point de suspension, valeur et interprétations (Laboratoire Formes et représentations en littérature et linguistique – Poitiers). Et je signale au passage à A. (G.) D. qu'il peut relire le Dürrematt, « Ponctuation de Mirbeau », Actes du colloque international Octave Mirbeau d'Angers, Presses de l'université d'Angers, pp. 311-321. ;-) 


1 commentaire:

  1. Pour notre collection d'horreurs (ortho)typographiques, quelqu'un dénicherait-il un «...; » ou mieux un « ;... » (sans espace) dans un texte littéraire ? Mieux encore, les points de suite alignés sur le point du point-virgule ?

    RépondreSupprimer