Hémi et semi sont dans un cassetin
Le point d’ironie (objet de
sempiternels débats) tarde à rejoindre la plupart des polices de caractère. Qu’en
sera-t-il de ces deux nouveaux types ? Les siècles à venir le diront…
L’histoire des communautés
typographique et ortho-typographique, des spécialistes et annalistes du Livre, fut
et sera marquée par divers canulars. Le seul me revenant en mémoire, et que je
ne sais plus à qui attribuer, fut révélé lors de l’ATypI-Roma (en l'an 2002, marquée
par l’avènement du format Photofont, entre autres grands moments). J’ai
consulté la liste des conférences d’alors (mention spéciale pour celle de
Gillian Riley, “Clockwork peacocks, eggs, and artichokes”, ou de l’influence
de la volaille, paonne et autre, au verjus, sur la création de caractères, ou
quelque chose d’approchant). Non retrouvé.
Il s’agissait de l’ultime ET
indépassable police de caractères de signalétique.
Testée dans des conditions
extrêmes. Pour n’en mentionner qu’une, les plaques d’entrée de Aÿ et Llanfairpwllgwyngyllgogerychwyrndrobwllllantysiliogogogoch
reconnues par des motards fonçant à 220 km/h dans le brouillard à une distance égale
à la portée de phares de diverses marques… On lâcha des borgnes dans les aéroports
et les gares, des plongeurs dans des piscines olympiques, des parachutistes, y
compris ascensionnels. Au rancard la Frutiger et l’Astra-Frutiger (aéroports,
voiries helvètes), la Métro (Ratp, depuis remplacée par la Parisine de
Jean-François Porchez), et tant et tant d’autres devenues obsolètes.
Peu d’entre nous étaient dans la
confidence, et je suis tombé dans… le panneau.
Histoire de meubler l’attente du
résultat du vote sur les élections anticipées au Royaume-Uni (et le sort du
Brexit), un mot sur le point d’ironie.
Là, il ne s’agit pas d’une blague
de potache… Un caractère arabe approchant est souvent employé (U+061F ou 1567) ;
divers créateurs l’ont inclus dans leurs tables (glyphes proches de ceux d’Alcanter
de Brahm figurant dans Le Nouveau Larousse illustré de 1905) ;
dernier ouvrage d’importance connu sur le sujet : Le Treizième signe,
de Xavier Dandoy de Casabianca (éds Éoliennes, livre d’érudition pour lequel
Jean Méron et ma pomme furent brièvement consultés). Dernier en date, à ma
connaissance, des ouvrages l’ayant employé, le Gaston Couté d’Alain (Georges)
Leduc (éds Libertaires). Nous en devisions tous deux encore furtivement la nuit
dernière…
Et puisque fut évoqué Alain (Georges)
Leduc sur ce blogue-notes, hier, à propos des points de suite (de suspension) ..; Euréka, bon sang, mais c’est bien sûr, l’épiphanie me transfigura. Deux
caractères, outre ce fameux point d’ironie, manquent à l’appel des tables Latin
A et B.
Je me devais, à mon tour, d’entrer
dans l’histoire des écritures de la Mésopotamie aux lointaines planètes
(nombreuses polices de métalangues de SF et autres genres littéraires) encore
naissantes. Voici donc, protégés par une enveloppe Soleau, mes semi (ou hémi)
points suspensifs ouvrant et fermant.
On sait que le Girodet admet la cohabitation
des points de suite avec le point-virgule tandis que le Drillon la considère
incompatible avec la langue, le bon goût, &c. Le Lacroux consigne : « L’association
n’est pas interdite : hideuse et le plus souvent superflue, elle n’est
guère recommandable. ». Jean-Pierre était un esthète, je partage son
point de vue. Mais, tout change avec mon semi-point suspensif ouvrant (un sas
vers la suite, étroit certes, mais non infranchissable). Par précaution, je lui
ai adjoint un hémi-point expansif fermant…
Je sais ô combien les puristes me
critiqueront. Pourquoi ne pas considérer que leurs appellations devraient être
inversées ? Le suspensif fermant, l’expansif ouvrant (vers un avenir radieux
dont ses utilisateurs définiront les emplois). Parce que. In vino veritas :
l’inspiration de mes libations ne saurait s’être fourvoyée. D’autres s’insurgeront
(et j’entends déjà leurs clameurs d'orfraie) : pourquoi agglomérer deux points de
suite et non trois à celui du point-virgule ? Car ! Ce furent auto-bus, fillettes après canons.
C’est libellule, c’est papillon, beaucoup plus mignon.
Je lègue donc à la postérité, pour
la défense et l’illustration des Lettres bretonnes et étrangères, venus de France,
« mère des arts, des armes et des lois », ces deux caractères,
non d’exception car voués à la démultiplication.
Au bénéfice des mal-voyants qui en
espèrent la version en Braille, et me consultent grâce à la reconnaissance
vocale, je les décris ci-après. D’abord, au sabord de charge, pour le premier, deux points de suite d’une
diagonale légèrement inférieure à celle du point du point-virgule, alignés sur
celui-ci et le précédant. Pour le second, en décharge, inversement, le suivant, lui
succédant, le prolongeant.
Le principe est établi, les
variantes ne sont nonobstant pas déjà finalisées. Le réglage des approches
reste certes discutable. Le diable se niche dans les détails, et le blanc, à
mon sens excessif surmontant la virgule jusqu’au point, me turlupine. Quelque
chose tintinnabule là-dedans, non point le tocsin immédiat. J'y retourne confiant. En passant au
pastaga, se clora ce galimatias (visuel ; clora : futur simple
pronominal lancé à toute vapeur sur les rails de l’apothéose). Mais rien n’entravera
le progrès de ces caractères qui sont à la création typographique, oserai-je en
toute modestie, les Phœbus et Artémis de la ponctuation.
Leurs usages sont multiples. Je ne
mentionnerai que ceux d’abréviations pour « ouvrez le ban » et « fermez
le ban » en musique militaire. En signalétique tzigane (mais souffrez que
je ne m’en ouvre aux profanes)… Je signale aux graphistes qu’ils interpellent
grave en lettrines. Quant aux versions obliques à venir, ascendante et
descendante, je ne vous dis que cela…
À Paris-Bonne-Nouvelle, ce scorsonère 8 brumaire an CCXXVIII
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