vendredi 14 septembre 2018

Première Université du féminisme : un programme chamboulé


1ère Université du féminisme : un programme « chamboulé »

Bizarre, bizarre : le programme provisoire et le définitif de la Première Université du féminisme (ou plutôt « des » féminismes), organisé par le secrétariat d’État à l’égalité H/F, ont quelque peu divergé. L’intervention en coulisses du Strass (Syndicat du travail sexuel) et de sa secrétaire-générale, Mylène Juste, ne fut donc pas qu’accessoire. Explications


Ces 13 et 14 septembre 2018 s’est tenue la Première Université du féminisme sous l’égide de Marlène Schiappa, secrétaire d’État. Sur le fond, inutile de s’appesantir longuement… Les propos recueillis par Anthony Cortes, de Marianne (sur marianne.net), publiés sous le titre « Militante ou secrétaire d’État :mais à quoi sert vraiment Marlène Schiappa ? » résument fort bien ce qu’est en fait cet événement. Mais il convient aussi de mettre l’accent sur l’intervention de Mylène Juste, organisatrice du Collectif des Femmes de Strasbourg-Saint-Denis (pour situer, des travailleuses du sexe du haut de la rue Saint-Denis, bien connue des agriculteurs en goguette du Salon de l’Agriculture) et secrétaire générale du Syndicat du travail sexuel sur Mediapart. Elle est intitulée « Université d’été du féminisme, le règne de l’entre-soi ». Cette contribution, qui devait initialement être une tribune libre publiée sur le site de Mediapart, a été reléguée par la rédaction dans l’espace des blogues-notes, mais mise en valeur en page d’accueil.
Voir blogs.mediapart.fr/mylene-juste/blog/110918/universite-d-ete-du-feminisme-le-regne-de-lentre-soi. Le constat reste, comme le patronyme de son auteure, largement exact. Mais il convient d’y apporter un bémol… Ce parce qu’entre le programme provisoire de cette manifestation et le définitif, quelques modifications, qui ne doivent pas qu’à l’indisponibilité d’intervenant·e·s, sont intervenues.

Par exemple, et cela n’a rien d’anodin, l’après-midi du 13 septembre devait donner lieu à une prise de parole sur le thème « Féminisme et prostitution ». Sous la forme d’une « carte blanche à Yaëll Mellul, avocate féministe ». Or, entre les 9 et 13 septembre a circulé un communiqué suivi d’un post-scriptum s’étonnant : « cette dame (…) se présente plus fréquemment en tant qu’ex-avocate démissionnaire du barreau de Paris ». Signalant aussi qu’elle fut associée de fait avec François Pinada, un consultant un temps interdit d’exercice de direction-gérance de sociétés, « se proclamant comportementaliste ou profiler ». Il était fait aussi état du fait que Yaëll Mellul aurait – le conditionnel s’impose – interjeté appel d’une condamnation en correctionnelle. Exit Yaëll Mellul, « avocate », devenue « féministe, ex-avocate » peut-être à la suite d’une prise de contact avec le Conseil de l’Ordre et le bâtonnat. Mais ces qualités énoncées restent quelque peu réductrices… Pourquoi donc avoir maintenu la présence de cette personne ?
            Yaëll Mellul a été secondée en quelque sorte par Grégoire Théry, du Mouvement du Nid et de la Coalition pour « l’abolition » (entendez : éradication progressive) de la prostitution, soit du groupe de pression ayant conduit à l’adoption de la loi sur la pénalisation des clients du sexe tarifé… Inutile de s’étendre sur les polémiques tenant à la présence d’Élisabeth Lévy, de Causeur, ou de Raphaël Enthoven : quelques personnalités en peine de notoriété (ou à renforcer) ont réussi à alimenter les rubriques « pipeule » de magazines et de quotidiens, cela n’apprendra plus rien à personne…

Une université=mille mensualités 

En revanche, il faut relever, au nombre des intervenantes, Ovidie, de « retour ». Cette ancienne auteure de la maison d’édition La Musardine (collection « Osez », les sextoys, tourner votre film X, &c.), est une réalisatrice, documentariste, et une intellectuelle, courant féminisme hédoniste, qui avait été – dans un premier temps – conviée, mais déclinât l’invitation. Son revirement doit sans doute beaucoup à la présence de Grégoire Théry, histoire de réinstaurer un peu de débat contradictoire dans ce forum. Pipeulisée, certes, à présent, mais au moins sachant un peu, comme Virginie Despentes et quelques autres, de quoi « elle cause » (des femmes en général, de pornographie et de prostitution, entre autres). Certes, une dénonciation rance d’un pseudo-intellectualisme (ce dont Mylène Juste s’est préservée), sur le mode du « d’où tu parles ? », ne sert en rien à faire avancer la Cause. Mais pointer « l’entre-soi » marquant cette réunion a été quelque peu affaibli par la présence d’Ovidie (d’autres… je considère Peggy Sastre du nombre), et d’autres intervenantes non prévues au programme initial. Comme, par exemple, Marie Cervetti, directrice d’un centre d’hébergement, au contact avec celles dont d’autres « causent » ou plutôt « papotent sur ». Que Stréphane Chevet, présenté tel un secrétaire national de la CFDT, mais surtout conseiller municipal du Mans (et avec Marlène Schiappa, candidat malheureux aux cantonales dans la Sarthe), ait été maintenu au programme n’a rien de choquant. Il anime Alter Cité (promouvant la laïcité), il est membre du réseau Maman travaille. Que cette université ait aussi servi à mettre en valeur quelques personnes proches de La République en marche, ou de possibles relais d’opinion lui étant favorables, ne doit pas disqualifier l’initiative…
            Subsistent les constats du Canard enchaîné (un budget prévisionnel de 300 000 euros pour ce raout quasi-mondain en grande partie), et celui de Mylène Juste : les personnes voulant quitter le travail du sexe se voient allouer 330 euros mensuels. Soit « juste au-dessus du budget des Français consacré à un animal de compagnie » et souvent moins que celui d’un automobiliste consacre à son véhicule… Une université, combien de mensualités ? Pour les « bénéficiaires » de ces parcours de « réinsertion » ou tant d’autres (femmes violentées, en extrême précarité...) ?
            Je ne sais si les humoristes ou saltimbanques (Tristan Lopin, Julia Palombe, Rachel Khan, Noémie de Lattre, Blandine Metayer & consœurs, Titou Lecoq, dans l’ordre d’entrée en scène ; c’est là un peu « écrire pour Google » mais elles et ils le valent bien : mes applaudissements), furent ou non cachetonnés – et zut pour l’écriture inclusive – ou simplement défrayés, mais ce n’est pas cela qui alimentera fort leurs cotisations de retraite (amputée par la CSG et l’inflation non compensée). Ce colloque aura été finalement moins simple pince-fesse qu’initialement envisagé. C’est à minima cela de moins pire…