vendredi 10 janvier 2020

Incendies austraux : médias et politiciens australiens dans le déni

Changement climatique ? C’est pas le charbon, stupid!

L’Australie est le second exportateur mondial de charbon (vers la Chine, principalement). Est-ce pourquoi la classe politique australienne et les principaux médias dénient tout lien entre le changement climatique et les incendies qui risquent bientôt d’empoisonner l’air de Sydney ?
C’est une anecdote que j’avais relevée voici quelques jours sans l’estimer suffisamment significative pour attirer votre attention. Sur Good Morning Britain, la spécialiste météo britannique Laura Tobin, lors d’un entretien avec un politicien, Craig Kelly, député des New South Wales, l’accuse d’être un climatosceptique. Réplique de l’intéressé : ce n’est qu’une écervelée, une présentatrice décorative. Craig Kelly est convaincu que des incendiaires sont seuls responsables de la tragédie humaine et écologique frappant l’Australie (et même le sud de l’Amérique du Sud, l’Océanie).
Le fait que Laura Tobin est docteure en physique et météorologie, fut employée quatre ans en tant que prévisionniste pour la RAF, a douze ans de bouteille dans son emploi, est post-doctorante en son domaine, ne l’a pas fait fléchir…
La presse dominante australienne a aussi crédibilisé la campagne sur les réseaux sociaux à propos des incendiaires, avant d’être forcée d’y mettre de légers bémols.
Comme le relève James Dyke dans The Independant, c’est, pour résumer, “the economy, stupid!”. Ou, “it’s coal, stupid!”. Comme, pour Donald Trump, le pétrole, les gaz de schiste…
James Dyke s’en prend frontalement à The Australian, le quotidien « de référence » en Australie.
Je suis allé vérifier. Effectivement. Certes le quotidien met aussi en avant les drames humains, les désastres écologiques (et l’extermination de millions d’espèces animales), le fait que les incendies représentent une perte d’au moins cinq milliards (les assureurs récupéreront sur les cotisations, pas trop grave).
Mais faire état du changement climatique, non. Ou alors, en catimini.
Loin de moi la prétention de donner des leçons aux Australiens. En France, ce n’est pas tout à fait pareil, mais cela revient presque, ou pas loin, au même. Certes, un Claude Allègre n’ose plus se ridiculiser. L’Imposture climatique ne trouve même plus preneurs chez les bouquinistes. Ce géologue évoque à présent la thésarde tunisienne ayant voulu soutenir que la terre est plate, parce que c’est dans le coran (c’est quand même mieux d’invoquer le coran que les pseudos-études des entreprises exploitant des ressources fossiles, soit dit en passant, et même, limite, plus crédible).
Pour The Australian, les experts en climatologie sont des professeurs Cosinus ou Nimbus, des dérangés. Paranoïaques (victimes d’attention-clamour disorder), un peu comme des hypocondriaques de Molière. À la limite, est-il concédé que les revenus des mines permettront de dépolluer Sidney. Un peu comme Hidalgo soutenant que les Jeux Olympiques vont générer des revenus pour développer les pistes cyclables.
Comme le rappelle James Dyke, Robert Murdoch, et son groupe News Corp, détient 140 titres en Australie (plus The Times, The Wall Street Journal, le très pro-Trump et Brexit The Sun, et le New York Post, la Fox Broadcasting Company, et j’en passe, plus Sky Deustchland, à mentionner au passage).
Dormez, braves gens, la fin du monde n’est pas proche (enfin, pour nous, possédants, qui pourrons vivre sous des bulles, et ne nous affligerons pas de vous voir crever la gueule ouverte).
Ces gens savent fort bien qu’au final, plus c’est gros, plus cela passe. Dans un premier temps, le déni semble outrancier, dans un second, tout le monde finit par en parler, et dans un troisième, une majorité finit par se laisser convaincre. Qu’importe les faits, finissent par dominer les croyances.
Vous verrez qu’on finira de nouveau par persuader que l’ire divine est la cause du dérèglement climatique et des catastrophes et ce pour que nous puissions enfin nous repentir de nos péchés. Ou pas (même prêchant dans le désert, face à des millions de désinformateurs, stipendiés, je préserve un faible espoir).
Tout cela prétexte pour vous caser un message publicitaire (pour le livre d’Alain [Georges] Leduc, De l’athéisme) ?
Un crin (de coton de Tuléar, pas d’auroch ou de mammouth).
Je crains toutefois la collusion convergente entre des médias présumés crédibles et des réseaux sociaux manipulés. Et le fait — indéniable — que les voix discordantes soient désormais minoritaires, puis deviennent ultra-minoritaires. Que des livres ne trouvent plus pour public que de vieux birbes de mon acabit. Bah, toutes les générations précédentes ont exprimé la même antienne. Quelques sursauts (l’éphémère notoriété de l’Indignez-vous, de Stéphane Hessel, en 2010). Un Fabrice Grimal (avec lequel je diverge fort sur l’Union européenne ; je vous en reparle la semaine prochaine).
Sauf que je crains que les dérisoires palliatifs (genre le végétalisme vertical des immeubles des mégalopoles, prôné par des filiales des banques et des grands monopoles, pétroliers et autres) ne vont pas compenser de sitôt l’effet, mondial, des incendies australiens (et les inondations qu’ils répercuteront en Europe ?).
Et que nous restons trop peu à nous préoccuper de nos consciences éclairées par des scientifiques honnêtes.

Alain (Georges) Leduc et l’athéisme, réflexions partagées

De l’athéisme, étrange ouvrage littéraire (éds Théolib)

Factuel : une bonne centaine de pages, suivie d’une abondante bibliographie (mais hélas pas d’index), 16 euros ; dans les bonnes librairies — diverses rencontres sont prévues avec l’auteur — et via le site de l’éditeur. Subjectif : vieille lune, dont l’exploration restera longtemps « interminable » et ouvrage type ovni sur le thème. Positif : oui, mais aussi autre.
Spécial copinage ? Oui (fréquentation déjà décennale avec l’auteur, aucune avec l’éditeur : theolib.com). Non. Je ne vais pas me distancier en relevant les quelques rares coquilles décelées, un choix de composition curieux (mais n’entachant pas la lisibilité), histoire d’accorder plus de poids à mes appréciations positives.
L’opportunité de sortir un tel ouvrage me semblerait plus que faiblarde s’il s’agissait de revenir sur Pascal et quelques autres auteur·e·s dont les textes sont présumés connus d’un encore assez large public. La cause est entendue : un, des dieux sont des conceptions irraisonnables, improbables au sens vieilli… Même si une autre planète peuplée d’êtres pensants — autant que la plupart des mammifères de celle-ci, entre autres espèces — entrait en communication, elle ne vaudrait pas davantage argument que le fait qu’un dieu monothéiste ait omis de signaler l’existence d’inuits ou d’aborigènes à ses prophètes ayant prétendu avoir conversé avec leur « Lui » ou d’autres.
J’imagine que Leduc en convient, nous avons des choses plus importantes à discuter, et pas plus que dans la préface d’Olivier Onic que dans le texte de Leduc, la question n’est vraiment abordée. À quoi bon ? Leduc, libre penseur, ne se livre pas à une profession de foi, ne prêche pas du tout (bon, incidemment, furtivement, fort peu).
Ludwig Wittgenstein — et maints autres, en variantes diverses — considéra (vers les années 1920, alors devenu chrétien convaincu ?) que « les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. ». C’est à la fois discutable et indiscutable. Roger Vailland, devenu « naturellement » athée, ne se souvenait sans doute plus du fatras logorrhéique des diverses théologies et s’en trouva fort bien lorsqu’il fut interpellé sur ses convictions à l’endroit d’un être suprême ou des religions. Indiscutable…
Je ne vais pas développer, juste signaler qu’avant que Yuval Harari (dans Sapiens, Homo Deus et les Lessons…) élargisse quelque peu la conception du monde en énonçant que marxisme, libéralisme, humanisme(s) sont des religions parmi d’autres, la perception du fait religieux marquait le pas.
Il ne s’agit pas là tout à fait d’une digression puisque, et c’est la majeure partie du livre de Leduc, lorsque Louis Martin-Chauffier répliqua à Roger Vailland que le marxisme était la croyance de ce dernier (sans appuyer sur le fait que Staline était porté au rang d’ultime prophète), et en quelque sorte, limitait son propre monde, cette disputation en préfigura d’autres.
La polémique idéologique dura de décembre 1945 à février 1946 (et au-delà, d’autres intellectuels s’étant exprimés dans l’intervalle et par la suite). Je l’ai aussi évoquée brièvement sur ce même blogue (cherchez « Martin-Chauffier » pour retrouver le texte de Gilbert Mury).
Le principal intérêt de ce De l’athéisme, d’autres ne sont guère moindres, est de replacer l’échange (trois articles reproduits in extenso) dans le, les contextes. De l’éclairer par d’autres textes, de la même période. De multiples auteur·e·s (et c’est pourquoi je regrette l’absence d’un index).
Puis, Leduc semble prendre une tangente, une voie prolongée de traverse, en s’attardant notamment sur le cas de Dominique Aury (ou Pauline Réage). Celle-ci passa d’une Anthologie de la poésie religieuse française à Histoire d’O. Son texte, « Au sortir de l’enfer », et celui de Claude Aveline, (sur Martin-Chauffier), sont reproduits.
Suit une intervention d’Alain (Georges) lors d’un colloque en Pologne, sur Sade, Octave Mirbeau et Vailland, sous-titrée « La domination des cerveaux et des corps ». Puis le dialogue « entre un prêtre et un moribond », de Sade, précède l’article « Athéisme » de Gustave Brocher dans L’Encyclopédie anarchiste (de Sébastien Faure et alii).
Conclusion ? Aucune. Leduc nous épargne de rajouter ses grains de sels et de nous baigner dans un récapitulatif universitaire (bien forcé, au cours de sa carrière, il a su faire…) qui paraphraserait et élargirait, à coups d’autres références savantes, sa communication de Łódź (mars 2016).
Livre « ovni » donc, qui tient de la mini-anthologie, avec apports des recherches ultérieures de l’auteur sur Vailland et « les siens », ou ses contradicteurs. C’est preste, fort enlevé (sur Mauriac, par exemple : « Il y a toujours un Mauriac qui pointe quand giclotte de l’eau bénite… » ; sur Paulhan et Caillois, lequel « essaye de mettre un peu d’huile de mangue dans les rouages en silex »).
Avec Élizabeth Legros-Chapuis (voir aussi son texte sur ce livre), Alain est le cofondateur-animateur du site consacré à Roger Vailland… J’imagine que plus autorisé que moi-même y évoquera ce De l’athéisme.
Peut-être en reprenant ce passage (qui renvoie à Wittgenstein, supra) : « La religion serait-elle la doxa, qu’un être-sans-dieu se sente ficelé par la sémantique, qui lui impose de se définir vis-à-vis de cette hypothétique figure de l’autorité et de la domination ? ». Leduc questionne, ses choix de textes répondent.
Je ne sais si, au passage, l’auteur feint ou non d’être si irrité par le ressassement du fait religieux (l’un des topiques qui, avec l’immobilier, les salaries des cadres, fait l’objet de récurrents numéros spéciaux, et avec le sexe, les choux gras de l’édition). Il le glisse sans s’attarder. En privé, peut-être se contente-t-il de hausser les épaules.
Pour l’instant, avec Gabriel Matzneff, l’animation des dîners en ville des Dugommier est mieux assurée que par la remise en cause de la Trinité.
Vous aurez plus de chances d’interloquer en évoquant la proximité de Matzneff avec Olivier Clément, le théologien orthodoxe. Comme l’exprime si bien Gérard Leclerc sur Radio Notre-Dame, la liturgie orthodoxe « est le seul secours qui puisse lui [Matzneff] tendre la main dans sa tragédie actuelle. ».
Cela vous gave ? Armez-vous de ce De l’athéisme et faites dévier sur l’épuration d’après la Libération. Enfin, tout dépendra de qui sera à table (les mangas, en fonction de la moyenne d’âge, et les jeux vidéo, seront sans doute des lieux communs plus appropriés).
De l’athéisme peut passer pour un livre de, pour vieux. D’accord, mais verts (pas au sens DOM, Dirty Old Men). Dont le terreau vivifiant reste la littérature, profane (n’excluant pas forcément Péguy, Maurice Clavel ou… Martin-Chauffier, homme ô combien respectable). Laquelle vaut beaucoup mieux que le militant Le Saint-Empire, de Vailland, pamphlet anti-capitalo-vaticanesque. De l’athéisme est tout sauf un livre d’idolâtre (quel que soit l’humanisme suprême).
C’est, chez Théolib, dans la collection « Résistances ». Ou consistances.

jeudi 9 janvier 2020

Chez Marianne, visites des bureaux des c..s


Il était comment, le bureau de Jean-François Kahn ?

Non, je ne prends pas J.F.K. (vrai ancien de L’Événement du jeudi, faux retraité de Marianne) pour un abruti — loin de là. Je m’acquitte juste, en renvoi d'ascenseur, d’un SP (service de presse) que j’espère à développement durable. Focus sur la pochade de Sandra Salazar et Louis Lambert, dans Marianne, soit leur typologie des bureaux de divers puissant·e·s…
Je ne sais ce qui me vaut de pouvoir consulter le PDF de l’hebdomadaire Marianne avant que les exemplaires parviennent aux kiosques et abonnés.
Confraternité avec les journalistes honoraires impécunieux ?
Dans ce cas, merci à celles et ceux du Canard enchaîné (que je consultais les mardis soirs à l’Agence centrale de presse, puis Au Tambour, rade mythique, en loucedé) de ne pas se priver d’imiter Marianne (mon adresse figure sur les Pages jaunes).
Je n’achète plus Marianne que dans les aéroports ou les gares, comme auparavant, tant bien même je l’aurais consulté sur écran. Rarement déçu. Pas du tout, cette semaine, non plus. Lecteur compulsif d’actualités, je me serai certes passé des éclairages sur Donald Trump ou Carlos Ghosn, le bilan d’Angela Merkel, ou sur « Ces dix entreprises qui tiennent la France » (dont Avril, ex-Sofiprotéol).
Ou des considérations de Jacques Juillard et Gabriel Matzneff (au fait, dans combien de titres ont-ils signé tous deux ? Même semaine ou même mois ?). On se dispensera moins de l’entretien de Laurence Dequay avec Antoine Bozio et Pierre Ferracci sur la réforme des retraites (dont ils furent deux initiateurs avant de la voir « droitisée »).
Mais j’affectionne davantage le dossier sur Albert Camus, le rappel sur l’agence Cook et le tourisme aux siècles derniers, les propos de l’historienne Arlette Farge, entre (maints) autres — dont les pages sur les bibliothèques de l’Institut de France.
En beaucoup plus enlevé et divertissant, ce classement de personnalités (oui, Salazar et Lambert donnent des noms, plus d’une demi-douzaine par catégorie), en fonction des agencements et décors de leurs bureaux de travail (ou d’occasionnelle présence).
Nous avons donc celles et ceux à « l’encéphalogramme plat », les mégalos, les sympas (les vrais et les prétendant l’être), les « cœurs simples » (dont Victoire de Castellane, céki au juste ? Copinage ?), les fous furieux (Patrick Balkany côtoie quelques figures historiques dont Amin Dada ou Bokassa).
Ce type d’article « sociétal » est souvent, dans la presse française, complaisant. Là, on se rapproche de l’anglaise, des chroniques d’Orwell dans The Observer, des papiers de genre de Punch ou du Private Eye.
Cette dernière catégorie, celle des foldingues, est un crin fourre-tout ; par exemple, le rapprochement entre Lénine et Hugh Hefner est quelque peu tiré par les cheveux (on voit mal Lénine délaisser un coin de table pour un lit en fer dans le cadre d’activités similaires de celles de l’éditeur de Play Boy). Mais c’est plaisant, vachard, pas mal vu, même si sans doute exagéré sur les bords des moquettes, et tombant parfois dans la connivence des in the know (fauteuil Corbusier, d’ac’, mais statue Moba, koikèce ?). Elles ou ils se reconnaîtront, pas forcément nouz’autres, qui passons par la porte de service pour livrer caviar ou pizza au factotum homonyme.
Au passage, « l’insoutenable vanité de l’être » semble partagée à des échelons fort inférieurs. Pour un peu, j’illustrerai bien avec une photo panoramique des entassements enchevêtrés de mon exigu recoin closed space (la mezzanine est devenue inaccessible, et de toute façon pleine à craquer ; plus moyen de se la jouer à la Hefner, ni même à la Lénine).
Il semble que Le Donald (Trump) ait plus ou moins conservé le bureau ovale du temps de Nixon, et le décor à peine allégé d’Obama. J’en profite pour vous laisser juger sur pièce(s) avec un papier d’Eric Grundhauser pour Slate.fr.
Ou pour vous inciter à consulter Wikipedia (entrée « Armorial des présidents de la République française ») ou à rechercher les ajouts d’Emmanuel Macron au logotype de l’Élysée (une croix de Lorraine, entre autres), l’évolution des pavillons des présidents (et chanoines, coprinces d’Andorre…).
Du coq à l’âne et tirage à la ligne : non seulement je reçois le PDF de Marianne, mais SFR, Samsung et Orange tiennent absolument à m’offrir un portable (en raison de points de fidélité imaginaires, de tirages au sort fallacieux…). Je préférerai que Madame Tussauds (l’équivalent du Grévin) m’offre les cires d’Harry et de Meghan (retirées du musée). Je revendrai les bougies sur Le Bon Coin (plus de place dans mon bureau). Oh, là, j’écris pour Google, plus pour remercier Marianne
But stay tuned.

Aires, de Marcus Malte, ou la collision des parcours

13 personnages en quête d'eau, d'amours, air frais : Aires, éds Zulma

Difficile d’esquiver le divulgâchage en présentant le pavé de Marcus Malte, Aires, entendez autoroutières, mais, faute de mieux faire, en zigzaguant sans trop mordre sur la bande d’arrêt d’urgence, on peut tenter de se despoiller de la tentation. Ouvrage en coups de volant — haut —, en piqués, radadas, mode voltige sur notre époque.
Quand on se prend à la lecture d’un roman qui vous laisse une impression durable, même après long décantage, difficile de ne pas pasticher un crin le style de l’auteur·e. J’y viendrais.
J’ai lu Aires sur un « malentendu » : le prière d’insérer me remémora Los autonotaus de la cosmopista, de Julio Cortàzar (et Carol Dunlop). Sous-titre de l’édition française : « Un voyage intemporel Paris-Marseille » (en combi Volkswagen, avec 75 aires de l’A6 évoquées).
Il y a vaguement de cela, dans les Aires, mais il s’agit surtout d’une douzaine de monologues intérieurs (avec quelques dialogues développés dans le lot), de conductrices ou conducteurs aux racines et destins — et destinations — fort contrastés. L’exception confirmant la règle est fournie par un sédentaire maraudeur qui tente de ne pas trop faire remarquer les séjours prolongés de son mobile taudis… Qu’on se rassure, il lui sera fourni au final un lieu de vie plus que durable.
Oublions Cortàzar, c’est plutôt du John Dos Passos en tube concentré (unité de temps, quasiment de lieu, enfin, principal, et au final, d’action). Soit des personnages diversifiés, de conditions et mentalités sociales distantes, à la Manhattan Transfer, de la trilogie U.S.A. Dos Passos développa lui aussi un style novateur, Marcus Malte se dédouble, ce qui peut surprendre.
Ce dès le premier chapitre dont il ne saute pas aux yeux d’emblée qu’il emploie une novlangue dystopique. J’ai pensé à une sorte de traitement automatique du langage (genre traduction Google) revu et néologisé par un traduttore d’occasion ou une traductrice facétieuse et inventive.
Comme — cela ne saurait perdurer — j’ignorais tout de Marcus Malte (grosse lacune à corriger), nom de plume d’un Corto Seynois (Varois), j’en vins à imaginer qu’il s’agissait d’un romancier (au hasard, irano-valaque), d’un Joseph Conrad ou Jef Kessel, transfuge, ayant choisi « son » français pour ses œuvres. Une rapide recherche et la suite me détrompèrent.
Marcus Malte est visiblement un amoureux de la langue française tant classique que post-surréalo-je-n’sais-plus-kek qu’il maîtrise sans afféteries superflues. Ni sans appuyer sur l’accélérateur. D’ailleurs, le véhicule de Peter ne pouvait télescoper celui des Fourniret (comprendra qui lira Aires) car restant la plupart du temps immobile. C’est un chausson Acapulco 43, version Capucine, 231 634 km au compteur. « Pas un souffle d’air ne fait voleter le fin rideau d’un blanc plus qu douteux » qui en obstrue l’ouverture (latérale ? précision absente : nul besoin de s’étendre) et l’intérieur « fleure bon (…) la rose blanche du Yorkshire. ». Peter a plutôt sur les mains la rougeur des Lancastre, mais je n’en dirai pas davantage…
C’est une suite de récits entrecoupés. Les réflexions ou conversations des protagonistes sont interrompues ou s’inspirent de fragments d’actualités de chaînes radiophoniques d’info. Au tout départ, de la lecture, cela ne fait pas trop sens, mais ensuite trame.
De même, les transitions entre chapitres sont entrecoupées à l’occasion d’intercalaires, d’inserts, de vrais-faux/faux-vrais documents, publicitaires ou autres, qui finissent par entrer en correspondances. Ce qui incite à la relecture, à des retours en arrière… Le procédé est aussi employé en cohérence avec le personnage (par exemple, celui d’une émule de Monique Ranou dont on sait l’attachement à la tradition du goût). Cela n’est pas sans évoquer parfois les détournements des albums de Martine par des graphistes ironiques (genre « Martine érit en UTF-8 » ou « monte un meuble Ikea » ; j’attends Martine instaure la retraite à points, cela viendra). Humour anglais, catégorie Angry Young Men.
Très, très dans l’air du temps (pas vraiment fragrance Nina Ricci, car l’ère des temps actuels et à venir sent moins le purin que les pesticides), ces Aires (peu aimées ni aimables). Cela finira-t-il en calages en bourre ? En dérapages accélérés ? Cochonnou (« le saucisson comme on l’aime chez nous ») qui s’en dédit, je n’évoque pas le pénultième chapitre, mais le dernier, qui reprend et prolonge l’initial et vaut épilogue des 32 autres (au total, 480 pages foliotées— sur 496 format A5 — pour 24 euros qu’on ne regrette pas d'avancer avant la sortie en format de poche : à mon sens, le Pléiade suivra avant les années 2050). Ce dernier chapitre, celui des jours d’après, vaut décatissage (ôtant — l’apprêt— ce qu’emporte le vent).
Difficile, après Aires, d’en revenir à ces auteur·e·s nombrilistes disséquant leur inessentiel vécu (ma, mes femmes ; mon, mes amant·e·s ; papa-maman ; mes affres). Pourtant, vraiment rien d’impersonnel dans ce, ces récits entrecroisés et entrecoupés de courts passages à la première personne, en parties récitantes, ces « cahiers » ou journaux intimes (qu’on attribue plus facilement à l'auteur qu'au narrateur). On perçoit d’ailleurs fort bien, dans ce condensé de comédie humaine (il y a des morceaux balzaciens dedans, livrés avec des gadgets bonus sous l’emballage) de la décennie écoulée, l’empathie de Marcus Malte pour telle ou un tel personnage, et ses antipathies pour d’autres. Pas vraiment le regard froid d’un Roger Vailland, du moins, fort peu constamment.
Si je voulais me la péter cuistre, je pontifierais à la Bouvard (ou Pécuchet) sur l’intertextualité. Placerais quelques approches attestant que l’érudition (discrète, furtive, allusive, jamais pesante) de Marcus Malte ne m’a pas — tout à fait du moins, à première lecture — échappé. &c.
Sur Babelio, une certaine Kirzy parle beaucoup mieux que moi de ce roman si singulier. Et puisqu’elle ne divulgâche pas vraiment l’intrigue et son apothéose, allez voir…
Aires figure au nombre des vingt livres de la rentrée hivernale de la sélection de la Fnac. Galligrasseuil, Minuit, Plon, prédominent (fort peu de « petites maisons » dans cette liste). Du coup, je suis allé faire un tour sur le site de Zulma. Sur lequel je constate que l’agenda de Marcus Malte, du 17 mars au 2 avril prochain, compte sept dates de rencontres dans des librairies. Je ne chasse pas la dédicace, mais… tenté.

mardi 7 janvier 2020

Daily Express : après l’Australie, la France en flammes !

Presse anglaise & French bashing, attendez le post-Brexit…

Cela ne date ni d’avant-hier, ni du pénultième siècle (voire d’avant les guerres napoléoniennes ; “Always blame the French” est fort antérieur), la presse anglaise — et non britannique — exagère tout élément campant la France et les Français sous un jour défavorable.
Certes, la France tient le haut du classement de l’index QNI (Quality of Nationality Index), devant l’Allemagne, les Pays-Bas, les pays scandinaves et l’Italie (le Royaume-Uni était huitième, et le Soudan du Sud bon dernier, au 157e rang).
Ce classement, établi par un néerlandais et un suisse, vaut ce qu’il vaut… Ce qui est sûr, c’est que pour les Anglais, la France reste un merveilleux pays, mais hélas peuplé de Français.
Comme l’exprimait le duc de Wellington, « j’espère que nous seront toujours détestés en France ». Ainsi que le résumait plus récemment Antony Lane dans le New Yorker, l’amour des Anglais pour la France peut ainsi se résumer : “take away the people and leave the buildings standing”.
Ou, comme le professa Robert Morley, la France est un pays que les Anglais considèrent immérités pour les Français (“a country which we have always thought to be much too good for them”).
Bref, les variantes des propos de l’historien oxfordien Richard Cobb (“Wonderful country France… pity about the French”) abondent.
En fait, lecteur souvent assidu de la presse anglaise (et écossaise ou irlandaise à diverses occasions), cela fait des années que je me délecte des exagérations de ses titres « populaires » (The Sun, The Daily Star, quelques autres) traitant des actualités françaises. J’aurais dû les collecter, il n’est jamais trop tard pour débuter...
Juste un rappel : Boris Johnson avait déclaré ne pas se souvenir d’avoir qualifié les Frogs de turds (étrons). En fait, le Foreign Office avait prié la BBC de couper ses propos (pour un documentaire de BBC Two en novembre 2018).
Chassez le naturel, il reviendra au galop… Et avec le Brexit, je gage qu’on peut s’attendre à ce que le corpus s’enrichisse.
Voici donc, en entrée inaugurale, le titre (adapté) du Daily Express : La France en flammes alors que de furieux grévistes anti-Macron bloquent l’accès à la gare de Lyon par un immense embrasement…
On comprend par la suite qu’il s’agit de gare parisienne dite « de Lyon » mais on ne voit pas trop comment mettre en flammes quelques gros cartons peuvent empêcher les usagers de se rendre sur les quais.
Peu importe. Paris brûle-t-il ? Pas loin. Claire Anderson n’est pas allée jusqu’à préconiser de contourner la France en passant en Belgique pour gagner le continent, mais d’autres s’en chargeront à la prochaine occasion.
Cela ne touche certes que les titres favorables au Brexit (et donc, aussi, The Times, l’ex-vénérable quality paper), mais ce sont les plus lus, tant en ligne qu’en version imprimée gratuite.
Mais même The Guardian n’est pas exempt à l’occasion de critiques acerbes. Ou même The Economist.
C’est rafraîchissant… Les Anglais ont progressivement abandonné les « blagues irlandaises » (l’équivalent des « blagues belges » françaises tombées en désuétude), mais la tradition de dénigrer les Français demeure vivace outre-Manche : elle est particulièrement vivace au sein de l’électorat populaire anglais (et non gallois ou écossais) ayant assuré à Margaret Thatcher et à Boris Johnson leurs succès. Celles et ceux qui venaient en France acheter leurs bières et leurs cigarettes (pour les consommer ou les revendre) et qui se fourniront en Belgique.
Cela étant, le dénigrement de la France est aussi un sport national français : pays en déclin, intellectuels et écrivains nombrilistes de seconde zone, râleurs impertinents farouchement conservateurs (si ce n’est « vichystes » dans l’âme), j’en passe et des pires. Un peu ce qu’ils, les Anglais, nous envient. Car une majorité d’Anglais pense de même : l’Angleterre n’est plus ce qu’elle était, devient un pays violent, état désastreux des hôpitaux et des liaisons ferroviaires, &c.
C’est d’ailleurs l’une des causes essentielles du Brexit : build England great again.
Et si cela se vérifiait utopique, restera le French bashing pour se rassurer. C’est pire de l’autre côté du Channel. Restons souriants sans se montrer trop condescendants : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers ». (comte d’Antroche, Fontenoy, mai 1745, selon le seul Voltaire).
Hélas, avec la Seita (devenue Imperial Brands), les cigarettes Fontenoy (comme les Caravelle, les P4, les Gauloises roses, les Balto, les Boyards, les Scaferlati Caporal, maïs, mais aussi, oh, faute de goût impardonnable, les High Life) ont disparu. Tout comme d’ailleurs les Player’s Navy Cut (Imperial Brands aussi) que les marins anglais fumaient au large de Mers el-Kébir en juillet 1940.
Cela étant, je comprends fort bien le French bashing… L’Angleterre se prive plutôt de ses meilleurs éléments, ses expats se fixant en France, et la réciproque n’est pas tout à fait équivalente (eh, je suis Breton, et le “To let — no dogs, no French” me semblait particulièrement injuste : les chiens sont de très bons compagnons et voisins).
Allez les Rosbifs, sauvez votre reine et votre futur roi : ils sont trop choupinets (et délicieusement ridicules).

lundi 6 janvier 2020

Finlande : vers 24 h de travail hebdomadaire

Sanna Marin plaide pour 6 h/jour par 4

J’ai connu les 48 heures de travail hebdomadaire (et, devenu cadre, bien au-delà). Voici que la Première ministre finlandaise plaide pour six heures ouvrées journalières sur quatre jours hebdomadaires. Et pour les Finlandaises et Finlandais, cela semble réaliste…
Sanna Marin, 34 ans, Première ministre finlandaise, veut aligner la durée journalière de travail en Finlande sur celle de la Suède, soit six heures quotidiennes. Elle va plus loin, puisque pour elle, et ses cheffes de l’opposition (toutes des jeunes femmes), la semaine de travail de quatre jours est envisageable.
Soit 24 heures de travail par semaine, le reste du temps (72 heures) étant consacrés à la famille, ou aux violons d’Ingres, sommeil et farniente.
Faut-il rappeler ce qu’une heure de travail rapportait aux actionnaires en 1945, et ce qu’elle leur rapporte aujourd’hui. Dix, vingt fois davantage, ou plus encore ?
Du moins en Europe.
Pour le moment, la durée (théorique) du temps de travail en Finlande est égale à celle de la France (huit heures × cinq jours). Théorique puisque, toujours à l’heure actuelle, certaines et d’aucuns — comme ce fut mon cas — bossent parfois encore (rarement) 72 heures d’affilée (d’ac’, mon record ; en fait un peu moins : un quart d’heure de sommeil sur une maigre couche par terre toutes les quatre ou cinq heures). Cuisiniers, journalistes, &c., bossant 24×24 par intermittences, savent. Non compensées, non récupérées. C’est le boulot, le taf, la galère. Et les métiers.
Ce qui ne veut pas dire que cela suffit à sortir de tout petits patrons de la mouise (j’en fus, un temps…).
Certes la productivité a été multipliée par x puissance y, en certains domaines. Pas d’en tous (je pense aux fonctions hospitalières, où les toubibs pourront être remplacés par l’intelligence artificielle, mais non les infirmières ou les aides-soignants tant que nous ne nous accoutumerons pas aux robots).
N’empêche…
Sanna Marin ne s’est pas déjà exprimée sur les répercussions sur les retraites. J’imagine qu’elle le fera.
Faut-il rappeler que le meilleur système éducatif européen est le finlandais ?
Que la perspective sur la durée du travail est liée à ce paradigme ?
Que dans ces conditions, oui, on peut envisager, comme en Finlande, un âge de départ en retraite à 63 ans et trois mois ?
Parce qu’en Finlande, on n’est pas décrété inemployable vers 45 ans ?
Je ne sais si en Finlande, les octogénaires en vue trustent tous les emplois médiatiques les plus grassement rémunérés (comme en France, où…voyez par vous-mêmes la moyenne d’âge de tous ces gens prônant l’allongement de l’âge du départ en retraite pour les autres).
Cela étant, ne vous pressez pas d'apprendre le finnois et de faire vos malles pour rejoindre Helsinki. Certes, Sanna Marin a bien dit que cette semaine de 24 heures pouvait paraître utopique à présent mais réaliste dans un futur indéterminé, mais son gouvernement n'a pas l'intention de légiférer sur la question de sitôt.
Mais après le remplacement des emplois des secteurs primaire et secondaire vers le tertiaire, la robotisation et l'intelligence artificielle ne vont pas générer assez de nouveaux métiers. Les plus riches risquent de fuir les conséquences de leur enrichissement pour les futurs inactifs en se réfugiant dans des enclaves réservées. Préservées aussi des chaleurs et froids extrêmes. Et qu'ils ne multiplieront pas les charges de gentilshommes de brevet d'affaires (ou porte coton) ou de porte-chaise d'affaire pour leurs « commodités ».
Je laisse la conclusion à votre réflexion.

dimanche 5 janvier 2020

Donald Trump ne vaut plus que 80KUSD


L’Iran dévalue la famille Trump

En bon toutou-perroquet de Donald Trump, Boris Johnson a relayé les propos du Donald sur l’Iran. Mais pourquoi s’aligner sur un individu qui, selon la mise à prix de l’Iran sur sa tête, ne vaut plus que 80 millions de dollars ?
Je sais, vous n’avez guère besoin de moi pour vous tenir au courant des suites de l’élimination du général iranien Soleimani par ordre de Donald Trump qui vise désormais 52 sites stratégiques iraniens.
Vous savez aussi que divers engins explosifs ont visé (et atteint) la Zone Verte (la Green Zone de Baghdâd) ce dimanche soir…
Mais l’élément le plus important, non pas passé sous silence par la presse française, mais considéré secondaire, est sans doute que le site du Federal Depository Library Programme (FDLP, rien à voir avec le Front démocratique de libération de la Palestine… quoique… même si en anglais, c’est le DFLP, allez savoir…) a diffusé des contenus de hackers iraniens.
Lisez ou relisez Yuval Harari (Sapiens, Homo deus) et tentez d’imaginer les implications.
Notre bouclier nucléaire, les États-Unis d’Amérique, à la merci, comme le Royaume-Uni, l’Union européenne, des attaques cyber iraniennes. L’Iran, puissance nucléaire, dotée de technologies sans doute vendues par des physiciens russes et étasuniens aux plus offrants (Pakistan, Corée du Nord…). Complotiste, moi ? Non, c’est toujours beaucoup plus complexe, plus exposé à de multiples aléas qu’aucune unité centrale ne maîtrise, mais tentons de réfléchir.
Ce qui me fout une laïque trouille, c’est bien que l’Iran Cyber Security Group Hackers (avec ou sans l’appui de techniciens internationaux, dont étasusiens) puisse pénétrer un site gouvernemental. Ou peut-être celui d’une centrale nucléaire.
Car « au nom de dieu » (en fait, d’on ne sait quel ayatollah), la nomenclature d’un État terroriste (Iran, Israël, US of A et bien d’autres), ou d’un autre prétexte, ce sont nos vies qui sont en jeu. Tout cela pour qu’un despote ou un autre assure son emprise sur notre devenir.
Et nous sommes démunis car le ver est dans le fruit européen. Déjà, avec l’Angleterre qui, Brexit ou non, conservera des liens stratégiques avec l’Union européenne, avec les mafias dirigeantes de divers pays de l’UE (voyez un peu comment Pologne, Hongrie, Bulgarie, leurs classes dirigeantes se goinfrent sur nos dos ; c’était encore le cas voici peu de la Roumanie, d’autres suivront…).
Et n’importe quel multimilliardaire peut acheter des consciences. Même un second couteau (Carlos Ghosn, pour ne mentionner qu’un exemple d’actualité).
Divagations ? La fin serait-elle si proche ? 2020 année catastrophique (en Australie, sans aucun doute) ? Nul ne peut le prédire.
À toutes celles et ceux qui passent par ce blogue-notes, je présente mes meilleurs vœux. Dont celui de tenter d’être lucides. Ce qui, pour la plupart d’entre-nous, nous fera une belle jambe. Mais tentons au moins d’évaluer les menaces prioritaires (réchauffement climatique, cyber guerres, paupérisation de multitudes…). Et de faire, à chacun son niveau, selon ses compétences, retarder l’échéance.
Contribution « sans queue ni tête » ? Celle de Salman Rushdie ne valait que trois millions de dollars (puis 3,3, comme renchérit l’ayatollah Hassan Saneii). C’était en 1999. Depuis, l’inflation en Iran… Ce qui me rassure (fort peu), c’est que la caste dirigeante iranienne sous-évalue encore un Rushdie et surévalue encore un Trump (il ne vaut pas 80 millions, tout juste un kopeck des années 1980). On se rassure comme on peut.

Des joies du tourisme en Italie…

Mauvaise surprise au restaurant-hôtel Piero d’Arezzo

Je vous ai déjà entretenu des arnaques éhontées de certains établissements italiens de Rome et Venise. En mode mineur, voici deux anecdotes florentines…
Vous connaissez la blague selon laquelle qui dit connaître Naples et n’a pas été volé à Naples est un menteur (histoire qui me fut contée par un Napolitain, voisin de comptoir).
Eh bien, cela fait trois fois que je me rends à Naples sans n’avoir subi ni vol, ni arnaque…
En revanche…
Commençons par Florence.
Pour visiter les Offices, réservez vos billets sur leur site, puis faites la queue pour retirer les tickets, puis de nouveau, longuement, très longuement, prenez place dans l’autre interminable file. Si vous êtes deux, cela laisse largement le temps d’aller prendre un cappuccino dans le bar-tabac du bas de la rue — via della Ninna ? —, en se relayant.
Prix du cappuccino vers 11 heures au comptoir : 1,30 euro.
Mon amie s’attardant dans l’expo temporaire sur l’Aretin, en fin de visite, je retourne au même bar-tabac. Nouveau capuccino vers 15 heures.
Prix du même : deux euros…
Je n’ai pas protesté car cette fois, je m’étais assis devant l'une des trois petites tables de l’établissement. Donc, dans le doute…
En revanche, permettez-moi de vous « vanter » l’hôtel-restaurant Piero della Francesca d’Arezzo… Il n’est pas si mal situé et des bus mènent au centre-ville. Il faut savoir qu’Arezzo, un 31 décembre ou un premier de l’an, est envahi de touristes. D’où le choix de cet hôtel excentré, l’un des rares à disposer de chambres libres pour cette période.
Accueil correct, chambre tout à fait convenable où nous déposons nos bagages avant de descendre au restaurant (trouver un restaurant ouvert, cette nuit-là, hormis les deux japonais bordant la via Veneto, soit Yamatoji et le 238, bonsoir…).
Prix du vin de la maison Piero della Francesca intéressant : 12 euros le litre. À la table voisine, un couple s’est contenté d’un pichet de 50 cl, mais, bon, c’est la fin de l’année, va pour un litre…
Le serveur dépose une bouteille de 75 cl. Bon, pourquoi pas, pénurie de pichets sans doute. Car il confirme qu’il s’agit bien du « vin de la maison » (je précise que mon amie maîtrise parfaitement l’italien), la déclaration du serveur ayant été réitérée.
Mon amie commande un filet de viande dont le prix (je l’ai oublié) est indiqué par portion (au poids). Je commande un plat banal, peu cher.
Arrive l’addition, salée. Ne pouvant récriminer sur le prix du plat de viande, consommé, je constate que la bouteille de « vin de la maison » est facturée 15 euros. Le chef de rang convient qu’une réduction s’impose…
Arrive la gérante qui récrimine car je fais toute une histoire pour trois euros (en fait six, car trois-quarts de litre à 12 euros le litre…), mais bon. Le ton monte de part et d’autre…
Finalement, nous fûmes « priés » de quitter l’établissement illico passés 22 h 30. Le remboursement (trois nuits) se fait attendre, mais mon amie ne désespère pas que sa carte bancaire soit recréditée prochainement…
Par chance, le plus proche hôtel, le San Marco (très bien, personnel très aimable, chambre irréprochable et nuitée un peu moins chère qu’au Piero à confort égal) avait une chambre libre du fait d’une annulation de réservation.
Je ne sais si la gérante du Piero della Francesca donne des consignes au personnel du restaurant pour gruger ainsi les clients étrangers. Mais dans le doute, autant s’abstenir de fréquenter cet hôtel-restaurant…
Le Piero della Francesca n’est heureusement pas le seul établissement d’Arezzo. Dans d’autres restaurants, il peut arriver que la bouteille la moins chère figurant sur la carte ne soit plus disponible et qu’on vous en propose une autre, au même prix. Ce fut le cas dans une pizzeria de Matera, avec une bouteille de chianti à dix euros seulement (une autre fut servie à table ; la même est vendue 14 euros dans la boutique où les guides amènent les groupes pour des dégustations gratuites : eh, les prix sont librement fixés, correctement affichés, n’est-il pas ?).
Depuis la fin des années 1960, ce doit être mon vingtième (et quelques…) séjour en Italie (Sicile et Sardaigne incluses). Sans doute pas l’ultime s’il me reste quelques années de vie. J’en garde les meilleurs souvenirs. S’il faut généraliser, disons que les arnaques sont des exceptions trop exceptionnelles pour confirmer la règle. Il n’y a vraiment pas lieu de se montrer constamment et partout méfiant, bien au contraire.
Les plus fréquentes surprises sont agréables. Y compris dans des villes très (et même « trop », à la longue, y compris hors saison) touristiques.
Même à Rome ou Mestre (qui jouxte Venise). C’est dire…