samedi 12 mars 2022

Ukraine : mais que veut vraiment Poutine ?

 Annexion au sud ou éradication totale de l'Ukraine ?

Vous l'aurez remarqué, je tente de ne pas vous abreuver d'infos rabâchées par les médias dits occidentaux. Je consulte autant les sites Interfax et Tass que d'autres. En revanche, c'est clair, russophile assumé, je considère Poutine pour ce qu'il est : un ploutocrate brejnevien doublé d'un mégalomane. L'ennui, c'est que pas plus moi que d'autres ne sait ce qu'il souhaite réellement. Deux hypothèses contradictoires dont je ne peux départager les fondements valent d'être évoquées.

D'emblée, il faut relever que les Russes, dans leur ensemble, ne semblent guère unanimes. C'est d'ailleurs identique hors de Russie. Je reste en relations avec des gens sincères, Russes ou autres, persuadés d'un complot américano-sioniste visant à l'anéantissement de la Russie. Eh bien, ces gens partout dans le monde (je ne prends que l'exemple du Maroc où les prix des hydrocarbures et de l'alimentaire fragilisent les populations), ne doivent pas être stigmatisés. Outre les réfugiés ukrainiens, il va falloir faire de la place pour les réfugiés russes dans nos sociétés, sans chercher à les départager entre réfugiés politiques et économiques. Qu'ils soient pro-Poutine ou anti-Poutine, toutes et tous souffrent. De même que nos réfugiés, pro-maréchalistes ou pro-gaullistes souffraient quand ils se repliaient en zone libre.

Il y a deux manières de voir les intentions de Poutine. Soit la vision de divers observateurs pour lesquels, faute de pouvoir occuper l'Ukraine durablement, Poutine en fera une immense jachère (hors, bien sûr l'exploitation des gisements d'uranium et de titane confiée au groupe Wagner appuyé par des troupes régulières). L'autre perspective, que le quotidien La Reppublica avance, consiste à envisager une Nouvelle Russie incluant tout le sud de l'Ukraine (et sans doute annexant l'ensemble de la Moldavie à terme, et peut-être la totalité de la Crimée). Le reste de l'Ukraine étant dévasté, rendu inhabitable.

Je ne saurais trancher, mais quel que soit le cas, nous en souffrirons, durement. Nous et tant d'autres de par le monde. Je ne sais comment m'y préparer (en fait, je sais que je ne saurai comment faire, donc j'improviserai maladroitement). Ce dont je suis persuadé, c'est que nous soyons Bretons, Ukrainiens ou Russes, ou autres, nous allons devoir nous entraider. Entre victimes, ne nous divisons pas. Vœu pieux (pour moi, agnostique, athée) mais faute d'autre perspective, croisons les doigts.


jeudi 10 mars 2022

Ukraine : chairs à canon contre boucliers humains

L’armée russe restera-t-elle en Ukraine pour longtemps ?

L’actualité suffit à être angoissante, mais les suites envisageables, pour l’Ukraine, la Russie et l’Europe sont tout autant anxiogènes. Prévisions, mode imprécateur, que j’espère infondées.


La propagande poutiniste a atteint un point de non-retour. Comme en Syrie, l’Ukraine est accusée de vouloir employer des armes chimiques et biologiques (par conséquent, si l’armée russe en utilise, ce seront en fait les Ukrainiens qui en deviendront désignés responsables, tout comme l’opposition à Assad fut accusée d’y avoir recouru). C’est là l’un des aspects du rôle de la propagande. Notez que des soldats russes risquent aussi d’être victimes de ces emplois.

L’armée russe a finalement admis avoir envoyé des conscrits en Ukraine. Auxquels il est soutenu que leurs victimes civiles sont en fait des boucliers humains utilisés par les combattants ukrainiens. Poutine peut s’inquiéter du retour de ces conscrits et de soldats peu crédules en Russie. Certes, ce souci est mineur : ses sbires fidèles sauront les faire taire, et la plupart se tairont.

Mais des démentis à bas bruit, un bouche-à-oreille s’amplifiant, contrecarrant la propagande officielle peut inquiéter l’autoritaire Poutine. Autant différer le risque en laissant les troupes stationner assez longtemps sur place.

Il y a deux manières de faire cesser ce type de rumeur. La répression, qui sera sans doute efficace. L’autre consiste à faire en sorte que les criminels de guerre le deviennent contraints et forcés, et fort peu enclins à s’exprimer. Pour cela il faut déshumaniser l’adversaire, civils inclus, pousser aux viols, aux exactions. Souffrant de syndromes post-traumatiques ou non, les SS du régiment Der Fürher s’étant illustrés à Oradour ne se sont sans doute pas trop vantés de s’être livrés à un massacre de civils, si ce n'est à de très proches partageant l’idéologie nazie.

En France, le temps n’est plus ou un Laurent Wauquiez qualifiait Macron d’être un dictateur (Wauquiez s’était retracté). Il est vrai qu’en comparaison, depuis, avec Poutine, Macron fait figure de « dictateur » (guilles de distanciation s’imposant) au petit pied, et même de tout petit garçon en ce domaine. Et Jadot se garde bien de redire que Macron fait preuve de complaisance envers Poutine. Mais ce qui m’inquiète, c’est que la propagande poutiniste conservera sans doute des adeptes en France, et cela, durablement. Un Thierry Meyssan poursuit sa reprise des arguments d’intox sur le site du Réseau Voltaire. Pour lui, « l’ambition de la Russie et compréhensible, voire souhaitable. ». S’il se garde d’exprimer que cette ambitieuse fin justifie tous les moyens, c’est de justesse.

Il ne peut être exclu que Poutine décide unilatéralement d’un cessez-le-feu à peu près généralisé. Quitte à reprendre des contre-offensives temporaires, sporadiques, en arguant d’attaques localisées visant ses troupes. Mais retirer massivement des unités qui auraient été engagées dans des combats ou ayant pris possession de localités préalablement bombardées semble exclu à court ou moyen terme. Les combattants russes de retour dans leurs familles risqueraient d’écorner la thèse d’une opération de dénazification ou de destruction de sites ou laboratoires d’armes biologiques américains (Lavrov en avait évoqué deux, à Kyiv et Odessa et le compte twitter anglophone de Sputnik – Spunikint –s’était empressé d’amplifier).

L’opinion russe est majoritairement muselée, et les opposants ont commencé à fuir (ou tenter de…), en particulier vers la Finlande. Des parents mieux informés ou perspicaces dont les adolescents pourraient être appelés sous les drapeaux font de même. L’outrance de sa « propre » propagande finira peut-être par influer davantage que les sanctions occidentales. Mais il n’est pas sûr que Poutine fût en capacité de l’envisager.


mercredi 9 mars 2022

Vers des Jeunesses poutinistes armées ?

Les blindés russes frappés du Z de Zemmour ?

Bien présomptueux de parodier le Volatile entravé (hebdo du mercredi). Mais l’apparente bonne santé de Poutine en atteste : le ridicule — des arguments spécieux — ne tue pas. Un peu d’humour noir dissipe parfois l’angoisse.

La Poutinophobie (ou plutôt détestation) ne doit pas avoir pour pendant la Zelenskydolâtrie. Le second Volodia n’a pas brillé dans son combat contre la corruption, a su aussi en mettre un peu à gauche (voir Le Canard enchaîné de la semaine d’avant celle-ci), et sa position sur le Donbass ne fut guère limpide. Mais le président ukrainien n’a jamais posé en super-héros, en athlète accompli, et s’il n’est pas tout à fait aux premières lignes du front, le Russe n’est pas non plus aux avant-postes. Cela se conçoit, une balle de conscrit russe dans le dos ou d’un fusiller marin de Kronstadt ne serait pas à exclure.

Poutine n’a pas encore expédié des ados de la Lounarmia sur le front ukrainien. Ces successeurs des pionniers soviétiques ou des faucons de la patrie roumains bénéficient d’une formation militaire. La Lounarmia est diriigée, depuis fin 2018, par le vice-ministre russe de la Défense. C’est l’armée de la jeunesse poutinienne. Relevez qu’en 2014, la Russie a réactivé notamment en Ukraine (Kiev, Odessa, Donbass) la Droujina, le corps des auxiliaires de la police, qui s’illustra par des pogroms visant les campements des tziganes. Si, en Ukraine, les ultra-nationalistes sont devenus marginaux (un peu comme l’extrême-droite indépendantiste bretonne), la Droujina pro-Poutine d’Ukraine, hors Donbass, semble avoir depuis virée d’allégeance.

On comprend mieux pourquoi Zemmour se sent si proche des chrétiens. Le patriarche moscovite Kirill a dénoncé la décadence de l’Occident, et soutenu sans réserve l’invasion de l’Ukraine, car son dieu a reconnu les siens. Zemmour, en passe de passer ploutocrate, pourrait rependre à son compte les propos du patriarche pour lequel les « marches de la fierté » sont la manifestation satanique marquant la fin de « la civilisation humaine » (tel quel). Poutine œuvre pour le salut de l’Homme, pour la place qu’il occupera à la gauche ou à la droite du sauveur. Je n’en soutiens pas moins que fermer le Centre spirituel et culturel orthodoxe russe du quai Branly (mon billet précédent), fusse-t-il un nid d’espions dont les dômes sont garnis de systèmes d’écoute, pourrait être interprété comme relevant de la russophobie.

Les blindés russes d’invasion sont frappés d’un signe Z, lettre ni slavonne ni cyrillique moderne. Serait-ce l’initiale de notre nouveau Zébulon (qui fait du trampoline dans les sondages) ? Les bateleuses et bateleurs des plateaux télévisuels pourraient lui poser la question afin de lever l’ambiguïté. Et tant qu’à faire lui demander si à ses yeux, Poutine est ou non une immonde crapule ou un infâme scélérat, un dépravé. Le Zébulon a fait grand cas de sa liberté de parole, et que je sache le délit d’outrage à chef d’État étranger a été supprimé.

La Russie accuse à présent l’Ukraine de préparer des offensives utilisant des armes chimiques (selon une dépêche Interfax), ce afin de les imputer aux Russes. Une bonne manière de se dédouaner si la Russie emploie des armes chimiques : il suffira de soutenir que ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui se sont contaminés. Si vous regrettez Sputnik ou RT France, il vous reste les fils en anglais d’Interfax et Tass. Édifiant… On y apprend que les soldats russes fait prisonniers sont soumis aux mêmes tortures que les SS nazis infligeaient durant la « Grande guerre patriotique ». Alors que, bien sûr, les prisonniers ukrainiens des Russes seront « rendus à leurs familles ». On y croit très fort. Le ministère russe de la Défense n’ajoute pas : s’il reste des survivants dans leurs familles. On apprend aussi qu’à Melitopol, la population a accueilli les troupes russes en brandissant des drapeaux russes. Ce serait plutôt l’inverse, s’il faut en croire des vidéos parvenues à la presse internationale. Mais l’opinion russe est sommée d’accorder foi aux sources russes.

La Douma prépare la succession lointaine (2036) de Poutine. Aucun candidat soupçonné de terrorisme (intellectuel) ou de menées subversives (enfreindre la censure) ne pourra se présenter à l’élection présidentielle. Même pas besoin d’atteindre moins de  500 signatures pour se voir retoqué. La Finlande accueille déjà des milliers de réfugiés russes. On comprend pourquoi.

mardi 8 mars 2022

Quand le patriarche Kirill bénit les tchétchènes islamistes

 Faut-il fermer le Centre spirituel russe du quai d'Orsay ?


Interpellé par Sveta, Ukrainienne d'IdF, afin de signer une pétition demandant la fermeture du Centre orthodoxe du quai d'Orsay (dépendant du patriarcat de Moscou et de l'ambassade russe en France), je reste circonspect.
Beaucoup d'habitants du quartier de la porte Saint-Denis ont connu ou côtoyé Sveta (Svitlana mais surnommée Sveta). Devenue peu à peu nationaliste ukrainienne véhémente, au point de se brouiller avec des amies russophones (de diverses nationalités nominales, baltes et autres, dont la russe). Voilà qu'elle m'interpelle pour que je signe une pétition sur Change.org afin d'obtenir la fermeture du Centre spirituel et culturel orthodoxe russe de Paris. Au motif d'une mise en ligne sur son site d'une sorte d'exorde justifiant la propagande de Poutine et du patriarche russe Kirill. Lequel approuve de facto l'envoi d'un contingent de soldats tchétchènes (musulmans traditionalistes pour user d'un euphémisme) en Ukraine.
Il y a donc matière à se formaliser. On pourrait aussi s'inquiéter du silence du Séminaire russe de Sainte-Geneviève (à Épinay-sous-Sénart), ou des prises de position de l'institut Saint-Serge de Paris.
D'autres entités relevant du patriarcat de Moscou ont pris nettement position en faveur de la paix en Ukraine et interpellé vivement le patriarche Kirill. Il en est de même d'une partie du clergé (le site egliserusse.eu en rend compte) de diverses paroisses.
De ce fait, je reste circonspect. D'une part parce que je ne saurais dire si la prise de position poutiniste émane de l'ambassade ou du clergé du Centre du quai d'Orsay. D'autre part car j'ignore ce que pourraient en penser les Russes orthodoxes de France.
Lesquels sont divisés, certains restant persuadés d'une partie du bien-fondé (à leur entendement) de la propagande du Kremlin, d'autres s'y opposant ouvertement.
Il faut aussi prendre en compte ce qu'implique la moindre manifestation de dissidence lorsqu'on est russe, vivant en Russie ou partout ailleurs (U.E., Royaume-Uni, reste du monde). Les Russes ayant rejoint des manifestions de soutien à l'Ukraine ont pris des risques. Faibles, s'ils sont lambda, tant qu'ils ne cherchent pas à rentrer en Russie, forts, y compris en France ou dans leurs pays de résidence s'ils (elles et ils) sont susceptibles d'exercer une quelconque influence sur l'opinion russe de l'émigration.
S'en prendre à des Russes, celles et ceux se gardant de s'exprimer inclus, est aussi inutile que de dénoncer la cuisine québécoise et les établissements préparant de la poutine (frites, fromage et sauces). Nombre d'entre elles et eux, j'ai pu le constater, ne consultent que les chaînes officielles russes. D'autres, mieux informés, ne ménagent pas leurs critiques, car sachant à quoi s'en tenir sur Poutine. Ce avant même qu'il décide l'invasion de l'Ukraine et vise des cibles civiles.
Pour beaucoup, croyants ou non, se rendre à un culte orthodoxe relève autant d'une envie de retrouver des connaissances que d'autre chose. Cela vaut aussi pour des Ukrainien·ne·s hostiles à Poutine mais non russophobes et qui fréquentent des paroisses du patriarcat de Moscou hors Russie.
En conclusion, il faut se méfier des effets pervers des bonnes intentions. Oui, indubitablement, s'aligner sur les propos du Kirill (un oligarque vivant somptueusement) est condamnable. Le dénoncer s'impose. Fermer tous les lieux de culte relevant du patriarcat de Moscou me semble, pour le moment du moins, hasardeux. Même si on pourrait souhaiter que tous les lieux de culte (de quelque obédience qu'ils relèvent) soient fermés. On ne va pas non plus trier les réfugiés d'Ukraine entre laïcards et autres, plutôt russophones ou plutôt ukrainophones.
On peut d'ailleurs s'attendre à constater que des contingents de dissidents russes ne tarderont guère à se joindre à ce considérable exode. Risquer plus d'une décennie de prison, sans pouvoir espérer en sortir les pieds debout peut en inciter à chercher refuge hors de Russie. Puissions-nous leur réserver le même accueil.