samedi 14 septembre 2019

Gilets jaunes : les ronds-points résistent ?

Reste-t-il des ronds-points occupés par les Gilets Jaunes ?

La France, pays du nombre des fromages puissance x pour situer celui des ronds-points. Il en reste donc un large choix aux Gilets Jaunes ; mais les occupent-ils encore ?
Ils seront bientôt 50 000 en France, record mondial : petit point sur ces carrefours giratoires, forcément subjectif. Le carrefour tourne rond parce qu'il contribue à réduire les accidents. Aussi parce que, ai-je cru comprendre, les directeurs départementaux de l'équipement touchent un léger pourcentage sur le montant des travaux effectués par des entreprises plus ou moins proches d'élus locaux. Mais j'ai peut-être mal compris, ou ma documentation n'est plus à jour. De même parce qu'ils rabattent maints et davantage d'automobilistes sur les autoroutes... Là, je suis formel. Autant dire que l'occupation de ces ronds-points par les Gilets Jaunes prenait valeur de symbole...
Mais en subsistent-elles, de ces occupations. J'ai très mal cherché, mais, en cette première quinzaine de septembre, je n'en ai trouvé qu'un, je ne sais trop où en Isère, celui que Luc Gwiazdzinki a photographié. Il le garantit occupé le 4 septembre dernier. Je n'ai aucune raison de mettre sa parole en doute, mais à moins qu'il soit immense, apte à rassembler des dizaines de personnes lors d'une assemblée générale, qui se serait tenue dessus au 292e jour du mouvement, je l'ai trouvé vraiment très faiblement envahi. M'est avis, là, au pif, au vu d'autres photos, que la fameuse AG s'est déroulée ailleurs...
Cela étant, Luc Gwiazdzinki, auteur d'un ouvrage collectif Sur la vague jaune, l'utopie d'un rond-point (Elya éd.), peut être jugé in situ. Celui de The Conversation (qui publie deux de ses articles, « Rentrée presque ordinaire.. » et « Le rond-point, fabrique (...) des solidarités »). Pour un peu, on voudrait croire que la curieuse « prophétie » de Philippe Lacoche, dans Mise au vert (éd. du Rocher) serait sur le point de se concrétiser (cafés municipaux associatifs, phalanstères, &c.). Le rocher de touche de Mise au vert, ce serait ces espaces circulaires de l'Isère que fréquente Luc Gwiazdzinki.
Ce n'est pas le disqualifier que de signaler qu'il est enseignant-chercheur en urbanisme et non sociologue de la mobilisation... Comme le fut Hiarivelo « Mahatsangy » Randrianantoandro, que je salue amicalement au passage, et qui, comme son nom l'indique est originaire de Madagascar. Je me souviens encore assez bien de sa thèse sur le mouvement des forces vives (« sociologie de la protestation collective »). Comme le restent Érik Neveu, Olivier Fillieule, d'autres...
Car ses (de Luc G.) observations restent, à mon sens, pertinentes. Mais l'achoppement, c'est qu'elles pourraient ne valoir que pour l'ici et maintenant. En 1991, les forces vives étaient... « innombrables », à Madagascar. En mars 2018, les Assises nationales des mêmes considéraient que rassembler 420 participants (environ 70​ délégués par province malgache) serait fort honorable...
Que des ronds-points aient été évacués manu militari, d'autres délaissés pour se rassembler ailleurs, explique la raréfaction des ronds-points occupés par des Gilets Jaunes. Ah, tiens, si, celui d'Ambrusson (vers Lunel ?) aurait vu revenir des protestataires l'occuper dimanche dernier. En visitant des sites de la presse régionale, il se pourrait que j'en déniche un troisième.
Je ne suis évidemment pas plus qualifié de Luc. G. pour disserter (déblatérer ?) sur les Gilets Jaunes... Dont je ne suis pas. Très peu pour moi, ces quasi-nantis jaloux de la télé ou du véhicule du voisin, se disant, pourquoi lui, et pas moi... D'accord, je caricature. Mais quand tu vois des types qui ont des revenus deux, trois, quatre fois supérieurs aux tiens... Qui roulent en je ne sais quoi, s'habillent avec des fringues de marque comme des ados. Des quadras et quinquas qui n'ont jamais bouffé de la vache enragée... En revanche, oui, je ne crois pas que ces gens soient la majorité des Gilets Jaunes.
Je ne voudrai pas poser en donneur de leçons, juste signaler que nombre de SDF nous abhorrent , abominent, toutes et tous. Y compris les bénéficiaires de logements sociaux, y compris les plus « assistés » d'entre nous;
Je ne suis pas « passé par là » (juste très furtivement). Mais il faut comprendre que je crache tant à la gueule (seul langage que certaines et certains comprennent encore) des rupins et des mini-rupins (micro-rupins ?) qui, les uns pressurent, les autres cassent les boutiques des survivants du capitalisme de mon quartier. Téki toué pour foutre dans la mouise mes voisins ?
Il faut toujours énoncer d'où l'on cause. Mais ce serait trop long.
Ce serait trop demander (à Luc G. et d'autres) qu'on ne me bassine plus sur le levain, le sel de terre qui ne ment pas, mais qu'on me cause de réalisations concrètes, de trucs que Philippe Lacoche veut croire émerger.
Sachant que c'est toujours à recommencer. Voyez les mutuelles, le mouvement mutualiste. Détourné pour engraisser des dirigeants et faire ribauder des délégués. Tout pour les hautes sphères des banques et assurances « mutualistes » et leurs « courtisans » sociétaires (qui se contentent d'hôtels confortables et de gueuletons).
Le jour où les Gilets Jaunes manifesteront (là, violemment, j'admettrai) devant les sièges de mutuelles, des trucs pseudos-sociaux qui se gavent, j'en serai peut-être (vu que, désormais, je ne tends qu'à me faire oublier, à faire qu'avec mon compagnon canin, nous soyons en excellente intelligence).
N'empêche. Après Nuit debout, les Gilets Jaunes... L'insurrection qui vient, je n'y crois pas. Mais que vous, jeunes ou moins jeunes générations, réinventiez un traité de savoir vivre (en marge), je voudrais y croire. Faut décoller du tarmac.
Qu''il en soit ainsi. Amen.








     

jeudi 12 septembre 2019

Brexit : Opération Grosbec casse-noyaux & hémorroïdes du Bojo ?

Yellowhammer : plan plancher ou plan pyromane ?

Operation Yellowhammer. Est-ce le pire scénario ou le plus prévisible ? Ce document qualifié de projection obsolète excessive par le gouvernement britannique est-il la seule et unique perspective à laquelle s’expose le Royaume-Uni en cas de sortie de l’Union européenne sans accord ?
Si j’exagérais, j’écrirais que Boris Johnson et les « Spartiates » (les conservateurs jusqu’au-boutistes pro-Brexit) sont prêts à sacrifier une partie de la population britannique en faisant rimer dogmatisme et eugénisme. Quel pourcentage de malades et souffreteux faut-il sacrifier pour se rêver de nouveau puissance impériale maîtresse des mers et océans ? Rule over the seas... Enfin, jette donc un pont entre l'Irlande du Nord et l'Écosse (coût envisagé, environ 15 milliards de livres, si ce n'est le triple, voir par ailleurs sur ce blogue). 
N’exagérons rien. Le nom de ce document aurait été pioché au hasard, un peu comme ceux des tempêtes, ouragans, hurricanes. Cela aurait pu être Opération Dorian, ou Opération Donald (Trump) — sachant que le prochain ouragan fera encore plus de dégâts que le précédent et qu’un ouragan Donald pourrait faire davantage de victimes et de dévastations qu’aux Bahamas.
Je ne m’appesantis pas sur les détails : la presse française liste les principaux points de ce document « gros bec casse-noyaux » (ou bruant). Je ne vous apprendrai rien.
En revanche, pour Boris Johnson, le casse-noyaux devient encore plus davantage casse-bonbons qu’auparavant. Et s’assortit d’une poussée hémorroïdaire : au point qu’un site style Gorafi (News Thump) campe le Bojo devant le 10, Downing Street, pantalons en feu…
Dans un premier temps, le document est l’objet d’une fuite en direction du Sunday Times. La journaliste le réceptionnant n’attache pas d’importance au sous-titre : base scenario (ou scénario plancher, ou hypothèse la plus envisageable). Dans un second, le gouvernement clame qu’il s’agit d’une projection obsolète, concoctée par les prédécesseurs (ministres et hauts-fonctionnaires de Theresa May), et l’une parmi d’autres, la pire des « plus pires ».
Lors d’une troisième phase, les députés obtiennent que le document soit rendu public. Sauf que, cette fois, l’original, daté du 2 août 2019, donc postérieur à la désignation de Boris Johnson, est sous-titré différemment (”Reasonable Worst”, ou, comme dire, « pire pondéré » ?). De surcroît, une trentaine de pages aurait été sucrée.
Boris Johnson est déjà présumé avoir menti à la reine pour lui extorquer son assentiment pour décréter la suspension des travaux des députés. Là, la coupe n’est pas tout à fait pleine, ce n’est pas la goutte d’eau qui fait déborder la lie.
Du fait que, par exemple, hors du parti libéral-démocrate, et de quelques formations résolument « Remain », dogmatisme, idéologie, l’emportent. Les travaillistes, le Labour, sont profondément clivés. Plutôt rejoindre le Brexit Party que les LibDeb a proclamé Emma Lewell-Buck, députée travailliste…
Bon, le scénario du pire ne serait « pas si pire », comme le disent nos sœurs et frères du Québec… Après tout, qui se rendrait sur le continent pourrait acheter des cigarettes, cigares, autres produits tabagiques, bières, vins, spiritueux dans les boutiques hors-taxess. Back to the days of Duty-Free, se « réjouit » Simon Calder, de l’Independent. Celui-là, je le signale aux Affaires étrangères et à la police des frontières : accordez-lui un visa et un coupe-file. Certes, il filera en Belgique faire ses emplettes de tabac, mais achètera du vin français à Calais. Voire du ouiski breton.
Plus sérieusement : passer de base scenario à HMG (Her Majesty’s Government) Reasonable Worst Case Planning Assumptions, faut pas être yellow (ventre jaune) mais sacrément gonflé. On croyait le Bojo matamore, mais là, c’est Pinocchio…
D'autant que s'il s'agit de lister les prévisions les plus plausibles, où sont donc les autres ? Celles du moins pire en cas de Brexit no-deal ? Il a quoi dans sa manche, le Boris Johnson, pendant que ses pantalons s'enflamment ? Michel Barnier, qui n'a pu lui faire les poches, doute qu'il ait un tac ou des billes. Oh, le Bojo, là, nous ne sommes plus dans la cour de récréation.

Pour éclairer mes lanternes… SNCF

Objets inanimés, vous avez une âme (lanternes SNCF en particulier)

Avant qu’elles soient mises en vente (ou proposées à un brocanteur), voici une évocation de deux lanternes (ou fanaux) de la SNCF. J’ai beau m’occuper d’un chien dénommé Ouigo, je ne suis pas un passionné du rail. Mais d’histoire, si…
De quoi s’agit-il ?
• Lanterne SNCF Eug(ène). Halard, 17, rue Richard-Lenoir, Paris — 1945 ;
• Lanterne SNCF Fabrique Poyard, 48, rue des Cendriers, Paris — sans date.
Le fanal arrière (rear beacon) ou avant des locomotives à vapeur des années 1940 (et antérieures) avait des usages polyvalents. Essentiellement, il se fixait en haut de l’arrière de cabine ou en queue de train pour être vu de loin ou faciliter des manœuvres en marche arrière.
Mais il pouvait aussi être fixé à l’avant, posé sur une voie pour en interdire l’accès ou fournir l’éclairage lors de travaux d’intervention.
Ces deux fanaux-lanternes pratiquement identiques ne proviennent pas du même fabricant. L’un est issu de l’atelier d’Eugène Halard, l’autre de la maison Poyard. Laquelle fournissait aussi des fanaux et feux de position pour péniches et bateaux.
Cette fabrique Poyard, située rue des Cendriers à Paris, comme d’autres ferblanteries et métalleries, fournissait des falots, des plaques, des jetons, &c.
Du fait de leur provenance et de la date du fanal Halard, il est probable que les deux modèles n’aient pas été « acquis » ensemble.
La gare de Tergnier fut le cadre de nombreux sabotages, vols, destructions diverses lors de la Seconde Guerre mondiale. Outre les réseaux de cheminots-résistants, d’autres coexistaient, et des maquis étaient actifs dans l’Aisne.
Le détenteur des deux fanaux était un Résistant recueillant notamment des aviateurs britanniques qu’il cachait avant d’obtenir de l’aide d’autres camarades ou de Londres pour les exfiltrer, soit vers l’Espagne, soit lors de vols de nuit.
Le fanal Poyard a vraisemblablement servi à signaler aux appareils anglais l’emplacement de terrains d’atterrissage improvisés (balisés par d’autres moyens). À mon sens, et humble avis, la portée (près d’un kilomètre) du fanal devait réserver son usage à des signaux intermittents, histoire de ne pas être repéré par la Wermacht. Cela étant, je fabule peut-être.
Tergnier fut un important pôle de Résistance où se sont montrés particulièrement actifs les mouvements FTP, Libération-Nord, Défense de la France et l’Organisation civile et militaire (OCM). D’où aussi la création de trois Frontstalags dans la ville voisine de La Fère. La ville de Tergnier reçut une citation militaire en décembre 1948, et en 1986, le musée de la Résistance et de la déportation de Picardie fut inauguré dans l’un de ses bâtiments municipaux.
Le fanal Halard fut sans doute acquis pour faire pendant à l’autre : les deux étaient disposés de part et d’autre du foyer de la cheminée de la pièce principale d’une demeure située dans une localité proche de Tergnier.
Les deux modèles sont fortement similaires, à quelques variantes près (ainsi la forme de la poignée de transport).
Divers sites et forums d’amateurs sont consacrés aux lanternes et fanaux de chemins de fer et de la SNCF, ainsi qu’aux lampistes (préposés à leur maniement et leur entretien). La revue Historail d’octobre 2010 leur consacra un numéro spécial, « 130 ans de lanternes ferroviaires ». Divers types d’ensembles mobiles de signalisation (EMS) équipent encore les cabines et les postes ou gares, mais ils sont alimentés par des piles.
Bizarrement, alors que des modèles antérieurs à peu près semblables (même type de lentille, même volume, mais à poignée fixe soudée ou rivetée, et capot supérieur très bombé) peuvent encore être trouvés, ceux-ci semblent beaucoup plus rares. Cela pourrait découler des bombardements successifs (Luftwaffe, RAF, USAF) des gares, postes, et installations ferroviaires, puis, après la Libération, de l’adoption de nouveaux modèles. La dernière locomotive à vapeur construite en France date de l’année 1953. La raréfaction des lampistes (exposés à des accidents du travail, progressivement réaffectés à d’autres postes), l’abandon de la traction à vapeur, eurent sans doute raison de ces types de modèles.
Bref, on l’aura compris, avant qu’elles ne s’éloignent, je souhaiterai en savoir davantage sur ces lanternes… Peut-être parce que les promenades dominicales de mon enfance me conduisaient sur le pont de la gare d’Angers-Saint-Laud, à regarder passer les trains, que sans nourrir la nostalgie des escarbilles (des compartiments, des cabines des trains de nuit, oui… les meilleures subsistantes se trouvent, à mon sens, en Roumanie), et que… Que je partage avec Éric Poindron une approche particulière de l’univers poétique, et avec Philippe Lacoche (autre écrivain) une vénération pour la Résistance – éclairée, car ô combien de faux résistants, de tortionnaires épurateurs aussi véreux qu’avides – et une forte affection pour les terroirs (bretons, picards, alsaciens, comtois en particulier).
Tenez, la prochaine fois, je vous entretiendrai de mon Epson portable de 1980 (8 ko de mémoire, livré avec quatre programmes sur eprom). Il fonctionne toujours, lui, comme ces deux lanternes.

mercredi 11 septembre 2019

Brexit : vers un assouplissement du backstop ?

Le no-deal délivré franco de port ?

Quel sous-titre tiré par les cheveux ! Ports francs (déjà évoqués sur ce blogue), pont entre Irlande du Nord et Écosse ? Quoi qu’il advienne, le Brexit aura un coût, économique et politique… Quant à le prévoir ou le chiffrer… Et quel Brexit ? Allez savoir…
Heads or tails?
Larne (Latharna), port et ville de moins de 20 000 h, au nord de Belfast, sera-t-elle reliée à Portpatrick (Port Phàdraig), ancien port du temps de la marine à voile, et village écossais de moins de mille habitants ? Relier par un pont le comté d’Antrim (Aontraoma) et l’ancien comté de Dumfries (Dùn Phris) est souhaité par le DUP (Parti démocratique-unioniste) nord-irlandais. Cela éviterait de fixer, post-Brexit, une frontière virtuelle maritime entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.
Enfin, paraît-il…
Techniquement, franchir 28 miles (45 km) reste un défi — le pont de Saint-Nazaire ne couvre que trois kilomètres — mais non insurmontable, car depuis 2010, on a fait largement plus long en Asie. Mais il se pourrait que des explosifs, mines, bombes, de la dernière guerre contrecarrent l’avancée des travaux… Économiquement, c’est tout autre. Mais des études auraient été lancées.
D’ici à ce que cela soit réalisé ou rejeté, des eaux couleront sous les ponts de Londres et ceux sur la Liffey (Dublin) ou de Belfast. Et avant de faire de Portpatrick un port franc (d’autres sont envisagés), il faudrait bien une décennie…
Mais c’est bien de l’instauration d’une frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne dont il est de nouveau question en coulisses, à Londres et Bruxelles (et Dublin). Cela permettrait à la Grande-Bretagne de ne pas rester indéfiniment dans l’union douanière européenne, et d’éviter de restaurer une frontière terrestre entre les deux « Irlande ».
Sauf que… D’une part, du temps de Theresa May, le DUP (dix sièges à Westminster) et les conservateurs les plus hostiles à l’Union européenne se sont catégoriquement opposés à ce que l’Irlande du Nord soit dotée d’un statut spécial. D’autre part, si la République d’Irlande n’est pas totalement opposée à cette solution, on ne sait trop si une majorité se dégagerait au sein des 26 autres pays. Or, l'unanimité est requise.
Pour le moment, de quoi s’agirait-il ? De trouver un accord sur l’agro-alimentaire. Sur les autres échanges de biens (industriels et autres) et services (financiers et divers), il ne semble pas que des avancées significatives se dessinent.
Et puis, toute concession de la part du gouvernement heurte déjà les « Spartiates ». C’est le surnom que Boris Johnson vient d’affecter aux conservateurs les plus eurosceptiques. Il s’est aliéné les europhiles et les modérés et a perdu sa majorité. Ce qui, paradoxalement, lui donne un peu plus les coudées franches : que le DUP le désavoue devient moins important.
Selon divers sondages, il semblerait qu’environ un tiers des Britanniques seraient jusqu’auboutistes : non seulement ils souhaitent une sortie sans le moindre accord contraignant, mais s’estiment prêts à affronter les conséquences. Les indécis ou sans opinion formeraient un cinquième de la population. Mais la répartition, sans être totalement nette, est géographiquement et sociologiquement dispersée.
En termes de circonscriptions, un indice est donné par le Brexit Party qui réclame de pouvoir présenter 90 candidatures n’ayant pas à affronter une concurrence des conservateurs. Boris Johnson se refuse à passer un tel compromis avec Nigel Farage. Jusqu’à quand ?
Car si les prétentions de Farage sont excessives, il n’en reste pas moins que l’hémorragie de votes conservateurs vers le Brexit Party empêcherait le parti Tory de retrouver une majorité à Westminster. La majorité deviendrait composite : Labour, LibDem, SNP pour les gros effectifs (avec l’apport ou non d’autres formations). Une coalition plus que fragile, mais qui pourrait, si les élections se tiennent en novembre ou décembre et que la date d’application du Brexit soit repoussée à fin janvier, permettre de mener des négociations accélérées avec l’Union européenne sur la base du plan de Theresa May plus ou moins aménagé.
On en est là. « On » et non pas « ils » (ou eux, les Britanniques) seulement. De part et d’autre de la Manche, d’Iroise, des mers celtique et du Nord, on reste dans l’expectative…
À part cela, théoriquement, après la décision d’une cour écossaise ayant estimé que la mise en congé du Parlement est illégale, les députés pourraient rejoindre leurs bancs. Enfin, c’est selon. Le gouvernement a saisi la Cour suprême qui débattra le 17 prochain. Il n’est donc pas sûr que les députés puissent regagner Westminster avant le 14 octobre.
En attendant, certains députés mettent la pression sur le gouvernement pour qu’il divulgue tant un rapport sur les conséquences négatives d’un Brexit sans accord qu’un point circonstancié sur ceux qu’il entend négocier avec Bruxelles.
Pour le gouvernement, c’est no et no. Le dossier Operation Yellowhammer listant les conséquences négatives d’un no-deal est trop excessif pour être divulgué, cela induirait l’opinion à considérer que ce scénario du pire est le seul envisageable. Et hors de question de négocier avec Bruxelles en dévoilant à l’avance des directives générales : cela reviendrait à se présenter à la table des débats en costume d’Adam.
David Frost, le négociateur britannique, est retourné à Bruxelles… Avec pour seule nouvelle proposition de convier des représentants de l’Assemblée nord-irlandaise lors de discussions sur la circulation des denrées agro-alimentaires entre la République et la partie britannique d’Irlande.
Cela commence à irriter sérieusement les négociateurs de l’Union. Qui ne savent plus trop quelle sont réellement les intentions du gouvernement britannique (ou plutôt du duo Johnson-Cummings et de leurs partisans), celles du principal parti d’opposition aux voix discordantes (élection d’abord, referendum ensuite, ou l’inverse ?). Le SNP écossais veut un accord, sans pour autant, s’il obtenait satisfaction, renoncer à l’indépendance. Les libéraux-démocrates feront campagne pour rester dans l’UE.
Laquelle est partagée. L’Allemagne veut négocier jusqu’au bout. L’Espagne ne veut rien lâcher de plus au Royaume-Uni. L’Irlande balance (mais son budget pour 2020 se fonde sur la perspective d’un Brexit sans accord). La France hausse le ton mais ne dit rien de ses réelles intentions. Quant à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, elle semble entériner le fait que la sortie sans accord est l’éventualité la plus probable en réaffirmant que l’Union y serait désormais totalement préparée.
Que faut-il (tenter de) comprendre ? Que la porte est étroite, la pente est dure, l’issue incertaine. Et que, entre les sondages et les cotes des bookmakers (5/2 pour une sortie sans accord selon Betfair) qui divergent, autant lancer une couronne (Crown, pièce de cinq livres) de Gibraltar ou de Man en l’air, histoire de voir si elle retombe tails (pile) ou heads (face).
Au fait, puisqu'on cause pognon, pépètes... Boris Johnson, en direct sur Facebook, dialoguant avec des interlocutrices et interlocuteurs choisis (plus ou moins), a indiqué que chaque semaine, le Royaume-Uni consentait 250 millions de livres sterling à l'Union européenne. Soit cent millions de moins par rapport à ce qu'il affirmait voici peu. Alors, 250 ou 350 hebdomadaires ? Oh, bof, quand il s'agit de préserver la survie du parti conservateur, on n'en est plus à quelques millions près... À la petite semaine, chameau ou dromadaire, c'est du quasi kif-kif j't'embrouille.

mardi 10 septembre 2019

U.S. of A. : Donald Trump sacque plus d'un collaborateur par mois

USA : Trump limoge au rythme mensuel de 1,12

Cette fois, c'est le va-t-en guerre (warmonger) John Bolton. Conseiller à la sécurité nationale, soit secrétaire d'État une fesse aux Affaires étrangères, l'autre la Défense. Excusez du peu... Donald Trump en est à plus d'un ministre, collaboratrice, aide rapproché congédié... 37 depuis le 20 janvier 2017. Faites le décompte...
Le Donald sacque et ne s'en soucie pas plus que d'un Flaming Dancer (il voulait dire partenaire de flamand rose, et non pas flamingant dansant, et en fait danseur de flamenco, mais il n'a plus toute sa tête). Je ne développe pas, ce fut fait précédemment (à propos de John Bercow et du Brexit, cherchez, vous trouverez).
Bon, qui était John Bolton, vous le savez déjà : il y a une presse très qualifiée pour cela. Résumé : un archi-conservateur néo-interventionniste à tout crin, voulant mettre Iran et Corée du Nord à genoux, et flinguer du taliban afghan comme au tir au pigeon. Donald Trump dit flamand rose, John Bolton s'écrie « poule ! », et c'est pan (non pas paon, boom-boom). L'un prend tout pour des silicates à exploser en vol, l'autre à les chevilles qui enflent au point que ses chaussettes finissent par laisser entrevoir ses pieds d'argile.
Le neurone de Donald Trump passe par des phases d'amollissement (il passe son temps au golf ou à regarder des séries télévisées), d'autres à s'agiter frénétiquement (il twit-twit-twit tel un puceron).
N'empêche que depuis le 20 janvier 2017 au 10 septembre 2019, il a limogé à tout-va. Cela va de A (Alex Acosta) à Z (Ryan Zinke). Fallait le faire... 37 et je n'ai pas tenté de vérifier si tout l'alphabet y est passé (Steve Bannon... Katie Walsh, Sally Yates... Manque Mister ou Ms X ; s'il avait pu recruter Gaston Defferre, cela aurait pu le faire...).
Soit mensuellement 1,121212 (...) 21 et quelques. Cela tendra vers l'infini à la fin de son mandat. Dont on ne sait trop s'il l'atteindra. Car sa sénilité ou ses dérèglements mentaux s'accélèrent. Cela étant, virer John Bolton le faucon (ou le vrai, c'est selon) n'est pas si bouffon. Mais il ne fallait pas l'embaucher pour remplacer le général McMaster (qui n'a tenu que 15 mois).
Je n'ai pas trop cherché à distinguer le siège le plus éjectable à répétition. À la com', le turn-over semble l'emporter. Fin juillet 2017, Anthony Scaramucci, février 2018, Hope Hicks, juin, Kelly Sadler, et si Steve Bannon n'était pas qu'un spin doctor (Chief Strategist, fut-il), je le compterait bien pour une demie-portion à la communication. Juin 2019, Sarah Sanders, chargée des relations avec la presse... Pas de quartier quatre et demi (essai, puis film documentaire : Quartier Quatre et demi). Le Donald est en surchauffe : 37,2° au petit matin et premier tweet, record caniculaire du désert de Sonora au soir. Il faudrait lui réfrigérer le sombrero, lui interdire la laque calorifère, mais cela ne saurait suffire. Il a aussi des hallucinations. Il voit des migrants rescapés des Bahamas se mêler aux sinistrés de l'ouragan pour quémander gîte et couvert dans la Trump Tower. Tu veux franchir la frontière depuis le Mexique, tu attends la bonne occase : tu files aux Bahamas juste avant la dévastation, et tu te fonds dans la masse. Fastoche...
Lui a attendu que Dorian (the hurricane) s'écarte de Fayetteville (Caroline du Nord) pour s'y rendre à bord de son Air Force One (son zinc), sans pouvoir s’empêcher de dénicher une photo d'archives d'une tornade en arrière-plan de l'appareil prétendument prêt au décollage. Le Potus (President of the United States of America) et le realDonaldTrump (autre compte Twitter) se font la bourre pour bourrer le mou.
Le Washington Post publie à présent un compteur : cela fait ... jours que le Trump n'a pas viré quelqu'un de haut placé. Genre compte à rebours avant le Brexit de l'Evening Standard et du Daily Mail. Le New York Times a fait aussi le total et remémore tous les virés. Mais cela pourrait devenir lassant... Au suivant, au suivant...







La Mise au vert et au Rocher de Philippe Lacoche

Philippe Lacoche, du couvent au phalanstère

Mi-réussi et nonobstant pas mi-raté. Pour les lecteurs assidus de Philippe Lacoche, c’est un succès, un tube pas que de toilettes. Pour d’autres, c’est selon. « Eau chaude, eau froide, eau mitigée », comme le chantait Boby Lapointe. Pour moi, c’est moit-moit du bon côté, le, la meilleure l’emportant haut la main (et le cœur, l’aile d’alouette, tutti quanti).
Une autre fois, je vous évoquerai Iris Picardie (sous-titré « embrouilles à perte de vue »), polar « oiseux » (nan, isarien, ou oisien, comme vous sied), de Jean-Charles Fauque, aux éditions Zones noires. D’accord, je vous le concède, c’est procrastiner, reculer pour mieux ne pas bondir de traviole sur la Mise au vert de Philippe Lacoche aux éditions du Rocher. Ou prendre son élan jusqu’à la page 120 (sur 380) — comment vais-je donc me débrouiller pour caser le prix, 19 euros ? —ah, j’ai raté mon coup, tant pis. Bon, titre, auteur, éditeur, nombre de pages, prix, j’ai rempli mon contrat et pourrait m’en tenir là, m’évitant d’avouer que j’ai savouré sans m’enthousiasmer le… faites le compte : premier tiers du récit ?
Un bon truc de journaleux (Lacoche en reste un autre) consiste à glisser un bémol qui crédibilise encore mieux l’allegro fortissimo élogieux de l’ensemble. Là, non, c’est sincère, deux-trois trucs du confrère m’ont laissé mollasson au départ embrayé.
Lacoche-Chaunier (Philippe-Pierre) est au couvent et non point d’ores et déjà prêt à convoler avec Ore. Ou l’Orangée de Mars. Fine allusion à Soulages qui valait d’être explicitée, ce qui le fut.
Eau froide (glacée ?), à mon sens pour un lectorat quadra-quinquagénaire peu porté sur la gaudriole et les cuites, macroniste de surcroît, lecteur de précis de bien-être zen et de manuels genre méthode Coué pour réussir en affaires, mener sa présentation PowerPoint, subjuguer la DRH. Ni féru, ni congru de littérature et d’histoire (des luttes sociales, des objets et appareils obsolètes du temps de la TSF et des Teppaz, du temps jadis qu’on pourra remettre en sels de la Terre ne trompant pas).
Eau… Non, plus tard. Or donc, Ore. De son vrai prénom, j’ai oublié. Accorte, prévenante, plantureuse. Pierre Chauvier (zut, Chaunier : Chauvier, c’est le surnom d’un confrère de France Cul’, Olivier Chaumelle…) se défroque, sa bure réticente tout d’abord remontée au nombril, puis jetée aux orties.
Reprenons. Eau mitigée. Certes, avant la page 120, j’ai relevé l’incidente à propos des aurochs (qui, comme dans Animal Farm, sont polyglottes). Huxley n’est pas mentionné (de mémoire défaillante). Mais Roger Vailland, si, par deux fois (vers la p. 60, à quatre-cinq près). Qui cela ? Vailland, Roger ? Et pourquoi pas Paulo, le couturier homonyme ? L’ennui, pour d’autres frileux de moins de x années, c’est que des noms d’auteurs, de Résistants, d’utopistes raisonnés (Godin, à votre guise ; sucreurs francisiens, donc isariens ; Léon Harmel valaisan-des-bois ; « graveleux » zyslyens des Vaux et des monts ; d’autres cités ou non que j’oublie), leur échapperont totalement. Oui, zyslyens (Henri Zisly). Lacoche se permet bien « bloyistes » (p. 274), littérateur léonin en diable (ou léonien, comprend qui veut, ou qui peut… pointerai-je), et s’affranchissant de transition explicative. Ce roman mériterait un index des noms propres et toponymes, et on y trouverait Léon Bloy. Kiça ? Léon de Blois ? Meuh non, de Bruges !
Eau bouillante ou bouillonnante, en effervescence à jets continus, artésienne à pleins baquets. Pour l’ode laudatrice à tout crin (d’auroch), voyez Bernard Leconte et Michel Bouvier (le bien nommé en l’occurrence pour causer vaches, cochons, couvées, sans oublier Zahia la chevrette, de son vrai prénom Fanfan), et l’émission La Baraque à livres de RCF radio. Ce n’est pas le bol d’arabica lacté dans lequel je trempe mon maroilles. Ce sera encore moins la tasse de thé des grincheux, des non-imaginatifs, des coincés, pisse-froids (je ne vais pas parodier Rabelais et vous égrener une litanie post-lacochenienne).
Pour ne pas balancer (ni pousser trop haut l’escarpolette) mais évoquer, nuance, je ne vous ménage aucune épiphanie. N’espoillions point (du lat. psoliare), ou nenni ne divulgâcherai. Comtois, Breton, Limougeaud, Champenois, Ardennais (idem, n’abusons point) ; Comtois ne te rend point, ne commence pas ce roman mâtiné whodunit (le nom du violeur, du prédateur, bien connu du lectorat du Chemin des fugues ou d’autres « Chaunier » de l’auteur, sera divulgué, tout comme la détranconisation, en temps utile et tempo sursautillant).
On passe donc de l’intimisme (les galipettes d’Ore et de Chauv… zut, Chaunier) au tarazimboumant. Libertaro-conseilliste-communardo-léniniste, voire, comme me désignèrent des trotskards, circa fin 1967, anarcho-éthylique. Debordélique, sans accent sur la première e. Jouissif. J’enchaînerai bien avec une rime en if, mais Lacoche préfère les ormeaux (aux deux sens du terme). Terme ? Et si je stoppais là ? Ci-fait.
Trop vite. Je laisse Murielle Compère-Demarcy, de La Cause littéraire, poursuivre. Initials PC, aurait chanté Gainsbarre (Lacoche est un fin connaisseur de musiques contemporaines). Ce n’sera pas moi qui vous aura dévoilé la trame, mais elle…

Brexit : le Bojo aura ses élections, mais à quel prix ?

Vers un Black November pour le Royaume-Uni

Boris Johnson a encore été désavoué par le Parlement, pour la sixième fois. Mais il parviendra sans doute à sauver les meubles du parti conservateur en novembre ou début 2020.
Il serait temps que les rédactions en chef des quotidiens et hebdos français laissent des correspondants permanents à Londres traiter plus amplement du Brexit.
It’s the economy, stupid! L’invective fut bénéfique à Bill Clinton affrontant Bush. Le slogan fut, avec une variante du « le changement, c’est maintenant », assortie d’une promesse de renforcer la protection sociale (Don’t forget health care), l’atout majeur de la campagne électorale démocrate.
It’s the ideology, goofy (ou plutôt, silly). C’est peut-être le raisonnement de Boris Johnson et de son spin doctor, Dominic Cummings. Cela relègue au xième plan le slogan de Michael Gove et du Bojo lors de la campagne pour le referendum (le fameux bus dont les flancs promettaient que les fonds consentis à l’Union européenne seraient affectés à la sécurité sociale, au NHS, le National Health Service).
Moi ou Farage
Or donc : parti au combat pour des élections anticipées le 15 octobre prochain avec 299 voix (il en fallait 434 pour les obtenir), Boris Johnson n’en enregistra plus que 298, puis 294 (mes précédentes contributions), et enfin, la nuit dernière, 293. Soit les voix de 283 députés conservateurs (plus dix du parti unioniste nord-irlandais). Ils partirent précédemment 300, mais par des promptes réfections, ils seront plus d’une douzaine ou vingtaine de moins en parvenant au (non-re) port.
Mais s’il n’en était pas ainsi, les conservateurs seraient réduits à peut-être moitié moins et à la merci du Brexit Party sur les bancs de la future chambre basse (quant aux Lords, jusqu’à nouvel ordre et nominations pro-Brexit, les Remainers l’emportent).
Car « l’idéologie » prime. Ou plus exactement des convictions très ancrées. Je lisais ces deux dernières nuits La Mise au vert de Philippe Lacoche (j’y reviendrai). Soit, pour caricaturer, le roman-pamphlet d’un « populiste anti-faf » (j’affinerai). Eh bien, avec de très notables différences, mais aussi de fortes convergences, je retrouve, dans les commentaires des articles de la presse britannique (ou plutôt, anglo-unioniste, faute de qualificatif plus approprié), des accents similaires.
L’Union européenne, c’est le goulag, la dictature nazie, l’abomination la plus abjecte, le couard reniement de tout ce qui fonda la Britishness. Excusez du peu.
Les vrais British au vrai sang rouge du cœur du Lion et du rosbiff de red ruby Devon (pas de l’angus ou du welsh black) votant pour les Tories allaient rallier en masse le Brexit Party de Farage. Passer un accord avec lui sauverait les meubles et sans doute Downing Street.
Alors, qu’importent l’hémorragie, les défections, les transfuges rejoignant les libéraux-démocrates (les LibDem), les autres traîtres et les abstentionnistes issus des rangs conservateurs. « Traître », comme John Bercow, le Speaker (président), qui allait se faire limoger, mais décoche un coup de pied en vache au Bojo. Il démissionnera de son perchoir, mais seulement le 31 octobre au soir. Soit après la reprise de la session parlementaire suspendue de ce jour au 14 octobre. Ce qui fait que Boris Johnson retrouvera cet adversaire, et non l’affidé qu’il souhaitait nommer, face à lui…
Coup en vache de Bercow
John Bercow, comme désormais tant d’autres, ne briguera pas un nouveau mandat, tandis qu’une douzaine (voire davantage) de conservateurs débarqués se représenteront soit en tant qu’indépendants pur-jus, soit en dissidents proclamant leur attachement à un parti autrefois « rassembleur » (droite et centre-droit, « churchilliens sociaux », pour paraphraser une ex-composante gaullienne, inclus).
Boris Johnson pense aussi débaucher les électeurs travaillistes favorables au Brexit. Ce à coup de promesses de subventions, d’allocations, de mesures sécuritaires et sociales.
Le reste, soit les conséquences d’un Brexit sans accord, n’est pas tout à fait subsidiaire, car cela jouera sur les options des indécis, mais c’est le risque à prendre. Celui d’un novembre noir : difficultés économiques, élections risquant de déboucher sur l’ingérable.
Donc, Boris ou un figurant se présentera — ou non — au sommet du Conseil européen, le 17 octobre, ou enverra un ultimatum du genre à prendre ou à laisser, ou encore une incitation à expulser le Royaume-Uni de l’UE.
S’il cédait à l’injonction de la majorité parlementaire, et sollicitait un report de la date du Brexit, Farage le désavouerait. Et ce ne serait plus Bojo ou le chaos… Mais le chaos sans lui (ou réduit à faire de la figuration en backbencher, avec un temps de parole restreint qu’il utiliserait ou non).
Pour les uns, c’est suicidaire, pour lui et d’autres conservateurs, c’est devenu le seul pari envisageable.
Le reste, c’est… Diverses choses marginales.
Comme par exemple la flopée de nominations honorifiques (l’anoblissement) répartie par Theresa May entre ses anciens collaborateurs gouvernementaux (une vingtaine) et des députés « copains-coquins » (favorables à un Brexit négocié) ou des financiers du parti.
Ou encore des joutes judiciaires (une partie de l’opposition traînant Boris Johnson devant la High Court pour outrage au Parlement, la saisine de la Cour suprême pour contester la loi obligeant le gouvernement à solliciter un report à fin janvier du Brexit assorti d’un accord).
Double-entendre
La nuit dernière, les débats furent houleux. Donnant l’occasion de commenter de multiples anecdotes. Je n’en retiens qu’une, savoureuse. John Bercow concédant aux parlementaires ne voulant quitter Westminster que par la force des baïonnettes qu’ils avaient toute sa sympathie mais qu’il se plie à la volonté royale. Puis, répondant à un député conservateur lui lançant un « bon débarras » (du fait de sa démission), ce fut cette réplique (très librement adaptée) : « la bave du flamand rose n’atteint pas la blanche colombe » (I couldn’t give a flying flamingo what your view is). Ou cause toujours… Je m’en balance. Voire « va te faire… ».
Subtil. Boris Johnson a été qualifié de marionnette, de bouffon de Donald Trump.
L’expression originale, c’est I don’t give a flying fuck. Et non pas a flying f…, ce qui pourrait évoquer un ventilateur bréneux au xième degré. Il pourrait s’agir de l’appellation générique triviale d’un volatile inapte au vol.
Mais le Donald a vu de nouveau sa langue fourcher (c’est plus que récurrent à présent). Il a qualifié un opposant républicain de s’associer avec un “flaming dancer” argentin, après s’être emmêlé avec des “flamingo dancers from Argentina” (au lieu de danseurs argentins de flamenco ; flamingant lui restant un vocable inconnu).
Les truculents Edgar Faure et André Santini manquent beaucoup à l’Assemblée nationale pour relever le niveau cocasse des débats. Les Commons regretteront John Bercow. Petit fils d’émigrés roumains, il avait débuté proche de la droite xénophobe avant de se positionner au centre, reniant des errements de jeunesse.
Ce double-entendre (en ang. ici), me ravit. Qu’il ait été pesé ou impromptu. Le Bojo en danseuse du Donald (faut-il s’interdire des expressions à connotation machiste ? Philippe Lacoche estime, ce me semble, que le second degré reste permis). Et puis, que j’extrapole ou non, le Brexit reste certes tragique, mais il faut sourire de tout… Ber, « accroche » de navire, cow, vache. S’accrochant au perchoir, Bercow a su jusqu’au bout demeurer vachard.
Il restera aussi celui qui, en 2017, abolit le port de la perruque pour les dignitaires des Commons. Et il présidait souvent depuis les cheveux en bataille et le verbe haut.

lundi 9 septembre 2019

Paris Respire : arnaque aux amendes de stationnement ?

Paris Respire ou Paris étouffera qui et quoi ?

Drôle d’idée d’interdire la circulation automobile le dimanche dans des zones « Paris respire » densément dotées de parkings privés. S’agirait-il d’empêcher les habitants de prendre leur voiture le dimanche, ou de les exposer à se prendre des amendes de stationnement faute d’avoir pu regagner leurs parkings ?
Je ne sais si vous avez lu Sainte Anne ! — livre d’Ary Routier et Nadia Le Brun, Albin Michel éd. — qui n’insiste pas trop sur les dépenses somptuaires de l’hôtel de ville et des mairies d’arrondissement de Paris… Jacques Chirac était un petit joueur… Il ne s’agit pas de taper que sur la seule Anne Hidalgo : toutes et tous, pour les petits fours et les légers avantages, quel que soit le bord affiché, savent être « des leurs » et trinquer avec les fonds de « nouzôtres ».
Mais déjà, le coup des Jeux olympiques m’avait franchement douché… Anne Hidalgo semblait contre, puis revirement. Va-t-on appliquer les règles de Paris Respire aux voitures officielles lors des JO ?
D’accord, Paris Respire, pourquoi pas ? Je suis la plupart du temps piéton ou usager (clin d’œil à Philippe Lacoche et à sa Mise au vert, aux éds du Rocher) des transports collectifs. Sauf que, ben, parfois, le dimanche, je dois, non par agrément mais obligation(s), utiliser une automobile.
Par exemple quand, en raison de nécessaires travaux, la SNCF refait les voies de la ligne Paris-Saint-Quentin (train jusqu’à Creil, près de quatre heures d’autocar ensuite, et une vieille dame en EPHAD ne comprenant pas que la visite sera reportée ou totalement écourtée). Quand il faut aller chercher un toutou en Champagne. Quand…
Rare, mais… hallucinant. Paris Respire étouffe donc, depuis fin juin dernier, la circulation automobile « tous les dimanches et jours fériés » de 10 heures à 18 (hiver) et 20 (été), dans le quartier Bonne-Nouvelle-Porte-Saint-Denis. Pourquoi pas. Sauf que j’ignorais le mode d’emploi. Que je ne pouvais attendre 20 heures pour rentrer la voiture (une petite citadine, essence) au parking souterrain.
Dans ce quartier, j’en connais au moins trois, des parkings. Un sis rue de l’Échiquier, à rejoindre depuis la rue de Metz (barrage filtrant), un autre, rue d’Enghien (idem), le troisième accessible rue d’Hauteville…
Au départ, le matin, je ne m’aperçois de rien. Sauf d’une manif place de la République, d’un marché et de travaux à la Bastille, ce qui fait que je mets plus d’une heure, polluant abondamment, à rejoindre l’A4. Au retour, j’évite ce parcours, pensant revenir par la rue de Metz. Barrage… Filtrant, fixe ? À première vue, la différence ne saute pas aux yeux.
Donc, remontée vers la gare de l’Est, histoire d’emprunter la rue de Paradis, redescendre le faubourg Poissonnière et… barrage filtrant rue d’Enghien. Sérieusement filtrant.
Préposés courtois. Mais impavides. « Il faut un justificatif ». Lequel ?
Il est bien indiqué que « la desserte interne de cette aire piétonne est autorisée (…) aux véhicules des résidents du secteur concerné ». Voui, mais le parking n’est pas situé dans ma rue… Et je n’ai rien pour attester que je loue un emplacement dans un parking de la rue.
Au final (quelques mauvais moments), produire une manette d’ouverture des volets du parking a fini par suffire. Ce qui en soi, ne constitue pas un justificatif (cela pouvait être celle d’un garage à Levallois ou d’une maison individuelle).
Mais à un moment, je me se suis demandé si je n’allais pas devoir tourner près d’une heure pour garer la voiture, avec l’inconvénient de devoir se lever tôt ou de risquer une amende de stationnement.
Et si c’était le but de la manœuvre Paris Respire ?
C’est un peu comme pour les Gilets Jaunes. Incités à rouler diesel, puis à changer de véhicule. Et les voitures de collection polluantes ? Celles des très riches autorisées à se pavaner, et les deuches, les 4L, les petites Simca interdites de circuler ?
Je sais, c’est outrancier. Et non, je ne suis pas forcément déjà exaspéré par l’opération Paris Respire. Simplement, divers promoteurs ont été requis de construire des parkings souterrains, des investisseurs (dont de tout petits) à acquérir des boxes ou emplacements de stationnement, des gens ne pouvant plus faire autrement à en louer.
Là, il fallait présenter « la carte grise du logement concerné ». Lequel peut se trouver limitrophe de, mais non « dans » la zone (alors que le parking, lui, est en plein dedans).
Je ne sais combien de parkings se trouvent entre la rue Jarry et le boulevard Bonne-Nouvelle… Nos édiles se sont-ils inquiétés de la question ? Et pour les autres secteurs de la capitale ? Déjà deux quartiers dans le dixième arrondissement… Ailleurs ? Tiens donc, autour des Champs-Élysées, ce n’est que le premier dimanche de chaque mois. Sinon, les secteurs à limousines semblent épargnés.
Des gens qui n’ont pas de chauffeurs munis de coupe-file travaillent les dimanches. Contribuer à faire changer des habitudes, oui… Mais déjà ne pas viser toujours les mêmes, et ne pas mettre d’interdictions avant de proposer de réelles solutions alternatives, ou tout simplement renoncer à se la jouer écolo s’il n’en est de viables.

dimanche 8 septembre 2019

Brexit : c'est désormais la guerre des nerfs

Le chantage de Boris Johnson : empêcher l'Union européenne de siéger

C'est l'article 17. Le Royaume-Uni reste théoriquement membre de l'Union européenne jusqu'au 31 octobre. Donc doit nommer un commissaire. Mais Boris Johnson n'en désignera pas et il entend paralyser ainsi les 27.
Je n'ai pas grand' chose à ajouter à mon précédent article : Amber Rudd, ministre du Travail, a démissionné, Boris Johnson a débauché un député du Labour... Mais le bras de fer entre conservateurs voulant gouverner avec le Brexit Party à la faveur d'élections anticipées devient presque secondaire.
L'article 17 veut que chaque pays membre de l'Union européenne désigne une ou un commissaire. Royaume-Uni inclus, donc... Ne pas en désigner reviendrait, selon Londres, à bloquer tout le fonctionnement de l'Union.
Donc, le 17 (date de la réunion du Conseil européen), ou peu auparavant, Boris Johnson invoquera l'article 17 sur le mode seul contre 27. Soit les 27 se plient à la volonté d'un seul, ratifient l'accord dicté par le Royaume-Uni, soit c'est le chaos...
Chantage et ultimatum, donc...
Dans ce cas, pourquoi donc attendre Halloween pour expulser le Royaume-Uni de l'Union ? Et c'est finalement ce que recherche Boris Johnson : ce n'est pas moi, mais eux, qui forcent une sortie sans accord.
Les conservateurs, enfin, ceux qui veulent aller aux urnes sous l'étiquette Tory, se fient à un tout récent sondage YouGov. Ils réuniraient 35 % des intentions de vote, le Brexit Party 12, tandis que les Libéraux démocrates et les travaillistes n'en cumulent que 40 et seraient bien en peine de former un gouvernement... 39 contre 40 mais jouable, si les 10 députés unionistes nord-irlandais, un ou deux unionistes écossais, se rallient à un gouvernement dominé par les conservateurs.
C'est à la fois un gambit (le SNP, nationaliste écossais raflant les sièges conservateurs en Écosse) et jouer son va-tout.
Théoriquement, Boris Johnson doit se plier à la volonté de la majorité parlementaire, soit solliciter un report de la date de rupture. Mais il entend saisir la Cour suprême... 
En droit pénal français, intention n'est pas délit. Outre-Manche... j'avoue ma temporaire ignorance (tout oublié ou  presque du droit britannique). Boris Johnson a clairement énoncé son intention délictueuse, mais avant de l'envoyer en prison, l'opposition composite doit obtenir qu'un tribunal se saisisse de son cas. Avant que la Cour suprême, saisie par les conservateurs, se prononce ? 
C'est un peu ce qui pourrait se jouer cette semaine après que la proposition des conservateurs de déclencher des élections anticipées au plus vite soit repoussée demain...
Dans cette perspective, la France pourrait plus clairement encore brandir la menace d'un veto : pas de prolongation. Seule ? 
Mais l'Union pourrait-elle passer outre un veto britannique s'appuyant sur l'article 17 ?
Là, franchement, je demande un report de dépôt de ma réponse.
Quoique... Jean-Claude Piris, qui fut directeur du service juridique du Conseil européen, considère que l'Union peut fonctionner et que refuser de nommer un commissaire peut conduire à obliger le Royaume-Uni à comparaître devant la Cour de justice européenne.
Guy Verhofstadt, qui collabore étroitement avec Michel Barnier, n'est pas plus alarmé par cette perspective. Lui aussi se prononce pour la position française : nul besoin d'accorder un report si Boris Johnson repasse le même plat... indigeste (pas de backstop, de filet de sécurité, pour la frontière nord-irlandaise).
Le Bojo risque aussi de se voir gêné aux entournures s'il passe un accord avec Nigel Farage du Brexit Party. Qui a été nommée pour remplacer Amber Rudd au ministère du Travail et des retraites ?
Therese Coffey, qui avait voté Remain lors du referendum puis s'était ralliée au Withdrawal agreement de Teresa May... Si jamais elle-même ou un·e autre ministre ou secrétaire d'État lâchait le Bojo, il aura quelques difficultés à trouver des remplaçant·e·s crédibles.