samedi 12 septembre 2020

Pauline Harmange déteste les hommes, pourquoi pas ?

 Le féminisme mercatique trouve sa voie (ou sa voix)

Or donc Moi les hommes, je les déteste, de Pauline Harmange est passé de Monstrograph éds au Seuil. Maison beaucoup plus armée pour négocier les droits de traduction. Tant mieux pour l’auteure (oh, zut, elle emploie autrice). Aussi use-t-elle de  l’écriture inclusive à l’aide du point médian, ce qui donne créateur·rice·s. Eh bien, si je soutiens Charlie Hebdo qui se gausse des religions, pourquoi ne pas faire un peu de Barnum afin de populariser Pauline qui a pourtant « tant de mal à parler d’elle-même ».


Fini, le féminisme à la mamma. On n’investit plus les syndicats, les partis politiques (le PSU d’Huguette Bouchardeau fut un temps en pointe), l’associatif, le temps est venu du repli entre communicantes, mais en investissant la sphère médiatique. Bien, les deux ne sont pas antinomiques, les démarches non dirimantes.

J’avais bien vu qu’un fonctionnaire du ministère délégué à l’Égalité femmes-hommes voulait engager des poursuites pénales contre l’éditeur initial. Oh, bof. Non pas que, sur le principe, je désapprouve. Qui n’est pas copieusement la cible d’attaques sur les réseaux sociaux n’existe pratiquement plus, donc, oui, je ne désapprouve pas. J’attends les accusations de masculinisme. Dont je ne nie pas non plus la réalité (exacerbée aux États-Unis, et qui ne tardera pas à se répercuter en Europe : au plus grand bénéfice en renommée et notoriété des féministes plus récente vague). L’ai-je bien descendu, l’escalier de l’ignominie ?

Un temps, je fréquentais de près (pas comme Sacha Guitry), mais plus professionnellement pour la rubrique Femmes de Politique Hebdo, puis celle de Martine Storti dans Libération. Sous mon patronyme, puis, celui de Loïc Guillard (il m’avait été suggéré d’utiliser un alias, mon patronyme produisant un effet cocasse, me fit-on valoir). Je confortais aussi mon ex-épouse dans son action militante (Yvettte Roudy lui confia un poste régional). Puis, bof : je me suis pourtant abstenu de me prononcer sur la chasse aux postes et aux subventions des féministes sachant se hausser du col (claudine ou autre).

Rigolo, sur son blogue-notes, Pauline Harmange pose de dos. Pas dans The Guardian et tant d’autres sites depuis qu’elle assure la promotion de son livre. Parfois avec des scories, comme lorsqu’elle se déclare « bisexuelle refoulée ». Attention à ne pas se mettre à dos le lectorat des camionneuses pas trop misandres. Je luis suis en tout cas gré d’employer « retour du bâton » et non backlash.

Je n’ai jamais rencontré de lesbiennes misandres. Pas même celles, accompagnées de chiens de défense ou d’attaque qui se rendaient au domicile des femmes battues. Elles agissaient, mais à présent, les nouvelles féministes causent (on ne sait pas si la végétarienne Pauline Harmange ne fume pas, ne boit pas, ne drague pas, comme pour le titre du film de Michel Audiard de 1970). Je m’en balance. J’imagine qu’elle en dira davantage chez Hanouna. Un grand moment mercatique dont je me dispenserai.

Que l’auteure défende la misandrie, adelphique ou non, grand bien lui fasse. On se construit comme on peut, et en fonction des ventes, on peut toujours se reconstruire (Un Finalement, j’adore les hommes, par l’auteure de I Hate Men, sera du meilleur profit d’ici quelques années). La cancel culture, c’’est réversible. Les mêmes indigénistes nous vanteront les reines africaines esclavagistes quand le marché sera mûr.

On en vient au point au Émilie du Châtelet et d’autres figures du féminisme ne seront plus mentionnées car pas assez misandres. Louise Michel, trop blanquiste ! Simone Adolphine Weil, trop humaniste !

Sur son blogue, l’auteure conclut une entrée par « la vie, grande farceuse, exige qu’on la traite avec légèreté parce qu’inexorablement, elle continue ». Admettons. Il n’empêche qu’être farceuse ou farceur n’empêche pas de se sentir responsable. Certes, Harmange si situe loin de Valerie Solanas et de son Scum manifesto, mais je crains que le fameux « retour du bâton », du fait de la misogynie d’hommes et de femmes (oui, des femmes sont aussi misogynes), finisse par s’emparer, plus du titre que du livre (que les misogynes se dispenseront de lire), pour parvenir à leurs fins.

On me rétorquera que si les suffragettes s’étaient contentées de jeter des pétales de fleurs, le vote des femmes aurait attendu davantage. Objection recevable. Mais au moment où l’autoritarisme reconquiert du terrain (Trump, les Gilets jaunes ayant évincé toute figure féminine, les appareils d’État…), je veux bien concevoir qu’un titre comme Misandrie, voilà pourquoi, se serait moins vendu qu’un I Hate Men. Mais il serait bon de se souvenir qu’en matière de mercantilisme, hommes et femmes réunis (j ai cru comprendre que Pauline Harmange était rédactrice publicitaire indépendante, « vantant les mérites d’un produit, contractant des partenariats avec les marques », certes « éthique », et influenceuse) auront le dessus. Elle se situe « dans un écosystème de prescription, de recommandation et de consommation ». Désolé, mais les féministes à l’ancienne ne vantaient pas les couches-culottes éco-responsables issues de productions soucieuses du développement durable.

Je n’irai pas jusqu’à soutenir qu’une businesswoman ne déteste pas tant ses partenaires businessmen, mais j’émets quelques présupposés hasardeux.