vendredi 23 octobre 2020

Biden-Trump : le pire de Trump reste toujours son meilleur

 La Trumpland satisfaite par son débatteur de Donald

Cette fois, j’ai veillé tard pour visualiser le second et ultime débat présidentiel confrontant Joe Biden à Donald Trump. Le Donald se révéla, pour la circonstance, à son meilleur, mais c’est sans doute en coulisses que se jouera l’issue de l’élection dans x jours.


C’est simple, Trump sait toujours mentir avec un indéfectible aplomb, soit qu’il soit persuadé de la véracité de ses arguments, même mensongers, soit qu’affabulations ou exagérations outrancières parfaitement assumées sur le ton de la plus forte conviction et sincérité lui donnent presque toujours l’avantage en matière de spectacle. Cette fois, de plus, il a su se couler dans le personnage capable d’assumer la fonction présidentielle. Il a su se retenir de gesticuler, invectiver, vociférer (aidé par le fait qu'alternativement, les micros des deux hommes étaient coupés).

Bien évidemment, la Trumpland se dispense totalement de se livrer à la fastidieuse vérification des faits qu’il avance, ou si, par hasard, ses partisans se trouvent confrontés à des informations recoupées, les évidences sont immédiatement disqualifiées. Joe Biden n’a pas démérité, fort peu bredouillé, n’a pas commis de gaffe majeure, et il conserve donc son avantage dans les sondages un tant soit peu sérieux. On sait ce que valent les sondages quand, en fait, seuls ceux portant sur une demi-douzaine d’États doivent être réellement pris en considération avec une marge d’erreur d’autant plus importante que les taux sont serrés.

Mais à moins de deux semaines du jour de clôture du scrutin, tout peut encore se jouer en périphérie.

Les accusations fondées visant Hunter Biden, le fils de l’ex-vice-président (présumé par Trump de s’être considérablement enrichi en se servant de son nom à l’étranger, allégations en partie fausses ou fabriquées et formidablement exagérées) forment un nuage de fumée épaisse qui n’est que le précurseur d’un autre feu bouté. Très longtemps, avant même sa nomination, Joe Biden était soupçonné de nourrir un faible pour le charme des mineurs des deux sexes. Ce fut le “pizzagate” visant les démocrates soutenant Hillary Clinton. Des orgies dans le sous-sol d’une pizzeria. L’accusation ne reposait sur rien, il en est de même pour Hunter Biden mais il suffit de répandre que son présumé ordinateur contenait des photos compromettantes et de le répéter sans cesse, ce que fait, selon NBC et d’autres sources, des sites créés par des ex-associés de Steve Bannon (l’un de ces sites est Revolver News), et que des supports de presse plus crédibles y fassent simplement allusion pour que la rumeur, relayée à des dizaines de milliers de messages sur les réseaux sociaux finisse par passer pour une certitude. Et si Joe Biden soutient publiquement son fils, dément, « c’est bien la preuve qu’il en est ». Trump se fait d’ailleurs l’agent commercial de Revolver News auprès de la Trumpland. La fumée s’épaississant, dans le doute, faute de ne plus voter pour Biden, une partie de l’électorat indécis ou faiblement démocrate pourrait s’abstenir.

L’autre facteur en coulisses, aussi pointé par une tribune parue sur le site de NBC, c’est qu’une forte croissance d’actions judiciaires menées par les républicains visent à faire invalider ou ne pas prendre en compte une partie notable des votes par correspondances. Et sur les 400 actions judiciaires entamées, près d’une centaine sont déjà diligentées dans trois États cruciaux pour Trump (Texas, Caroline du nord, Pennsylvanie). À cela s’ajoute les décisions de gouverneurs républicains de limiter le nombre de « boîtes posiales électorales » publiques (on dépose son enveloppe de vote) et les inévitables délais de l’US Postal Service (délais sciemment allongés par la direction nommée par Trump).

Certains bulletins postés avant ou le 3 novembre pourront donc être poubellisés car parvenant trop tard.

Là où le résultat serait serré, ce ne sera pas du tout un facteur marginal.

Or, les démocrates, en raison du covid, ont dans un premier temps incité leur électorat à voter par correspondance.

Enfin, on connaît l’adage étasunien “if it ain’t broke(n), don’t fix it”. Or l’extraction pétrolière et du gaz de schiste maintien des emplois. Joe Biden en a pointé les inconvénients sanitaires et répété que la transition énergétique créerait beaucoup plus de nouveaux emplois. Et si Biden est donné en tête dans les sondages globalement (en raison du virus et d’autres sujets), sur l’économie, Trump le domine (de peu, mais l’électorat croit toujours que sa fortune provient de ses immeubles et golfs et non pas de ses anciens juteux contrats publicitaires, très peu d’électeurs peuvent se faire une idée de ses dettes et de la fragilité de son groupe).  Dans un pays où neuf petits États, en majorité ruraux, cumulent autant de grands électeurs (55) que la Californie à populations respectives inégales (40 millions pour la Californie, moins de 30 pour ces neufs États réunis), Trump conserve de fortes chances de l’emporter.

L’autre facteur, c’est qu’entre la perspective de mourir ou de rester handicapé du fait du covid (cela n’arrive qu’aux autres d’ici l’élection) et celle de devoir vendre son véhicule ou son habitation pour toute autre raison, les promesses de Trump peuvent sembler plus attrayantes que celles de Biden. Les deux risques sont pourtant liés,  mais les illusoires assurances de Trump (vaccin, traitement imminents, majorité de cas bénins, essor économique). Tandis que Biden, les républicains et affidés le martèlent, ce sera forcément l'apocalypse économique.