samedi 17 novembre 2018

Œuvres complètes de Gaston Couté aux Éditions Libertaires

Œuvres complètes, biographie, &c. : Gaston Couté de nouveau en librairies…

Les Éditions Libertaires rassemblent quasiment tous les textes de Gaston Couté dans un coffret incluant aussi une biographie d’Alain (Georges) Leduc et un CD musical de Nicole Fourcade et Michel Di Nocera. 50 euros pour davantage d’un millier de pages (« embarquant » plus de 800 illustrations dont celles de 32 pages en quadrichromie), c’est fort honnête…

Gaston Couté (1880-1911), natif de Beaugency (« Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme… », chanson des partisans du dauphin capétien Charles…), n’atteignit pas sa 31e année. Je ne sais pourquoi il chantait et rimait aussi en patois beauceron (pour l’argot parisien, je peux deviner : il monte à la capitale à l’âge de 18 ans, et comme le français ne s’impose vraiment qu’à la fin de la Grande Guerre, comme le rappelle Claude Duneton, que son public est celui des cabarets montmartrois…), ni la raison de son inhumation à Meung-sur-Loire. Quand j’aurais lu sa biographie par Alain (Georges) Leduc, auteur du volume II du coffret (deux vls et un CD du groupe vocal Les Crieurs, en coffret des Éditions Libertaires), j’aurai sans doute mes réponses, et d’autres interrogations qu’il aura suscité en fournissant des pistes…
Je me contenterai peut-être d’ailleurs de cette biographie de 260 pages, augmentée de 530 visuels, rassemblés comme les autres par Philippe Camus – le graphiste de l’ensemble –, vendue séparément 20 euros (35  € pour le premier tome, 15 €  pour le CD). D’ une part parce que nombreux sont les sites (dont évidemment gastoncoute.free.fr) à publier ses chansons et poèmes, d’autre part, même si je ne dénie aucunement leur talent au duo des Crieurs, il doit se trouver au moins mille vidéos d’interprètes de Couté sur la Toile.
     Cela étant, m’étant remis à lire et écouter les textes de Couté en ligne, je me laisserai peut-être tenter par le coffret…
  Couté, je l’avais un peu oublié. Pas totalement, et vous non plus si La Jolie Julie par Piaf ou La Dernière Bouteille, Le Christ en bois et d’autres, par Lavilliers, vous restent entre les oreilles. Couté demeure encore au répertoire de nombreux groupes vocaux se produisant dans les MJC ou les petites salles rurales (samedi dernier encore, chanté par À côté d’ chez nous, à Verneuil, dans l’ Indre). Je parie que demain, si les veillées des « Gilets jaunes » se prolongeaient, du Couté retentira bien quelque part. Car il est resté vraiment « à tout le monde », en particulier aux protestataires, mais pas que, loin de là. D’accord, Rue Saint-Vincent, de Bruant (Patachou, Montand, Renaud…), reste plus souvent fredonné que Le Gâs qu’a mal tourné, mais quand même.

Toujours actuel, voire « universel »

Couté peut encore surprendre. « Nous sommes les crève-de-faim / Les va-nu-pieds des grands chemins ». Alain (G.) Leduc, qui m’a passé quelques-unes de ses bonnes feuilles, en loucedé – comme Charles-Louis Philippe en avait sans doute fait lire au poète de son roman Bubu de Montparnasse – rappelle que Couté et Maurice Lucas couvrirent les 272 kilomètres entre Meung et Gargilesse, en brodequins usés ou vieux godillots. Qu’ il fréquentât Jarry, possiblement (c’ est moins sûr) Octave Mirbeau, et tout comme Roger Vailland bien plus tard, pratiquement tout le Paris artiste et intello «᠎­­­­­­­ progressiste » ou libertaire de son époque.

Thierry Guilabert a repêché un rapport de police : « pitoyable chansonnier, se montre très satisfait des poursuites dont il est l’objet, cela lui fait une réclame énorme dans les cabarets ».  Un poète dénigré par « la Rousse » ne peut être foncièrement mauvais ni dénué de talent. C’ était aussi un sociologue à sa manière dont les textes (qui « ne contiennent pas de mot d’ordre ») reflétaient « les mentalités collectives ». Celles partagées par qui ne se résignait pas à son destin, ou au contraire, se pliait à tout ce qui était censé représenter « l’ ordre ». Il était pacifiste, voire franchement aussi antimilitariste (sa Marseillaise des requins n’ en est qu’un exemple parmi d’autres) qu’un Darien (pour comprendre, relire Allons z’ enfants, de Gibaud, certes très postérieur, mais tout aussi éclairant que Biribi, discipline militaire ou L’Épaulette).
  Philippe Camus, qui avait aussi conçu le Octave Mirbeau, le gentleman vitrioleur (d’A [G.] Leduc, même éditeur), m’ a laissé feuilleter ce second tome. Belle ouvrage de nouveau… Les Éditions Libertaires assurent que le premier propose « le plus large corpus désormais possible des écrits du poète-chansonnier ». Les visuels et la biographie resituent le contexte. À présent, dans les médias, de doctes causeuses et causeurs évoquent un parallèle entre les années Macron et celles des années 1930. Il ne faut rien exagérer… Comparaison n’est pas raison, et si l’ on remontait à celles de la décennie 1910, ce serait par trop outrancier. Emmanuel Macron, qui a peut-être eu son Ravaillac raté (comme se gausse Le Canard enchaîné), ne connaîtra sans doute pas le sort d’un Jaurès (lequel ne fut pas le seul de son bord « élargi » à y passer). Lire, écouter Couté fait mesurer le chemin parcouru (qui pourrait l’ être à rebours, certes, mais on ne croise pas déjà les doigts jusqu’ à se meurtrir).
  Vous trouverez ce coffret (ou ses composants) un peu partout, dont en ligne, mais si Parisien du quartier ou en transit par les gares de l’Est ou du Nord, faites donc halte à la librairie La Balustrade (25, rue d’Alsace – ouverte aussi chaque dimanche de décembre). Ce n’est pas pour rien que jeudi 22 novembre en soirée, il en sera question, avec prolongation des Crieurs Au train de vie (abreuvoir tout proche). Bon, c’est un peu dommage que les dédicaces d’ Alain (Georges) Leduc ne soient pas aussi élégantes et lisibles que celles de Couté (à Bruant, notamment), mais « on » fera avec…

P.-S. : Couté, né au moulin des Murs (Beaugency), passa son enfance et revint souvent au moulin de Clan (Meung), d’ où il écrit à Aristide Bruant qu’  il usait du pseudonyme Pierre Printemps… sans doute avant 1897. Autre alias : Subeziot. Soit le siffleur/siffloteur dans le parler du Val-de-Loire. L'orléanais-guépinois, le blésois et le vendômois étant apparentés au beauceron, va pour le beauceron...