lundi 21 mars 2022

Ukraine : se préserver de la stupidité russophobe

Éviter d’alimenter la propagande de Moscou

C’est parce que l’Union européenne serait  devenue une coalition totalitaire que la Russie poutiniste s’est donnée la mission de sauver le monde. Le problème, c’est qu’une majorité de Russes en sont progressivement convaincus. Chaque jour, le thème de la russophobie généralisée est martelé par la propagande du Kremlin. N’en tenons pas rigueur aux Russes que nous pouvons côtoyer.


C’était en 1882 et la France chantait Le Fils de l’Allemand dont le fameux envoi « Va passe ton chemin, ma mamelle est française. » fit le succès de la chanteuse Amiati. Le père de l’enfant, officier uhlan, avait sans doute violé une Lorraine, morte en couches. Du moins, fallait-il le supposer.

Je consulte les sites anglophones des agences Interfax et Tass, qui restent bien sûr dans la ligne officielle poutiniste mais n’en rajoutent pas trop. Il faut consulter celui, par exemple de l’agence Ria Novosti, pour prendre la mesure de ce qui est inculqué à la majorité de la population russe (restée en Russie ou expatriée). Vladimir Kornilov nous y apprend que les réfugié·e·s ukrainien·ne·sont devenu·e·s les nouveaux/nouvelles esclaves de l’Europe. Seul·e·s échappent à ce sort qui se réfugie en Russie ou en Biélorussie. Pas de second degré non plus dans la description récurrente d’une russophobie annoncée véhémentement généralisée.

L’illustration ici employée provient du site Donbass Insider pour lequel s’illustrent Laurent Brayard et Christelle Néant, qui, comme divers aventuriers, pour la plupart issus des extrêmes droites de l’U.E. ont combattu (en paroles) au Donbass, côté pro-russe. Le thème de la russophobie est développé et alimenté constamment depuis 2013 en Russie. Mais il était déjà présent dès la guerre dans l’ex-Yougoslavie et renforcé dès 2004 et ladite révolution « orange » en Ukraine. Bien auparavant, dès Charlemagne, l’anti-slavisme « autorisait » à réduire des peuples slaves en esclavage. En France, à partir de 1871, c’est pourtant la russophilie qui prit le dessus, et la guerre froide, en dépit de l’hostilité suscitée par le stalinisme (dans une partie de l’opinion) ne l’étiola guère. Pour mon propre compte, un séjour en Russie, puis l’exode économique (ou parfois dû à des répressions politiques) de Russes et d’ex-citoyen·ne·s de républiques ex-soviétiques, majoritairement aussi russophones, le russe restant la lingua franca de cette diaspora multiforme, ou même la slavophilie des copains serbes – ou moldaves russophones – m’ont détourné de tout sentiment xénophobe à l’endroit de personnes me conservant leur amitié.

Je ne vais pas remémorer que Dachau (camp ouvert en mars 1933) fut peuplé de communistes, de socio-démocrates et de libéraux allemands. Les religieux allemands opposés au nazisme y furent aussi internés. L’écrivain Günter Grass passa des Jeunesses hitlériennes aux Waffen-SS. On sait comment il évolua à partir des années 1950. Je ne vais pas non plus insister sur l’exode de Russes, opposés à la propagande poutiniste, qui enfle, notamment en Finlande et en Turquie. Et je ne saurais condamner définitivement des Russes gobant la propagande anti-européenne de Poutine et consorts. Nombre de Cambodgiens ayant par la suite rejoint les sinistres Khmers rouges avaient été des boursiers en France. Des tortionnaires iraniens, islamistes chiites, s’étaient aussi ralliés à Khomeini en France. Et c’est pourquoi je ne doute guère qu’il puisse se trouver des Russes (ou autres) pro-Poutine en France. Qui pourraient relayer en Russie l’idée d’une population française russophobe (en inventant au besoin des incidents, des anecdotes). Ne leur en donnons pas l’occasion (surtout stupidement, car nombre de Français sont peu à même de distinguer un Géorgien, voire un Ukrainien, un Arménien, d’un Russe).

Des réfugiés politiques russes en France auraient, paraît-il, été la cible d’incidents russophobes. La propagande poutiniste s’empresse et s’empressera de les monter en épingle. Et puis, je connais un très jeune garçon, Alexandre, de père ukrainien et de mère russe. Il ne vit pas en Bretagne, mais si c’était le cas, et qu’il soit pris à partie par des camarades de classe du fait de ses origines, j’en viendrais à me sentir honteux d’être un Breton. La stupidité ira-t-elle jusqu’à expurger Sacha Distel de la discographie du fait que son père était originaire d’Odessa ? Je suis russophile (et ukrainophile, &c.), comme l’était François Cavanna, auteur des Russkofs et de Maria, et pourquoi pas ? Sans angélisme, mais surtout sans xénophobie. Si, en France, des gens veulent s’en prendre à la propagande poutiniste, au lieu de viser des Russes abusés, ils trouveront assez de Français (ou autres, même si breih-info.com s’abstient à présent, c’est récent, de ne relayer que la propagande du Kremlin) à qui se confronter. Mais, là encore, attention à ne pas se tromper de cible : les convictions évoluent, comme en Russie. Et comme cela s’est vérifié en Biélorussie manifestement après 2010.