mardi 25 décembre 2018

Gilets jaunes et Éloge de la politique (R. Vailland)


Gilets jaunes et l’« Éloge de la politique » de Roger Vailland
L’insurrection qui vient, repart, revient : permanence de l’utopie
Il semblerait que tous les objets connectés qu’il nous est fortement incité d’offrir ou de s’offrir en cette période des fêtes de fin d’année (2018) seraient autant dédiés à nous espionner qu’à nous faciliter/compliquer la vie (rayez la mention inutile). Bien sûr, on se remémore Blair/Orwell et 1984. En marche vers le « meilleur des mondes » (d’Aldous Huxley). À moins que la décroissance, souhaitée ou subie, change la donne…
Les « Gilets jaunes » préparent, paraît-il, les actes X ou Y, pour le réveillon du Nouvel An, Pâques et la Trinité. L’église catholique, apostolique, romaine, celle de France, appelle au dialogue, veut leur ouvrir ses édifices entretenus avec l’argent des contribuables, alors que, au Vatican, un pape un peu moins rance que celui du chanteur Québécois Jamil (Irons-nous tous au combat fustigeait « un seizième Benoît »), dénonce « l’homme devenu avide et vorace » et « les ravins de la mondanité et du consumérisme ». Étonnant alors qu’une majorité de « Gilets jaunes » veulent encore davantage de Ferrero Rocher de la réception de l’ambassadrice et consommer encore plus de fringues de marques, changer de voiture (avec un maximum d’options), et surpasser en diagonale l’étrange lucarne du voisin. La garde décroissante croise la garde montante… de loin.
Dès qu’un mouvement social émergeait, naguère – jadis, c’était Lafargue et Le Droit à la paresse, ou d’autres textes –, les médias (enfin, ceux qu’on lit de moins en moins…), nous ressortaient « Éloge de la politique » (publié dans Le Nouvel Observateur fin novembre 1964, dont l’auteur décédait début mai 1965 en ne léguant que des œuvres posthumes). Là, non. Peut-être parce que je me rattache à une génération encore imprégnée des souvenirs de guerre de ses aîné·e·s (il y avait encore des cartes de rationnement au tout début des années 1950), je me demande si ce texte ne serait pas reçu et perçu par la gente « Gilets jaunes » majoritaire comme une critique sous-jacente (de quoi inciter à rosser des journalistes). À l’adresse de la minorité de ce mouvement (celles et ceux vraiment juste au-dessus du seuil de pauvreté, dont j’ai éprouvé diverses fois les abysses), je suggère de le consulter — et de lire aussi quelques romans de Roger Vailland, disponibles en bibliothèques publiques, nul besoin de télécharger un e-bouquin et d’acquérir la liseuse de la voisine. Au cas où le lien ci-dessus ne fonctionnerait pas, le voici en clair (infra, en espérant que cela opère ; sinon, cherchez, ce texte est consultable ailleurs…). En tout cas, depuis bien avant Thomas More et la Croisade des enfants (début des années 1210, puis celle des Pastoureaux), l’utopie marque et perd des points. Au fil des ans, elle surnage… Embarquer alors qu’elle s’enfonce sous sa ligne de flottaison reste un moindre mal.


P.-S. – Pour mémoire, cet article parut dans le numéro 2 du Nouvel Observateur  « nouvelle série » (ou 760 de France Observateur). Je n'ai pu en retrouver le sommaire (mais y figurait un entretien avec Harold Wilson ainsi qu'un texte d'André Pieyre de Mandiargues, et celui de Raoul Seyries, du CNJA, « Jeunesse d'un leader »). Jacqueline Rémy, dans Le Nouvel Observateur, 50 ans de passion, citait Jean Daniel évoquant « d'innombrables encouragements » (« De Roger Planchon et de Francis Perrin (...), de Roger Vailland et de Jacques Le Goff (...), Michel Rocard, Alain Savary, Jacques Monod et Jean-Louis Barrault nous somment de nous engager »). Une réédition du texte dans Le Nouvel Observateur, témoin de l'histoire (Belfond, 1981), précéda la celle de la maison Le Temps des cerises. Parmi les collaborateurs de l'hebdomadaire, François Furet, ex-communiste, qui signe François Delcroix. Pour situer le texte de Vailland, il faut se rappeler que Sartre fit la une du numéro précédent... Le chapeau de son entretien débutait par « La presse le proclame, des enquêtes le démontrent, les dirigeants du régime s'en félicitent : la France se "dépolitise" ».


samedi 17 novembre 2018

Œuvres complètes de Gaston Couté aux Éditions Libertaires

Œuvres complètes, biographie, &c. : Gaston Couté de nouveau en librairies…

Les Éditions Libertaires rassemblent quasiment tous les textes de Gaston Couté dans un coffret incluant aussi une biographie d’Alain (Georges) Leduc et un CD musical de Nicole Fourcade et Michel Di Nocera. 50 euros pour davantage d’un millier de pages (« embarquant » plus de 800 illustrations dont celles de 32 pages en quadrichromie), c’est fort honnête…

Gaston Couté (1880-1911), natif de Beaugency (« Orléans, Beaugency, Notre-Dame de Cléry, Vendôme… », chanson des partisans du dauphin capétien Charles…), n’atteignit pas sa 31e année. Je ne sais pourquoi il chantait et rimait aussi en patois beauceron (pour l’argot parisien, je peux deviner : il monte à la capitale à l’âge de 18 ans, et comme le français ne s’impose vraiment qu’à la fin de la Grande Guerre, comme le rappelle Claude Duneton, que son public est celui des cabarets montmartrois…), ni la raison de son inhumation à Meung-sur-Loire. Quand j’aurais lu sa biographie par Alain (Georges) Leduc, auteur du volume II du coffret (deux vls et un CD du groupe vocal Les Crieurs, en coffret des Éditions Libertaires), j’aurai sans doute mes réponses, et d’autres interrogations qu’il aura suscité en fournissant des pistes…
Je me contenterai peut-être d’ailleurs de cette biographie de 260 pages, augmentée de 530 visuels, rassemblés comme les autres par Philippe Camus – le graphiste de l’ensemble –, vendue séparément 20 euros (35  € pour le premier tome, 15 €  pour le CD). D’ une part parce que nombreux sont les sites (dont évidemment gastoncoute.free.fr) à publier ses chansons et poèmes, d’autre part, même si je ne dénie aucunement leur talent au duo des Crieurs, il doit se trouver au moins mille vidéos d’interprètes de Couté sur la Toile.
     Cela étant, m’étant remis à lire et écouter les textes de Couté en ligne, je me laisserai peut-être tenter par le coffret…
  Couté, je l’avais un peu oublié. Pas totalement, et vous non plus si La Jolie Julie par Piaf ou La Dernière Bouteille, Le Christ en bois et d’autres, par Lavilliers, vous restent entre les oreilles. Couté demeure encore au répertoire de nombreux groupes vocaux se produisant dans les MJC ou les petites salles rurales (samedi dernier encore, chanté par À côté d’ chez nous, à Verneuil, dans l’ Indre). Je parie que demain, si les veillées des « Gilets jaunes » se prolongeaient, du Couté retentira bien quelque part. Car il est resté vraiment « à tout le monde », en particulier aux protestataires, mais pas que, loin de là. D’accord, Rue Saint-Vincent, de Bruant (Patachou, Montand, Renaud…), reste plus souvent fredonné que Le Gâs qu’a mal tourné, mais quand même.

Toujours actuel, voire « universel »

Couté peut encore surprendre. « Nous sommes les crève-de-faim / Les va-nu-pieds des grands chemins ». Alain (G.) Leduc, qui m’a passé quelques-unes de ses bonnes feuilles, en loucedé – comme Charles-Louis Philippe en avait sans doute fait lire au poète de son roman Bubu de Montparnasse – rappelle que Couté et Maurice Lucas couvrirent les 272 kilomètres entre Meung et Gargilesse, en brodequins usés ou vieux godillots. Qu’ il fréquentât Jarry, possiblement (c’ est moins sûr) Octave Mirbeau, et tout comme Roger Vailland bien plus tard, pratiquement tout le Paris artiste et intello «᠎­­­­­­­ progressiste » ou libertaire de son époque.

Thierry Guilabert a repêché un rapport de police : « pitoyable chansonnier, se montre très satisfait des poursuites dont il est l’objet, cela lui fait une réclame énorme dans les cabarets ».  Un poète dénigré par « la Rousse » ne peut être foncièrement mauvais ni dénué de talent. C’ était aussi un sociologue à sa manière dont les textes (qui « ne contiennent pas de mot d’ordre ») reflétaient « les mentalités collectives ». Celles partagées par qui ne se résignait pas à son destin, ou au contraire, se pliait à tout ce qui était censé représenter « l’ ordre ». Il était pacifiste, voire franchement aussi antimilitariste (sa Marseillaise des requins n’ en est qu’un exemple parmi d’autres) qu’un Darien (pour comprendre, relire Allons z’ enfants, de Gibaud, certes très postérieur, mais tout aussi éclairant que Biribi, discipline militaire ou L’Épaulette).
  Philippe Camus, qui avait aussi conçu le Octave Mirbeau, le gentleman vitrioleur (d’A [G.] Leduc, même éditeur), m’ a laissé feuilleter ce second tome. Belle ouvrage de nouveau… Les Éditions Libertaires assurent que le premier propose « le plus large corpus désormais possible des écrits du poète-chansonnier ». Les visuels et la biographie resituent le contexte. À présent, dans les médias, de doctes causeuses et causeurs évoquent un parallèle entre les années Macron et celles des années 1930. Il ne faut rien exagérer… Comparaison n’est pas raison, et si l’ on remontait à celles de la décennie 1910, ce serait par trop outrancier. Emmanuel Macron, qui a peut-être eu son Ravaillac raté (comme se gausse Le Canard enchaîné), ne connaîtra sans doute pas le sort d’un Jaurès (lequel ne fut pas le seul de son bord « élargi » à y passer). Lire, écouter Couté fait mesurer le chemin parcouru (qui pourrait l’ être à rebours, certes, mais on ne croise pas déjà les doigts jusqu’ à se meurtrir).
  Vous trouverez ce coffret (ou ses composants) un peu partout, dont en ligne, mais si Parisien du quartier ou en transit par les gares de l’Est ou du Nord, faites donc halte à la librairie La Balustrade (25, rue d’Alsace – ouverte aussi chaque dimanche de décembre). Ce n’est pas pour rien que jeudi 22 novembre en soirée, il en sera question, avec prolongation des Crieurs Au train de vie (abreuvoir tout proche). Bon, c’est un peu dommage que les dédicaces d’ Alain (Georges) Leduc ne soient pas aussi élégantes et lisibles que celles de Couté (à Bruant, notamment), mais « on » fera avec…

P.-S. : Couté, né au moulin des Murs (Beaugency), passa son enfance et revint souvent au moulin de Clan (Meung), d’ où il écrit à Aristide Bruant qu’  il usait du pseudonyme Pierre Printemps… sans doute avant 1897. Autre alias : Subeziot. Soit le siffleur/siffloteur dans le parler du Val-de-Loire. L'orléanais-guépinois, le blésois et le vendômois étant apparentés au beauceron, va pour le beauceron...

mercredi 24 octobre 2018

Blogue ou blogue-notes ou... stop ou encore ?


Boguerai(s)-je sur le blogue ?
Reçu récemment ce courriel intitulé : « j’harmonise blog, blogue-notes, OU encore blogue ? ». Réponse : fais comme te plaira… mais, “blog” n’est pas glop-glop pour moi.

Corrigeant orthotypographiquement – et quelque peu au-delà – la thèse d’une amie doctorante, elle vient de me solliciter : doit-elle écrire blog, blogue-notes, blogue ? Perso, j’avais opté pour blogue-notes. Abrégé blogue. Finalement, je vais me caler tant sur la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue française que sur la recommandation parue au Journal officiel de la République française le 16 septembre 2014. Sauf lapsus de saisie, blogue me suffira désormais.
            J’avais failli virer manuéliste, à la suite et en compagnie du regretté Robert Guibert, et de diverses autres éminentes références en la matière, en consultation avec Aurel Ramat (récemment décédé aussi, hélas). Nous étions bien sûr en relation avec Jean-Pierre Lacroux. Ce dernier, à titre posthume, et nos amis de la liste typographique, nous coupèrent l’herbe sous le pied. Nous envisagions un guide orthotypographique raisonné, soit explicitant nos options. Cet immense chantier mériterait sans doute d’être repris, en dépit de l’Orthotypographie de Lacroux et alii. Laquelle indique par exemple qu’il convient de saisir « Quai d’Orsay », « Place Beauvau », mais ne dit rien de la rue (ou Rue ?) de Valois. Et pourquoi pas uniquement « Valois » ? Je me félicite de poser la question, mais souffrez que je ne me réponde… Inutile de m’enfarger dans les fleurs de tapis (voir le billet de Dany Laferrière sur le bloc-notes des Immortel·le·s). Mais est-ce bien si utile de relancer ce chantier ?
            Or, je répugne à préconiser, ou indiquer sans tenter d’exposer causes et effets d’un choix ; donc, pour me rafraîchir la mémoire, et répondre à ma correspondante, j’optais pour une visite du site de l’Académie française. Lequel loge un document émanant de la Commission d’enrichissement de la langue française et de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. Ce Vocabulaire des techniques de l’information et de la communication (TIC) – j’allais ajouter sic : pourquoi pas Tic ? ; n’est-ce point un acronyme ? – préconise « blogue » (et mentionne le JO, et non Jo, car on prononce comme autrefois on écrivait J. O., du 16 sept. 2014). Va pour ce blogue…
            Cela étant, nos académiciennes et académiciens, contrairement aux Acadiennes et Acadiens francophones du Québec, ne l’entendent pas ainsi. Partout sur le site de l’Académie, antérieurement et assurément postérieurement à l’arrêté publié au JO, vous lisez « bloc-notes ». Dernière (et non moindre) occurrence : le billet « La petite fille et le sabot », de Dominique Bona, daté du 4 octobre 2018. C’est l’insurrection – académique – qui (re)vient. Je me garderai de médire : ce bloc-notes, si tel est le bon plaisir du Quai Conti, lui sied fort bien.
            M’étant penché sur les vocables d’Octave Mirbeau et de Roger Vailland que je pressens candidats à la suppression en de futurs dictionnaires, pour cause d’obsolescence d’emploi, j’ai lu attentivement le billet de Dominique Bona traitant du sabot, ou plutôt des sabots des garnements de la comtesse de Ségur. « Les mots (…) forment désormais, dans certains textes, un obstacle infranchissable. ». Un peu comme, à présent, ce sabot qui empêche de ne pas devoir aller rechercher son véhicule à la fourrière. Qu’en adviendra-t-il lorsque des préposés au contrôle des voies publiques pourront bloquer tout démarrage d’un simple clic ? Je ne saurai non plus préjuger du devenir, tant des blogues, et de leurs feuillets finissant aux feuillées (ou latrines, tels ces sanibroyeurs que deviennent les moteurs de recherche), que du mot blogue. Quant aux inconvenantes conventions orthotypographiques, j’ai fini par m’y faire. Niet quand même au blog qui me bloque, mais tant pis pour mon défunt -notes (sauf « en » bloc[s], bien sûr). Chassé de l’usage courant, il reste enchâssé à l’Académie où les anatomistes du langage le préservent. Ainsi soit-il, tel est le nom du film, chante Louis Chedid.

samedi 20 octobre 2018

Optimisation fiscale : quand Kerviel éclairait le Sénat


CumEx & CumCum : quand Kerviel éclairait le Sénat…
Le Fig’ a mis « un certain temps », celui de masser les pieds, « objets de soins constants » des dirs pub en relation avec des annonceurs, avant de répercuter dans ses colonnes l’enquête du Monde (et de titres associés ad hoc) sur les « malversations » fiscales des banques — les guillemets de distanciation s’imposent ; bien évidemment, je ne saurais risquer un procès pour avoir terni la réputation d’institutions financières. De même, Le Figaro avait omis de signaler à ses lecteurs que Jérôme Kerviel avait attiré l’attention des sénateurs sur ces pratiques.

Ineffables Olivia Dufour (dite Aliocha la plumitive) et Stéphane Durand-Souffland. Dont je reconnais nonobstant les indéniables talents : Céline, Brasillach, Déat même, n’étaient pas dénués de talent (et non, l’allusion n’est pas perfide car je ne les catalogue pas prébendés d’une hypothétique « juiverie financière internationale »). Elle et ils eurent raison : Jérôme Kerviel n’était pas « blanc-bleu ». Mais que ne nous avaient-ils éclairés sur les déclarations de Kerviel devant la commission du Sénat à propos « de l’arbitrage de dividendes, “qui représente des pertes fiscales considérables pour la France” » (Le Monde, « “CumExFiles” : quand Jérôme Kervielr alertait les sénateurs… », 18 oct. 2018).
            Il ne fait aucun doute que le sénateur communiste Éric Bocquet avait saisi l’ampleur de l’information que communiquait Kerviel… Mais souvenez-vous du sauvetage de L’Humanité. Et vous remémorez-vous « l’insoumis » Mélenchon – nanti parmi tant d’autres, haridelle de retour parlementaire, blanchie sous le harnois des libéralités des contribuables – qui n’en fit nullement un thème de campagne. Il avait pourtant recueilli les propos de Kerviel. Et n’en fit rien…
            Le dividend enhancement est pourtant largement pratiqué par les banques, ce qu’un Macron, à Bercy, ou désormais à l’Élysée, ne pouvait, ne peut ignorer. Mais tous ces gens (Mélenchon, dégage !), quoi qu’ils puissent dire, proclamer, sont tous d’accord : en parfaite collusion tacite avec les médias (qu’on ne se trompe pas : leurs propriétaires sont contraints de préserver les apparences, et donc laisser des journalistes faire leur travail, ne serait-ce que pour éviter qu’ils publient des samizdats), leur unique ambition est de se gaver. Au détriment de classes populaires à laisser végéter et de classes moyennes – plutôt « déclassées » – à essorer.
            La méthode est simple : faire que la lutte des classes n’oppose plus les déclassés aux classes supérieures et qu’ils ne s’en prennent plus qu’aux diversement davantage démunis. Ce qu’un Olivier Todd fait valoir : petite bourgeoisie fragilisée et lumpenproletariat ne se mobilisent plus que contre ce qui est estimé encore « plus bas ». Ce qui fut la nationalisation des pertes et la privatisation de profits passe désormais par « l’optimisation fiscale ». Mais l’addition est toujours réglée par les mêmes…
            Mais qui conchie les journalistes devrait se poser une question : si elles et ils sont toutes et tous (Mélenchon, les fachos, et consorts, en font leur antienne) si rigoureusement « alignés », quel besoin d’en assassiner autant, d’en faire taire (par des menaces sur leurs très proches) un si grand nombre ? Qui les dénonce – rappelez-vous Breton et les surréalistes – si véhémentement les souhaite simplement davantage de leurs côtés, à leurs ordres, en béats laudateurs de leurs visions totalitaires, ou simplement égocentriques. Allez, les autres, encore un effort pour rester, autant que les contraintes (ou les menaces implicites ou non) vous l’imposent, journalistes.

vendredi 12 octobre 2018

La photo d'Édouard Philippe par Jeff Pachoud


Photographie : en dépit du « bruit optique », la réussite magistrale de Jeff Pachoud
J’ai rarement été aussi « bluffé » par une photo de presse… Nous avons Édouard Philippe, un Premier ministre français, et en ombre portée, « comme » un militaire britannique en arrière-plan… Martial et prêt à en découdre, ou « aux ordres », le gars dont il fut « tapé la plaque » ?


Bien, Édouard Philippe, Premier ministre de la présidence d’Emmanuel Macron (circa 2018), n’est pas Che Guevara, Tolstoï, Freud, &c. La postérité l’oubliera, mais non de sitôt… Or donc, cette photographie de Jeff Pachoud (de ou pour l’Agence France Presse) ne deviendra sans doute pas « iconique », comme l’époque désigne ses éphémères éléments notoires.
            N’empêche, c’est une éclatante réussite… Certes, il subsiste un « bruit optique ». À l’arrière de l’épaule du personnage, se discerne comme une sorte d’épaulette. Autrefois, en labo, « nous » (les tapeurs de plaques du temps de l’argentique qui développions puis tirions dans le noir) l’aurions floutée. Et de nos jours, avec DXO ou Toshop’, un coup de « tampon de duplication » en aurait eu raison.
            Je dois énormément au redchef de Vues et images du monde, bien davantage qu’à Roland Barthès (Rhétorique de l’image), Albert Plécy, et à sa Grammaire élémentaire de l’image (éds Éstienne, puis Marabout), la meilleure assurance de mes seconds pas photographiques – enfant, adolescent, tel André Villers, nous débutions avec un 6×6 peu cher – car la notion de « bruit optique », c’est Plécy. La locution latine idoine d’enchaînement ne me revenant pas à l’esprit, souffrez que je passe du coq à l’âne…
            Cette image de Jeff Pacoud me remémore ma photo floue du « petit » – pas tellement – juge Lambert… J’avais dû l’imposer aux secs de rédac’ de L’Union. Oui, le sujet était flou… Jean-Michel Lambert, jeune magistrat instructeur, était, à Épinal, lors de l’affaire de « la Vologne » (ou « Affaire Grégory »), assailli par des journalistes, des photographes, &c., et il passait entre une véritable haie : un très léger flou de bougé résumait le contexte. Lambert, dont la presse disséquait la présumée « psychologie », et la nuée des « zincs » (appareils) « piquant » (non, ici, nulle référence à la chasse à courre, mais à la mise au point) son passage – et sa haletante progression dans le dossier des époux Grégory et consorts –, valait de rester flouté.
            Pourquoi saluer cette photo de Jeff Pacoud ? Selon les médias et leurs « messages-massages » de l’automne 2018, ce Premier ministre, et le président Emmanuel Macron, seraient (le conditionnel s’impose) en désaccord sur un remaniement ministériel découlant de la démission d’un ministre de l’Intérieur. Voyez donc, à cette aune, la portée de ce cliché… Ici reproduit suffisamment dégradé pour me dispenser de solliciter de son auteur une autorisation de reproduction (l’AFP, dont je fus le dernier cycliste universel – une toute autre histoire –, et un pigiste récurrent, n’aura pas l’outrecuidance de m envoyer des huissiers). Nul besoin d’être sémiologue de comptoir pour en saisir la puissance… Elle exprime soit la défiance, soit l’attitude « bon petit soldat » du Premier ministre… Totale ambiguïté. C’est ce qui fait sa force. Souvenez-vous de ces images de la guerre (étasunienne) de l’ex-Indochine, légendées diversement : soit le Vietminh avance, soit il reflue.
            Là, c’est puissant. L’Édouard « Malborough s’en va en guerre » ou garde rapproché(e) du président ? Antagonisme ou cohésion ? En fonction de ce que développent les Premiers Paris et les autres, c’est l’une des meilleurs photos d’« actu » qu’il m’été offert de voir depuis longtemps. Conclusion : merci pour cet instantané…

jeudi 4 octobre 2018

La presse française calque la gutter press


Médialogie : la presse française suit les brisées de la gutter press britannique…
Médialogie ? Médiologie ? Peu importe… Toujours est-il que je suis frappé par l’évolution de la presse française. Illustration avec un exemple récent…
Presque tous les jours je consulte le site du Daily Mail. Pas que… Guardian’s & Independent’s idem. Le Mail n’est pas tout à fait une presse « de caniveau ». Mais limite, limite… Désormais, Le Figaro s’en rapproche (sujets « sociétaux » et « comportementaux », alimentation, chiens-chats, célebs, &c.). De plus en plus flagrant à mesure que passent les mois… Mais je n’imaginais pas lire dans L’Express un titre tel que « Successeur de Collomb : Macron se tait mais a choisi ».
                Un titre digne d’Ici Paris, France Dimanche et prédécesseurs… Un peu comme « Untelle effondrée : sa terrible calamité ! » (son petit chat est souffrant ; enfin, la concierge a remarqué qu’il n’a plus d’allant, et si la très médiatique Unetelle ne s’exprime pas sur le sujet, c’est parce qu’elle est submergée par le chagrin). Macron se tairait mais a un nom, un candidat pour remplacer l’ex-ministre de l’Intérieur.
                Il fut un temps, où, au Cuej, au CFJ-CFPJ, à Lille et même à l’IUT de Tours, il était enseigné comment titrer « incitatif » et « factuel ». Je ne blâme pas les signataires de l’article de L’Express, Corinne Lhaïk et Éric Mandonnet. Voici longtemps que les inventifs sèches et secs de rédac’ sucrent les titres des journalistes de terrain s’ils ne sont pas à leur goût.
                Mais bon, quand un titre allèche ainsi, c’est qu’on peut avancer un, ou du moins, des noms… Mais là, c’est du délayage, du tirage à la ligne. Avec beaucoup d’interrogatives et l’insertion de la mention de la mort de Charles Aznavour (c’est là « écrire pour Google ») qui aurait (le conditionnel s’impose) pu différer l’annonce du maintien de la démission de Gérard Collomb.
                « Selon nos informations, le chef de l’État a d’ores et déjà décidé. ». Quoi ? Qui ? Allez savoir. Bref, pour tirer à la ligne, Lyon devient « la capitale des Gaules ». Genre : « tu as dit combien de signes ? Ah, d’ac’, trois feuillets… ». Pour remplir, il est donc supputé que Georges Kénpénekian n’allait pas rendre si aisément son écharpe de maire. Hypothèse qui téléphone « l’envie de rester calife à la place du calife… ». Soit près d’une cinquantaine de caractères de « mieux ». On ajoute « et ce n’est pas la moindre des raisons » (car Macron « déteste être contraint d’agir sous la pression »).
                Bref, on ne sait pas vraiment si « rien ne va plus » entre Gérard et Emmanuel, ou s’ils conservent une tendresse réciproque. Ce n’est pas un divorce, c’est une séparation, mais les deux chérubins auraient eu des mots, vifs… qu’une prochaine chaleureuse réconciliation fera oublier. Le jugement de Brigitte Macron sur les choix vestimentaires de l’ex-ministre nous est toutefois épargné. Au fait, ne serait-ce pas pour conforter le primat des Gaules, Mgr Barbarin, que l’ancien maire de Lyon a voulu regagner la cité des canuts, les collines de Fourvière et de la Croix-Rousse, les rives de la Saône et du Rhône, l’ombre du « crayon » de La Part-Dieu, les bouchons des Mères, la métropole du tablier de sapeur, le berceau de sainte Blandine, &c. ?
                Bref, on en vient à se demander si la presse française « sérieuse » (quality press) n’est plus incarnée que par Siné Mensuel, Le Monde diplomatique, et quelques – trop rares– revues confidentielles…


mercredi 3 octobre 2018

Brexit : Theresa May danse avec les loups


Brexit : Theresa May brandit la hache des avantages fiscaux
Envisageant sans doute un Brexit « dur » (sans accord), Theresa May a pris le contre-pied de Bojo (Boris Johnson), mais en laissant entendre qu’elle accorderait des avantages fiscaux aux entreprises demeurant ou s’installant au Royaume-Uni.
S’adressant au conservateurs réunis en congrès, Theresa May a très habilement rendu la pareille à Boris Johnson, son ex-ministre démissionnaire, qui l’avait fustigée la veille. Bojo avait lancé une forte invective : fuck business. Soit merde à la Banque d’Angleterre, zut au patronat, et que tous les milieux d’affaires tirant l’alarme dans la perspective d’un Brexit dur aillent se faire…
            Theresa May a donc joué sur les mots, expliquant qu’elle emploierait un explétif d’une seule syllabe se terminant « par la lettre k ». Et ce fut back. Soit “back business (…) back with the lowest corporation tax in the G20.”. En clair : confortons le monde des affaires en instaurant la fiscalité pour les entreprises la plus avantageuse du Groupe des 20 (19 pays développés, dont la France, plus l’Union européenne).
            Ce n’est pas un argument nouveau… Dès le début des négociations avec Bruxelles, le Royaume-Uni a menacé de faire tomber l’impôt sur les sociétés à 10 % si l’accord (ou le non-accord) avec l’UE était estimé insatisfaisant outre-Manche. Certes, le Liechtenstein (ou encore la Hongrie, où l’IS est de 9 %) n’est pas membre du G20. Mais 10 %, ce serait deux fois moins qu’en Arabie Saoudite où les sociétés étrangères ne sont pas imposées. Pour ces dernières, s’aligner sur l’Arabie, et pour les autres, faire tomber le taux à ce seuil comporte aussi un risque de surenchère que tant l’OCDE que le G20 (hors R.-U. donc à l’avenir) veulent éviter…
            En revanche, elle a promis que les spéculateurs immobiliers étrangers seraient frappés au portefeuille. Elle a réitéré que les dispositions sur l’immigration s’appliqueraient à l’identique pour les ressortissants de l’Union européenne et les autres. Quelle que soit l’issue, le Brexit signera aussi « la fin de l’austérité » (en matière d’investissements publics : écoles, hôpitaux, collectivités, &c.). Ce qui revient à parier sur la croissance censée compenser la baisse des recettes fiscales. « Après une décennie d’austérité, les gens [people n’a pas la même connotation mélenchonienne] doivent savoir que leur dur labeur a payé. ». Elle a aussi promis des logements plus accessibles, ce en laissant les collectivités emprunter pour construire.
            Bref, le Brexit, avec ou sans accord « convenable », c’est la promesse du beurre et de l’argent du butter. Cela étant, elle n’exclut pas d’arriver à un accord. Cependant, elle n’a pas abordé la question du rétablissement d’une frontière en Irlande. Or, après tant d’autres, précédemment, Alès Chmelar, secrétaire d’État tchèque aux Affaires européennes, s’est empressé d’évoquer à nouveau la question peu de temps après que Theresa May se soit exprimée. Pas d’accord signifierait que l’Irlande rétablirait des postes de douane (et pourrait limiter la libre-circulation entre le nord et le sud de l’île pour les travailleurs frontaliers). Et dans les airs, le Royaume-Uni pourrait devoir se passer du recours au programme (satellitaire) Galileo.
            Toute (ou presque) la presse anglaise s’est empressée de commenter l’entrée en scène de la Prime Minister, dansant sur l’air de Dancing Queen, du groupe suédois Abba. Pas de faux pas… Sauf que la Suède, adhérente de l’UE depuis 1995, ne manifeste pas grand désir de la quitter.

Les gays non-mariés privés de visas aux É.-U.




Les conjoints homosexuels des diplomates à l’Onu interdits de visa aux É.-U.

Pour la Maison Blanche, les diplomates siégeant à l’Onu et vivant en concubinage, ou sous contrat de type pacs, avec une personne de même sexe devront choisir : démissionner ou rester seul·e·s aux États-Unis.

Depuis juin 2015, le mariage homosexuel est reconnu dans tous les États (-unis d’Amérique). Mais alors que le State Department (le ministère de l’Intérieur) vient de refuser d’accorder des visas aux conjoints des diplomates et fonctionnaires homosexuel·le·s de l’Onu, on ne sait pas si un voyage express à Las Vegas suffira…
            La mesure est appliquée depuis le 1er octobre : « les ambassades et consulats des États-Unis examineront les demandes de visas des époux de même sexe de la même manière que pour celles des couples mixtes ». En clair, plus de visas pour les conjoints de même sexe non mariés, et obligation pour ceux résidant sur le territoire américain de s’épouser avant le 1er janvier 2019. Faute de quoi, elles et ils seront considérés immigrants clandestins et si repérés, expulsés…
            Donald Trump fait fort… Déjà, il a   fait transférer l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, non pas tant pour satisfaire la droite dure israélienne que pour donner des gages à ses électeurs appartenant à des églises évangéliques. Certaines considèrent qu’Israël est terre sacrée, et que tout doit être mis en œuvre pour soutenir l’État israélien…
            Comme les universités évangéliques (la dernière en date est Azusa Pacific, en Californie) se refusent à admettre des homosexuel·le·s ou de les laisser poursuivre leurs études, Donald Trump fait à leurs fidèles un nouveau signe du pied…
            Certes, des exceptions pourraient être envisagées pour les ressortissant·e·s d’un pays n’autorisant pas le « mariage gay » (soit 88 % des États membres de l’Onu). Le visa dit G-4 avait été introduit par Hillary Clinton, qui fait toujours figure d’épouvantail pour « le Donald » (les Obama n’étant que de simples repoussoirs pour lui).
            Peut-être histoire d’informer les autorités de ces pays qu’une exception a été accordée ?
           Sont exemptés de cette formalité les conjoints des chef·fe·s d’État et de gouvernement, indique le site du State Department… Ils continueront à bénéficier du visa A-1. Bref, si Vladimir Poutine virait sa cuti, il serait exempt… Si c’était le cas d’un Alexandre Benalla (dont on ne sait si son passeport diplomatique lui a été retiré), son conjoint devrait faire une demande séparée.
            Les Françaises et les Français, qui râlent constamment du fait des lourdeurs administratives, gagneraient à consulter les dispositions étasuniennes pour les demandes de visas : édifiant, cela couvre des pages, et tous les cas sont disséqués. Mais il doit exister des passe-droits, comme par exemple pour les émirs polygames (alors tout polygame est présumé interdit de séjour sur le territoire américain).
            On ne sait trop combien de couples de diplomates seraient concernées. Pour les fonctionnaires internationaux, selon l’Onu, rapporte The Huffington Post, ce nombre serait d’une dizaine. Qu’importe, les pasteurs de Las Vegas et ceux des églises évangéliques votant « bien » applaudiront cette vigoureuse mesure qui s’imposait urgemment…


jeudi 27 septembre 2018

Revue Projet : les « jèzes »ont fort bien évolué...


Revue Projet : les « jèzes » ont fort bien évolué…

Longtemps, enfin au moins un lustre, je détaillais les sommaires de Siné (hebdo, mensuel). J’ai suspendu (flemme…). Mais je n’imagine pas opérer un grand écart, dont je serais physiquement incapable, en attirant votre attention sur Projet n° 72.

On a beau être athée, en tout cas agnostique, classifié « anarco-éthylique », il est possible de rester sensible aux propos des revues confessionnelles. Bon, celles du Sillon laissaient quelque peu (litote) à désirer. Mais, à Strasbourg, collaborateur d’Uss’m Follik (issu du peuple), j’étais attentif aux actualités de Réforme (hebdo protestant d’actualité). De même, de nos jours, ce que la Cimade développe sur l’immigration ne me laisse pas indifférent.
            Mais les jésuites… Sulfureux. À en préférer les éditions du Cerf (pourtant dominicaines, héritières d’une Inquisition qui… mais c’est une autre historiographie). Bon, ce fut aussi alimentaire : j’avais traduit une somme sur le catholicisme américain pour elles (jamais parue, mais Notre-Dame University acquit mes publications). Les « pétrisseurs d’âmes » (Mirbeau), ouh-ouh-méfions-nous. En tout cas, les français (pour les argentins, je ne sais ce qu’ils produisent…) publient Projet.
            Très « catho de gauche », cette publication qui me remémore Politique Hebdo, dont je fus l’un des collaborateurs-pigistes assidu. Avec, en ouverture de ce n° 72, un reportage d’Aurore Chaillou sur les chaussures de l’atelier Le Soulor, de Pontacq (Pyrénées-Atlantiques). Puis nous avons un témoignage de Jean-Michel Knutsen, sur le community organizing.
            Sillon encore. Enfin, ses actuelles réson(n)ances, avec Hartmut Rosa, et le Mouvement chrétien des cadres dirigeants, traitant de la « sociologie du rapport au monde ». Et puis divers articles ou contributions (Kevin d’Ovidio, Julie de Brux et Alice Mével) sur les prisons, leur(s) surpopulation(s), et la politique pénitentiaire. Suit une réflexion sur l’habitat partagé… Genre Commune libre de la Robertsau ? L’Aube sociale (voir Roger Vailland…) ? Le magasin général de Tarnac ? Pas vraiment. Il s’agit d’habitat participatif, groupé, coopératif ou solidaire, « dans une logique de solidarité de proximité ». Loin « de Charles Fourier ou des kibboutz ». Mais allez présumer du pas d’après…
Bref (à suivre), pourquoi ne pas créer un onglet ?

mardi 18 septembre 2018

Jean-Jacques Tachdjian en appelle au mécenat

Jiji Tachdjian contraint d’en appeler au mécénat…
Jean-Jacques Tachdjian se retrouve – une nouvelle fois – dans la plus grise, si ce n’est noire, précarité. Bon, il l’a bien cherché : ce fort talentueux (litote) créateur de typographies, graphiste, illustrateur, &c. – j’en passe beaucoup – et musicien, a toujours refusé, ou trop parcimonieusement accepté, toute activité commerciale, même très rémunératrice.

Lui, Jean-Jacques Tachdjian, c’est l’associatif, la culture populaire… Un peu le pendant du théâtral Armand Gatti, un adepte de l’arte povera absolument pas spéculatif. Genre linograveurs anglais ou mexicains (Grafica Popular) des débuts du siècle dernier, sauf qu’eux tiraient leur épingle rémunératrice du jeu…
            Collaborateur de Création numérique, puis créateur de la têtière de Créanum (titres disparus…), son influence sur des générations de graphistes et illustrateurs (et trices), dont désormais de renom, fut et reste considérable. Le voilà, à Lille, aussi dans la dèche et la mouise qu’Éric Blair-Orwell le fut à Paris. Simple : plus d’aides sociales (aussi minimes soient-elles) car présumé se livrer à un travail indépendant (la plupart du temps bénévole).
            Donc, après avoir créé des fanzines et autres magazines via le financement collaboratif (Ulule, de mémoire), des œuvres collectives, ce sans en retirer le moindre profit autre que symbolique, il a recours à Patreon… www.patreon.com/jeanjacquestachdjian.
            Ce n’est pas un appel aux dons, car Jiji ne s’est montré, ne se montre jamais ingrat. Comme il me l’explique dans un courriel privé : « tu donnes une toute petite somme par mois ; plus il y en aura, plus je peux bosser et fabriquer des trucs à envoyer aux “patrons” (attention, ça veut dire mécènes en anglais, c’est un faux-ami) ».
            Par le passé, j’ai reçu plein de trucs somptueux gratos, œuvres de Jiji ou consorts. Et puis aussi de nombreuses polices de caractères, des de texte courant, d’autres apparemment foutraques à première vue, entendez « inventives », « insolites », ou impactantes (je ne devrais céder à cette facilité, mais… j’peux causer « premier de cordée » aussi). Toutes léchées, fonctionnelles… Jiji Tachdjian typographe est universellement connu, réputé, salué. En tant que graphiste et illustrateur, idem (expositions Paris, Californie, autres lieux). Mais ce furent à chaque fois plutôt des hommages que des manifestations rémunératrices. Ben voui, à chaque fois, il sérigraphie ou imprime sur des supports aussi peu chers que les oranges de Fernand Raynaud. Fi donc, ce n’est point pour mon salon ou mes cimaises. Warhol, ça, c’est du placement !
            Qui dit oui à Andy ne le dit pas à Jiji. Pourtant… Cherchez sur la Toile. Les frileux de Wikipedia (la plupart ignares), ont balancé des avertissements sur sa page (comme sur celle, italienne, d’Octave Mirbeau, pourtant élaborée par les plus éminents spécialistes). C’est malgré tout un point de départ, tant bien même plus qu’imparfait. Google remonte près de 15 000 résultats. Voyez aussi « El Rotringo », www.lachienne.com. La surabondante bibliographie de Jiji est impossible à recenser (lui-même s’en contrefout, hélas…). Tellement épars qu’il en manquera toujours. Le plus vaste portfolio restera toujours incomplet. L’Imaginieur, comme l’a surnommé Lucien Wasselin, a toujours de multiples projets de nuit comme de jour. Sans doute l’un de nos plus fougueux (véritables) artistes, Tachdjian ne « consolide » pratiquement jamais rien : du coup, son fabuleux site « Radiateur-fontes » s’est évanoui dans les limbes… (désastre, horreur, malheur, stupeur !). Si toutes celles et ceux qui lui doivent tant et tant ne lui retournaient qu’une infime fraction de ce qui devrait lui être dû, il ne s’enrichirait pourtant jamais : si ce n’est au centuple, il rendra au moins au décuple. Jiji, Kamerad, je sais que la modération n’est pas ton point fort, mais, pour une fois, pense un poil à toi (et à renouveler ton matelas en mousse).