Un album à colorier en variées nuances de gris
C’est un cahier de coloriages pour
ados et adultes (voire jeunes Mozart) un peu paradoxal car sous-titré :
pour une vie sans détox, sans méditation, sans pensée positive. Pour
gribouiller rageur ?
Un mot sur l’auteure de Chroniques
d’une survivante (de l’attentat du 13 novembre 2015 au Bataclan), livre paru en
octobre 2018 aux éditions de La Martinière.
Catherine Bertrand, dessinatrice, n’est
pas son homonyme : il s’agit bien de la même, sortie de l’état de stress
post-traumatique, comme on le nomme. Enfin, sortie…
Son dernier tweet remonte
au 24 juillet dernier. Elle se rend à un guichet de la CPAM et son
interlocutrice lui recommande un livre : « je le prends et je
fonds en larmes (…) “je l’ai écrit”. ».
Alors, je ne sais quelle est la
genèse de cet Anti Mandala (même éditeur). Mais j’imagine que Catherine
Bertrand s’est vue conseiller de faire du yoga, des exercices de relaxation (« mon
bras est lourd, lourd, lourd (…) mes membres sont lourds »), de méditation,
d’absorber des fleurs Bach, et d’écouter la musique des sphères… Au point d’en
avoir sa claque.
Je n’ai pas trop compris cette floraison
de livres de coloriages pour adultes, pour la plupart de type Art & Craft,
un poil neuneu parfois. Pourquoi ne pas se mettre au tricot ou à la broderie ?
Ou à la calligraphie ?
C’est tout autant trognon-régressif, peut-être
moins onéreux.
Mais Catherine Bertrand est une
graphiste-illustratrice et après tout, nul n’est forcé à se munir de feutres ou
crayons de couleur pour apprécier l'ouvrage. Les planches décrivent des moments, situations
(embouteillages, panne de réseau…), et emm… du quotidien. Histoire de « rester
en colère » ?
En tout cas, comme disait Winston
(Churchill, pas la marque de tiges) : ”No sport!” Pétanque, tennis
de table, croquet et frisbee pas trop athlétique restant tolérables. Mais pas
la peine de forcer sur les pédales genre Sarkozy photographié par Paris-Match.
Et marre de ces multiples injonctions à rester zen, à ingurgiter des racines
bio, à s’accroupir face au grand large au lieu de s’affaler dans un canapé avec
un album de BD.
Faire « le vide en soi » au
lieu de s’envoyer une cannette ou un pastaga ? Très peu pour moi, et pour
plein d’autres.
C’est d’ailleurs pourquoi j’achèterai
ce livre, non pour réviser la roue chromatique, mais l’offrir. À qui me
bassine. Au lieu de pousser une beuglante (dont l’efficacité pour soi-même peut
entraîner des effets pervers, obliger à s’excuser, ou claquer la porte derrière
soi en oubliant son paquet de clopes à l’intérieur et sans avoir vidé le flacon de grappa…), cet album offre une
solution pratique : un dessin vaut souvent mieux qu’un long discours,
dit-on. Pas faux. Au besoin, on peut pousser le bouchon un peu plus loin :
maculer les pages de sauce, d’encre de stylo-plume (pour qui en utilise
encore), d’empreintes de doigts graisseux, de morve, voire de substances odorantes.
Parfait aussi pour tenter d’écraser des mouches ou autres insectes avec avant de remettre au, à la destinataire.
Une quarantaine de planches au
format 17×22 cm et 0,12 kg (pas commode à glisser anonymement sous une porte ou
dans la fente d’une boîte à lettres, mais on pourra peut-être télécharger une
version électronique et la retransmettre en pièce jointe depuis une adresse bidon).
Irais-je jusqu’à penser que dans
un genre beaucoup plus édulcoré, cet album est à rapprocher de celui du
dessinateur texan et gay Nathan Rapport (franchement porno) ? Last
Night I Dreamt that Somebody Loved me est aussi un ouvrage de coloriages
à portée thérapeutique (dessiné après une très pénible rupture amoureuse de l’auteur).
En tout cas, si vous en avez votre claque d’un, d’une illuminée, qui vous
gonfle à vous concocter des plats vegans tout en vous gavant d’alignements des
planètes, l’offrir peut représenter un premier jalon judicieux. À vous d’en
imaginer les multiples usages (familiaux, extra-familiaux, inamicaux). Ouvrage
précieux et peut-être ô combien salutaire. À répandre sans modération.
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