mardi 18 septembre 2018

Jean-Jacques Tachdjian en appelle au mécenat

Jiji Tachdjian contraint d’en appeler au mécénat…
Jean-Jacques Tachdjian se retrouve – une nouvelle fois – dans la plus grise, si ce n’est noire, précarité. Bon, il l’a bien cherché : ce fort talentueux (litote) créateur de typographies, graphiste, illustrateur, &c. – j’en passe beaucoup – et musicien, a toujours refusé, ou trop parcimonieusement accepté, toute activité commerciale, même très rémunératrice.

Lui, Jean-Jacques Tachdjian, c’est l’associatif, la culture populaire… Un peu le pendant du théâtral Armand Gatti, un adepte de l’arte povera absolument pas spéculatif. Genre linograveurs anglais ou mexicains (Grafica Popular) des débuts du siècle dernier, sauf qu’eux tiraient leur épingle rémunératrice du jeu…
            Collaborateur de Création numérique, puis créateur de la têtière de Créanum (titres disparus…), son influence sur des générations de graphistes et illustrateurs (et trices), dont désormais de renom, fut et reste considérable. Le voilà, à Lille, aussi dans la dèche et la mouise qu’Éric Blair-Orwell le fut à Paris. Simple : plus d’aides sociales (aussi minimes soient-elles) car présumé se livrer à un travail indépendant (la plupart du temps bénévole).
            Donc, après avoir créé des fanzines et autres magazines via le financement collaboratif (Ulule, de mémoire), des œuvres collectives, ce sans en retirer le moindre profit autre que symbolique, il a recours à Patreon… www.patreon.com/jeanjacquestachdjian.
            Ce n’est pas un appel aux dons, car Jiji ne s’est montré, ne se montre jamais ingrat. Comme il me l’explique dans un courriel privé : « tu donnes une toute petite somme par mois ; plus il y en aura, plus je peux bosser et fabriquer des trucs à envoyer aux “patrons” (attention, ça veut dire mécènes en anglais, c’est un faux-ami) ».
            Par le passé, j’ai reçu plein de trucs somptueux gratos, œuvres de Jiji ou consorts. Et puis aussi de nombreuses polices de caractères, des de texte courant, d’autres apparemment foutraques à première vue, entendez « inventives », « insolites », ou impactantes (je ne devrais céder à cette facilité, mais… j’peux causer « premier de cordée » aussi). Toutes léchées, fonctionnelles… Jiji Tachdjian typographe est universellement connu, réputé, salué. En tant que graphiste et illustrateur, idem (expositions Paris, Californie, autres lieux). Mais ce furent à chaque fois plutôt des hommages que des manifestations rémunératrices. Ben voui, à chaque fois, il sérigraphie ou imprime sur des supports aussi peu chers que les oranges de Fernand Raynaud. Fi donc, ce n’est point pour mon salon ou mes cimaises. Warhol, ça, c’est du placement !
            Qui dit oui à Andy ne le dit pas à Jiji. Pourtant… Cherchez sur la Toile. Les frileux de Wikipedia (la plupart ignares), ont balancé des avertissements sur sa page (comme sur celle, italienne, d’Octave Mirbeau, pourtant élaborée par les plus éminents spécialistes). C’est malgré tout un point de départ, tant bien même plus qu’imparfait. Google remonte près de 15 000 résultats. Voyez aussi « El Rotringo », www.lachienne.com. La surabondante bibliographie de Jiji est impossible à recenser (lui-même s’en contrefout, hélas…). Tellement épars qu’il en manquera toujours. Le plus vaste portfolio restera toujours incomplet. L’Imaginieur, comme l’a surnommé Lucien Wasselin, a toujours de multiples projets de nuit comme de jour. Sans doute l’un de nos plus fougueux (véritables) artistes, Tachdjian ne « consolide » pratiquement jamais rien : du coup, son fabuleux site « Radiateur-fontes » s’est évanoui dans les limbes… (désastre, horreur, malheur, stupeur !). Si toutes celles et ceux qui lui doivent tant et tant ne lui retournaient qu’une infime fraction de ce qui devrait lui être dû, il ne s’enrichirait pourtant jamais : si ce n’est au centuple, il rendra au moins au décuple. Jiji, Kamerad, je sais que la modération n’est pas ton point fort, mais, pour une fois, pense un poil à toi (et à renouveler ton matelas en mousse).

dimanche 16 septembre 2018

Octave Mirbeau, précurseur de la décentralisation théâtrale


Octave Mirbeau,
précurseur de la décentralisation théâtrale
Presque toutes les universitaires et tous les auteurs traitant de la décentralisation théâtrale, soit l’implantation de troupes et lieux de représentations subventionnés par l’État hors de Paris, en fixent l’origine à l’action de Jeanne Laurent à la Libération. Ce n’est pas erroné et surtout commode. Pourtant, sans Octave Mirbeau, ou Catulle Mendès et tant d’autres, il n’est pas tout à fait sûr que la décentralisation dramatique française ait pris son essor si « rapidement » et si amplement…

Peu de spécialistes s’interrogent sur l’action d’André Malraux, qui lance les Maisons de la Culture, en liaison avec ce qui les précéda, notamment dans ce qu’on nommait le « bloc communiste », soit les multiples palais et jardins de la culture… Mais il est reconnu que la décentralisation théâtrale française fut l’objet d’une lente maturation. Il est souvent fait état de Firmin Gémier, promoteur du théâtre populaire et du tout premier TNP à Paris, en 1920. D’autres prédécesseurs, dont Maurice Pottecher et son Théâtre du Peuple de Bussang. Mais on minimise souvent que le même Firmin Gémier put lancer un Théâtre national ambulant en 1911. Cela s’explique : l’aventure ne dura que deux saisons, et les Tréteaux de France, de Jean Danet, créés en 1959, requièrent davantage l’attention.
Pourtant, ce Théâtre national ambulant doit sans doute beaucoup à Catulle Mendès qui le préfigura, dans Je sais tout, dès 1905. Quant à la locution « décentralisation théâtrale », elle est employée, dans Le Monde artiste, dès août 1903. Peut-être sans doute même auparavant, sous le Second Empire (1852-1870), mais je n’ai pu l’établir (faute sans doute d’avoir lu soigneusement Denis Gontard, auteur de La Décentralisation théâtrale en France, 1895-1952). M’intéressant incidemment au sujet, à la faveur de la parution du livre d’Alain (Georges) Leduc, Octave Mirbeau, gentleman-vitrioleur (voir contribution précédente), et de son nécessaire rappel de l’œuvre de Mirbeau dramaturge, je me suis adressé à Pierre Michel, fondateur de la Société Octave Mirbeau. Lequel m’assura que la décentralisation dramatique était au nombre des préoccupations de l’auteur de Les affaires sont les affaires, et de nombreuses autres pièces. La suite de mes investigations (sur le site de la Société, d’autres…) allait amplement le vérifier.
C’est pourquoi il ne m’a pas semblé superflu, après tant d’autres (et sans doute avant maints continuateurs), dont Nathalie Coutelet, de m’intéresser aux contributions d’Octave Mirbeau, et du comité de La Revue d’art dramatique, à la revendication de faire essaimer un théâtre populaire en province. Cette modeste contribution à l’histoire de la « DT » (et à l’évolution de son historiographie) a été gracieusement localisée sur l’un des sites de la Société Octave Mirbeau. Intitulé, faute de mieux, « Décentralisation théâtrale : une notion restant à préciser… avec Mirbeau », ce texte n’a d’autre ambition que d’ouvrir (ou plutôt remémorer) quelques pistes pour traiter de la décentralisation dramatique. Soit de la concevoir un tant soit peu différemment, de contextualiser sa « légende dorée ». Aussi que, lorsqu’en 2027, il sera de nouveau question de cette « octogénaire », sa généalogie sera au moins esquissée, que ses pionnières et pionniers, injustement oubliés, auront à minima droit à mention, tout comme sa descendance, incarnée à présent tout autant par les Scènes nationales que par les Centres dramatiques nationaux.
Il conviendra sans doute aussi, avant 2027 puis-je espérer, de s’intéresser plus précisément aux théâtres confessionnels et aux « scènes » anarchistes, à l’apport des courants de l’éducation populaire, à l’action de Jack Ralite… L’historiographie est toujours (trop) sélective.
Quelques sites de la Société Octave Mirbeau :
et le fonds Octave Mirbeau qui doit énormément à la Société…