Jiji
Tachdjian contraint d’en appeler au mécénat…
Jean-Jacques Tachdjian se
retrouve – une nouvelle fois – dans la plus grise, si ce n’est noire,
précarité. Bon, il l’a bien cherché : ce fort talentueux (litote) créateur
de typographies, graphiste, illustrateur, &c. – j’en passe beaucoup – et
musicien, a toujours refusé, ou trop parcimonieusement accepté, toute activité
commerciale, même très rémunératrice.
Lui,
Jean-Jacques Tachdjian, c’est l’associatif, la culture populaire… Un peu le
pendant du théâtral Armand Gatti, un adepte de l’arte povera absolument pas spéculatif. Genre linograveurs anglais
ou mexicains (Grafica Popular) des débuts
du siècle dernier, sauf qu’eux tiraient leur épingle rémunératrice du jeu…
Collaborateur de Création numérique, puis créateur de la
têtière de Créanum (titres disparus…),
son influence sur des générations de graphistes et illustrateurs (et trices), dont désormais de renom, fut et
reste considérable. Le voilà, à Lille, aussi dans la dèche et la mouise qu’Éric
Blair-Orwell le fut à Paris. Simple : plus d’aides sociales (aussi minimes
soient-elles) car présumé se livrer à un travail indépendant (la plupart du
temps bénévole).
Donc, après avoir créé des fanzines
et autres magazines via le financement collaboratif (Ulule, de mémoire), des œuvres
collectives, ce sans en retirer le moindre profit autre que symbolique, il a
recours à Patreon… www.patreon.com/jeanjacquestachdjian.
Ce n’est pas un appel aux dons, car
Jiji ne s’est montré, ne se montre jamais ingrat. Comme il me l’explique dans
un courriel privé : « tu donnes
une toute petite somme par mois ; plus il y en aura, plus je peux bosser
et fabriquer des trucs à envoyer aux “patrons” (attention, ça veut dire mécènes en anglais, c’est un faux-ami) ».
Par le passé, j’ai reçu plein de
trucs somptueux gratos, œuvres de Jiji ou consorts. Et puis aussi de nombreuses
polices de caractères, des de texte courant, d’autres apparemment foutraques à
première vue, entendez « inventives », « insolites », ou impactantes (je ne devrais céder à cette
facilité, mais… j’peux causer « premier de cordée » aussi). Toutes
léchées, fonctionnelles… Jiji Tachdjian typographe est universellement connu,
réputé, salué. En tant que graphiste et illustrateur, idem (expositions Paris, Californie, autres lieux). Mais ce furent
à chaque fois plutôt des hommages que des manifestations rémunératrices. Ben
voui, à chaque fois, il sérigraphie ou imprime sur des supports aussi peu chers
que les oranges de Fernand Raynaud. Fi donc, ce n’est point pour mon salon ou
mes cimaises. Warhol, ça, c’est du placement !
Qui dit oui à Andy ne le dit pas à
Jiji. Pourtant… Cherchez sur la Toile. Les frileux de Wikipedia (la plupart
ignares), ont balancé des avertissements sur sa page (comme sur celle,
italienne, d’Octave Mirbeau, pourtant élaborée par les plus éminents
spécialistes). C’est malgré tout un point de départ, tant bien même plus qu’imparfait.
Google remonte près de 15 000 résultats. Voyez aussi « El Rotringo »,
www.lachienne.com. La surabondante bibliographie
de Jiji est impossible à recenser (lui-même s’en contrefout, hélas…). Tellement
épars qu’il en manquera toujours. Le plus vaste portfolio restera toujours
incomplet. L’Imaginieur, comme l’a surnommé Lucien Wasselin, a toujours de
multiples projets de nuit comme de jour. Sans doute l’un de nos plus fougueux
(véritables) artistes, Tachdjian ne « consolide » pratiquement jamais
rien : du coup, son fabuleux site « Radiateur-fontes » s’est
évanoui dans les limbes… (désastre, horreur, malheur, stupeur !). Si
toutes celles et ceux qui lui doivent tant et tant ne lui retournaient qu’une
infime fraction de ce qui devrait lui être dû, il ne s’enrichirait pourtant
jamais : si ce n’est au centuple, il rendra au moins au décuple. Jiji, Kamerad, je sais que la modération n’est
pas ton point fort, mais, pour une fois, pense un poil à toi (et à renouveler
ton matelas en mousse).