jeudi 1 octobre 2020

Biden-Trump, un débat révélateur du déclin étasunien

De quoi vouloir quitter cette foire d’empoigne

C’est à tête reposée que j’ai visionné le prétendu « débat’ » entre Joe l’endormi et le Donald vociférateur. L’issue de ce désespérant spectacle semble claire, ce pays devient encore moins vivable.


Vous trouverez sans doute assez de commentaires sur le pugilat verbal entre Trump et Biden dans la presse française, donc, autant vous épargner d’autres détails sur les manières des deux adversaires. En revanche, ce que n’ai pas trouvé relevé par la presse française, mais que la presse anglophone a su mettre en relief et vaut, je crois qu’on s’y attarde.

Jusqu’à hier, il fut fort rare qu’un débat électoral étasunien porte sur l’environnement. À propos des incendies des États démocrates de la côte ouest, Trump s’est contenté de mettre en cause une mauvaise gestion forestière, ce qui n’est pas totalement faux. Biden s’est abstenu de relever que les États républicains bordant le golfe du Mexique ou faisant face aux Bermudes et exposés aux ouragans dévastateurs ne savaient pas gérer l’Atlantique. Trump a justifié le retrait de l’accord de Paris par sou souci de préserver les revenus des entreprises et d’éviter aux ménages des surcoûts exorbitants en dépenses d’énergie. Biden a clairement rétorqué que les énergies propres renouvelables généreraient des emplois par milliers et feraient baisser les factures, ce qui reste à démontrer mais peut être envisagé. Trump s’est engagé à faire planter un milliard d’arbres (voire mille milliards). Pour le moment, celui qu’il avait lui-même planté en compagnie d’Emmanuel Macron face à la Maison blanche en avril 2018 n’a pas survécu. Trump proclamait déjà la même ambition en février dernier. Mais pour le moment il a surtout proposé d’ouvrir le parc national de Tongass, en Alaska, à l’exploitation par les scieries. Mais glissons… Toujours est-il que Biden s’est sans doute rallié des opinions écologistes (du moins chez les abstentionnistes, car son électorat est déjà plutôt écolo).

Sur le sujet de la loi et de l’ordre, Trump s’est targué du soutien du sheriff de Portland. Le journaliste chargé d’arbitrer le débat n’a pas relevé que Portland n’avait pas de sheriff mais la modération est venue par apprès avec un tweet du sheriff du comté de Multnomah, qui inclut Vancouver et Portland en Oregon, lequel sheriff a précisé qu’il n’avait jamais et partisan de Trump et même qu’il le désavouait.

Apparemment, soutenir des milices blanches suprémacistes ne vaut pas à Trump le soutien inconditionnel de toutes les forces de police, comme il le prétend sans cesse.

De toute façon, la Trumpland n’accorde aucun crédit aux propos de Biden et a considéré que le journaliste, pourtant employé par Fox News, avait favorisé Biden. Trump a d’ailleurs estimé par après qu’il avait débattu à deux contre un (lui contre Biden et Wallace, le journaliste).

J’avais déjà remarqué précédemment un article du Devoir portant sur la très forte croissance de l’immigration au Canada depuis les États-Unis tout au long de la présidence Trump. Le Tech Times a relevé qu’au court du débat, les questions sur Google portant sur les moyens de s’installer au Canada ou d’en obtenir la nationalité avaient afflué. Les courbes Google Trends ont révélé des pics (provenant surtout des États limitrophes, en particulier les frontaliers de la région des grands lacs, mais aussi dans une moindre mesure de ceux du Sud, Texas et Floride inclus). Divers sites de presse en ont fait état mais pour la Trumpland, soit il s’agit d’une fausse nouvelle, soit la réaction est du type « bon débarras ». Ce type de questions aurait cru constamment durant les quatre heures du pugilat. L’ennui, pour les candidats à l’émigration est que la situation sanitaire due au covid rend difficile le passage à l’acte. Et Trump semble vouloir les prendre en otages, au moins jusqu'au printemps quand, selon lui, le virus s'évanouira ou qu'un vaccin sera distribué largement par l'armée.

D’un point de vue européen, les deux candidats ont davantage perdu que gagné avec ce non-débat qui évoque davantage deux monologues entrecoupés d’invectives. Pour la Trumpland, sans surprise, le Donald a largement dominé le débat (avec un léger bémol de la part d’un chroniqueur du New York Post qui a estimé que Trump s’est montré un peu trop agressif sans parvenir à entraîner Biden sur son terrain). Trump s’est évidemment auto-congratulé et a estimé que Biden avait perdu l’appui de la fraction ultra-gauchiste de son électorat (ce qui semble discutable, du moins, électoralement à court terme). Je retiens surtout, mais ce n’est pas une surprise, que Biden a esquivé le sujet de la politique étrangère et que Trump a omis de se déclarer futur Prix Nobel pour la paix. Boris Johnson a sans doute été déçu par ce débat, un accord commercial avec le Royaume-Uni ne semble pas prioritaire..

Théoriquement, il reste deux occasions de débats. Théoriquement, car même si les démocrates affirment vouloir maintenir les deux rencontres suivantes, ils pourraient changer d’avis et laisser Trump faire le paillasse (Biden l’a qualifié de clown) dans son coin. Pourquoi débattre avec un sociopathe, s’est interrogé un journaliste, ajoutant que l’image des États-Unis à l’étranger avait été écornée.

Mon ressenti est que Trump peut remporter l’élection. Certes, le débat a favorisé les fonds de campagne de Biden, car les dons ont afflué (3,8 millions d’USD en à peine une heure). Mais je ne suis pas sûr que les donateurs iront aux urnes entourés de miliciens pro-Trump lourdement armés et agressifs. Et s’ils votent pas correspondance, Trump est fort capable de maintenir que leurs bulletins sont truqués.

Mais si on peut estimer que Trump fut pareil à lui-même, et que Biden a su se maintenir à peu près calme, il n’est pas sûr que ce dernier a vraiment pu enthousiasmer ses électeurs ni convaincre les indécis. Cela étant toute la stratégie de Trump a consisté à pousser Biden à la gaffe, à bredouiller, à paraître sénile, confus, et il n’y est pas parvenu. Autre élément notable, Trump s’est senti, par après, obligé de se distancer des Proud Boys « je ne sais pas de qui il s’agit », a-t-il déclaré, sans doute embarrassé par diverses réactions dans les rangs républicains traditionnels. Autant avouer qu’il a, lui, gaffé. C’est en tout cas ce que son équipe de campagne a estimé après avoir constaté que d’éminents républicains souhaitaient une clarification ou un désaveu de sa part. Si les deux autres débats sont maintenus et que Trump commet d’autres bourdes sans que Biden en aligne, cela pourrait changer marginalement la donne. Et cette élection sera serrée en dépit des sondages donnant, comme autrefois à Hillary Clinton, à Biden l’avantage.

mercredi 30 septembre 2020

Le rouge « les anglaises débarquent » révélé par Pantone

 

La menstruation a sa couleur dans le nuancier

Histoire de tuer le temps avant le débat Trump-Biden (03 :00 à Paris), parlons colorimétrie tout en nuances. Un rouge Period (menstruation) vient d’être ajouté au nuancier Pantone. Ttès proche du rouge républicain de la Trumpland, à mon humble avis.


Ouvrez Photoshop, et vous verrez que divers nuanciers sont proposés. Mais le plus connu reste le Pantone (qui en version papier, coûtait un bras). Cela ne sert pas que pour choisir une peinture, mais pour l’impression (en particulier des publicités : le logotype ne respectant pas le Pantone™ pouvait être un motif de négociations des futures annonces, ou justifier de ne pas payer). Je sais : qui ne fut pas du ou des métiers du graphisme ne peut imaginer ce que tout cela peut encore impliquer. Cela va du choix des écrans, des sondes chromographiques (ou je ne sais plus quelle appellation), aux profils PDF certifiés pour l’impression.

Or donc, voici un rouge règles ou ragnagnas, labellisé Pantone. Paraît-il afin de rendre les femmes fières de leurs menstruations. Perso, n’ayant jamais accordé d’importance à la question (pour être clair : ayant toujours considéré que du sang est du sang, et n’a rien d’impur d’où qu’il proviennet), il est bien clair que je me contrefiche qu’un rouge soit déposé, et je ne vais pas polémiquer à propos de sa position sur une roue chromatique. Ni chercher quelle est sa complémentaire, a priori, un truc écolo, vert ou verdâtre.

Pour paraphraser Jacques Chirac, cela ne me remue ni l’une, ni l’autre. Cela tout en trouvant cette initiative publicitaire pas si mal venue. Car je me souviens de ces publicités pour des tampons ou des serviettes montrant un liquide bleu présumé mieux absorbé par les produits de telle ou telle marque. Après je ne sais plus quoi lavant plus blanc, je ne sais plus kekchose absorbant plus bleu.

Les couches des bébés translucides et les serviettes hygiéniques teintées de bleu. Hilarant.

Bien quel lien avec le débat Trump-Biden. Carrément aucun. Encore que… Je ne sais quelle couleur Trump va invoquer pour stigmatiser Biden, « dément sénile » selon la Trumpland, incapable de tenir un débat sans prompteur ou oreillette, trop vieux pour tenir la durée du débat sans petite sieste, et piqûres d’amphétamines ou je ne sais quoi. Biden n’est plus, aux yeux de Trump, bleu (couleur des démocrates), mais rouge (ou plutôt noir et rouge, anarcho-staliniste ;genre Mélenchon, qui fut un socialiste très centriste modéré auparavant)

Je ne sais si vous êtes comme moi, mais j’ai l’impression très forte de vivre dans mon monde, celui que je préserve pour ma santé mentale, et un monde parallèle. Sur lequel je n’ai plus la moindre illusion d’influer.

Autre digression. Pour moi, la liberté de la presse est une cause perdue. Dans un premier temps, la presse écrite a voulu faire comme la presse télévisuelle. Un angle, un seul. Des radio-trottoirs à la Pernault. Puis est venu l’Internet. Et désormais de plus en plus d’articles réservés aux abonnés. Donc, vu le prix des quotidiens et hebdomadaires, plus personne ne lit les supports papier, et presque que personne ne s’abonne aux versions en ligne. Et de toute façon, une majorité de personnes ne sachant plus lire ne croient plus que ce qui s’affiche sur Twitter (facile à lire, car ultra-court). Ou mieux, audible sur YouTube (plus besoin de lire). Un angle, un seul, trois minutes d’antenne suffisent. Faux, bien sûr, la vie, les événements sont bien plus complexes. Mais les patrons de presse écrite, qui ne juraient un temps que par USA Today, ont tué leurs titres.

Mais revenons à Trump. Bien avant 20126 nous savions que c’était un failli en puissance. À présent, il es patent que son train de vie est celui d’une Kardashian, due à la publicité associée à sa renommée. Trump, c’est un peu comme un footballeur vedette. Toute la publicité qu’’il génère est payée par le consommateur, qu’il assiste ou non à des rencontres de balle au pied ou non, qu’il joue au golf ou non.

Tant que nous n’aurons pars compris que nous avons fait (ou laissé faire) Trump, nous en financerons d’autres. En France, le prochain Trump sera un Fillon ayant prétendument réussi dans l’immobilier ou toute autre activité.

lundi 28 septembre 2020

Amy Coney Barrett aussi catholique que Dupont de Ligonnès

L’élue de Ttrump (« élu par Dieu »), un choix électoral

Pas davantage quElysstal, Joan Walsh ou d’autres journalistes de The Nation, je ne vais comparer la secte catholique intégriste à laquelle se rattache Amy Coney Barret, People of Praise, de la secte familiale de Xavier Dupont de Ligonnès, l’Église de Philadelphie, en dépit de similitudes. En revanche, pointer que la nomination de “Notorious Barrett” est d’abord un argument de campagne électorale à court terme de Trump me semble valoir d’être relevé.


J’ai benné, poubellisé une précédente contribution, développant, par des exemples précis, la chronique de Pierre Lellouche dans Marianne « L’élection du chaos », qui emploie l’expression « guerre civile larvée ». Je développais pourquoi deux amis de longue date, Chuck et Donna, de Placerville (Californie du nord, proche du Nevada), envisageaient de s’installer en Europe (Espagne ou Bretagne) en cas de réélection de Donald Trump. Mais bon, hormis cet exemple personnel, un peu tout le reste est plus ou moins relayé par la presse française, alors, bof.

Mais c’est dans ce contexte qu’il faut envisager la nomination à la Cour suprême d’Amy Coney Barret, non pas, comme la presse française le souligne, dans la perspective d’un Trump voulant s’accrocher (“Twelve more years” à la Maison blanche), ou dans celle des révocations des lois sur l’avortement ou l’Obamacare. Ami Coney Barret est avant tout un argument électoral à court terme, un élément de sa campagne immédiate.

Je ne cherche pas à rapprocher sous l’angle théologique People of Praise et l’Église de Philadelphie, dite « Le Jardin », de Xavier Dupont de Ligonnès. Ce sont deux mouvements charismatiques cherchant à ratisser large. Mais aussi deux mouvements familiaux. Amy C. Barret et son mari, qui se sont connus à l’Université Notre-Dame (un temps jumelées avec la Catho d’Angers, ce qui me valut d’aller retrouver des amis sur le campus de Notre-Dame), sont tous deux des enfants de fondateurs de People of Praise. Des gens bien « rodés » et sur lesquels Trump peut durablement compter.

Sans doute surtout de parfaits hypocrites. Par exemple, opposée à la peine capitale, Amy Barret incite les magistrats partageant cette opinion à se récuser, ne pas siéger. Il ne lui est pas venu à l’esprit d’inciter les magistrats favorables à la peine de mort de faire de même. Autant laisser le champ libre à ces derniers.

Mais l’essentiel, pour Trump, c’est de provoquer les démocrates afin qu’ils s’opposent le plus fermement possible à cette nomination, si possible de manière outrancière. C’est d’ailleurs ce que les chroniqueurs de The Nation (aussi catholiques de formation qu’Amy Barrett) redoutent. Soit que les démocrates se focalisent sur l’appartenance religieuse de la future juge suprême.

Que désire Trump, exactement cela, afin que marteler que les démocrates sont des athées, « contre Dieu », voulant détruire les valeurs familiales, imposer une éducation areligieuse aux enfants, désireux de mettre fin aux libertés de culte, persécutant le clergé comme aux temps du stalinisme et de Mao. Plus les démocrates protesteront, plus il les comparera à des séides de Castro et de Maduro (qu’importe que la religion catholique soit tolérée à Cuba ou au Venezuela ou que Maduro favorise une partie du clergé catholique). Nous avions, en France, des plénipotentiaires pour les Pôles (et les pinguins). Les États-Unis ont Sam Brownback, ambassadeur extraordinaire pour la liberté religieuse internationale.

Bref, Trump est pro-Dieu, et cette nomination le proclame, partant ses opposants sont contre Dieu. Cela peut même aller plus loin, les Barrett ont adopté deux enfants haïtiens créoles. Si on les critique, c’est qu’on est raciste, en dépit de dénégations.

Ttump, pour cette nomination, avait d’autres choix, dont des personnes dites de couleur. La nomination de Barbara Lagoa, d’origine cubaine, aurait sans doute valu à Trump des voix de Latinx, mais elle ne s’est pas affirmée résolument pro-life et contre l’avortement, contrairement à Amy Barrett. En fait, Trump mise sur le cœur de sa base, nationaliste blanche et évangéliste. Un candidat juif, comme David Stras, était aussi envisageable. Trump a choisi une candidate « plus blanche que blanche » et surtout plus portée à réaliser le coup de lessive législatif réclamé par les évangélistes.

Trump s’appuie sur une base galvanisée, très physiquement présente dans chaque voisinage ou presque, et intimidante. Voire dissuasive. Ses partisans tentent aussi de retourner les arguments des démocrates sur la réponse face au covid en jouant sur l’exaspération due au confinement. On pourrait aussi penser que sa volonté affichée de contester les résultats d’une élection lui étant défavorable lui coûtera des voix. Le message est en fait « c’est plié », plus la peine d’aller voter, de voter par correspondance, abstenez-vous, quoi qu’il advienne, voter contre moi ne servira à rien.

Trump est persuadé que rien, aucun fait ne fera fléchir la détermination de sa base, persuadée que tout argument démocrate est une fausse nouvelle fabriquée par les médias de l’état profond. La campagne de Trump mise sur la peur du voisin et de la voisine. Et quand la voisine semble aussi propre sur elle et décente qu’une Amy Barrett, oui, il y a de quoi être effrayé. Élue par Trump qui s'est déclaré l'élu de Dieu (vous pouvez vérifier), on peut s'attendre à l'entendre inciter à prendre les armes pour assurer que son prophète (Trump) sauve l'Amérique. Exagération de ma part ? Mes amis californiens veulent encore le croire. Ils n'en croisent pas moins leurs doigts.