samedi 21 décembre 2019

Donald Trump ne lira plus… E. T.

Des évangélistes désavouent The Donald, réplique cinglante

Eh bien, Donald Trump ne lira plus Christianity Today, mensuel « ultragauchiste », abrégé en ET, qui le considère immoral. Réplique sur Twitter : « Trump lire ? Autant qu’une truite au guidon d’une moto ! ».
On le sait, l’essentiel de l’agenda de Trump, c’est golf, séries télévisées, Twitter et  vraiment très occasionnellement, une cérémonie, un rassemblement ou un autre.
Et voici fort longtemps que le Potus clame qu’il ne lit plus la presse qui lui déplaît. Un titre s’ajoute à l’index de la Maison Blanche (qui est à Washington ce que l’index librorum prohitorum est au Vatican). Le mensuel Christianity Today, fondé par le prédicateur Billy Graham.
Le rédacteur en chef a considéré qu’en sus de bafouer la Constitution, le Donald était immoral. Riposte de Trump : un magazine d’extrême-gauche déficitaire qui préférerait un ultragauchiste athée — qui veut vous priver de votre religion et de vos armes à feu — à Donald Trump, votre Président. « Je ne lirai plus ET ». Bon, on sait que le Donald préfère causer au téléphone avec Kim Jong un que converser avec un “alien” (surtout s’il est mexicain), mais il semble qu’il s’agisse d’une coquille, ce dont il est coutumier.
J’ai quand même voulu voir si les allégations présidentielles étaient fondées… Christianity Today (CT, donc, comme la cité céleste ou Jérusalem) aborde vraiment fort peu les débats politiques. J’ai bien trouvé un billet sur les évangélistes et le Brexit (lequel rappelle que le Brexit n’étant pas évoqué dans la Bible, on ne peut se prononcer, mais qu’il conviendra de prier pour la suite) ; hormis cet éditorial, vraiment rien qui ne se rapporte à la bonne parole, aux bons sentiments, &c.
On s’en souvient, les évangélistes ont chaudement approuvé Israël, la reconnaissance étasunienne de Jérusalem pour sa capitale, le transfert de l’ambassade. Depuis, ils ont beaucoup moins approuvé que le Donald n’ait pas donné raison au Congrès sur le génocide arménien (Erdogan avait répliqué en évoquant le génocide nord-amérindien). Mais cet à-côté n’est pas évoqué dans l’éditorial.
Certes, Trump ne figure pas plus que le Brexit dans la Bible, mais comme aurait pu le dire l’apôtre Paul d’un spéculateur aux affaires douteuses (il vient d’être condamné lourdement pour détournements de fonds destinés à financer, via la Fondation Trump, non une association œuvrant pour des enfants cancéreux, mais sa campagne présidentielle), c’est un drôle de paroissien. D’autant qu’il ne se repend pas de son attitude envers les femmes.
Mark Galli, l’éditorialiste, conclut que continuer à soutenir Trump serait dommageable pour les évangélistes et la réception de La Parole (the gospel) dans le monde entier.
Eh oui, beaucoup plus que d’autres obédiences, les évangélistes prêchent de par le vaste monde… En Kabylie, par exemple. Où ils marquent des points devant l’islam. Et où l’on n’aime pas trop Netanyahou.
Il y a des régions où il faut savoir moduler la bonne parole, ne pas trop insister sur le peuple juif « élu » de Dieu. Ni trop clamer “God and The Donald with us”.
Mark Galli admet que nombre d’évangélistes absoudront Trump de son immoralité, mais qu’ils songent à ce que pourraient en penser athées et païens (an unbelieving world). Il faut donc trancher, et considérer l’enjeu mondial. Comment soutenir d’un côté que l’avortement est un péché mortel et de l’autre, que notre président n’a commis que des bévues vénielles ? Tel que, ou presque (voir cet édito en anglais).
Bref, tous intérêts bien pesés, certes, pour l’aumône, la main gauche peut ignorer ce que fait la main droite.
Mais en matière de positionnement concurrentiel vis-à-vis des catholiques, orthodoxes, et autres protestants (presbytériens, et surtout autres méthodistes), il en va autrement. Au Brésil, passe encore…
Et puis, continuer, comme le fait le Donald, sans relâche, à s’en prendre au « musulman » Obama, en Afrique, aux Caraïbes, cela passe mal. Les concurrents de couleur pourraient en tirer parti.
Et justement, un autre article révèle que les révérends noirs prêchent plus longtemps — 54 minutes en moyenne — que les blancs (et quatre fois plus longuement que les catholiques). En sus l’analyse lexicale révèle que les noirs louangent davantage tandis que les évangélistes insistent plutôt sur les péchés et la damnation éternelle. L’étude se fonde sur près de 50 000 sermons et 6 500 congrégations (avril-juin 2019). Du lourd.
Aux États-Unis, on ne rigole pas avec les études de marché. Et pourtant, pourtant, en vérité, on vous le dit, le sermon de la Montagne se lit en moins d’un quart d’heure. Jésus trop concis, et partant, trop catholique ? Plus lapidaire que Trump et ses six pages adressées à Nancy Pelosi ?
Au fait, je ne sais trop si Trump a fait appel à des hackers russes ou ukrainiens, mais j’ai tout à coup des difficultés à accéder au site de CT. L’attente se fait plus longuette que celle de l’Alléluia final d’un pasteur noir.
Toujours est-il, comme l’a souligné Trump et le remarque Hugh Hewitt, du Washington Post, la diffusion de Christianity Today est en déclin. Et selon Hewitt, cet édito ne va rien arranger. Franklin Graham, le fils du défunt Billy, considère que son papa n’aurait pas voulu cela et que le mensuel est devenu liberal. Doux euphémisme.
Les évangélistes représentent le quart de l’électorat étasunien. Ils ont voté, à 80 % pour Trump en 2016.
En fait, on en viendrait à se demander si CT ne mène pas un combat d’arrière-garde voué d’avance à échouer. Le mensuel cherche à maintenir la centralité de Jésus-Christ dans la sainte trinité. Mais Donald Trump est en train de le déloger de la droite du Père. Bon, d’accord, la Bible dit « heureux les simples d’esprit ». Mais elle n’a quand même pas parlé d’un blond peroxydé au fond de teint orange. Faut pas pousser. Certes, il fait des miracles (le Stock Market Record serait, selon le Donald, encore à la hausse). Faute de bouter les Latinos, il fait monter son mur plus haut que le plus fort étiage du Jourdain. Et le très orthodoxe Poutine lui envoie des bénédictions. Les démocrates pharisiens lui ont fait gravir son chemin de croix et il n’a même pas eu besoin, lui, de ressusciter. Qu’il excommunie Sleeping Joe (Doe Donnelly), Bernie Sanders, Elizabeth Warren est une chose, mais que les fidèles suivent ses sermons sur Twitter au lieu d’écouter la parole divine lors des offices pousse le bouchon un peu trop loin. Il fallait, faute que cela cesse, tenter de repousser l’échéance avant le Jugement dernier. Faute de quoi, il pourrait se faire verser direct le denier du culte.

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