mercredi 23 octobre 2019

SinéMadame en panne de libido

SinéMadame mensuel pourrait passer trimestriel

En tête de page d'accueil du site de SinéMensuel, qui succéda, vingt mois après son lancement en septembre 2008, à Siné Hebdo, un appel aux dons. Et voici que pour SinéMadame, après six mois et autant de numéros, il est déjà envisagé de passer à une parution trimestrielle.

Dans l'histoire de la presse depuis la moitié du siècle dernier jusqu'à nos jours (et précédemment aussi...), ce qui se répète, c'est une constante : l'éphémérité. Surtout celle des titres n'ayant pas démérité. Les exceptions confirmant la règle sont rares. Le mensuel Revue des Deux Mondes, par exemple (fondé en 1829). Dont je ne sais s'il se survit grâce à des abonnements groupés (d'entreprises, clubs, cercles...), des publicités de complaisance, ou au bon vouloir de son mécène. Son prix (18 euros en kiosque ; 9,90 en version PDF) n'est pas tout à fait « populaire ». 
Fait rare, la pige et les frais liés à mon article destiné au second numéro du Rire m'ont été réglés alors qu'il n'est jamais paru. Son éditeur, qui avait vu disparaître Marius, absorbé par Le Hérisson (disparu en mai 1995, avec de chaotiques résurgences par la suite), estimait que la période était favorable. Les ventes du premier numéro l'ont dissuadé... Ce n'est pas, loin de là, le seul titre à s'être rapidement ramassé...
Cela touche tous les secteurs... Les moins de 20 ans ne peuvent se souvenir de l'ampleur des linéaires de la presse informatique du siècle dernier. Elle ne rivalisait pas tout à fait avec celle de la presse dite féminine (de Modes & Travaux à des titres « pipeul »), mais c'était vraiment impressionnant. Quand Créanum (issu des magazines Pixel et Création numérique fusionnés en 2006) a jeté l'éponge — le site homonyme de PCPresse ne commercialise plus les anciens numéros — il ne subsistait plus qu'une quinzaine de titres. À présent... c'est pire. Surnagent les magazines consacrés aux jeux vidéo et aux téléphones portables. La presse « photo » s'est aussi fortement étiolée. Passion, travail d'arrache-pied des équipes rédactionnelles, talents, exclusivités, rien n'y fait.
SinéMadame – « le journal qui ne simule pas » – semblait positionné sur un créneau stable. C'est un peu l'équivalent, version féminine et féministe, du site Slate. Intello mais jamais barbant, rigolo, hédoniste, et tout à la fois et en même temps distrayant, &c.
Le seul souci que je me faisais pour lui, c'est que la récurrence des mêmes thèmes déclinés sous d'autres angles, avec d'autres mots, d'autres intervenantes, pouvait contribuer à la volatilité du lectorat achetant au numéro, soit un renouvellement des lectrices (et lecteurs, il en est) avec des hauts et des bas. Bien sûr, je n'ignore pas non plus que la faiblesse des moyens implique des choix de mise en place, de kiosques et points de vente à sélectionner — c'est le très ardu réglage — aussi rigoureusement que possible (environ 30 par arrondissement parisien, très peu pour un département tel celui de l'Aisne).
Ce numéro six se distingue des précédents par sa couverture, avec un visuel pleine page, alors qu'auparavant des accroches (quatre-cinq titres parfois condensés par rapports à ceux du sommaire ; voyez-les sur le site sinemadame.com) figuraient systématiquement. C'est un peu dommage car outre le dossier central (les femmes et leurs complexes) de ce numéro, je retrouve Ovidie au sommaire, un éclairage sur les masculinistes misandres, et nombre d'autres sujets en sus des contributions des dessinatrices, dont Florence Cestac.
Bref, comme elles disent « ne désespérons pas (...) si la cata persiste, on trouvera une autre solution. Peut-être un trimestriel. ». Pari risqué : difficile de sortir un trimestriel avec une pagination ad hoc à un prix qui ne fasse pas tiquer le chaland (acheteuses ou acheteurs) occasionnel. Genre qui ne lit plus là presse qu'en ligne ou lors d'un déplacement en train, autocar ou avion moins de six fois l'an.
La rédaction fait appel au lectorat : qu'il fasse part de ses critiques, suggestions et souhaits. Une revue de presse internationale ? Sans sombrer dans le superflu, l'anecdotique monté en mayonnaise, des trucs et astuces du quotidien ? Des idées déco déjantées ? Des témoignages de professionnelles sur leur vécu insolite ? Une chronique agony aunt (courrier du coeur) parodique ? 
Bon, j'arrête là avant de suggérer de consacrer la page trois à un chippendale (genre The Sun naguère...). Ou un truc sur la vie sexuelle de nos petites amies à deux ou quatre pattes (pintades, minettes, juments, lapines de compagnie, &c.). Ou encore une rubrique blagues de blonds. Pire, des trucs historiques sur les épouses méconnues des hommes célèbres (n'empêche, j'aimerai en savoir davantage sur Anne Gourlez de la Motte, native de Plessé, Loire-Inférieure, épouse Alexis Carrel). ou les époux, amants cachés des pipeules. Pas taper, pas taper, c'est du distancié.
SinéMadame s'est donné l'ambition de bannir tous les marronniers de la presse féminine « classique ». De poursuivre sans publicité, ni recettes de cuisine, conseils de maquillage, comparatifs de produits pour la vaisselle, patrons de layettes à tricoter, and so on. De s'abstenir de cultiver l'entre-soi.
Quant à la suite, rendez-vous le 20 novembre (le bouillon du numéro 6 devrait être retiré la veille). Entre-temps, le numéro suivant sera préparé. Tout le sommaire ne pourrait pas être repris dans le trimestriel, s'il en sera... Évitez cela : « si les ventes sont à nouveau au rendez-vous, on continue, évidemment », disent-elles. On le leur souhaite. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire