samedi 26 octobre 2019

Brexit & Brexodus ne sont pas alignés...

L'attractivité du Royaume-Uni peu affectée par le Brexit

D'un, en dépit des incertitudes liées au Brexit, le Brexodus ne s'est pas produit. Deux, même si le cours de la livre sterling fléchit, le Royaume-Uni reste attractif pour les entreprises. Trois, on finirait par se demander si le Brino (Brexit in name only) ou la Brexeternity ne finiront pas par l'emporter.
Une nouvelle pièce de 50 pence devait être frappée...
La Royal Mint a différé, elle aussi
Commençons par le point trois. Il est tout à fait exagéré d'imaginer que l'accord final entre le Royaume-Uni et l'Union européenne équivaudra à un Brino (un Brexit fortement édulcoré) ou que des prolongations sine die repousseront encore et encore l'application de l'article 50 (la Brexerternity). Mais comme je le concluais hier, il ne peut jamais être exclu qu'un amendement soit adopté par le Parlement britannique « par défaut » (de vigilance, de respect des consignes de vote, &c.).
Là, il serait étonnant que lundi, lorsque sera décidée ou non la tenue d'élection anticipées, les conservateurs fidèles à Boris Johnson se laissent duper par l'ensemble des Remainers. Un article du Guardian laisse en effet entendre qu'une alliance composite ferait passer par les Commons la tenue d'un débat exceptionnel afin de faire ratifier soit le protocole Theresa May, soit celui de Boris Johnson en assortissant cette résolution de la décision de tenir un second référendum. Le présumé complot des Remainers ayant été éventé, les Leavers feraient tout pour s'y opposer.
Le Labour consentira-t-il à affronter les conservateurs lors d'élections ? Ils risquent de considérer ces élections inopportunes tant que ne sera pas éclairci les points litigieux du protocole Johnson. Dont celui qui porte sur les garanties de préservation des règles du marché du travail. Selon les travaillistes, le protocole Johnson marquerait un retrait par rapport à celui de Theresa May. Comprenez que le Royaume-Uni resterait davantage libre d'assouplir les réglementations, et attirerait ainsi des entreprises trouvant trop contraignantes celles s'appliquant dans l'Union européenne (durée du travail, facilités d'embauche et de licenciement, cotisations sociales, &c.).
Autre angle d'attaque des travaillistes et d'autres : le protocole Johnson pourrait transformer le Royaume-Uni en Singapore-on-Thames. Soit qu'un gouvernement conservateur s'engage dans la voie du dumping fiscal. Dumping fiscal plus dumping social égale moins de recettes fiscales, moins de garanties pour les salariés... Et soit la croissance parvient à compenser, soit il faudra rogner sur les dépenses publiques, donc aussi sur les aides sociales...
Le Labour pourra donc faire valoir que la priorité serait d'amender ce protocole, de lever les ambiguïtés, et que cela ne peut attendre le résultat d'élections...
Ce qui s'observe par ailleurs, c'est que le Brexodus (les entreprises embarquant en masse sur un cargo rejoignant le continent), mis en avant par le Project Fear (les menées imputées aux Remainers par les Leavers) ne se produit pas. Certes, les Brexpats, cherchant à obtenir une nationalité communautaire, ont été et restent nombreux. Mais il ne s'agit pas majoritairement de salariés relocalisés. Des relocalisations se sont produites (vers Dublin, Luxembourg, Paris, Frankfurt et Amsterdam, dans cet ordre) dans le secteur financier, mais l'exode manufacturier tarde à se manifester.
Quant à la pénurie de main d'œuvre qualifiée liée au départ de citoyens européens, elle semble aussi globalement marginale. Cela étant, les actuelles dispositions britanniques, sur le papier favorables au maintien des citoyens européens, en réalité plus complexes, pourraient évoluer et provoquer une petite vague de départs.
Mais, plus généralement, les perspectives britanniques ne semblent guère désastreuses, Brexit dur ou plus ou moins aménagé.
En témoigne le récent palmarès de la Banque mondiale, le Doing Business Index... Il se fonde sur dix critères assez disparates (dont le raccordement à l'électricité), mais mesure assez bien l’attractivité d'une économie. Et le Royaume-Uni se classe au huitième rang pour  2020 (la France est cotée 32), devant la Norvège et la Suède (Nouvelle-Zélande, Singapour, Hong-Kong restant en tête, suivis du Danemark, de la Corée, des États-Unis et de la Géorgie ; la France se situant derrière le Japon, l'Espagne et la Chine pour la « facilité de faire des affaires » et au 37e rang pour « la création d'entreprise »).
Cela n'empêche que les conséquences néfastes du Brexit pourraient être accentuées, tant bien même le protocole Johnson serait ratifié... Kwasi Kwarteng, le ministre de l'Économie (Business) a laissé entendre qu'une sortie sans accord resterait possible car les négociations se poursuivraient jusqu'à fin 2020, soit l'expiration de la période de transition.
C'est pourquoi l'ex-Premier ministre Tony Blair suggère aux Commons d'adopter une loi ad hoc imposant un accord ferme et définitif, ce avant de s'engager sur la voie d'élections anticipées. Le maire travailliste de Londres, Sadiq Kahn, s'exprimant dans La Reppublica, incite Jeremy Corbin à expliquer à l'électorat que « toutes formes de Brexits sont pires que de rester dans l'UE ». Il doit sortir de l’ambiguïté et se déclarer pour la révocation de l'article 50 (ce que le Royaume-Uni peut faire unilatéralement). 
Pour des raisons opposées, les dix députés unionistes Nord-Irlandais opposés au protocole Johnson « le pire de deux mondes », font sécession de l'alliance avec les conservateurs. Quant à Nigel Farage, du Brexit Party, il soutient que le protocole Johnson n'améliore celui de May qu'à la marge : « La Cour européenne de Justice reste garante des traités (...) pourra remettre en cause les lois britanniques (...) nous ne pourrons contrôler les droits de pêche » (adaptation libre). L'amélioration, selon lui, se limite à 5%.
20 "One Nation" conservateurs (Brexiters) — sur 41 —, proches des thèses du DUP unioniste nord-irlandais, feraient défection lors du vote sur les élections, lundi.
Lundi soir, France et Pays-Bas pourraient soit faire tilter le billard électronique (puisque les Britanniques ne parviennent pas à s'accorder, pourquoi prolonger l'attente ?), soit considérer qu'un court délai serait insuffisant (le Parlement britannique ne parvenant pas à ratifier le protocole Johnson) et donc espérer qu'en laissant du temps au temps, les Remainers pourraient finalement l'emporter.
Comme souvent, quand on ne sait trop comment tournera le vent, on s'en remet aux bookmakers. Ils annoncent des cotes assez proches. Paddy Power penche pour des élections avant Noël (15/8), Ladbrokes aussi, à deux contre un (selon The Sun). Cela peut changer d'un jour à l'autre, et lundi, d'heure en heure.




     

vendredi 25 octobre 2019

Brexit : le report encore... reporté

 Sortie de l'UE du Royaume-Uni : du 29 mars à... la Brexiternity ?

Finalement (ou provisoirement ?) la décision sur la possibilité donnée ou non au Royaume-Uni de prendre le large muni d'un accord — et la durée du délai accordé — ne sera annoncée que lundi soir ou mardi... Mais cette forte déclaration d'intention présente quelque faiblesse.
La nuit dernière, je supputais à tort que ce matin, la France se rallierait à l'option majoritaire parmi les 26 autres membres de l'UE. Soit que serait communiqué aux Britanniques qu'un délai pour accorder leurs violons s'étendra jusqu'au 31 janvier 2020. Pourquoi cette date ? Parce que c'est celle retenue par la majorité parlementaire britannique. Alors que la France voulait arrêter le chronomètre beaucoup plus tôt. Admettons qu'en début de semaine prochaine il... en sera ou non ainsi.
Car comment une partie de la presse britannique interprète ce report du report ?
Pour le Daily Express, c'est clair : « Le Labour fait chanter le Royaume-Uni : l'UE n'accordera pas l'extension tant que Corbyn ne consentira  pas aux élections. ». Même appréciation, moins belliqueuse, du Guardian.  « L'UE reporte sa décision jusqu'à ce que le Parlement se décide sur les élections ».
Après Brexpat, Brexiternity, un nouveau terme est apparu : la flextension. Cette extension accordéon est un gage de bonne volonté de la part des 27. Auparavant, le Royaume-Uni devait contribuer aux finances de l'Union jusqu'au 29 mars, puis jusqu'au 31 octobre. Là, si un accord était ratifié avant la date butoir, le royaume serait libéré de ses obligations.
Le « chantage » imputé au chef des travaillistes, c'est de vouloir d'un examiner soigneusement les termes du protocole d'accord, et de deux que la perspective d'une sortie sans accord (no deal) soit formellement écartée. La nouveauté, c'est que les Lib-Dem (20 sièges, mais davantage de voix si celles de conservateurs dissidents s'ajoutaient) et le SNP (35 sièges) se soient ralliés à cette position. Ce « chantage » est en fait la réplique d'un autre, celui de Boris Johnson qui ne veut pas dévoiler les détails du  protocole (donc de laisser débattre sur ses conséquences), et même tenter de paralyser le Parlement. Soit en mettant le Cabinet (le gouvernement) en « grève ». Il a l'initiative des lois et ne soumettrait au Parlement que les décisions « les plus strictement nécessaires », s'il en était. 
En gros, les parlementaires pourraient s'égosiller ou tourner en rond dans les couloirs de Westminster.
Cette menace a été retirée. Mais Boris Johnson déclare toujours qu'une sortie au 31 octobre reste envisageable et Downing Street a écarté l'hypothèse d'une telle grève (pour le moment ?).
En fait, la France (voire aussi, sans le dire, Michel Barnier et d'autres) s'est montrée adepte du wait (pas trop longtemps) and see (ce qui se trame outre-Manche). 
Pourquoi les 27 se prononceraient-ils lundi soir ou mardi matin ? Parce que lundi les Commons devraient voter pour ou contre des élections anticipées. L'issue est incertaine. Il n'est en fait que le SNP a désirer, en fonction des sondages, une élection rapide censée lui assurer de nets gains de sièges (et éliminer tout député conservateur écossais). Boris Johnson espère, lui, mordre sur l'électorat du Brexit Party. Mais tous les conservateurs n'estiment pas que sa stratégie soit la meilleure. Il savent que si Jeremy Corbin est impopulaire, Boris Johnson, considéré clivant, n'a pas non plus une cote de popularité confortable. Le dernier sondage YouGov laisse penser que la cote de Johnson n'est que de 38 % (54 % contre), et celle de Corbyn pire (20 contre 70 %, avec des indécis versatiles en sus).
Boris Johnson concède qu'il laisserait les Commons débattre de son protocole jusqu'au 6 novembre si et seulement si il obtient le feu vert pour des élections. 
Comme l'exprime Cécile Ducourtieux, du Monde : « Brexitland vire à l'Absurdland ».
Selon le club de réflexion Eurasia Group, Boris Johnson n'obtiendra pas lundi la majorité élargie (aux deux-tiers) lui permettant de déclencher des élections. Il pourrait alors soumettre son gouvernement à une motion de censure ou faire adopter une loi ad hoc à la majorité simple.
Quoi qu'il en sera, l'union douanière, en ses grandes lignes, restera applicable jusqu'en juillet 2020. Ensuite, il faudra négocier les termes d'un accord commercial : l'UE et la Suisse ont mis cinq ans pour aboutir à un accord... On n'a pas fini d'entendre parler du Brexit, des droits de pêche, &c.
Reste que, lundi soir ou mardi, on ne sait pas non plus si la position française s'adoucira, voire se durcira. Selon Reuters, une source proche de l'Élysée a indiqué, peu après l'annonce du report de la décision sur la flextension, qu'un nouveau report (jusqu'au 31 janvier ou plus tôt) n'était plus garanti car « n'allant pas de soi » (not a given).
Car, en admettant que des élections soient décidées, comment le Bojo ferait-il campagne ? Sans doute en promettant d'obtenir d'autres concessions européennes (ce à quoi l'UE se refuse). Ce que désire la France, en fait, c'est mettre la pression pour que le protocole d'accord soit entériné totalement par le Parlement britannique au plus vite. Reste à convaincre les 26 autres pays membres ou à refuser tout report (l'unanimité des 27 est requise) en arguant que ce serait devenu vain.
Bref, l'indécision pourrait, une fois de pire, l'emporter.
La position française n'est confortée que par celle des Pays-Bas. Elle est motivée par le fait que Boris Johnson avait menacé l'UE de saboter son fonctionnement. Si le Royaume-Uni reste membre jusqu'au 31 janvier 2020, il doit entre-temps nommer un commissaire européen (sans lui, juridiquement, le travail de la commission est bloquée), et conserve son droit de veto sur les prévisions budgétaires européennes et d'autres décisions débattues.
Ira-t-on vers un Brexmas (un Brexit avant Christmas, Noël) ? Possible, si le Parlement britannique ratifiait le protocole dans les prochaines semaines. Mais, voir plus haut, France et Pays-Bas pourraient forcer une sortie sans accord en obtenant une date butoir rapprochée (vers la mi-novembre), et on ne serait trop comment les Commons se détermineront. Parfois, un amendement décisif peut passer « par défaut » (par manque de vigilance de ceux capables de s'y opposer). Cela s'est déjà vu.     


   

Brexit : les parlementaires britanniques serrent leurs fesses...

Report, élections, et pugilats pour/contre le Brexit ?

N'oublions pas que, lundi, Boris Johnson cherchera à déclencher des élections générales... Mais est-ce, vu de ce côté, après la crise des Gilets Jaunes, le plus important ? Un sondage inquiétant laisse penser que la majorité des Britanniques estime que le recours à la violence pour parvenir à leurs fins est légitime...

Évacuons la question des élections anticipées... Lundi, Boris Johnson le proposera aux députés des Commons. Il a deux options pour tenter de les obtenir. Une motion de censure, qu'il perdrait en faisant voter la défiance aux conservateurs (mais ces derniers seraient partagés moit-moit sur l'opportunité de déclencher des élections). Un vote classique, nécessitant une majorité de deux-tiers des voix. On ne voit pas le SNP écossais se déjuger et repousser cette perspective... Mais les travaillistes ? 
Les travaillistes n'ont jamais dit qu'un report de la date de sortie du Royaume-Uni de l'UE était la seule condition conditionnant leur accord pour engager des élections anticipées (au 12 décembre, seule date possible pour les organiser avant 2020).
Ils veulent que soit définitivement écartée la possibilité d'une sortie sans accord. Encore faut-il débattre, aux Commons, chez les Lords, de cet accord en toute connaissance de cause. Or Boris Johnson subordonne un examen minutieux de son projet d'accord au déclenchement de ces élections...
Les travaillistes sont aussi divisés sur la question. Ils ont reçu une consigne de vote pour celui de lundi : abstention.
Toutes et tous ne suivront pas cette consigne, mais cela signifie qu'il faudra passer à cette paradoxale motion de censure voyant la majorité des conservateurs cherchant des alliés pour renverser leur propre gouvernement.
Cela reste conditionné au délai qu'accordera l'Union européenne... De quinze jours, comme la France fait savoir qu'elle le souhaite, jusqu'au 31 janvier, comme sans doute la majorité des 27 l'envisage ? Il semble douteux que la France, ce vendredi, maintienne sa position, mais sait-on jamais ?
Pour être clair : les positions respectives reposent sur des sondages britanniques. Soit sur l'espoir estimé ou non illusoire de voir les conservateurs défaits, une nouvelle majorité ratifier un accord très proche de celui projeté par Boris Johnson, ou déclencher un second référendum... En attendant, le Royaume-Uni contribue au fonctionnement de l'Union européenne (verse sa « redevance »).
Surprenant
N'oublions pas non plus qu'une députée britannique fut tuée, en raison de ses prises de position anti-Brexit, par un dérangé-extrémiste (rayez la mention inutile)... Et que, ces derniers jours, d'autres parlementaires ont été l'objet de menaces, obligés d'être escortés par la police, violemment pris à partie.
Une enquête des université de Cardiff et d'Édimbourg (ce n'est pas anodin que ce soit des universités galloise et écossaise) et on sondage YouGov concluent que, tant les Leavers (pro-Brexit) que les Remainers considèrent que le recours à la violence contre les parlementaires est légitime.
On a connu cela en France avec des saccages de domiciles ou de permanences d'élus lors de la crise des Gilets Jaunes. Là, il s'agit aussi — un cran au-dessus — d'atteintes aux personnes.
Côté Remainers, majoritairement urbains et classes moyennes, les pourcentages sont les suivants : 57 en Angleterre, 56 en Écosse, 57 au Pays de Galle... Quant à l'Irlande du Nord, qui a voté majoritairement pour le maintien dans l'Union européenne, on ne sait. 
Versant Leavers, c'est pire : Angleterre 69, Écosse 62, Pays de Galles 70.
Sortir de Westminster sous escorte policière, fastoche. Mener campagne dans les circonscriptions pourrait exposer à des risques de se retrouver pris en des rixes, ou guetté au coin de la rue.
Entre l'enquête universitaire et le sondage, on constate des écarts. Le sondage YouGov donne des pourcentages encore plus alarmants (71 % des Leavers anglais estiment que le recours à la violence serait "worth paying", justifié). Pour les Remainers, l'écart est moins marqué (58 % en Angleterre).
Et bien évidemment, les parlementaires ne seraient pas les seuls visés.
Ce n'est pas que surprenant, c'est, sauf erreur (si des études antérieures ont porté sur des sujets voisins), inouï. Et même atterrant...
« Black » blocks, contre « White » blocks ? La ligne rouge allègrement franchie ? Action directe, Rote armee fraktion, brigadisti... face au SAC, et ultras d'extrême-droite ?
Reste à estimer ce que l'étude et le sondage entendent par « violence ». Intimidations, menaces ou pire ? Blessures ou décès ? Attentats, explosifs, comme aux temps de l'OAS et des ratonnades, des fellagas égorgeant des familles ? Non, tenez-vous bien : il ne s'agit que de grièvement blessés... Une paille...
En réalité, une large majorité des Britanniques ne veut plus entendre parler du Brexit, s'en tient à ne plus parler à des proches ou des voisins, et hormis ce meurtre, celui de l'honorable Joanne Cox, députée travailliste Remainer (tuée en juillet 2016), les cas de lynchage sont restés rares (quoique... la police n'a pas forcément consigné les motivations et des ministres conservateurs ont évoqué un risque de civil war, et la possibilité d'instaurer les pleins pouvoirs pour faire face à d'éventuelles révoltes, comme je l'avais précédemment signalé sur ce blogue-notes).
Jo Cox, Anna Lindh (ministre suédoise) assassinées... Pour des raisons, mettons, voisines (je vous laisse élucider cette approximation).
C'est plus qu'inquiétant alors même que la partie la plus droitière et souverainiste des conservateurs et le Brexit Party de Farage se sont distancés de la fachosphère britannique (elle subsiste, reste, comme en France, marginalisée). Mais inspiré par cette étude et de ce sondage, un « homme fort » pourrait être tenté d'en tirer profit. Non le Bojo. Sauf bien sûr s'il en tirait prétexte à faire décréter par la reine l'état d'urgence. Mais il ne mènera pas une campagne incitant à la haine. Enfin, cela reste plausible.
Non, la Grande-Bretagne (pour l'Irlande du Nord, restons circonspects) n'en est pas revenue au temps d'Oswald Mosley et de la Britsih Union of Fascists. Quoique... Allez comprendre.
Revenons à nos moutons : Boris Johnson a fait approuver son programme législatif (détaillé par le discours de la reine, The Queen Speech) par 310 voix contre 294. Les unionistes irlandais (DUP) et les conservateurs évincés revenus (provisoirement) au bercail lui ont accordé ce sursis. La suite reste incertaine...

  









jeudi 24 octobre 2019

Real Donald Trump : un président très distancié

Trump rapproche, Trump déplace, Trump remplace...

Safelite repair, Safelite replace... Avec Donald Trump, c'est un peu la même chose, il rafistole l'histoire, et est doté de la latitude de rapprocher des lieux situés à des milliers de kilomètres. Quel homme, quel génie (lui-même s'est qualifié ainsi), c'est le président magicien des États-Unis.
Les pataquès, bourdes, confusions du Donald se succèdent à un rythme toujours soutenu. Toutes ses idées ont du génie, et tel Carglass™, il répare, dépare, place et remplace...
C'était la semaine dernière à Rome... La traductrice italienne de Donald Trump eut un moment d'hésitation, voire de sidération. Elle s'est reprise et ayant entendu le Donald énoncer que les États-Unis (fondés en 1776) et l'Italie (constituée un siècle plus tard, devenue république au siècle dernier) sont liés "by a shared cultural and political heritage dating back thousands of years, to ancient Rome'', elle a, sans plus sourciller, donné sa version de cette alliance datant «dai tempi degli Antichi romani».
Comme on ne prête qu'aux riches, il lui est aussi attribué le fait (erroné) qu'il aurait évoqué un certain président Mozzarella (en fait Sergio Mattarella). Il Messaggero l'affirme, ainsi que d'autres, mais il semble bien que le Donald à la langue fourchue aurait bien prononcé correctement par quatre fois le nom de son homologue. 
En revanche, on ne sait trop à qui attribuer ce singulier retour vers le futur... Donald Trump a tellement viré de collaboratrices et collaborateurs qu'on ignore qui lui rédige des discours pour ses visites officielles à l'étranger.
C'est le légendaire des siècles, au verbe à l'occasion hugolien (de Victorino, euh, Vittorio Hugo).
Dans un cadre plus informel, le Donald se lâche, improvise. Il rapproche les lieux presque à la vitesse du mur du son...
"We're building a wall in Colorado", s'est-il félicité. Le Colorado, The Centennial State, s'y prête : ses limites forment un rectangle quasi-parfait. Mais c'est du mur frontalier du Mexique qu'il s'agissait. Lequel s'érige au sud de la Californie, de l'Arizona, du Texas et du Nouveau-Mexique.
La distance entre Denver, Colorado, et El Paso (Texas, mais jouxtant le Nouveau-Mexique) n'est que de... près de 900 km à vol d'oiseau (et plus de 1 100 par les meilleures routes).
Le gouverneur démocrate du Colorado s'est, lui, félicité que les enfant du primaire, dans son État, peuvent apprendre la géographie.
Cette singulière remarque n'est pas tombée dans les oreilles de sourds, qui se sont empressés de la répercuter. Mais en fait, Donald Trump a peut-être confondu l'État et la Colorado River, qui longe la frontière sur environ 30 km. Un mur la base dans l'eau, cela s'est déjà vu. 
Donald Trump a ensuite lâché un tweet selon lequel il se serait exprimé «​ facétieusement » (kiddingly).  Et farceur, avec cela...
Voici deux jours, en conférence de presse, il affirmait avoir perdu entre deux et cinq milliards de dollars depuis son accession à la Maison Blanche. Il s'en balance. Il préfère servir son pays plutôt que d'amasser des millions quotidiennement. Sauf que sa fortune est estimée à 3,1 milliards de dollars (contre 4,5 en 2015 selon Forbes). Bah, il n'en est pas à cent millions près (ce qui lui resterait, à moins qu'il ne soit déjà surendetté).
Il va bientôt falloir réécrire la fameuse blague sur les blondes... C'est dans un grand stade, des milliers de blondes sont réunies pour assister à un jeu-concours. La finaliste est une blonde à laquelle est posée des questions plutôt faciles. Genre « où se situe Denver ? ». Réponse « en Alaska ». Mine consternée du public entendant énoncer la bonne réponse puis s'élève une clameur : « Laissez-lui une chance ! Laissez-lui une chance ! ». Les questions se succèdent, de plus en plus élémentaires... Puis celle-ci « un plus un égale... ». Réponse : « deux ». Et avant même que l'animatrice se soit prononcée, la clameur reprend : « Laissez-lui une chance ! ». 
En fait, avec la procédure de destitution en cours motivée par l'affaire ukrainienne, et la succession de témoignages toujours plus précis et accablants, c'est ce que réclament les partisans de Donald Trump. Gaffe après gaffe, mensonge après mensonge.
Aux deux astronautes, Jessica Meir et Christina Kock, sorties ensemble de la station spatiale vendredi dernier, le Donald adressait ainsi ses félicitations : « Vous êtes des femmes très courageuses (...) les premières à le faire ». Elles sont respectivement la seizième et dix-septième à l'avoir fait.
Lui peut se targuer d'avoir été le premier président à pouvoir converser par téléphone avec Kim Jong-un (alors qu'il soutient que Barack Obama avait tenté par onze fois, sans succès). Le dictateur nord-coréen lui adresserait de magnifiques cartes postales. Un vrai « gentleman », comme la qualifié le Donald.
Il accuse aussi la marque Renault d'inonder le marché américain d'automobiles (« eux, ils nous envoient des Mercedes, des BMW, des Volkswagen, des Renault, dans le cas de la France »). Pour Renault, qui s'est retiré du marché en 1989, il est difficile d'estimer combien de voitures de collection  au losange roulent encore sur les highways.
Chaque jour, voire, à point d'heure, toutes les trente minutes environ, le Donald fait des siennes. Et encore, on ne peut savoir ce qu'il raconte en privé ou ses proches collaborateurs.
Mais il semblerait que l'électorat américain lui laissera sa chance... Selon Moody's Analytics, Donald Trump sera réélu, confortant même son avance en remportant les votes des grands électeurs du New Hampshire et du Minnesota. La ou le candidat démocrate ne l'emporterait que si une très forte participation était constatée (condition difficile à réaliser).
Sa toute dernière ? Enfin, tout le monde a du mal à suivre. Voici quelques heures, USA Today rapporte que Trump a estimé qu'en vertu du deuxième article de la constitution, il avait, en tant que président « le droit de faire tout ce qu'il souhaitait ». Il ne s'en prive pas. Ce qui remémore la fameuse déclaration de Richard Nixon de mai 1977 : « si le président le fait, cela veut dire que ce n'est pas illégal ».
Il a cependant renoncé à accueillir le futur sommet du G7 dans le Trump National Doral, son complexe de Miami. La facture (dans les 40 millions d'euros, estimation basse) aurait été encaissée par la famille Trump et adressée à la Maison Blanche. Ce pourrait être finalement Camp David, propriété fédérale, équivalent de La Lanterne ou du fort de Brégançon, entretenue par la marine américaine. Car, c'est évident, le Donald se contrefiche de perdre des milliards...








Fermetures d'églises en Algérie : la presse, &c.

Médialogie : du sectarisme évangélique des détracteurs des médias

La preuve qu'une information est vraie   les médias n'en font pas état. Alors que celles et ceux qui le soutiennent ont eu vent de l'info par les médias qu'ils dénoncent, parfois véhémentement...
D'où je cause ? Journaliste, ô combien non-conforme. Ou plutôt ex-journaliste encarté et expurgé pour cause de non-conformité (enfin, aussi... pas seulement... On cause burn-out, mais auparavant, dans la presse, ce fut aussi « marche ou crève », je ne m'étends pas).
Cette précision sibylline, furtive, me semble nonobstant nécessaire. De quoi sera-t-il question ? Accessoirement, des fermetures d'églises de diverses confessions en Algérie. Fondamentalement, de ce nouvel adage : si seul le hors-média en fait état, c'est que c'est vrai (pour résumer).
Préambule tardif. Échange amène avec Claude Vautrin. Estimé confrère. Nous avions tous deux une haute estime de la presse municipale, institutionnelle, celle que nous défendions, puis de la presse régionale (et de la « presse libre d'expression régionale », pour résumer drastiquement). L'auteur de Grand Reporter : le pas de côté (Kairos éd., 2015) n'a pas commis d'impair en estimant, le 20 octobre dernier, que les manifestations des foules libanaises ne retenaient guère l'attention des médias (à cette date). Je le cite : « Les médias français n'en parlent pas beaucoup depuis vendredi ». Exact. Mais je doute qu'il ait été sensibilisé initialement par le site de L'Orient-Le Jour (que lui, comme moi-même, consultons à l'occasion, comme d'autres, celui d'Hürriyet Daily News dernièrement). Il me répondra ou non, peu importe.
Franchement, je ne savais pas que des Algériens de France manifestaient régulièrement place de la République à Paris depuis des semaines (et nettoyaient les lieux en fin de manifestation). C'est Ali B., en France depuis plus de quatre décennies, qui m'en a informé. En ajoutant : « et les fermetures d'églises en Algérie, la presse n'en parle jamais parce que... ». Car, Ali B. consulte prioritairement et presque exclusivement des sites qui tapent sur la presse mainstream, dominante, dont, forcément, les journalistes sont contraints (ou complices) des patrons de presse.
Je conçois. Mais les apparences sont trompeuses. La plupart des sites hors-média puisent leurs infos dans les médias... Et accommodent leur tambouille à leur sauce. 
De même pour la presse encore qualifiée d'alternative (pas toute la presse alternative) genre Charlie Hebdo. Pas d'investigation. Ce n'est pas du ressentiment (Cabu voulait me dépanner quand j'étais tricard, Philippe Val m'a dit, à juste titre d'ailleurs : « Jef, je ne peux pas repousser les murs », manière de dire qu'il avait son plein de pigistes). Au moins, SinéMensuel tente encore l'investigation. Ce qui ne veut pas dire que ces deux titres ne puissent, grâce à un réseautage, sortir des infos comme peut le faire Le Canard enchaîné (saine lecture).
Je ne veux pas non plus soutenir que toute critique des médias provenant de l'extérieur du « cénacle » serait nulle et non avenue (la grégarisme de la « confraternité » est une réalité).
Mais je réfute que, sur les fermetures d'églises chrétiennes (ou assimilées), en Algérie, les médias français aient posé une chape de plomb (avec l'assentiment tacite du Vatican, de je ne sais plus quelles obédiences confessionnelles, de la diplomatie française, et de qui sais-je encore).
Certes, ce n'est pas, jusqu'à nouvel ordre, un thème récurrent de BFMTV — soutien sans faille aux consœurs et confrères de cette chaîne qui font leur boulot le plus honnêtement et déontologiquement possible — ou ce qui fait les unes des principaux quotidiens.
M'enfin, Ouest-France (hors titres du Crédit mutuel, le plus gros tirage du SPQR), et LCI,  et non pas uniquement RT (ou Sputnik News aussi ?) se font fait au moins l'écho de ces fermetures de lieux de culte chrétien (enfin, chrétien.. ? Vraiment ? Ou marchands de leurs temples...).
Les mêmes encensant Trump et Orban s'offusquent. Ali B. me soutient que Kabyles (et Berbères divers) sont les premiers visés. Coïncidence ? Je m'autorise à ne ne pas chercher à vérifier. C'est en tout cas l'opinion de Said Salhi. Il s'agirait, selon lui, « d'affaiblir le mouvement de protestation nationale ». Recevable jusqu'à collection d'indices contraires. Mais tamurt.info indique que jamais un chrétien ne sera policier, gendarme ou fonctionnaire, et que les commerçants chrétiens sont traqués par le fisc. Possible.
Il est bien évident que si les autorités algériennes ne condamnent pas l'apostasie, mais uniquement le prosélytisme, il y a deux poids, deux mesures (le prosélytisme musulman est plus que toléré, et le pouvoir des généraux a favorisé l'érection de la Grande Mosquée d'Alger dont le coût est estimé à près de deux milliards d'euros en réalité). Mais là n'est pas la question.
Qui reste que la source des médias français ayant répercuté l'information (x églises protestantes évangéliques fermées) fut sans doute El Watan. Concluez.
Et comprenez ma lassitude quand j'entends ou lis : « Ils vous cachent tout, on vous le dit (et plus encore) ». C'est prendre Ali B. pour une poire. Qui ne le mérite aucunement. Mais qui, de bonne foi, peut vous soutenir que tous les lieux de culte chrétiens (catholiques apostoliques romains et autres) d'Algérie vont y passer, vont voir leurs portails condamnés par des scellés. Ce n'est pas exclu. Mais il reste prématuré de l'affirmer. En fait, tant que l'alliance du sabre et du « goupillon » musulman algériens ne sera pas garantie par des versements de dinars sonnants et trébuchants, il ne se produira rien de crucial. Mais comment voulez-vous que les médias en soient avertis sur le champ ? 

  

mercredi 23 octobre 2019

Traqués, jusqu'à quel point par les escrocs ?

Arnaque : les courriels et appels faussement attribués à Amazon

C'est la ixième arnaque usurpant les couleurs d'Amazon. Elle visera sans doute le public français bientôt. Mais on en viendrait à se demander si les escrocs bénéficient de la complicité passive des firmes servant de prétexte à leurs magouilles.
Peu à voir... Apparemment. J'ai laissé l'option géolocalisation active sur mon portable. Je fais une halte à ... et le lendemain, un site de promotions hôtelières me propose (cela arrive dans mon dossier des pourriels, mais pas toujours) de réserver une nuit dans un établissement de cette localité. 
Plus en rapport. Je suis client du fournisseur d'accès Internet Y. J'ai laissé Google et je ne sais plus qui de consigner mes données de cartes de crédit. Cela coince avec l'une d'elle (des données mal renseignées par moi-même, semblerait-il). Deux jours plus tard, dans ma boîte de courriels (classeur courant), je reçois un avis présumé provenir de Y m'indiquant que, à la suite d'un problème de carte de crédit, je n'ai pu honorer ma facture. J'ai cliqué (suivi le lien) et me suit retrouvé sur un site aux couleurs, goûts et saveurs de Y, mais avec une adresse réticulaire (URL) sans rapport... Ayant été échaudé (par un courriel se prétendant provenir d'un site de la Sécu), j'ai fui.
Venons-en à l'actualité. Amazon Prime. Nombre de Britanniques ont reçu des avis leur demandant de prolonger leur abonnement au service Amazon Prime. Service auquel ils ont ou non souscrit. Là, vous n'êtes pas redirigé vers un site mais enjoint d'appeler un numéro de téléphone (c'est bien sûr facturé lourd). Un opérateur à l'accent pakistanais ou indien vous rassure. Vous avez été victime d'un piratage, d'un hameçonnage, mais tout va rentrer dans l'ordre... Il suffit de fournir vos coordonnées bancaires pour que tout prélèvement soit annulé (ou tout autre prétexte en fonction de votre réaction).
La presse britannique reprend l'info du Guardian selon laquelle une ou un retraité s'est fait avoir de 25 000 livres sterling. Ou alors, vous recevez un appel téléphonique. Et écoutez un message enregistré selon lequel vous avez indûment souscrit un abonnement Amazon Prime. Et il vous est indiqué la marche à suivre pour être remboursé. Ce type de modus operandi sera sans doute réutilisé en employant d'autres noms de firmes, entreprises, administrations.
La question à laquelle la presse britannique n'apporte pas de réponse est la suivante : les « prospects », futurs dupes, sont-ils sélectionnés au hasard ou parce que les escrocs savent — par quel moyen ? — qu'ils ont été à l'occasion clients d'Amazon ?
Et pour les clients du FAI français Y, qu'en est-il ?
Leurs données ont-elles été piratées directement ou furent-elles revendues à des partenaires dont les serveurs sont peu sécurisés ? Voire à n'importe qui, prête-noms de hackers inclus ?
Peut-on ou non évoquer le terme de « complicité passive » ? On se doute bien que c'est à l'insu du plein gré de tel ou tel site de vente en ligne ou de services divers que leurs fichiers finissent chez des hackers, avec ou sans la participation de certains de leurs employés (on dit plutôt à présent « collaborateurs », cadres ou non).
Sans être complotiste, on en viendrait à se demander si de tels faits nuisent vraiment à leur réputation ou leur permet de bénéficier de « publi-rédactionnels » gratis. S'il n'y a pas des consultants internes ou externes à peser le pour et le contre.
Tout comme, paranoïaque en diable, on peut finir par imaginer que les sociétés commercialisant des solutions logicielles antivirus et intrusions entretiennent des équipes de hackers mettant des virus (peu offensifs) au point. Ou revendent leurs répertoires de clients.
Ma banque en ligne m'a incité à installer le module IBM Security. Lequel indique qu'il a accès à tel ou tel site... Y compris de « non sécurisés » (comme celui de ce blogue-notes Google). Espérons que ce type de garde-fou (ou un autre) suffira... jusqu'à nouvel ordre.



  

SinéMadame en panne de libido

SinéMadame mensuel pourrait passer trimestriel

En tête de page d'accueil du site de SinéMensuel, qui succéda, vingt mois après son lancement en septembre 2008, à Siné Hebdo, un appel aux dons. Et voici que pour SinéMadame, après six mois et autant de numéros, il est déjà envisagé de passer à une parution trimestrielle.

Dans l'histoire de la presse depuis la moitié du siècle dernier jusqu'à nos jours (et précédemment aussi...), ce qui se répète, c'est une constante : l'éphémérité. Surtout celle des titres n'ayant pas démérité. Les exceptions confirmant la règle sont rares. Le mensuel Revue des Deux Mondes, par exemple (fondé en 1829). Dont je ne sais s'il se survit grâce à des abonnements groupés (d'entreprises, clubs, cercles...), des publicités de complaisance, ou au bon vouloir de son mécène. Son prix (18 euros en kiosque ; 9,90 en version PDF) n'est pas tout à fait « populaire ». 
Fait rare, la pige et les frais liés à mon article destiné au second numéro du Rire m'ont été réglés alors qu'il n'est jamais paru. Son éditeur, qui avait vu disparaître Marius, absorbé par Le Hérisson (disparu en mai 1995, avec de chaotiques résurgences par la suite), estimait que la période était favorable. Les ventes du premier numéro l'ont dissuadé... Ce n'est pas, loin de là, le seul titre à s'être rapidement ramassé...
Cela touche tous les secteurs... Les moins de 20 ans ne peuvent se souvenir de l'ampleur des linéaires de la presse informatique du siècle dernier. Elle ne rivalisait pas tout à fait avec celle de la presse dite féminine (de Modes & Travaux à des titres « pipeul »), mais c'était vraiment impressionnant. Quand Créanum (issu des magazines Pixel et Création numérique fusionnés en 2006) a jeté l'éponge — le site homonyme de PCPresse ne commercialise plus les anciens numéros — il ne subsistait plus qu'une quinzaine de titres. À présent... c'est pire. Surnagent les magazines consacrés aux jeux vidéo et aux téléphones portables. La presse « photo » s'est aussi fortement étiolée. Passion, travail d'arrache-pied des équipes rédactionnelles, talents, exclusivités, rien n'y fait.
SinéMadame – « le journal qui ne simule pas » – semblait positionné sur un créneau stable. C'est un peu l'équivalent, version féminine et féministe, du site Slate. Intello mais jamais barbant, rigolo, hédoniste, et tout à la fois et en même temps distrayant, &c.
Le seul souci que je me faisais pour lui, c'est que la récurrence des mêmes thèmes déclinés sous d'autres angles, avec d'autres mots, d'autres intervenantes, pouvait contribuer à la volatilité du lectorat achetant au numéro, soit un renouvellement des lectrices (et lecteurs, il en est) avec des hauts et des bas. Bien sûr, je n'ignore pas non plus que la faiblesse des moyens implique des choix de mise en place, de kiosques et points de vente à sélectionner — c'est le très ardu réglage — aussi rigoureusement que possible (environ 30 par arrondissement parisien, très peu pour un département tel celui de l'Aisne).
Ce numéro six se distingue des précédents par sa couverture, avec un visuel pleine page, alors qu'auparavant des accroches (quatre-cinq titres parfois condensés par rapports à ceux du sommaire ; voyez-les sur le site sinemadame.com) figuraient systématiquement. C'est un peu dommage car outre le dossier central (les femmes et leurs complexes) de ce numéro, je retrouve Ovidie au sommaire, un éclairage sur les masculinistes misandres, et nombre d'autres sujets en sus des contributions des dessinatrices, dont Florence Cestac.
Bref, comme elles disent « ne désespérons pas (...) si la cata persiste, on trouvera une autre solution. Peut-être un trimestriel. ». Pari risqué : difficile de sortir un trimestriel avec une pagination ad hoc à un prix qui ne fasse pas tiquer le chaland (acheteuses ou acheteurs) occasionnel. Genre qui ne lit plus là presse qu'en ligne ou lors d'un déplacement en train, autocar ou avion moins de six fois l'an.
La rédaction fait appel au lectorat : qu'il fasse part de ses critiques, suggestions et souhaits. Une revue de presse internationale ? Sans sombrer dans le superflu, l'anecdotique monté en mayonnaise, des trucs et astuces du quotidien ? Des idées déco déjantées ? Des témoignages de professionnelles sur leur vécu insolite ? Une chronique agony aunt (courrier du coeur) parodique ? 
Bon, j'arrête là avant de suggérer de consacrer la page trois à un chippendale (genre The Sun naguère...). Ou un truc sur la vie sexuelle de nos petites amies à deux ou quatre pattes (pintades, minettes, juments, lapines de compagnie, &c.). Ou encore une rubrique blagues de blonds. Pire, des trucs historiques sur les épouses méconnues des hommes célèbres (n'empêche, j'aimerai en savoir davantage sur Anne Gourlez de la Motte, native de Plessé, Loire-Inférieure, épouse Alexis Carrel). ou les époux, amants cachés des pipeules. Pas taper, pas taper, c'est du distancié.
SinéMadame s'est donné l'ambition de bannir tous les marronniers de la presse féminine « classique ». De poursuivre sans publicité, ni recettes de cuisine, conseils de maquillage, comparatifs de produits pour la vaisselle, patrons de layettes à tricoter, and so on. De s'abstenir de cultiver l'entre-soi.
Quant à la suite, rendez-vous le 20 novembre (le bouillon du numéro 6 devrait être retiré la veille). Entre-temps, le numéro suivant sera préparé. Tout le sommaire ne pourrait pas être repris dans le trimestriel, s'il en sera... Évitez cela : « si les ventes sont à nouveau au rendez-vous, on continue, évidemment », disent-elles. On le leur souhaite. 

mardi 22 octobre 2019

Brexit : repartis pour un tour ?


Qui veut jouer les prolongations du Brexit ?

Finalement (hum... finalement ?), l'incertitude se prolonge. Jusqu'à quand ? Et qui peut réellement décider d'une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne après la xième date butoir ? En réalité, pour l'instant, la balle est — provisoirement — dans le camp de l'équipe bruxelloise...
Ce n'est pas par désintérêt que j'ai interrompu ma chronique des tribulations du Brexit. Parfois, il faut prendre du champ et se retirer en des zones où la connexion Internet est défaillante. Si ce n'est inexistante. Mais comme la presse française (au moins Le Monde...) a rendu compte — de manière un peu trop synthétique — de ce qui se trame à Westminster, je ne regrette pas de reprendre à ce stade, pour celles et ceux que cela pourrait encore intéresser.
Or donc, pour résumer, tant le parti conservateur et ses alliés unionistes nord-irlandais que l'opposition étaient partagés sur l'opportunité d'accorder à Boris Johnson un vote favorable sur son plan. Lequel, dans ses grandes lignes, reste assez proche de l'antérieur, celui de Theresa May, rejeté par trois fois. Avec cependant une nuance de taille quant aux dispositions applicables en Irlande du Nord. Le principe de ne pas rejeter brutalement ce nouveau plan a été accepté, au prix de retournements d'alliance(s), de vestes, vestons, voire pantalons. Oui mais.
Que désirait cette opposition composite devenue encore plus mitigée à présent. En gros, obliger le gouvernement à, d'un faire part de ses intentions dans le détail, de deux, pouvoir en exposer les conséquences (plus ou moins chiffrées) en vue d'élections générales.
Boris Johnson a dévoilé ses intentions, mais ne voulait pas laisser au Parlement le soin de les disséquer. Donc, il lui donnait trois jours pour en débattre. Insuffisant. Les Commons avaient discuté plus longtemps la loi sur les animaux de cirque et la protection animale. Donc, non, il n'en est plus question. L'opposition veut disposer de davantage de temps.
Ce qui implique que l'Union européenne accède à la demande d'accorder un prolongation. Et l'UE est quelque peu (pour la façade ?) divisée. La France a fait savoir qu'une extension ne serait pas justifiée. Mais Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, a ajouté « à ce stade ». De pugilat britannique. Nuance.
Détailler qui a voté quoi ne serait pas si inintéressant mais fastidieux. Le DUP, ex-allié des conservateurs, a tourné casaque. De même des conservateurs débarqués des rangs Tories, qui ont rejoint l'écurie (tandis que d'autres...). Et cinq députés travaillistes (ou 19 selon les votes) ont fait défection. May s'était vue opposer 58 voix, Johnson a emporté une manche par 30. Votes tactiques ou de convictions divergentes.
Le plan Johnson aurait pu être retiré, ce en vue de passer à l'étape suivante : la tenue d'élections générales. Là, ce plan est placé « dans les limbes » (selon le chef de file des conservateurs, Jacob Rees-Mog), ou si l'on veut, au purgatoire. Ce en attendant que l'UE le voue à l'en sortir (nouveau report) ou l'expédie aux enfers.
Admettons, ce qui n'est plus si sûr, que l'UE se montre conciliante... L'opposition britannique pourrait multiplier les amendements, certains fortement contraignants (conditionnant l'accord à la tenue d'un nouveau référendum, à l'acceptation par le gouvernement de maintenir l'union douanière pour l'ensemble du Royaume-Uni), d'autres l'étant techniquement (et obligeant à des nouvelles navettes entre Londres et Bruxelles jusqu'à...).
Bien évidemment, maintenir le Royaume-Uni dans l'union douanière européenne l'empêcherait de conclure des accords commerciaux séparés, ad hoc.
Donc, ce soir, après cette demi-défaite ou demi-succès, c'est selon, Boris Johnson insiste : la date butoir du 31 octobre (sous huit jours quand vous lirez ces lignes) doit être respectée. Sauf si...
Donald Tusk recommande qu'un report soit accordé. Ce qui ne réglera rien de totalement prévisible. 
Le seul qui se frotte les mains, c'est Nigel Farage, du Brexit Party... Comme l'a exprimé Guy Verhofstadt (le coordinateur européen travaillant avec Michel Barnier), trois semaines d'extension, cela revient à devoir écouter Farage trois semaines de (pire/mieux, rayez la mention inutile). Lequel Brexit Party proclame que le Royaume-Uni deviendra le nouveau Singapour (du dumping fiscal).
Tout et son contraire restent possibles. 
La proposition du gouvernement de boucler le dossier en trois jours a été rejetée par 322 voix contre (et 308 pour). Mais dire qu'il suffirait de 15 députés pour faire basculer le sort (quand ?) serait sans doute inexact. Un tel vote ne préjuge guère du résultat du prochain. Parce que d'aucunes et certains ne suivent pas les consignes de vote de leur camp, et que l'examen attentif d'une clause ou d'une autre du protocole d'accord peut déterminer un changement d'attitude. Par exemple, la question des droits de pêche (en réciprocité) : pour le moment, personne ne sait ce qu'il adviendra.
La perspective d'élections impliquant la perte prévisible de son siège peut faire fléchir l'une ou l'autre, porter ou non à se raviser.
Vue d'Irlande (de la République d'), l'espoir subsiste. 30 contre 15, c'est encore jouable. C'est du moins l'opinion de Denis Staunton de l'Irish Times. Des conservateurs sont restés fidèles au gouvernement (ou le sont redevenus) alors même que l'opposition nouvelle du DUP (unionistes) devait, théoriquement, entraîner davantage de défections dans le camp conservateur. Conclusion, « sous quelques semaines », Boris Johnson remporterait une majorité pour l'adoption de son projet. The Independent (Londres) table aussi sur une sortie selon cette hypothèse avant Noël.
Si cela se confirmait, resterait à savoir comment le Brexit Party en tirera (ou non) avantage. À court terme, cela peut sembler « négligeable ». Mais il faut comprendre que Farage rallie des travaillistes, et des conservateurs. Ces derniers seraient prêts majoritairement à voir l'Écosse et l'Irlande du Nord prendre le large du moment qu'il soit mis fin à la « dictature » européenne. On peut comprendre que Boris Johnson soupèse le pour et le contre de déclencher des élections au bon moment pour lui. Y parviendra-t-il ? Je ne prends aucun pari.
Finalement (finalement ?), la France consent à un délai « technique » et assure, promis-juré-craché, que ce sera le dernier... Et le Bojo assure qu'il va engager le Royaume-Uni dans la voie d'élections anticipées.
Quoi qu'il advienne, il faudra des années pour finaliser les relations entre l'UE et le Royaume-Uni , ou désuni (sauf révocation de l'art. 50 après second référendum). Or, il y a tant et tant d'autres sujets sur la table. Qui exigent des réponses pour faire progresser la construction européenne (ou simplement consolider l'existant). Au fait, il se passe quoi en Catalogne ? On joue à quoi, là ? À je te tiens, tu me tiens ? À qui perd-gagne ?