vendredi 19 juillet 2019

Bojo & The Donald sentent le hareng...

Plus Boris Johnson et Donald Trump parlent, plus ils sentent le hareng

Hareng, ou proxénète... En français dans quelques textes. Et la caque du Brexit sent toujours le hareng... Bojo (Boris Johnson) futur Prime Minister du bientôt défunt Royaume-Uni, s'ingénie à se calquer de plus en plus sur The Donald (Trump). Avec son histoire de kipper, Bojo démontre une fois de plus qu'il n'est qu'un goals exiter. 
Je ne reviendrai pas sur les mensonges de The Donald. Donald Trump n'est qu'un bonimenteur, un carpetbagger, et la cause est entendue (sauf pour ses partisans, prêts à gober tout et n'importe quoi...). Bojo, le pitre, a sans doute pris des leçons de son mentor... Le voici brandissant un hareng conditionné sous vide devant un aréopage de conservateurs acquis à sa cause... Pour dénoncer, une fois de plus et pire la bureaucratie « bruxelloise » et ses effets néfastes. Hors de l'Union européenne, le hareng saur « britannique » pourra pourrir de la tête, fièrement, à l'air libre.
Son argument... Les pêcheurs de harengs de l'Île de Man (située entre Angleterre et Irlande du Nord), soumis, rendus serfs de l'Union européenne, sont contraints de commercialiser les harengs qu'ils expédient au loin sous plastique, sous vide, et entassés ainsi sous des blocs de glace. Intolérable.
Sauf que... Et d'un, les directives européennes ne s'appliquent pas à l'Ellan Vannin (Isle of Man). Car elle reste un fief de Sa Majesté Elisabeth et de la Couronne. Certes, ce bailliage garantit à ses sujets la citoyenneté de la souveraine, mais non l'européenne. Le gouvernement autonome de l'île ne rend compte qu'à la reine (en fait, qu'à lui-même).
Ensuite, n'ayant aucun pouvoir pour imposer quoi que soit à ce gouvernement, l'Union européenne a eu d'autres sujets de préoccupation que le conditionnement de ses harengs. C'est en fait le gouvernement de Sa Majesté qui, unilatéralement, a songé à protéger l'ensemble de ses sujets en imposant aux pêcheurs et pêcheries mannois (manx) d'ainsi enrober les harengs. Hareng soit qui mal y pense.
Il est déplorable que Bojo n'ait brandi qu'un hareng ainsi enrobé ; il aurait fallu comparer et hisser au-dessus de sa tignasse un hareng saur « libéré » du joug imposé (du présumé carcan continental, en fait de la paperasserie britannique) de l'autre main. L'un, sous vide, conservant son poids initial, l'autre, à l'air libre, allégé par la dessiccation. Après comparaison des tailles respectives, constat que l'un ou l'autre n'aurait pas été lestés de plombs.
La libération du hareng entraînera l'émancipation de l'économie britannique, a osé Bojo...
Sauf que... Verra-t-on l'Écosse, le Pays de Galles, voire les Cornouailles, ou les fiefs de Her Majesty faire sécession ? 
The Great Kipper Divide? Bojo n'a qu'un but. Soit accéder au 10. En oubliant les vingt et quelques autres motifs de division, d'éclatement du royaume.
En réalité, alors qu'il avait l'intention de « proroger » (non prolonger la session parlementaire, mais la suspendre indéfiniment, ce qui est courant au Canada, mais ne s'appliqua que sous Charles Ier outre-Manche), il risque de perdre la majorité, donc de provoquer des élections générales. Qui verront des conservateurs rejoindre le Brexit Party, d'autres les libéraux (LibDem), et les Travaillistes peut-être se retrouver à la tête d'un pays ingouvernable.     
Bien avant ce hareng, Bojo avait déjà vendu à des gogos que l'Europe allait interdire la vente de bananes courbées, que Bruxelles allait aligner le commerce des escargots sur celui des poissons, &c. Sean O'Grady, de l'Independent, s'attend à ce que Bojo clame que les chats de l'Île de Man se verront imposer par l'UE d'être dotés de queues postiches pour devenir conformes à une norme européenne sur les félins domestiques (par extension de la directive MO-66Y, modifiant les directives 2002/19-20-21/CE relatives aux réseaux de communications électroniques, à la faveur d'un codicille).  Le manx est effectivement dépourvue d'appendice caudal (standard Loof, Manx & Cymric, mais le longy agite une queue tandis que le rumpy et le stumpy en restent dépourvus).
Bref, ces deux teigneux à tignasses (Trump, Johnson) sont du même acabit. Bonnet blond et blond bonnet. And it's not a red herring.
  

jeudi 18 juillet 2019

Roger Vaillant (Vailland) critique de la critique

Un article de Roger Vailland peu accessible car signé « Vaillant ».

Voici peu, après tant d'autres, je signalais que les recherches portant sur Roger Vailland, en bibliothèques ou en ligne, se heurtaient au fait que, très souvent, son patronyme était transcrit « Vaillant ». Exemple : cet article des Cahiers du Sud de mars 1930 signé Roger Vaillant.
Du temps du Grand Jeu, à Paris
Last and least, car tant d'autres m'ont précédé (et d'autres plus qualifiés encore suivront), j'ai remarqué que je me suis heurté à la coquille trop fréquente : (Roger) Vailland devenant Vaillant. C'est assez logique, et il m'est arrivé de la commettre. Prince Vaillant, Vaillant-Couturier, Michel Vaillant,  chaudières Vaillant, divers autres Vaillant (dont un Roger, syndicaliste) et bien sûr Édouard ou Auguste, Cœurs Vaillant (« rien d'impossible... » — aux Âmes vaillantes), Luc Le Vaillant (journaliste), &c. En revanche, hormis Guy, sommelier d'Anne de Bretagne, fort peu d'homonymes de Roger Vailland ont marqué l'Histoire, celle de nos provinces ou des arts et des sciences...
S'il fallait recenser les « Vaillant » désignant Roger Vailland, y compris dans les écrits des spécialistes de l'écrivain, on couvrirait des pages et des pages...
D'où l'intérêt de rechercher ces Vaillant-là... Tâche ardue... Qui permet de retrouver par exemple cet article des Cahiers du Sud de mars 1930.
Or, s'il ne couvre que trois pages d'un modeste format, il est loin d'être anodin. D'abord parce que ces Cahiers tiennent une place éminente dans l'histoire littéraire française du siècle dernier (de 1925 à 1966), aussi en raison de la manière dont Roger Vailland allude à divers courants de la critique littéraire et artistique des années 1920, traite des créateurs et du Créateur (son athéisme remonte à la fin de son adolescence), ensuite (car il conclut là-dessus, mais c'est peut-être l'élément primordial) car il marque son rejet des Phrères simplistes, du Grand Jeu. Dont il reste assurément nostalgique, tout en professant le contraire.
J'essaye tout d'abord d'établir (et à mon sens, j'y parviens) que ce Vaillant est bien Roger Vailland, en dépit d'un indice — apparemment — contraire. Mais je ne suis guère arrivé à déceler ce que les deux premières parties pourraient laisser supposer de l'état de la création littéraire et de sa réception à la fin des années 1920. C'est un article très travaillé, œuvré, mais assez peu chantourné (les contours de ce qui est exprimé ne sont pas si saillants)... Peut-être, justement, parce que Vailland s'est englué dans le journalisme grand public (Paris-Midi, Paris-Soir), qu'il a peut-être « perdu la main », et chercha trop à marquer la distance avec ce style d'immédiateté, qui vise à rendre accessible au plus grand nombre ce qui doit être aisément compris.
Cahiers du Sud, mars 1930,
chronique de Roger Vailland
Je me fourvoie peut-être totalement. L'expérience étant lanterne dans le dos n'éclairant que le chemin parcouru, lisant et relisant les deux premières parties de cet article, je me suis remémoré (vaguement) divers de mes – rares – écrits sortant du lot de ma prose journalistique quotidienne. Sollicité pour des critiques littéraires ou artistiques, dans des revues spécialisées, pour des catalogues d'exposition, je me suis parfois laissé contaminer par la prose de ces milieux gentdelettres. Entre divers « Auto contre vélo », « M. Untel, président de l'Amicale des boulistes », «  Les mariés du samedi » (meilleurs titres de mon cru : « Maintenant, on peut ! » et « Je l'ai voulu, je l'ai eu », en corps 72, c'était une pleine page), et quand même des reportages d'une autre tenue, j'ai dû suer pour m'en abstraire. Et là, Vailland, après la rupture d'avec les surréalistes, d'avec Le Grand Jeu, doit sans doute, surtout à ses propres yeux, démontrer qu'il a mûri. Je sais... Je (me) projette. Et je saurai faire amende honorable, et me mettre « au temps » (au temps pour moi).
En revanche, il me semble que la troisième partie, fin de non-recevoir adressée à ses ex-Phrères, à Reims, aux illusions perdues, est beaucoup plus essentielle et limpide. Elle tient du déni. Car elle laisse présager que Vailland indique qu'il n'était pas tout à fait comme ces autres « jeunes gens » (Daumal, Lecomte, Minet, Meyrat, et alii par la suite), qu'il faisait semblant d'adhérer à leurs postures, ici copieusement ridiculisées. Et qu'il n'en est définitivement plus, qu'il les voue à s'enliser dans un « gâtisme » prématuré, dans un ésotérisme de pacotille. Divers autres écrits (correspondances, journal...) corroborent ce qui précède, du moins en partie (Vailland ne renia pas tout... mais lorsque, sur le tard, il revient à Reims, l'indifférence l'emporte). 
Les rapports de Reims aux Phrères et des Phrères à Reims... Cela impliquerait d'autres développements. Ville plate, mais non pas de platitudes, y compris lorsque les Phrères s'en extrayaient. Mais ce sera... (À suivre).

mardi 16 juillet 2019

De Rugy, le Fillon-bis de la République

François de Rugy, un « Fillon » stoppé à temps ?

Rien ne les atteint, peu les freine jusqu'au coup d'arrêt final... Voyez Éric Woerth, traînant de multiples gamelles, et paradant toujours dans les médias. C'est certes voir les choses par le gros bout de la lorgnette, mais l'histoire de François de Rugy attendu à Nantes par une voiture ministérielle remémore très fort les avions de François Fillon revenant de Sablé...
Le fait (du prince) : quand François de Rugy et madame se rendaient à Nantes en fin de semaine, une voiture ministérielle venue de Paris à vide les attendaient en gare. Bagatelle ? Oui, mais qui rappelle l'usage immodéré des avions de l'ex-Glam (liaisons aériennes ministérielles) des consorts Fillon entre Sablé et Paris. Un François Fillon qui ne « prenait » le TGV qu'à l'arrêt, à la fenêtre de la motrice, le temps des photos (d'une, de photo ops, comme disent les spin doctors) alors qu'il avait fait des pieds et des mains pour que les TGV desservent la gare ad hoc de Sablé. Obligeant certains trains de faire un détour pour desservir Angers puis Nantes.
Mediapart et Ouest-France ont souligné cette anomalie : généralement, pour des raisons de sécurité, une voiture préfectorale,  accompagnée de voitures de police, accueillent un ministre en déplacements privés. On peut d'ailleurs se demander si cela doit valoir pour tout ministre ou secrétaire d'État.
La démission de François de Rugy doit peut-être à la pression de l'Élysée ou de Matignon, au très faible soutien de majorité présidentielle, mais surtout à l'impératif de tenter de couper court à des nouvelles révélations incriminantes. Le terme est certes fort : voici longtemps que le meurtre de la confiance à l'égard de divers élus et de membres de gouvernements est acté, mais ce n'est pas tout à fait déjà la République qui est assassinée. Il subsisterait des ministres intègres, paraît-il, des représentants du Peuple aux mains à peu près propres...
Mais j'aimerais aussi remémorer ce récent billet portant sur Éric Woerth ( « Woerth-Tapie : vrais-faux ou faux-vrais amis »). Naïvement, je croyais que Woerth ferait profil bas. Que nenni... Le voilà donnant encore des leçons à tout le monde, choisissant le jour de la Fête nationale pour estimer que la suppression de la taxe d'habitation « reste l'erreur fondamentale du quinquennat ». En effet, elle ne profite pas à tout le monde, et celles et ceux qu'il représente (les plus aisés resteront assujettis jusqu'en 2023, ou au-delà) apprécient ses propos.
Pas vu-pas pris, et si repéré, tenir la dragée haute jusqu'au moment où cela devient impossible... Et puis, on a tout son temps ensuite : sieur et dame Fillon pourront attendre le printemps 2020 pour, peut-être, comparaître. Ensuite, appel, cassation : rien ne presse. La comparution immédiate, c'est toujours pour le menu fretin. Pénélopegate ? Il faut accorder du temps au temps, pour recaser tout le monde (à la Fédération internationale automobile, comme une certaine Woerth ?).
François de Rugy a fait allusion à Pierre Bérégovoy... Allusion. D'une part je ne réclamerai pas des actes aussi définitifs, et ce n'est pas parce que cela serait me placer dans l'illégalité. Assurément, aussi (quoique je puisse, a posteriori, douter de sa sincérité, et voir dans ses propos de l'opportunisme) parce que j'eus l'occasion fortuite de rencontrer François de Rugy et d'échanger quelques propos de bon sens. Mais je me souviens aussi d'avoir été reçu, et impressionné par... Jérôme Cahuzac. En lequel il était placé le vain espoir d'établir la clarté et de faire le ménage dans certaines affaires financières bizarres relatives au ministère de l'Intérieur. Il était alors le prédécesseur d'Éric Woerth à la présidence de la commission des Finances de l'Assemblée.
Je me fais peu de souci pour un François de Rugy. Peut-être le retrouverons-nous associé à un Alexandre Benalla et réalisant de florissantes affaires : les postes s'envolent, les carnets d'adresses restent. Les circuits d'influence évoluent, mais on s'adapte. Des obligés subsistent. 
Ce titre « Un ''Fillon" stoppé à temps » n'est d'ailleurs pas crédible. Ils marquent une pause, rebondiront, trouveront d'autres moyens de vivre aux dépens de qui les écoutera. À moins que de futurs Fouquier-Tinville n'obtiennent leur tête avant de voir tomber la leur en s'exclamant : « Je n'ay rien à me reprocher : je me suis toujours conformé aux lois (...) plus tard, on reconnoîtra mon innocence. ». Le Pourvoyeur de la guillotine, tout comme Jérôme Cahuzac, ou un Éric Woerth (plus mollement), dénonçait les exactions, mais au moins ne s'était-il pas enrichi. On l'en accusera pourtant, mais, finalement, n'eût-il pas survécu s'il avait été financièrement puissant ? 
La démission de François de Rugy lui a été sans doute (comment en être assuré ?) imposée à temps. Non pas que dans la perspective d'autres révélations, mais en raison de la crainte d'une résurgence incontrôlable du mouvement des Gilets jaunes (ou d'éléments encore plus radicaux que les plus radicaux de leurs cheffes et chefs de file). D'une jonction entre eux et des contingents des classes moyennes et de certaines « élites » (Bourdieu : les dominées de la classe dominante). Ce que Fabrice Grimal, auteur de Vers la Révolution (éds J.-C. Godefroy) laisse présager. J'y crois peu, pour les moments venant... Après ? Comment savoir ? Fabrice Grimal, que j'ai connu « élément conforme », bon produit des écoles de commerce (prépas, Essec), est-il un « marginal » (fort peu socialement) se haussant du col ou un symptôme avant-coureur ?  François de Rugy a oublié de le convier à déguster caviar, homard et champagne. Grossière erreur, manque de discernement. Certes, il n'avait rien à en attendre pour son épouse, ni rien à moyen terme, mais peut-être, à échéance plus lointaine, de lui ou d'une ou d'un autre, un degré d'indulgence. 

Coquille typographique : la bonne blague de Pierre Lazareff

Coquilles et rectificatifs : une infime légende s'effondre...

Et j'y ai longtemps cru... Que « l'infini talent » d'une sociétaire du Français soit devenu, d'une édition sur l'autre de Paris-Midi, « infime », puis « infâme », puis « intime ». Hélas (ou heureusement), Pierre Lazareff exagérait.

Il y avait été fait allusion, je crois, sur la Liste typographique francophone (un bulletin en ligne réunissant amateurs et professionnels de la typographie et de l'orthotypographie). Et à l'occasion, je la replaçais, cette anecdote ô combien significative. J'avais tort, il s'agissait d'une galéjade de Pierre Lazareff.
Vous la trouverez dans le livre de Jean-Claude Lamy, Pierre Lazareff à la une, lequel, pas davantage que sa maison d'édition, FeniXX, voudra bien ne pas m'en vouloir durablement de la reproduire sans chercher à la paraphraser...
« Pierre Lazareff apprécie les histoires drôles. Il en connaît beaucoup d'authentiques (...) 
— Je travaillais (...) à Paris-Midi. Le critique était (...) Fortunat Strowsky (sic), membre de l'Institut (...) camarade de classe [du] professeur Nizan, dont la fille, Renée Nizan, était pensionnaire à la Comédie-Française. (...) Fortunat  avait écrit (...) :
» J'espère que cette année la Comédie-Française récompensera l'infini talent de Mlle Nizan.
» (...) il constate douloureusement que « l'infini talent » est devenu « l'infime talent ».
(...)
» Le lendemain, on peut lire : « Je n'avais pas écrit (...) l'infime talent (...) mais l'infâme talent.
» (...) second rectificatif : « Je n'ai (...) jamais voulu parler de l'infime ni de l'infâme talent (...), mais de l'intime talent de Mlle Nizan.
   Et Lazareff de préciser que Strowsky jeta alors l'éponge.
Sé(r)vices rendus
Sauf que... Retrouvant sur Gallica (gallica.bnf.fr) l'article initial, paru le 25 décembre 1929, de Fortunat Strowski, je lis : « Si le charmant et fin sourire de celle qui fut Agnès, de Mlle Nizan pour la nommer, vous  rappelle les services infimes qu'elle a rendus (...) à la maison de Molière... ».
Puis, dans l'édition du lendemain, ce rectificatif :
« Notre éminent collaborateur, M. Fortunat Strowski, avait, hier, consacré quelques lignes aux prochains comités de la Comédie-Française (...). Il vantait notamment les "services infinis" rendus par Mlle Nizan. Mais un typographe peu habitué sans doute aux spectacles de la Maison de Molière, l'a fait parler des "services infimes" de la charmante pensionnaire. Nos lecteurs auront sans doute rectifié d'eux-mêmes, mais nous tenons à nous excuser... ».
Bien évidemment, cela mit fin à l'incident. Point d'infâme talent ou service, et encore moins d'intime service ou talent (pourtant fort ré-jouissant en ultime comparution du ou des compositeurs coupables ou farceurs).
J'en viendrai presque à me sentir davantage contrit de confesser mon erreur que de ne pas l'avoir préservée en mon for intérieur. C'était trop beau pour être « authentique ». Moins nuisible cependant que les diverses infox visant de nos jours les uns ou les autres. Dommageable nonobstant pour les après alas (... « santé du confrère, qui nous régale aujourd'hui ») que la version Lazareff égayait. Subsisteront de beaucoup moins rigolotes anecdotes comme celle que consignais dans un précédent billet (Roger Vailland devenant, d'une ligne à l'autre, Roger Vaillant). Et toutes celles de la rubrique « La presse déchaînée » du Canard enchaîné. Qui ne sont d'ailleurs pas toutes au-dessus de tout soupçon (de facétieux compositeurs, s'il en restait, voire des confrères journalistes se font parfois un plaisir d'en commettre tout exprès, sciemment et sans trop mauvaise conscience, parfois histoire d'alimenter le « bêtisier » interne de la rédaction).
Bah, un tweet intempestif d'un The Donald (Trump), ou d'un Bojo (Boris Johnson), nous fournira sans doute l'occasion prochaine de nous gausser. Je le signale en vaine tentative de me rattraper... Et puis, ce billet s'oubliera, la version Lamy-Lazareff perdurera.
Ce que je serai le premier à souhaiter.       


Roger Vailland et son double : « Roger Vaillant »

« Vaillant », le plus fréquent des « pseudonymes » de  Roger Vailland...

N'exagérons rien, sous ses trois pseudonymes — Omer, Merpin, François —, Roger Vailland fit paraître peut-être plus de 3 000 articles. Mais dans la littérature, ce Roger Vaillant est beaucoup plus fréquent qu'un Jean-Baptiste Botul. À l'insu du plein gré de l'intéressé (et d'autres...).
On se souvient de Jean-Baptiste Botul, philosophe imaginaire créé en 1995 par Frédéric Pagès et consorts. Il doit autant sa célébrité à ses auteurs qu'à Bernard-Henri Lévy (BHL) et quand même quelques prédécesseurs n'ayant pas décelé que sa Métaphysique du mou évoquait quelque peu le Mouvement ondulatoire unifié de Pierre Dac. Mais il reste quand même moins célèbre qu'un certain Roger Vaillant. Faites une recherche Google, onglet « Livres », c'est assez édifiant...
Ouvre la liste Les Petites Malices du Général, de Jean-Michel Royer... Suivi d'un ouvrage mentionnant un « homonyme » (un réel Roger Vaillant, un Québécois), que talonne un Rog-Jarl, ange du Grand Jeu, d'Irène Pauline Bourlas. Sur les 30 entrées de la première page de cette recherche, on trouve un Gaston Vaillant, quelques autres Vaillant (dans un le même Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales), de nouveau le Québécois. Tous les autres sont bien des Vailland, Roger.
Il est difficile de certifier si, au bas de la douzième page, La Littérature à l'estomac de Julien Gracq clôture la très longue liste puisque Google n'affiche aucun aperçu de cet ouvrage. Mais si on fait une recherche tous résultats confondus, on retrouve divers sites citant ce Gracq et employant « Roger Vaillant ». Aucun doute n'est possible, puisqu'il est question aussi de René Daumal, de Céline, du prix Goncourt, &c.
Il serait vraiment ardu de procéder à un décompte fiable. Mais, page 10, si vous recherchez ce Vaillant-là dans Conques: les vitraux de Soulages (de Christian Heck et Jean-Dominique Fleury, pourtant contresigné par Pierre Soulages lui-même), il n'est pas exclu qu'un, des Vaillant se soient glissés entre de nombreux Vailland... J'en ai même débusqué un dans un livre portant principalement sur Vailland (un lapsus de saisie unique).
Et puis, Google, lorsque vous lancez une telle recherche sur ce « Roger Vaillant », vous remonte aussi nombre d'ouvrages où les Roger Vailland abondent. Ou d'autres dans lequel ils brillent par leur absence, comme ce Bon Pied, Bon Œil et 99 autres expressions autour du corps et de la Santé, de Marc Magro. Enfin, un Roger suivi d'une virgule de l'adjectif se glissent dans lot (« Roger, vaillant jeune homme... »).
Mais vous retrouverez des Roger Vaillant « non-équivoques » (soit des Vailland, Roger) dans des ouvrages d'éditions universitaires, des revues de très bonne tenue (La Quinzaine littéraire, Livres hebdo, Le Matricule des Anges, Esprit, La Nef...), et c'est quelque peu... gênant. 
D'une part, parce que cela se répercute... Par inadvertance (cela m'est survenu, comme à d'autres écrivant sur Vailland), ou méconnaissance.
Comment interpréter ce « L'un est Roger Vaillant, écrivain non pas oublié certes, mais dont, à vrai dire, on ne se souvient pas assez. » ? Comme, dans le Bulletin de l'association Guillaume Budé, l'autre est Drieu La Rochelle, les initiés auront rectifié d'eux-mêmes. D'autres... 
Quand je vois « Traduction par Saku Satö d'"Arthur Rimbaud ou guerre à l'homme" de Roger Vaillant... » (La Réception de Rimbaud au Japon, de Yataka Shibuya), pas trop de souci : le contexte, la nature de l'ouvrage, s'adressant à des spécialistes, dissipera une possible confusion.
Laquelle remonte à sans doute assez tôt puisque, dans Études de presse, vol. 1, de l'Institut français de presse, publié en 1946, on trouve trois Roger Vaillant. Qui sont bien sûr « le bon ».
Lequel Vailland n'est pas le Roger Vaillant du Club Léo Lagrange fondé par Pierre Mauroy en 1951, puisque ce Roger était un délégué syndical Force ouvrière, membre de la SFIO (alors qu'un Raymond Vaillant était aussi proche de Mauroy et de la Fédération Léo Lagrange). Lequel Vaillant se retrouve parfois dénommé (nommédé en verlan) tel l'écrivain. Cela va jusqu'aux voies (rues, places, cheminements...) Vaillant ou Vailland, qui, parfois, échangent les deux lettres (pas sur les plaques, espérons-le ; anecdote : sur une plaque de Vitré, Bretagne, le nom d'un certain sergent du temps des guerres de religions est orthographié deux fois... différemment).
Ces faux jumeaux (qui remémorent les DuponT-DuponD des Tintin d'Hergé) se retrouvent aussi sur le site de la BnF, Gallica... On trouvera l'un au-dessus de l'autre un « Roger Vaillant, édité aux éditions Gallimard » et une « Mme Roger Vaillant » (mère d'une Jacqueline », &c.
S'il est assez facile de départager le Roger Vaillant (« fils d'un homme dégradé de noblesse ») et celui contribuant à La Revue du cerf-volant, de ce Roger Vaillant qui « sera un don Juan de notre temps », parfois, il faut vraiment être féru de Vailland pour déterminer que le « Roger Vaillant » qui collaborera avec la maison d'édition tchèque Aventinum (et la revue homonyme) est bien le seul, l'authentique (mentionné dans Les Nouvelles littéraires du 4 février 1928).
Je tente de finaliser, procrastinant jour après jour, un document « Les lieux de Vailland », et si je n'avais pas mené une recherche sur un certain Roger Vaillant, je n'aurais jamais trouvé cet extrait : « Crevel, Malkine, Artaud, Rigaud, Roger Vaillant se ravitaillaient facilement en coco et héroïne aurpès des dames des toilettes du Dôme et de La Jungle » (La Vie quotidienne à Montparnasse, de Jean-Paul Crespelle). Pour les toilettes, peu (ou moins) importe. Mais pour Gaston Bonheur qui précise que Jean Prouvost assurait à Vailland, à lui-même et d'autres, « un demi-salaire » lorsque Paris-Soir se replia en zone sud (dans L'Ardoise et la craie, éds La Table Ronde), c'est autre chose. 
« Vaillant » renseigne aussi sur la postérité de Vailland (encore forte dans les années 1980-1990, fléchissant dans les 2000 et suivantes, jusqu'à possible résurgence).
Et puis, ce même Vaillant repéré grâce à Google dans les Études de presse d'avril-mai 1946 se retrouve entièrement numérisé sur Gallica (sur Vailland, voir pp. 429-431), ce qui permet donc de retrouver ce passage : « c'est un article de Roger Vaillant (sic) dans Privilèges des femmes du 6 décembre 1945 qui contient le plus de détails sur la presse pourrie d'entre les deux guerres. ». Restera à retrouver l'article et une collection de l'hebdomadaire fondé par Lucie Aubrac avec l'appui de Marcel Bleustein-Blanchet (sept numéros, d'octobre à décembre 1945, seraient à la BnF ; Lucie Aubrac en évoquera 13 dans Clio, n⁰1, 1995).
Mais quelques-uns des plus « beaux » Roger Vaillant-Vailland que j'ai pu dénicher se trouvaient dans des (rares) numéros de Paris-Soir. Dont au bas de ce « Chimène saura-t-elle se servir de son bulletin de vote ? » (article en ligne sur ce même blogue-notes, jtombeur.blogspot.com). L'article est bien signé Roger Vailland, mais la mention « Copyright Roger Vaillant et Paris-Soir 1932 » se trouve juste en-dessous...