samedi 7 septembre 2019

Brexit : À quoi joue-t-on ? Veto français envisageable ?


La France opposera-t-elle son veto à une demande de prolongation ?

Pierre Sellal, ancien ambassadeur, a-t-il reçu l’aval de l’Élysée pour déclarer à la presse britannique que la France opposerait son veto à une demande britannique de prolongation de la date de sortie du Royaume-Uni de l’UE ? En tout cas, Jean-Yves Le Drian lui a fait écho, peut-être après avoir pris connaissance de la décision de Boris Johnson de saisir la Cour suprême britannique afin de ne pas aller à Canossa-sur-Senne (Bruxelles) en pénitent.
The Daily Express, The Independent, et d’autres titres britanniques répercutent une surprenante déclaration de Pierre Sella la BBC. Sur le mode d’un « à quoi bon ? », la France opposerait son veto à la demande du Royaume-Uni d’obtenir un report de la date d’application du Brexit.
Pierre Sellal, actuel président de la Fondation de France, ex-plénipotentiaire à Bruxelles de 2002 à 2017 (après avoir occupé précédemment de moindres postes à Bruxelles et quelques autres de premier plan au Quai d’Orsay au cours de cette période), a-t-il pu évoquer cette éventualité à la légère ?..
La France, quelle que soit l’issue des démêlés ou conciliations entre les conservateurs et le Brexit Party ou les différentes formations pouvant ou non former un futur gouvernement, n’aurait, à l’issue des élections qui se profilent outre-Manche, pas la certitude que reculer ne reviendrait pas à finir par mieux sauter.
Cette intransigeance française incommoderait certes l’Allemagne et d’autres pays mais surtout risquerait de mettre à mal le fragile processus de paix entre les factions nord-irlandaises entré en vigueur en 1998. Le directeur de la police d’Irlande-du-Nord a déjà promis des représailles : tout terroriste se verra privé et de liberté et de ses droits parentaux…
Soit l’ancien diplomate ne parle que pour lui-même, soit il s’agit d’un bluff répondant à celui de Boris Johnson (lequel laisse entendre qu’il pourrait refuser de se plier à la volonté majoritaire du Parlement et ne pas solliciter de prolongation), ou encore d’une volonté arrêtée dont l’annonce ne saurait trop tarder (les 17 et 18 octobre se tient le Conseil européen).
Lundi prochain, les conservateurs et le DUP nord-irlandais proposeront la tenue d’élections anticipées le 15 octobre… Il semble qu’en dépit de divergences, la nouvelle opposition, devenue majoritaire, déclinera l’offre, car désireuse d’un retour aux urnes en novembre.
Nouvelle défaite en perspective pour Boris Johnson qui n’a plus le choix… Soit, lui-même ou un représentant de son gouvernement demande un report de la sortie de l’Union (en proposant la date du 31 janvier ou toute autre ultérieure que le Conseil européen pourrait ou non avancée), soit non.
Dans la première hypothèse, les conservateurs s’aliènent le Brexit Party. Dans la seconde ils voient de nouveaux dissidents jeter l’éponge, se présenter en tant qu’indépendants, rejoindre les libéraux-démocrates, et Boris Johnson risque d’être traîné devant les tribunaux. Faire fi la volonté parlementaire, même en invoquant celle de la population (découlant du referendum), expose à une peine de prison.
Plutôt « crever », a fait savoir le Bojo, que de céder à la volonté de l’opposition ou, se démettre, déclencher un vote de confiance, provoquer coûte que coûte des élections (mais de toute façon après le 31 octobre).
Opposer un veto conduirait à provoquer un gâchis économique et jouer un incertain coup de dé. L’issue n’est pas sûre : la composition du futur gouvernement britannique est plus qu’incertaine, et si l’opposition l’emportait et proposait un nouveau referendum (celui du « Final Say »), la partie de l’opinion déboussolée pourrait tout aussi bien — sauf sans doute en Écosse – confirmer le vote antérieur, avec une marge imprévisible.
Autre coup dur pour Boris Johnson. Il a multiplié les embrassades avec Donald Trump lors du G7, mais les Républicains commencent à de se demander si leur président n’est pas réellement atteint de sénilité ou d’autres troubles mentaux. Le Donald, qui n’est pas avare d’invectives semblables à l’encontre de ses opposants démocrates (dont Joe Biden, plus âgé que lui, Nancy Pelosi, bientôt 80 ans), passe de plus en plus pour irresponsable à la Maison Blanche. Certes Mike Pence, le vice-président étasunien, rencontrant récemment Boris Johnson, n’a pas infirmé les propos du Donald sur un accord commercial « fantastique », mais Larry Kudlow, de la Maison Blanche, s’en est chargé : la priorité, pour les États-Unis, c’est d’aboutir lors des discussions avec le Canada et le Mexique. L’USMCA est notre “top legislative priority”, a déclaré Larry Kudlow au Daily Mail.
Cela devrait faire réfléchir les Britanniques… Oui, mais, soit l’opinion est dépassée, ne sait plus à qui trop se vouer, se bouche les oreilles, soit n’écoute plus que ce qu’elle veut entendre.
Si un tel accord était ardemment désiré, il serait déjà plus ou moins sur les rails. En fait, les États-Unis non seulement attendront que le Brexit s’accomplisse, mais ils ne s’empresseront pas de faire avancer les discussions : ils ne savent trop qui (un gouvernement conservateur ou un autre) ils devront laisser mûrir, et enchaîner les concessions. D’ailleurs Mike Spence s’est bien gardé de qualifier le Brexit à venir (négocié ou non). Il a certes dit, en substance, say Goodbye, I say Hello, nous serons in quand vous serez out. Hela, helloa, heba, chantaient longuement les Beatles. It’s the lousy tricky not so magical mistery tour. Tour de table ou de cochon ?
J’ai été agréablement surpris de lire John Rentoul (The Independent) évoquer le « compromis Garamond ». Je m’attendais plutôt à ce qu’il devrait recouvrir, soit une recomposition superficielle du compromis de Theresa May par Boris Johnson, serait désigné par le nom de Baskerville ou celui de Caslon. Le Garamond servit à imprimer l’édit de Nantes, mais les liens des deux autres avec les graveurs de poinçons français, et Nantes et le continent, plaidaient à mon sens davantage pour adopter ces noms. Mais bon, nombre de polices de caractères dérivées du Garamond (Sabon, les Garamond de Stempel, de Slimbach, d’autres…) peuvent être qualifiés de « compromis ». Je ne saurais dire si l’Adobe Garamond utilisé pour les livres de la saga Harry Potter a influé sur ce choix.
Or, le Withdrawal Agreement de Theresa May (l’accord de retrait), réimprimé en Garamond, ou tout autre police, peut-il vraiment être remis sur la table, et quand ? Plutôt que de rester dans l’expectative, sans trop savoir où elle mènerait, faut-il miser sur un improbable moyen terme, refuser les prolongations, attendre de voir si oui ou non, comme l’annonce un sondage, les 13 députés conservateurs écossais céderaient leurs sièges au SNP. Lequel proclame qu’il veut l’indépendance et rejoindre l’Union européenne ensuite…
On en était là hier, samedi... Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, a attendu ce dimanche pour déclarer que la date de sortie (Halloween, donc, 31 octobre) ne sera pas repoussée « en l'état actuel des choses ». Ce qui revient à dire que si le Bojo, ou un autre mandaté par son gouvernement, ne vient pas jouer le bourgeois de Londres, la corde au cou et un accord au bout, à Bruxelles, ce sera niet.  Bojo, souviens-toi du vase de... Calais (août 1347). C'était sur Europe 1 lors de l'émission Le Grand Rendez-Vous. Nenni ma foi, répondra Boris Johnson ? Pour le moment, il a fait savoir, via Dominic Raab, et le Foreign Office, qu'il allait saisir la justice pour contourner la loi exigeant de lui de solliciter un report. Ce qui implique que la Supreme Court se prononce. Quand ?
Bon, tout ça, en regard du fait que la SNCF mène des travaux entre Paris et Saint-Quentin, et que, de ce fait, je n’ai pas commencé à lire le dernier Philippe Lacoche, Mise au vert (éd. du Rocher), est dérisoire. Je ne lis plus livres ou presse écrite que dans les transports (collectifs ; pour les intimes, j’ai fait l’essai, abandonné). Et aller à Creil en train pour se taper ensuite des heures d’autocar, j’ai renoncé.
Rigolo. RCF, radio chrétienne, considère que Philippe Lacoche est « un écrivain revigorant ». Pas faux. Roboratif itou. « C’est écrit avec brio  », qu’ils disent (Michel Bouvier et Bernard Leconte, de RCF). Moins brouillon que le Brexit, serais-je tenté d’estimer, d'emblée. Lisez Mise au vert, laissez tomber la mise à la diète du Brexit.
Conseil que je devrais m'appliquer... Mais quand Amber Rudd, Pensions Secretary (secrétaire d'État chargée des retraites, pour simplifier) quitte le gouvernement conservateur alors que John Mann (Labour) quitte son parti pour prendre un poste semi-ministériel (chargé de la lutte contre les discriminations) histoire de faire valoir que Jeremy Corbyn est un anti-sémite (souvenez-vous du report de la date initiale prévue pour des élections anticipées en raison d'une fête israélite), difficile de décrocher. Rudd, c'est du rude... 

jeudi 5 septembre 2019

Brexit : poker menteur entre B. Johnson et J. Corbin

Élections anticipées : Boris Johnson prend Jeremy Corbin au mot près

La presse s’est empressée de faire toute une histoire de la démission du gouvernement et de son siège de député de Jo Johnson, frère du Premier ministre. En fait, c’était plutôt logique. Mais l’essentiel reste de savoir si Jeremy Corbin tiendra sa parole lundi prochain et consentira à des élections anticipées.
Normal. La presse britannique (en ligne) monte en tête de page d’accueil la sortie (peu fracassante) de Jo Johnson. Donc, la presse française, belge, suisse francophone, embraye.
Or, c’était assez logique… D’autres éminents conservateurs ont annoncé avoir renoncé à se représenter, histoire de ne pas laisser penser qu’ils œuvreraient contre leur ex-formation, d’autres (au moins dix) veulent se maintenir sous l’étiquette conservateur, mais pourraient se voir opposer d’autres candidats. Et c’est d’ailleurs peut-être ce que le Bojo a dit à son frère : soit tu t’alignes, soit à Orpington, ta circonscription, je te mets une pointure en face (un Tory, voire un membre populaire du Brexit Party). Selon The Sun, le Premier ministre aurait toutefois longuement bataillé en privé la nuit dernière pour que son frère renonce à sa décision.
Vous gaverai-je avec toutes ses contributions sur le Brexit ? En parenthèse, deux raisons : ce n’est peut-être pas aussi crucial que le réchauffement climatique, mais… ; la presse française fait assez bien son boulot, mais rate parfois le coche sur des détails qui n’en sont pas (ou n’en fait état qu’avec retard).
Or donc, bien sûr, ce qui est important, ce n’est pas en soi que Jo Johnson prenne le large, et si cela se trouvait, il l’a fait en concertation avec son frère. Ce qui prime, c’est l’effet d’entraînement des défections ou limogeages (bien plus d’une vingtaine, car l’épuration du parti, préconisée par l’éminence grise du 10, Downing Street, Dominic Cummings, a précédé les votes aux Commons).
Pour le moment, un seul député conservateur a rejoint les rangs des libéraux-démocrates. L’épuration peut se poursuivre, surtout si Nigel Farage, du Brexit Party, et le Bojo se partagent les rôles et les circonscriptions…
Bojo riposte
Finalement, les Lords conservateurs alignés sur Downing Street ont jeté l’éponge aux petites heures de ce jeudi… Ils avaient pour consigne initiale de faire durer les débats ad nauseam. Restait aussi à Boris Johnson, au risque de heurter partie de l’opinion, de retarder la demande d’assentiment de la reine. La loi le contraignant à ne pas déclencher l’article 50 et la sortie de l’UE sans accord sera promulguée.
Or Jeremy Corbin avait déclaré que, dans ces conditions, il ne s’opposerait pas à des élections anticipées. Le Bojo le prend au mot, sachant aussi que le Scottish National Party espère se renforcer à la faveur d’élections anticipées.
Donc, Boris-le-menteur, lundi prochain, va jouer à « je te tiens par la barbichette » avec Jeremy-le-velléitaire. Un coup tu dis oui, un coup non, c’est qui le plus menteur de nous deux ?
Les conservateurs sont divisés, les travaillistes aussi. Certains travaillistes souhaitent des élections rapidement, d’autres veulent que les Britanniques ressentent les effets d’un Brexit sans accord avant de retourner aux urnes. Soit repousser la date en novembre, plutôt vers la fin du mois. C'est ce qu'annonce John McDonnell (Labour) : bloquer la date jusqu'à novembre...
Les travaillistes vont donc jouer sur les mots. Certes, leur chef de file a déclaré que si la loi entrait en vigueur, il irait au combat, mais il fallait comprendre qu’en fait, il faut attendre que l’UE, saisie de la question d’un report, annonce une nouvelle date butoir (fin janvier 2020 ou au-delà). Mais il faut être deux pour le tango, et Boris Johnson clame qu’il ne sollicitera pas un report…
La date du 14 octobre avait été d’abord annoncée. Elle coïncide avec une fête israélite, donc, c’est désormais le 15… Voire le 16. En tout cas avant ou même le 17, date d’un sommet du Conseil européen avec le Brexit à l’ordre du jour.
En termes de campagne électorale, que des élections interviennent avant ou après ce sommet, cela donnera Bojo le séide de Donald Trump contre Jeremy la poule mouillée stipendiée par Donald Tusk (ou l’UE at large).
Auparavant, le Bojo donnera l’impression qu’il n’est pas près à tout concéder au Donald. Il a reçu aujourd’hui l'Américain Mike Pence, lui a dit qu’il n’était pas très chaud pour importer des poulets chlorés et qu’il fallait que le haggis écossais (la « panse de mouton farcie ») puisse être vendue librement aux États-Unis. On voit le niveau.
Les Commons comptent 650 députés. Les conservateurs sont réduits à 289 sièges, avec l’appoint de dix autres (les unionistes du DUP nord-irlandais). Ce bloc semble désormais à peu près soudé. La majorité des deux-tiers est de 434 voix. Si les travaillistes (247 sièges) se divisent… Mais dans quelle proportion ?
Selon les sondages, les conservateurs restent stables (33 % d’intentions de vote), mais le Brexit Party gagne deux points (de 12 à 14 %), les libéraux-démocrates (LibDeb) sont à 17, le Labour à 26. Restent tous les autres (huit formations).
Il est patent que la personnalité de Jeremy Corbin, très controversé, joue en défaveur du Labour.

D’ici au 9 prochain au matin, il est très difficile de présager ce qui peut se produire, et encore plus ce qu’il adviendra au soir. Mais si, par exemple, Michael Gove, l’alter ego de Boris Johnson lors de la campagne pour le Leave, laissait entendre que, tout compte fait, le gouvernement est mal préparé à une sortie sans accord, qu’il n’y a pas de plan alternatif crédible, &c., la démission de Jo Johnson et d’autres serait reléguée au rang d’épiphénomène. L’inattendu est presque plus qu’attendu… Gove, interrogé sur ce qu'il adviendra après une sortie sans accord a répondu que « je pense que l'avenir n'est connu que par le Tout Puissant » (the Almighty). Hilary Benn, en charge du comité sur le Brexit lui a rétorqué que ce tout puissant ne comparaîtrait pas devant le dit comité...

Brexit : Boris Johnson ne peut obtenir « ses » élections

Il fallait au Bojo 434 voix ; il n’en obtient que 299

Des élections anticipées pourraient avoir lieu au Royaume-Uni, mais quand ?
Hier, le gouvernement conservateur de Boris Johnson ne recueillait que 301 voix, ce jour, dans un premier temps, en seconde lecture d’un projet de loi lui intimant de ne pas imposer le Brexit sans accord au 31 octobre, il n’en obtenait plus que 300. Et ce 4 septembre, fort tard, sa proposition d’organiser des élections anticipées le 15 octobre n’a recueilli que 298 suffrages. En fait, si, forts d’un sondage récent, des indépendantistes écossais (du Scottish National Party) ont sans doute voté avec les conservateurs (enfin, ce qu’il en reste), les unionistes nord-irlandais, et quelques dissidents de l’opposition, les travaillistes et d’autres se sont abstenus. 56 votes contre ont aussi été exprimés.
La loi imposant de fait un possible report de la date butoir d’application de l’article 50 (avec ou sans accord entre le Royaume-Uni et l’Union européenne) est cette nuit, et sans doute longuement, discutée par les pairs, les Lords… Les Peers conservateurs ont reçu pour consigner de faire durer les débats. Cela n’offrira qu’un sursis, Boris Johnson devra sans doute devoir la présenter à la reine pour recueillir son assentiment. Ce n’est qu’alors qu’elle sera promulguée…
S’il choisit de retarder l’échéance trop longtemps, il devra sans doute affronter un tribunal. Après que la reine ait donné son accord, le parti travailliste pourrait réviser sa position, soit consentir à affronter les urnes.
Mais certains travaillistes peuvent être tentés de laisser Boris Johnson mijoter, mariner dans son impuissance : il pourra, jusqu’aux élections, gouverner, mais de fait, il n'a plus de mandat pour négocier à Bruxelles à sa guise… Et par un singulier retournement, le précédent plan négocié de sortie de l’Union, celui de Theresa May, pourrait finir par être — possiblement assorti d’aménagements mineurs — adopté. Son élément majeur, le backstop irlandais, dont l’abrogation est la condition sine qua non que réclame Boris Johnson, serait maintenu… Cela reste toutefois théorique.
L’un des seuls à rester confiant en la capacité du Bojo de finalement l’emporter reste le Donald… « Il sait comment gagner, ne vous inquiétez pas pour lui », a déclaré Donald Trump. Allister Heath, le redchef du Sunday Telegraph, semble penser de même : Johnson se maintiendra, empêchera l’électorat conservateur farouchement eurosceptique de déserter pour rejoindre le Brexit Party. The Telegraph a pris de longue date nettement position pour le Brexit.
En attendant, le parti conservateur tangue… L’analyse du dernier vote montre que seulement 284 députés conservateurs ont voté pour des élections anticipées (ainsi que les dix unionistes du DUP nord-irlandais, et un seul indépendant, et trois travaillistes). Cette érosion découle du fait que 21 conservateurs ont été expulsés du parti (privés du whip, cette circulaire exposant les consignes de vote), et que cela n'a pas fait l'unanimité dans ses rangs (enfin, l'électorat serait majoritairement pour, les élus davantage divisés).
Or, parmi eux, il y a celles et ceux ne se représentant pas, qui seraient donc remplacés par des candidat·e·s moins connues, d’autres qui ont la possibilité d’être reconduits (car populaires dans leurs circonscriptions, parmi l’électorat conservateur minoritaire encore opposé à une sortie de l’UE sans accord, ou pouvant se rallier divers suffrages inattendus). Ne pas les réintégrer à temps fragiliserait le parti Tory, estiment nombre de ses plus éminents membres.
C’est l’opinion de la cheffe de file démissionnaire des conservateurs écossais, Durth Davidson, partie sur la pointe des pieds, mais s’exprimant à présent publiquement. D’autres piliers conservateurs ont exprimé leur opposition au limogeage.
Une possibilité aurait pu être que Boris Johnson devienne l’un des plus éphémères Premiers ministres du Royaume, et démissionne à court ou moyen terme. Mais il s’accroche. Sa démission entraînerait pourtant sans doute un retour aux urnes. Avec sans doute pour conséquence une montée du Brexit Party (crédité jusqu'à présent de 12 % par les sondages).
Il reste qu’une élection anticipée peut encore intervenir le 15 octobre, comme le veut Johnson, si le Labour, ayant obtenu la garantie qu’une sortie sans accord est désormais exclue, en décide (en accord sur ce point avec le SNP). Mais s’il préfère attendre les lendemains du 31 octobre, et une érosion de la popularité des conservateurs, aucune date précise ne se profile.
Et quoi que l’on puisse penser de tout cela, l’éventualité d’une sortie sans accord du Royaume-Uni le 31 octobre subsiste.
Ce alors même qu'un très récent sondage YouGov indique que 46 % des Britanniques (contre 41 %, plus les indécis) seraient favorables à un second referendum.
Et que, selon Michel Barnier, s'adressant à des diplomates, les négociations sont au point mort: Boris Johnson n'avance pas de propositions autre que de retirer le backstop nord-irlandais du pré-accord précédent devenu caduc. Le Bojo refuse d'ailleurs de divulguer quelles sont ses pistes de négociation et Downing Street se borne à répéter que des mesures sont prises pour une sortie sans accord. 
Le meilleur titre de presse francophone traitant de l'issue de cette seconde journée (désormais écoulée) au parlement britannique me semble être celui de la Libre Belgique : « (...) mais rien n'est réglé ».


mercredi 4 septembre 2019

Brexit : l’Union européenne devrait accorder une prolongation ?

Le Parlement britannique demande un report du Brexit à janvier 2020

C’était prévisible, mais c’est plus net que prévu… Avec 29 voix d’écart, les députés britanniques ont repoussé l’éventualité d’une sortie de l’Union européenne sans accord. Reste à savoir, tard cette nuit, si la tenue d’élections générales sera ou non possible (une majorité des deux-tiers est requise).
Les débats à Westminster ont tourné rapidement au psychodrame (le pugilat autre que verbal a été évité). Boris Johnson a invectivé rudement son opposition élargie et le chef de file travailliste, Jeremy Corbin, en particulier. Un long débat a précédé le vote confirmant le refus de la majorité d’aboutir à une sortie sans accord. Surprise, alors que le Bojo avait été désavoué, en première lecture, la nuit dernière par 328 voix contre 301, l’écart s’est creusé (329 contre 300).
D’emblée, Boris Johnson avait éjecté 21 conservateurs… Ils n’ont pas rejoint les bancs des indépendants, ou ceux des libéraux-démocrates (l’un d’eux l’avait fait hier) mais sont restés à leurs places… D’où vient donc cette défection supplémentaire ? Theresa May, qui n’a pourtant pas été expulsée de son parti ? Non pas, mais Caroline Spelman (une ancienne secrétaire d’État, de 2010 à 2012).
Les conservateurs privés d’investiture et se représentant en cas de nouvelles élections ont quelques chances d’être réélus. L’électorat de leurs circonscriptions s’était prononcé pour le maintien dans l’UE, ou fut partagé à parts égales entre le Leave et le Remain, ou à une faible majorité pour le Leave, sauf une poignée (Margot James, ancienne ministre des Affaires culturelles, est en fait la seule dont le sort semble compromis). Car depuis le referendum, l’opinion s’est quelque peu retournée… contre non forcément la rupture, mais une rupture sans le moindre accord…
Reste à savoir (sans doute vers 23 heures) si Boris Johnson convaincra de la nécessité d’organiser de nouvelles élections. Il doit réunir une majorité des deux-tiers (434 votes). Le parti indépendantiste écossais veut des élections, une majorité des travaillistes veut attendre que la chambre haute, les Lords, ratifie la décision des Commons, puis que la reine l'entérine… De fait, ils se partageront sans doute. Ils voteront pour, contre, ou s’abstiendront. Deux députés travaillistes sont au nombre des 300 (285 conservateurs, les dix unionistes d’Irlande du Nord, trois indépendants). Mais les autonomistes gallois (du Plaid Cymru) ne veulent pas retourner devant leur électorat…
Farage, du Brexit Party, a chaudement approuvé la décision de Johnson d’expulser les 21 conservateurs « rebelles ». Un compromis entre les partis Tory et Brexit semble en bonne voie : les candidat·e·s n’iraient pas trop chasser sur les terres (les circonscriptions) gagnables des autres.
En attendant, les conservateurs promettent la Lune : plus de policiers, des fonds supplémentaires pour tout et n’importe quoi, et d’autres encore destinés aux circonscriptions favorables à un Brexit sans accord. Ces promesses resteraient à être concrétisées.
Resterait à savoir, si, comme lors du référendum, les Brexpats (les Britanniques résidant à l’étranger) pourront ou non voter, si leurs votes seront pris en considération ou non.
Voici peu (20:30, heure de Paris), les députés discutaient divers amendements…
Mais que Boris Johnson obtienne ou non des élections générales, ce qui est sûr, c’est qu’il a perdu beaucoup de sa superbe.
Il lui reste deux options… Intimer aux Lords de faire durer leurs débats indéfiniment (les Lords conservateurs se relayant pour jouer la montre), ne pas présenter la loi à la reine : elle n’entrerait pas en vigueur…
Et puis, si jamais il était désavoué encore cette nuit, il lui resterait à tenter de défier à nouveau la majorité parlementaire, en proposant une autre loi visant à ce que des élections se tiennent. Cette loi, pour entrer en vigueur, n’exigerait qu’une simple majorité. Dont il ne dispose plus, vraisemblablement.
La position de l’Union européenne reste ferme. Tout peut être discuté, sauf le backstop qui permettrait de ne pas rétablir une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord. À moins bien sûr que le Bojo sorte de sa poche une solution-miracle alternative que personne, en trois ans de négociations, n’a pu esquisser.
On en était là, et puis, peu avant 21 heures (Paris), coup de théâtre : le plan de Theresa May (incluant le backstop) a été revivifié par un amendement soutenu par Sarah Champion (Labour). Il pourrait être remis sur la table, après avoir été retoqué par trois fois.
Boris Johnson a repris la parole, affirmant de nouveau qu’on l’empêchait de négocier à Bruxelles en position de force, mais qu'il ne céderait sur rien… Il réclame que des législatives se tiennent le 15 octobre…
Corbin a rétorqué que, tant que la loi exigeant un report n'obtiendra pas l'approbation de la reine (donc deviendra effective), il s'opposera à toute convocation de l'électorat.
Il n'y a que Donald Trump à rester confiant... Il a déclaré à des journalistes que le Bojo s'y entendait pour l'emporter au final : « ne vous inquiétez pas pour lui ». Pas si sûr, à présent.

mardi 3 septembre 2019

Brexit : mieux vaudrait aucun accord que cette guerre des nerfs ?


Boris Johnson semble devoir perdre son pari…

Ras-le-bol. Il semblerait (22 heures, à Paris) que Boris Johnson – fieffé menteur – ne pourra déclencher des élections le 14 octobre, et devra soit se renier (une fois de plus), soit se démettre, soit plier et se voir forcé de solliciter de l’Union européenne un report de l’application de l’article 50…
Si j’ai bien tout compris… Ce qui n’est pas sûr. La seule chose dont je sois certain, c’est que je plains mes consœurs et confrères britanniques… J’ai suffisamment couvert des élections, obtenu ou non des reports de minute en minute du moment de la dernière tombée de copie (et la mise en route des rotatives, ou de la clôture des fils) pour compatir. Je pense à celles et ceux de The Independent (si elles sont ou ils sont toujours en poste, qui m’accueillirent en stage) et à toutes et tous les autres…
Si j’ai à peu près partiellement compris, il est confirmé que le Bojo est un menteur éhonté. Il avait donné son accord à solliciter de la reine une suspension du Parlement une semaine avant proclamer le contraire.
Il n’avait qu’une majorité d’un siège, il l’a perdue… Quoi qu’il advienne du sort de Phillip Lee, ex-conservateur, qui a rejoint dramatiquement les bancs des libéraux-démocrates. Ce dernier n’est pas si bienvenu : il pourrait devoir siéger en tant qu’indépendant… Des LibDem n’ont pas oublié ses prises de position sur les homosexuel·e.·s. Go astray to where you should belong
Qu’importe. Le plan de Boris Johnson consistait à forcer la main des députés en les renvoyant devant les électeurs le 14 octobre. Sauf qu’il lui faut obtenir une majorité des deux-tiers et que les travaillistes le… quoi ? L’emmerdent, le conchient ? Outre Phillip Lee, les conservateurs ont une vingtaine de dissidents dans leurs rangs. Même si tous les autres votaient pour l’appel aux urnes, Bojo n’est pas sûr de l’emporter. Car les libéraux rejoignent les travaillistes. Élections, oui, mais pas avant qu'il soit acté que le Parlement veut un accord (bancal ou autre).
Michel Barnier, ne serait-ce que pour préserver mon sommeil ou mes envies de lectures, ne pourriez-vous, d’urgence, intimer que les dispositions de l’accord prôné par Theresa May ne sont plus renégociables ? Ni sur le fond, ni à la marge ?
Qu’est-ce que cela changerait vraiment si la date d’entrée en vigueur de l’article 50 était repoussée au 31 janvier 2020 ? Devoir accorder des nuances et points de détail à va savoir qui ?
Voici que 18 travaillistes veulent déposer demain deux amendements stipulant que le Parlement se détermine pour une sortie de l’UE assortie d’un accord. Pas un seul Cromwell parmi eux. Jacob Rees-Mogg (Brexiter, conservateur) s’étale sur le moelleux sofa des bancs du gouvernement et fait semblant d’être assoupi. Un député (que je ne peux reconnaître) s’évente. Mary Creagh (travailliste) a rejoint la buvette et promet un revers pour le Bojo… Encore un quart d’heure à attendre…
La machine à café me manque (la collective, celle d’une rédaction). Cela va être pastaga (au frigo, je sais, je ne devrais pas) de ma cuisine. Il est fort peu insisté sur le tabagisme et l’alcoolisme des journalistes chambriers du fait des parlementaires. L’amiante… Il fallut des années. Pour les jeunes consœurs et confrères, j’en appelle à la mobilisation confraternelle : si les jurés d’assises ont des raisons recevables de nous faire lanterner, quid des parlementaires ?
Selon The Telegraph, les conservateurs vont désavouer le Speaker (issu de leurs rangs, le président de la chambre), et appeler à voter contre lui s’il se représentait. C’est inédit. Va-t-on ou non vraiment vers des élections ?
Selon le pronostic de Luc Pollard (travailliste), le gouvernement va se prendre une trentaine de votes dans la vue… Grâce à de courageux conservateurs dissidents. Qui vont perdre l’investiture de leur parti. Si, et seulement si, élections générales s'ensuivront.
Finalement, j’opte pour du cidre (puissant rot breton, évidemment). Ce qui est insoutenable, ce n’est pas l’issue du vote, mais la date effective d’entrée en vigueur du Brexit. J’ai une famille, un chien à m’occuper… Au diable cochons conservateurs, couvées travaillistes. Tant va la cruche à l'eau...
Bon, Luc Pollard fut un poil optimiste : 27 d’écart seulement. Boris Johnson réitère qu’on lui coupe les jambes pour négocier à Bruxelles… 328 contre 301.
Jeremy Corbin lui prescrit qu’il devrait organiser un second référendum où je n’ai pas tout pigé ? Dois-je ou non modifier mon sous-titre ? Oh, la barbe…
Greg Clark (ancien ministre de l’Industrie, &c., conservateur) balance un truc du genre My Country First… Quelles que soient les conséquences électorales (désaveu de sa formation). Duraille, le décrochage…
Il semblerait que la majorité parlementaire s’accroche et que libéraux et travaillistes ne voteront pas pour la convocation d’élections générales… Reste à savoir que les partis nationalistes écossais ou gallois décideront (à mon sens, ils vont laisser pourrir).
C’est peu stupide, cette manière de coller à l’actu immédiate, non ? Céderais-je à l’air du temps ?
Or donc, Boris Johnson veut tenter d’obtenir des élections… Il va peut-être devoir se l’enfoncer profond : et quoi, demain, après-demain, le jour suivant ? Bon, mon verre est vide, je le plains autant que mes amis écossais se plaignent de certains de leurs voisins sudistes.
I’m giving myself a break…
Ah, si quand même : Nicholas Soames va se faire virer du parti conservateur... Ce n'est autre que le petit-fils de Churchill... Vous imaginez l'amiral de Gaulle... Tout un symbole. Le Bojo est en mauvaise posture. Et ce n'est plus par flemme que je conserve mon sous-titre.

Médialogie : contrat de l’institutrice, laïcité et miscellanées

Du contrat de l’institutrice de 1923 et autres « clichés » commodes

Récemment (entrée Facebook datée du 1er septembre), je tombe de nouveau sur le fameux visuel Contrat de l’institutrice, 1923. Un faux ? Un habile plaidoyer pour inciter à autoriser les fonctionnaires musulmanes à porter le voile ? N’extrapolons pas trop…
Pour qui aurait échappé à cette tarte à la crème qu’est ce Contrat de l’institutrice, 1923, autant en retranscrire l’essentiel…
Contrat de l’institutrice, 1923
En vertu de la présente entente entre Mademoiselle ___, institutrice, et le Conseil de l’école ___ (…) Mademoiselle ___ se conformera aux conditions suivantes :
1-Ne pas se marier ;
2-Ne pas fréquenter d’hommes ;
3-Ne pas sortir de la maison entre 8 h du soir et 6 h du matin (…) ;
4-Ne pas traîner dans les bars laitiers du centre-ville ;
5-Ne quitter la ville sans avoir reçu la permission (…) ;
6-Ne pas fumer de cigarettes ;
7-Ne pas boire de bière, de whisky ou de vin (…) ;
8-Ne pas monter dans une voiture (…) avec un homme autre que son frère ou son père ;
&c.
La suite portant sur la tenue vestimentaire, les tâches quotidiennes ou hebdomadaires relatives à la préparation ou remise en état de la salle de classe…
Tout d’abord, est-ce un faux ? Radio Canada, ayant consulté le site Hoaxbuster, conclut qu’il s’agit d’un canular… Ah bon ? Ayant eu entre les mains l’original, l’avoir communiqué aux experts d’Adobe, Monotype, Microsoft Typography, et à des consultants spécialisés en papeterie ? Lesquels détermineraient la provenance du papier et si, oui ou non, la composition fut effectuée au plomb ou en utilisant une police numérique (et exactement laquelle) ?
Ce que je constate, c’est que « bar laitier », traduisant tant diary bar que milk bar ou ice-cream parlour, correspond à un « petit commerce (…) de produits laitiers (…) à base de glace alimentaire » (Thésaurus de l’activité gouvernementale ; Grand dictionnaire terminologique : mise à jour 2016). Mais, en juin 2011, l’Office québécois de la langue française en déconseillait l’emploi (au profit de « comptoir de crème glacée »). La locution ne serait apparue que vers la fin du siècle dernier, voire le début du présent millénaire. On la retrouve au Tchad ou au Cameroun pour désigner des débits de lait (plus ou moins frais), fixes ou ambulants, vers 1990. En Afrique, la « molle à l’érable » (glace au sirop…) se vendrait plutôt chez un glacier. Je n’ai pu déterminer quand Le Bobil (ex-Le Robil en 1946) du boulevard Hamel de Saguenay (« plus vieux bar laitier de Québec », selon Le Quotidien) s’est ainsi qualifié, mais je note que Le Petit Robert (édition québécoise) a attendu 2013 pour admettre cette entrée. Faux document, donc, celui daté de 1913.
Le faussaire (ou galéjeur) se serait inspiré soit du règlement de la Westwood Hills California Christian Church de 1915, soit d’un document de 1872 (ou d’autres, bien antérieurs, et d’origines anglophones).
L’un de ces documents stipulait (adaptation libre de l’anglais) que les instituteurs pouvaient s’accorder un soir par semaine (ou deux s’ils fréquentaient une église assidûment) pour se trouver une épouse, tandis que les institutrices se fiançant ou se mariant seront démises de leurs fonctions, donc limogées. Il était proscrit aux enseignant·e·s de fumer, boire des alcools, de fréquenter des salles de billard ou des débits de boisson (et pour les hommes, les barbiers). Après dix heures de travail (enseignement, tenue des locaux, préparation des cours et corrections des devoirs), il était recommandé de lire la Bible ou « d’autres bons livres ».
Pro-voile ?
Quelles furent les intentions du ou de la faussaire ? Rien en tout cas ne permet d’affirmer que la résurgence de la diffusion de ce document controuvé découlerait de la polémique opposant Henri Peña-Ruiz (soutenu par les groupes Esprit laïque, Riposte laïque, &c.) à une partie des adhérents ou suiveurs de La France insoumise.
Pour mémoire, le philosophe avait employé le terme d’islamophobe (il aurait mieux été inspiré d’utiliser religiophobe, mais, bon…), soulevant un tollé. Ce alors que son emploi d’athéophobe n’inspirait pas la moindre diatribe et que sa phrase avait été tronquée (il considérait en fait qu’être « phile » ou « phobe » se concevait, mais qu’on n’aurait pas le droit « de rejeter des hommes ou des femmes parce qu’ils sont musulmans ou catholiques ou athées »). Ou polythéiste nazi ? Allez, padamalgam… et ne chutons pas en des travers outranciers qu'il faut laisser à d'autres.
N’empêche que si je ne peux présumer des intentions de qui reprend cette diffusion (pour des raisons qui peuvent aller du simple étonnement à la volonté de dénoncer la religiosité perdurant et la prégnance d’un christianisme se prétendant, selon certains, seul garant des bonnes mœurs dans notre société, ou la culture patriarchale, en passant par la facétie ressentie en lisant un texte cocasse et de vouloir la partager), je m’interroge.
Glissement donc, de ma part, du factuel à l’expression d’une opinion.
Je ressens la montée en puissance des communautarismes, mettons liant culturel et cultuel. Cultuel au sens large lorsque je constate que des végans adeptes du wiccanisme (néopaganistes) en viendraient (conditionnel, pure supputation) à se livrer à des fumigations et autres rites devant des boucheries ou des abattoirs, autour de zoos ou des étals de marchands de volailles vivantes sur des marchés.
Le voile musulman, donc… Comparable au fichu ou au chapeau de la femme « comme il faut » des débuts du siècle dernier, bonne pratiquante ou non.
C’est quelque peu oublier que si « les filles en cheveux », comme plus tard les garçonnes, étaient montrées du doigt ou affrontaient des regards réprobateurs, elles n’étaient pas harcelées. L’expression « fille en cheveux » remonte d’ailleurs au Code des Lombards qui prévoyait que des femmes pouvaient hériter de biens et qu’une veuve « reprenait son droit de fille en cheveux » (L’Investigateur, 1846, et écrits antérieurs). Tandis qu’en septembre 2019, un candidat d’Ennahdha considère que s’il est favorable à ce que les femmes puissent hériter, il ne veut pas l’imposer : « laisser les gens choisir, c’est plus judicieux » (Hatem Bouliabar, chaîne Elhiwarettounsi ; ces «gens» ne sont pas ceux de Mélenchon, mais si la gente féminine veut renoncer à hériter, alors...). Les Lombards, ou Langobards, c’est vers l’an 500.
Alors, laisser du temps au temps ? Mais au profit de qui ? De gens de bonne espérance ? 
Ou d’électoralistes se prétendant de gauche, de droite, de plus à dextre ou senestre, voire d’un centre frileux (Julien Denormandie, ministre de la Ville, considérant qu’Henri Peña-Ruiz s’exprima maladroitement et donna « le sentiment que c’est normal d’être islamophobe » – tweet du 28 août dernier) ? Et surtout soucieux de se concilier des électorats communautaristes ?
Ma religiophobie ne me porte pas à prêcher l’hostilité, la défiance systématique. On trouve partout (ou presque) des femmes et des hommes de bonnes volontés, ce qui ne les empêche pas de se fourvoyer (ou de le prétendre ? : zut, je m’étais promis de taire le nom de Yann Moix)…
Allez, retour à 1923… Zinaïda Kokorina devient pilote de bombardier dans l’aviation soviétique ; Marie Marvingt, pionnière de l’aviation sanitaire, est nommée déléguée de la Ligue aéronautique française ; Bessie Coleman, Afro-Américaine, écrase son Curtiss Jenny (biplan monomoteur) à Santa Monica ; Amelia Earhart obtient son brevet de pilote… 2019, Yasmeen Al Maimani, une Saoudienne, devient commandante de bord en second de Nesma Airways et pose aux commandes avec son supérieur (qui n’est pas un parent), sans voile sur la tête. La photo n’est pas truquée. Et elle n’a pas à faire le ménage de la cabine aux escales…
Les temps s’accélèrent parfois.