jeudi 14 novembre 2019

Brexit : Taisez-vous, Tusk !

Donald Tusk a certes raison, mais qu’il s’abstienne

L’Union européenne et le Royaume-Uni, ou plutôt l’Angleterre, c’est un peu comme la France et l’Algérie. Quoi que la France dise… Donc, « Taisez-vous, Elkabbach ! » (Georges Marchais, apocryphe, 1978). Oui, fermez-la, Donald Tusk.
Je comprends très bien que Donald Tusk regrette fortement de s’être trop abstenu de dénoncer les mensonges de la campagne pro-Brexit d’avant le référendum britannique. Cela me serait aussi (mais qui suis-je pour m’exprimer ainsi ; et comme ce qui suit ?) resté en travers de la gorge. Cependant, dans le contexte actuel qui voit des travaillistes en désavouer d’autres, des conservateurs idem, des lib-dems ibidem, et je vous en passe (vérifiez par vous-mêmes), des détails qui n’en sont pas, encore une fois, toute prise de parole « continentale » est mal advenue. Bien sûr, je partage l’opinion de Donald Tusk.
Selon laquelle le Royaume-Uni sera relégué en division 2, vassalisé par les États-Unis, quel que soit le futur président des United States of America.
Bien évidemment, citer Hannah Arendt n’est pas incongru (rien n’est irréversible tant que l’opinion s’en persuade). Et assurément, la tentation impériale irréaliste motive les Brexeeters. Irréaliste, même vue de différents pays du Commonwealth. Car si la Francophonie pèse encore quelque peu (plutôt peu), c’est parce que la France reste un élément majeur de l’Union européenne.
Donald Tusk s’était refréné, à juste raison. Il se sent à présent plus libre de s’exprimer. Je conçois. Remisé en coulisses, comme John Bercow, il peut s’estimer délivré d’obligations liées à ses fonctions antérieures.
Mais puisque Bercow, ex-Speaker des Commons, suffit à dire que le Brexit est la plus grosse bourde du Royaume-Uni depuis la dernière guerre, quel besoin d’en rajouter, venu d’ailleurs ?
Toute déclaration, un tant soit peu autorisée (pour mon compte, je sais ô combien je pisse dans un violon et que ma parole, de Tombeur, compte pour une coquillette), exacerbe des tensions.
Renforcer — silencieusement — les partenariats irlandais, écossais, cornouaillais, gallois et bretons, en tous domaines, sera bien plus efficace. C’est certes plus facile dans le cadre européen actuel. Mais cela se produira, plus difficilement, certes, en cas de no-deal, mais encore plus assurément. Alors, hush, Tusk, ne leur vends pas la mèche. 😉

mercredi 13 novembre 2019

Islamophobie : l’étoile verte déjà dans les têtes ?

Droit au blasphème et sur-indignation

Quelques manifestants du défilé contre l’islamophobie portaient un autocollant associant croissant et étoile jaune. Blasphème, se sont empressés de clamer nombre de celles et ceux dénonçant que les musulmans surjouent la victimisation…
Je réagis de manière un peu plus développée à ce qui m’a valu des commentaires critiques (et non vindicatifs). Je venais de prendre connaissance d’un texte vibrant d’indignation au sujet du fameux autocollant que de rares manifestant·e·s arboraient lors de la manifestation contre l’islamophobie. Texte intitulé « La bête immonde au service de l’islamisme cool : abject, innommable, impensable ! ». Peu au fait des tenants et aboutissants (origine de l’autocollant juxtaposant croissant et étoile, nombre de personnes l’affichant, analyse sémiologique…), je me suis contenté de consigner : « ne rien exagérer, ne rien surinterpréter. ». Je maintiens, et cela ne vaut pas que pour ce dont il est ici question. L’époque tourne à la prédominance de l’invective et de la surenchère à tout propos.
Je peux comprendre que, après la propagande négationniste un temps répandue en France (et toujours plus ou moins en vigueur dans le monde musulman sans réaction des autorités, enfin, que je sache…), voir des musulman·e·s utiliser un tel symbole, l’étoile jaune (qu’elle soit à x ou y branches ne change pas grand’ chose), hérisse nombre de consciences.
Mais question détournement, en faire un symbole sournois de l’antisémitisme dépasse la mesure. La plupart des locuteurs de langues sémitiques sont des sémites (encore que, d’un point de vue anthropologique, Juifs et autres se sont tellement mélangés depuis plus de deux millénaires…). On pourrait donc aussi interpréter cet autocollant comme la revendication d’une appartenance au groupe sémite. D’une proximité excluant l’agressivité, comme le renforce la présence, sur les photos les plus répandues, de la sénatrice Esther Benbassa, séfarade levantine. Tolérée par qui l’entoure, y compris pour ses convictions d’athée.
Dans un texte précédent (« Islamoréification : la marche pour le droit au blasphème »), je saluai le cran de cette jeune femme, sans doute issue de l’immigration, comme on dit, qui, copiant le mode d’action des Femen (mais ne se rattachant pas à elles), put brandir un panonceau soutenant « le droit au blasphème ». Serait-ce aussi une manifestation du communautarisme athée « qui vient » (s’ébauche), du fait de la montée des communautarismes ethnoreligieux, et se renforce ?
Ne pas surinterpréter…
Religiophobe, je suis donc islamophobe, ne craignant pas les (des, certes) musulmans (je redoute les radicalisés), mais l’islam et d’autres croyances, pour ce qu’elles peuvent porter en germe.
Je déplore aussi un certain communautarisme « juif » (qui n’est pas forcément israélite, et auquel adhèrent des évangélistes nord-américains partageant peu de racines avec des groupes sémites) qui utilise la victimisation pour justifier tout acte de l’actuel État d’Israël (et dénonçant les « traîtres » au sein de la nation israélienne). Cela ne va pas au point de soutenir les escrocs réfugiés en Israël au motif que leurs pères et mères furent spoliés dans leurs divers pays d’origines, ni à harceler celles et ceux, coreligionnaires ou censés se rattacher à la communauté, heureusement.
Tandis que les musulman·e·s ou abusivement assimilé·e·s du fait de proches ou lointaines origines, ayant dénoncé des islamistes, risquent leur vie, doivent changer d’identité.
Je partage ce sentiment islamophobe de nombreux « Juifs » (ou abusivement assimilés du fait d’un patronyme, d’une apparence). Craindre les, ou plutôt des, musulmans, en généralisant cependant, n’est guère, de leur part, condamnable. Surtout pour qui se souvient que la fameuse fraternité-sororité entre Juifs et autres habitants du Maghreb se vit parfois démentir (pogroms de Fès de 1033, puis de 1912, émeutes d’Oujda de 1948, pour n’évoquer que le Maroc où un récent concert d’Enrico Macias fit des remous).
Mais une islamophobie haineuse de développe aussi et agrège, par l’utilisation de mêmes formes d’expression, divers courants. Dont l’un se revendique du sionisme actuel, « dominateur » comme le qualifiait de Gaulle. Lequel devrait peut-être se méfier du backlash, comme l’exprima Daniel Bensoussan-Bursztein dans Regards (publication belge du Centre communautaire laïc juif) dès septembre 2010.
Après les mosquées, les synagogues ? Ne rien exagérer…
Ce à quoi on assiste de plus en plus, c’est au déni de distinguer l’islam de l’islamisme (lui-même multiple, approuvant, confortant ou non le terrorisme, quiétiste ou guerrier). Ce qui peut conduire certain·e·s d’entre les musulman·e·s à se radicaliser. Est-ce ce qui est insidieusement recherché : accélérer les crispations, amener l’ensemble de la société majoritaire (laïcs, chrétiens, athées, autres… que musulmans) à développer progressivement une islamophobie haineuse ? Ne rien exagérer… Celles et ceux s’étant sur-indignés (avec sincérité ou arrière-pensées) à propos de cette étoile jaune jouxtant un croissant n’en sont pas à réclamer le port de l’étoile verte par tout·e musulman·e ou présentant des « traits sémitiques » (assortie au besoin d’un triangle rose). L’antisémitisme ne se réduit pas à la judéophobie, il s’agit bien d’une sémitophobie.
La convergence des discours virulents peut et doit inquiéter.
Tout comme peuvent alarmer des revendications musulmanes pouvant conduire à des surenchères (près de chez moi, une inscription très voyante : « Jésus est le seul Dieu », donc plus akbar qu'un autre).
Je déplore, comme tant d’autres, l’intitulé de cette manifestation contre l’islamophobie. Laquelle fut, de même, marginalement, une manifestation contre l’antisémitisme au sens propre et premier, de solidarité avec… des Françaises et Français, non pas que musulmans, mais considérés de « cultures musulmanes » ; et malheureusement aussi un défilé islamophile revendicatif. On ne peut peser précisément le pour et le contre, ni à chaud, ni en se projetant, mais elle a eu au moins l’intérêt de susciter la revendication du droit au blasphème. Lequel ne s’applique nulle part « à l’intérieur », et reste proscrit en Alsace-Lorraine (comme en Allemagne). Ce que dénonçait d’ailleurs Jean-Luc Mélenchon dans le Dictionnaire de la laïcité (Armand-Collin).
Il peut m’être rétorqué que prôner la mesure quand l’intolérable prédomine, que se produiront d’autres attentats islamistes, confine à la démesure, au déni de réalité. C’est une opinion, que je persiste à considérer avec… modération, en me méfiant des effets pervers qu’elle peut impliquer. Quant à la manière de l’exprimer, en particulier.
Je relève aussi que des commentaires visant Esther Benassa s’en prennent à elle en tant qu’athée, féministe présumée faux-nez du masculinisme, marquée à gauche, &c. Cette manifestation n’a pas été instrumentalisée que par les musulmans fondamentalistes. Ce fut sans doute d’ailleurs aussi l’un des objectifs induits recherchés par certains d’entre les organisateurs : débusquer la fachosphère et l’ultra-sionisme apparenté. C’est assez réussi. Avec pour corollaire de la populariser, de lui permettre de recruter. Est-ce là exagération de ma part ? La suite l’établira ou non.

mardi 12 novembre 2019

D’un dingo à un dingue, tout aussi meurtrier…

Dingo, ou le portrait d’un carnassier en évoquant un autre

Les prochains Cahiers Octave Mirbeau traitant de l'anticolonialisme de l'écrivain, voici une modeste piste de réflexion à propos du livre qu'il consacra à son chien. Il y aurait quelque mauvaise foi, et une navrante propension à tirer par les cheveux la prose d’Octave Mirbeau dans Dingo, pour n’en faire qu’une manifestation de son anticolonialisme… Mais ce livre témoigne que ce thème récurrent ne fut pas délaissé.
Dingo traite peu de la question coloniale. Quoique… Qu’on se rapporte aux descriptions pseudo-anthropologiques des colonisés, soit des « indigènes » de l’époque, ou aux écrits d’Arthur de Gobineau. Dingo (le chien de Mirbeau) est un cadeau d’un Britannique, au visage « très rouge… un de ces froids portraits britanniques qu’on voit, toujours le même (…) dans les magazines illustrés de la plus grande Bretagne. ». Fort stéréotype. Il s’agit de Sir Edward Herpett qui est « exagérément haut de jambes, et ses bras maigres d’orang-outang (…) se terminent par deux fortes mains couleur de brique. ».
Il est décrit « curieux de toutes les excentricités coloniales ». Il explore « les cocotiers de Monte-Carlo ». Il a commis un essai intitulé La Dentition des Grands singes.
Le chiot fut mis bas par une chienne « sauvage » australienne — animal peut-être alors considéré exotique, tel un coton de Tuléar — le soir même de son débarquement en Angleterre. Un chiot austral tenant « un peu (…) du renard de Guinée » et « surtout du loup, du loup de Russie. ». Herpett, dans sa lettre à Mirbeau, fait référence à Darwin. Ce dingo n’est « ni chien, ni loup ». Destiné, bien avant le labradoodle actuel (ou « labraniche », croisement d’un labrador et d’un caniche), à devenir la coqueluche de la bonne société britannique.
Un peu comme un Nègre ou un Amérindien devenu valet de pied ? Une vénus hottentote ?
« Il est vrai que les dingos sont, avec les colons, les seuls animaux féroces de ces contrées pacifiques (…) seuls aussi, avec les colons toujours (…) qui n’aient pas une origine marsupiale, » poursuit Herpett.
Sur le bateau, la chienne, confiée à un « boy malais », déjoue sa surveillance et extermine poules et moutons embarqués, ainsi que des oiseaux destinés à des zoos, dont l’un d’eux présente « un bec charnu de juif »… Et elle compose un tableau de chasse (triant moutons et poules, autres volatiles, pour en aligner les cadavres).
Mais, « les jours des dingos sont comptés ». Du fait de la « guerre exterminatrice » que les affreux colons leur mènent, « la même que les Yankees firent aux Peaux-Rouges. ». S’il devait en subsister, « les dingos redeviendront des chiens comme tous les chiens domestiques ». Puis Herpett évoque un chien venu de l’Alaska, peu décontenancé par la harangue d’une femme, qui, peut-être à Hyde Park Corner, « prêchait à des eunuques du Soudan l’excellence des doctrines malthusiennes. ».
Ces chiens sauvages d’Australie ou d’ailleurs, « très doux à l’homme, pourvu que l’homme ne les embête pas », ne sont-ils pas une métaphore de l’indigène aux prises avec le colon, exploitant agricole, forestier, minier, administrateur, militaire, missionnaire ?
On peut toujours émettre les plus hasardeuses hypothèses, et voir dans le détachement du facteur (Vincent Péqueux, dit La Queue), annonçant que quatre poules et le coq ont crevé — « ne vous inquiétez pas », il en reste suffisamment — une allusion aux esclaves mourant en des cales ou aux employés des plantations congolaises du roi belge Léopold… De très doctes vous en pondraient des paragraphes. Ce n’est qu’une timide suggestion.
Mirbeau, par la suite, se qualifie de « barbare » en matière d’acclimatation de son dingo. Je passe sur les considérations anthropomorphiques de Mirbeau et fortement, dirait-on à présent, écologiques. Voire « végan ».
Mirbeau, décrivant le comportement de Pierrot, chien qu’il éleva précédemment, s’exclame : « Et nous appelons cela de la supériorité humaine ! ». Nulle allusion ici à la prétendue supériorité des « civilisés », si ce n’est, quelques pages plus loin, à propos de ce dingo « bien trop vierge de toute civilisation », pour être contaminé.
Il pourrait être aussi relevé que la description de Ponteilles-en-Barcis (Mirbeau, résidant en Bretagne, avait eu aussi des mots très durs à l’encontre des Bretons, surtout du fait de leur dévotion ostentatoire) peut être rapprochée de celles des gourbis et douars par des auteurs peu enclins à vanter les mœurs, us et modes d’habitat, des peuples colonisés.
Il serait sans doute abusif de voir dans la confrontation entre le dingo et les bas-rouges (les bergers beaucerons locaux) une allusion à l’opposition entre les dociles serviteurs, prolétariat canin, et le « bon sauvage ». Voire à l’apartheid.
Mais on retrouve plus loin le personnage de Pierre Piscot, le journalier, qui se moque de l’instinct grégaire et quelque peu xénophobe des villageois. Car lui a « vu du pays », a « fait l’expédition de Chine avec les gars russes, les gars allemands ». Expédition pendant laquelle « on pillait, voilà… Tout le monde pillait… On pillait… On pillait… Soldats, officiers, généraux ? Et les curés donc… » Et on massacrait « des gueules jaunes comme ça… (…) c’est tout de même pas des hommes, dites… ».
Le dingo finira par faire des carnages d’autres animaux et se gagner l’appellation de « sale étranger ». « L’étranger ? (…) Refrain barbare, refrain éternel du paysan. ».
Sur quelque 420 pages, de ce roman, ou plutôt suite de nouvelles anecdotiques, les allusions au colonialisme sont fort peu abondantes. Mais comme il s’agit, paru en 1913, de l’ultime récit développé de Mirbeau (certes suivi de La Pipe de cidre, ouvrage posthume paru en 1919), il est sans doute judicieux de relever que le thème fut récurrent dans son œuvre, jusque quatre ans avant son décès.
Je m’abstiens de pousser plus loin, si ce n’est qu’en remarquant que Mirbeau ne fait pas de son chien un bon ou mauvais « sauvage ». Mais quelle autre créature, quel autre mammifère, compose de tels sanglants « tableaux de chasse » ? L’anticolonialisme de Mirbeau dépasse largement la défense et l’illustration d’une cause circonscrite à son époque, à l’expansion colonialiste… Son anticolonialisme s’inscrit dans une conception plus étendue, historiquement et géographiquement, de l'humanité (ou de l'inhumanité). C’est sans doute ce qu’illustre ce Dingo.
Tant que j'y suis, quelques mots sur cette espèce, présumée provenir d'Asie puis de Papouasie environ 10 000 ans avant (selon les études les plus récentes) de se reproduire surtout en Australie, et qui fut peut-être auparavant domestiquée.
L'ouvrage débuta sous forme de feuilleton dans Le Journal et fut achevé par Léon Werth. Ce chien est sans doute fictif mais inspiré d'autres, antérieurs, ayant partagé la vie de Mirbeau (dans sa préface à une réédition, aux éditions du Boucher, Pierre Michel fait état d'un certain Canard, provenant de Norvège), et d'un Dingo qui fut sans doute un croisé (ou bâtard), mort à Veneux-Nadon à l'automne 1901.
Dingo est peut-être aussi un demi-constat d'échec. Mirbeau a mis beaucoup de lui-même dans le portrait de ce chien. Sans parvenir, après de multiples écrits antérieurs, à faire durablement évoluer la société, l'humanité, il dresse un constat. Il se décrit tentant d'éduquer ce chien selon des principes convenus de sociabilité. Il échoue. C'est peut-être par ce biais qu'il faudrait plus largement évoquer la question coloniale dans l'ouvrage : les colonisateurs les mieux intentionnés, prônant l'émancipation des colonisés, ne devraient-ils pas s'abstenir ?
Les références directes au fait colonial n'abondent pas... La problématique plus vaste est sans doute à déceler dans l'attitude de Mirbeau écrivain, Mirbeau personnage de ce Dingo, qui oscille entre dresser ce chien et lui laisser exprimer ce qui le motive (dont un plaisir de tuer pour tuer, et non que pour se repaître). La colonisation, comme le furent les invasions, les croisades, les conquêtes, &c., et des colonisations bien antérieures à celles du demi-millénaire passé, eut aussi pour ressort l'envie d'ensanglanter, violer, piller, asservir. Ce dingo qui finit par dominer son territoire campagnard, à se jouer des hommes et de leurs chiens domestiques, impose aussi sa loi, celle du plus fort, du plus astucieux et habile. Sur les terres australes, le dingo chasse seul, mais aussi en meute. Et celui de Mirbeau peut évoquer un conquistador esseulé. L'aborder ainsi pourrait suggérer qu'à la fin de sa vie, Mirbeau se serait résigné, non pas à justifier le fait colonial, mais à le considérer quasi-universel, non celui d'une civilisation particulière, mais de multiples, passées, présentes et à venir.
Mais, comme me l'exprime un éminent spécialiste de Mirbeau, ce ne sont que supputations d'un ignoramus, trop peu qualifié pour en traiter, et alignant des billevesées. Cela tombe bien : il y a tant d'autres choses à faire et traiter.

lundi 11 novembre 2019

Brexit : Le Brexit Party se retire devant les conservateurs

Farage retire 317 candidats des prochaines élections

Cédant à d’amicales pressions (de Donald Trump ?), Nigel Farage retire les candidats du Brexit Party dans les circonscriptions les plus favorables au vote conservateur. Pas d’alliance électorale, concession unilatérale. Ce en vue d’écarter la perspective d’un second référendum sur le Brexit, promis par le Labour et les Lib-Dem.
Les spéculations sur une complète alliance électorale entre les Tories et les Brexiteers de Nigel Farage ont tourné court. Boris Johnson avait écarté cette éventualité, Farage avait continué d’insister jusqu’à ce jour.
Le Brexit Party va donc se concentrer sur les circonscriptions ayant à la fois voté pour la sortie de l’Union européenne et pour les travaillistes. Ce qui devrait mener à reconduire une majorité conservatrice au Parlement.
Les quotidiens favorables aux conservateurs assurent que c’est désormais dans la poche pour Boris Johnson, les autres que rien n’est gagné d’avance (le Parlement compte 632 sièges, et il faudrait que les conservateurs laminent le Labour dans 50 circonscriptions pour être sûr de former une majorité).
Cet élément nouveau a mis deux faits en lumière. D’abord que les Tories (dissidents bien sûr inclus) et le Brexit Party estiment qu’un second référendum aurait de fortes chances d’inverser les résultats du premier. Ensuite que le no-deal, une sortie sans accord, reste possible tant bien même le protocole Johnson serait approuvé par le Parlement et accepté par l’Union européenne. Car s’ensuit de toute façon une période de transition d’un an (ou deux, si prolongations, ou…) pendant laquelle un accord de libre-échange doit être négocié. Farage a laissé entendre que Johnson poursuit en fait un échec de ces négociations et une rupture totale avec l’UE, au plus vite.
Ce qui pourrait faire réfléchir les conservateurs Remainers, votant pour des candidats ex-conservateurs se présentant en indépendants, ou pour des libéraux-démocrates, ou s’abstenant.
Cette reddition sans condition de Farage signifie aussi que le Brexit Party restera une formation marginale, sous-représentée : les candidats de ce parti avaient largement plus de chances de se voir élire par un électorat conservateur favorable au Brexit que par son équivalent travailliste. Cela étant, individuellement, quelques candidats conservateurs déclarés se sont retirés pour le favoriser. On ne sait trop s’ils seront remplacés et par qui (de parfaits inconnus ?). En revanche, des candidats du Brexit Party sommés de se retirer pourraient se présenter en indépendants.
Jeremy Corbin a déclaré que la décision de Nigel Farage découlait d’un ultimatum de Donald Trump. Cela peut aussi influer sur une partie de l’opinion considérant qu’à tout prendre, mieux vaudrait rester « vassalisé » par l’UE que par les États-Unis.
Autres concessions unilatérales : les Verts ont déjà retiré deux candidats dans des circonscriptions conservatrices gagnables par les travaillistes. Les Verts, le Lib-Dem et le Plaid Cymru (Wales) ont passé un accord formel.
Le jeu reste en fait assez ouvert, même si les sondages accordent toujours aux Tories qu’ils resteront le premier parti britannique (enfin, hors Écosse ; et les Nord-Irlandais unionistes commencent à comprendre que le ”mainland” se désintéresse de leur sort). Les politologues restent d’ailleurs prudents. Mais les bookmakers ont remonté la cote des conservateurs. Alors… Alors ? Alors, on verra bien

Roumanie : la diaspora n’a pas repêché son « Macron »

Le président sortant roumain confronté à Viorica Dăncilă (PSD)

Sans surprise, Klaus Ionhannis, actuel président, est arrivé en tête du premier tour des élections présidentielles roumaines. Mais la défaite de la candidate du parti « sortant » n’est pas si éclatante…
On me pressait, la nuit dernière, de faire état des élections présidentielles roumaines… D’une part, il ne s’agit que du premier tour, d’autre part, sauf improbable retournement, le Saxon Klaus Iohannis, président sortant, devrait être reconduit.
Et puis, soyons réalistes, vue de France — hormis pour les apparentés (familiaux) roumains et qui affectionne ce pays — la Roumanie, c’est un peu le Honduras ou Ceylan. Grand et magnifique pays, fort peu peuplé, du fait d’un exode massif des jeunes et des plus qualifié·e·s dans le monde entier, la Roumanie intéresse surtout du fait de ses intellectuels (surtout les expatriés) de renom. Bien sûr, ce n’est pas le cas de Pierre Moscovici, ex-commissaire européen, fils de Serge, dissident du PCR, réfugié en France en 1947, et de maints autres Français ayant conservé des attaches (familiales, sentimentales, culturelles, autres…) avec la Roumanie. Et qui suivent de près son actualité.
Donc, j’ai procrastiné en toute quiétude et surtout attendu les résultats définitifs de la diaspora, que voici, que voilà :
Clasamentul votului din diaspora:
Klaus Iohannis – 52,94 % (335.712)
Dan Barna – 27,51 % (174.464)
Theodor Paleologu – 6,4 % (41.000)
Mircea Diaconu – 3,65 % (23.119)
Viorica Dăncilă – 2,75 % (17.430)
Il en manque (14 candidats s’affrontaient, dont celui des Hongrois, Kelemen Hunor).
Mais au final, Iohannis ne recueille qu’un peu plus de 39 % des suffrages, et Dăncilă plus de 22. Alors qu’on donnait le président sortant largement plus en tête, et la candidate du PSD, ex-Première ministre contrainte à la démission, plus proche de la barre du cinquième des suffrages.
Car, jusqu’au dernier moment, il fut supputé que la diaspora la ferait devancer par Dan Barna.
Ce dernier est jeune, talentueux, et à la tête d’une formation attrape-tout, l’USR, qui évoque très fort La République en marche. En sus une autre formation, le Parti de la liberté, appuyait sa candidature.
Sauf que, ancien de l’ONG Transparency International de 1996 à 2014, il semblerait que, par la suite, ses affaires n’auraient pas été très claires et que son élection en tant que député de Sibiu (ou Hermannstadt, autre grande ville saxonne avec Brasov/Kronstadt), fin 2016, n’a guère changé la donne. Sa fortune provient essentiellement de fonds européens pour des projets sociaux et autres qui lui ont permis d’embaucher des proches et de faire tourner ses diverses sociétés (ou celles de familiers). Gênant quand on s’était fait le chantre de la lutte anticorruption.
Certes, la candidate du PSD, parti estimé ô combien corrompu et clientéliste, et dénoncé pour tel, a fait reculer l’influence de sa formation. Mais elle résiste néanmoins fortement, et ce n’est pas le bourrage des urnes dans de petites localités rurales qui en est la cause. L’ancrage des caciques, les slogans populistes et eurosceptiques, les réseaux remontant à la période communiste, le fort quadrillage (de la Ligue des élèves à celle des retraités), le conservatisme, concourent à son pouvoir de nuisance, maintes fois dénoncé par d’immenses manifestations dans les principales villes. De même, sous les gouvernements PSD, l’église autocéphale orthodoxe roumaine a pu étendre son emprise sur les consciences (et créer des écoles, des centres sociaux, s’enrichir considérablement).
La réélection probable du président sortant ne changera pas fondamentalement la donne politique roumaine. La présidence roumaine est, contrairement à la couronne britannique, libre de s’exprimer, mais le régime est très fortement parlementaire. Il fut un bon maire, a les mains à peu près propres (comme tant d’autres, il avait pu s’approprier une demeure grâce à des documents douteux), est un libéral affirmé (quoique prudent : luthérien, il ne peut s’opposer frontalement au clergé orthodoxe). Pour l’anecdote, la candidate parle encore moins bien le roumain que Trump l’anglo-américain et Gorbatchev le russe. Ce qui, dans certaines parties de l’électorat, contribue à sa popularité (tout comme ses nombreuses bourdes garanties involontaires et non feintes). L'opposition au PSD la considère telle une potiche (son mentor, l'homme fort du parti, étant inéligible pour faits de corruption).
La diaspora a voté « utile ». Elle est aussi vieillissante et rétive à retourner en Roumanie tant que la corruption, l’incurie des pouvoirs locaux, ne régresseront pas. Mais d’ici quelques années, si la situation s’améliore, elle pourrait contrecarrer le système PSD. Mais cet espoir reste fragile.
On peut nonobstant relier ce résultat à ce qui se produit en Slovaquie et Hongrie : un recul des populistes.
À présent, le PSD veut que le président concède deux débats avec sa candidate avant le second tour. C’est peut-être accorder trop d’importance à Viorica Dăncilă. Laquelle, désavouée dans ses principaux fiefs, limoge à tour de bras.
Autre enseignement de ce premier tour : Dan Barna n’est arrivé premier dans aucune circonscription. C’était pourtant l’étoile montante.
Peut-être est-ce à présent l’étoile filante de la vie politique roumaine.

Contre le monothéisme massacreur, l’animisme moins meurtrier

De deux maux, le religiophobe préférera-t-il le moindre ?

Le prochain siècle sera spirituel (dévoyé) ou ne sera pas ! Attribué à André Malraux, homme du siècle dernier. Marooned (Animal Farms). De deux maux, serons-nous condamnés à préférer le moindre, soit les sacrifices humains du polythéisme à l’extermination de masse des monothéismes ?
Je me sens forcé de revenir sur ma précédente intervention qui, avec des mots couverts, matois, chafouins, stigmatise la #ManifDeLaHonte (entendez, la manifestation contre l’islamophobie). Mais comme mon confrère (et ex-condisciple du Cuej), Oliver Biffaud (un long temps du Monde) m’incite à ne pas être un « faux nez », autant écrire « à visage découvert » : islamophobe, car religiophobe.
Non point, &c. (inutile de ressasser).
Il ne faudrait jamais écrire sous le coup de l’émotion, ni trop à chaud. Depuis, sur le site de L’Humanité, j’ai consulté l’entretien de Julia Hamlaoui avec Olivier Le Cour Grandmaison. Lequel évoque « une stupéfiante involution politique » et considère que, oui, le terme d’islamophobie est adéquat, &c.
Il n’a pas tout faux. Avec le recul (de quelques heures… c’est trop peu), m’est venu cette fugitive impression. Et si cette manifestation avait été un total flop, qu’à peine deux-trois milliers de personnes auraient défilé à Paris, qu’en aurais-je pensé ? Qu’en aurais-je déduit ? Que les sémites de culture(s) musulmane(s) agnostiques ou athées auraient finalement prédominé ? Que les Français « aryens » (belle blague), mâles ou femelles, approuvaient tacitement une stigmatisation des personnes de culture(s) musulmane(s) ?
Que mes « sœurs » et « frères » (de l’ultra-droite à l’ultra-gauche) religiophobes auraient emporté le morceau ? Notez les guillemets de distanciation (je n’ai aucune sororité ou fraternité, ou adelphijenesaiskoi avec l’ultra-droite).
Bien évidemment, ce titre, ci-dessus, « l’animisme moins meurtrier​», est une vaste blague. Voyez donc ce que les hindouistes infligent aux musulmans… En Inde, en Birmanie, &c. Ou ce que le régime chinois inflige aux Ouigours.
Et réciproquement (Iran et Bahaïs, Égypte et coptes, &c.).
Franchement, ce n’était pas mieux avant ; quand on sacrifiait sa propre progéniture, son engeance, à de multiples dieux propitiatoires. Au lieu d’aller massacrer les voisin·e·s (ce qui se pratiquait aussi).
Toute religion veut que ses fidèles plient l’échine. Au passage, aussi selon le culte dez morts : Jeremy Corbyn est critiqué pour n’avoir pas assez courbé la tête devant le cénotaphe des vétérans de la Grande Guerre. Autre sujet, mais ô combien significatif.
Seconde vue… Troisième vue… Mais que chrétiens, israélites, musulmans, et autres s’entr’égorgent. Pourvu qu’ils nous épargnent. Ce qui n’est pas du tout dans leur programme (de nous épargner) : tous pour un, un pour tous, contre tous les autres a-religieux. Bien sûr que j’exagère. C’est plus complexe. Agnostiques et athées sont pour tous croyants voués au bûcher (là aussi, je déforme, le pape François n’a pas fait empoisonner Eugenio Scalfari).
J’aimerais, biens chers frères, bien chères sœurs, que nous puissions réfléchir toutes et tous en chœur. Nos exordes à penser Raison, libre-pensée, restent autant de coups d’épée dans l’eau. Et si nous prônions l’animisme, le polythéisme ? En sus, car c’est le but de toute religion, il y a de la monnaie à se faire, des exonérations d’impôt, &c.
Non, franchement, j’ai trop de respect pour diverses individualités proches de confessions diverses pour les caricaturer à ce point.
Bien sûr, que femmes et hommes de bonnes volontés, n’avons aucune envie de sacrifier nos descendants (ou nos animaux de compagnie) pour éviter le pire. Mais, mais… mais… rappelons-nous que nos parents… la plupart se taisant… Et finissant par subir (nazisme, stalinisme…). C’est certes une boutade, mais je ne voudrais pas que mes enfants et petits-enfants se résignent à opter pour un moindre mal.

dimanche 10 novembre 2019

Islamoréification : la marche pour le droit au blasphème

Une gauche religiophobe en rupture plus marquée

C’est bizarrement sur un blogue-notes de Mediapart que j’ai repéré le manifeste « La Marche contre la liberté de pensée ». Edwy Plenel y est désigné « racialiste indigéniste ». Abusif, réducteur sans doute. Mais l’opposition à « l’islamophobie » semble de plus en plus diviser à gauche…
Sur son blogue-notes, Louison (Lousin sur Mediapart) de Balzac a donc publié un manifeste à double objectif : réaffirmer le droit au blasphème et dénoncer la réification des musulmans… Mais d'autres, sous-jacents (comme dénoncer « l'islamo-gauchisme », par exemple) ne peuvent être exclus.
Aimé Césaire avait posé l’équation « colonisation=chosification ». C’est bien contre une colonisation des esprits à des fins diverses que les signataires (Athées en action, Ni dieu-ni-race-ni-maître, Esprit Laïque, Apostat libre, Conseil des ex-musulmans de France, &c., et diverses personnalités) prennent position. La marche contre l’islamophobie a beau avoir vu en son cortège un panonceau « oui à la critique de la religion, non à la haine du croyant » ou « laïcité on t’aime, tu dois nous protéger », les signataires, féministes et autres, y voient la manifestation d’un « communautarisme religieux », d’un « fanatisme bigot et politisé », marginalisant les athées, les apostats et occultant « les musulmans laïques et progressistes ». En dirait-on autant d'une marche organisée pour protester — à très juste titre — contre des attentats ou des assassinats de personnes israélites (ou abusivement assimilées) ? D'un autre côté, on pourrait sans doute défiler contre la christianophobie sans être forcément de mèche avec Renaud Camus, Marion Maréchal-Le Pen, et les identitaires... Mais tout dépendrait de qui lancerait l'appel, j'imagine.
Bref, ce manifeste reprend en substance, aussi, les propos d’un certain Jean-Luc Mélenchon dans un entretien avec Gérald Andrieu du magazine Marianne le 4 février 2010. C’était intitulé : « Mélenchon : la candidate voilée du NPA relève du racolage ». Vous retrouverez…
Certes, une certaine droite, elle, fondamentalement antimusulmane a su racoler à gauche, l’actuel phénomène n’est donc pas tout à fait nouveau. Le couple Pierre Cassen-Christine Tasin, de Riposte laïque (à ne pas confondre avec Esprit laïque, même si ce groupe a ses entrées au magazine Causeur), se définissait un temps « laïque de gauche ». Il en vient à racoler les catholiques intégristes…
Mais il se trouve que ce manifeste sur la marche contre la liberté de pensée use d’expressions que nombre de militants ou sympathisants restés véritablement de gauche pourraient reprendre à leur compte. Comme « non à la colonisation des âmes (…) non à la récupération (…) dans nos rues livrées à la bigoterie, délaissant les athées, les musulmans républicains et les apostats en danger. ». Et ce qui est plus récent (au moins depuis les attentats visant Charlie et le Bataclan), c’est qu’ils ne le gardent pas dans leur for intérieur mais l’expriment de plus en plus ouvertement.
Certes, le groupe Facebook Esprit laïque se veut, est sans doute apolitique… Laïque et non religiophobe. Certes, le Mouvement Stop Corruption se veut aussi apolitique, mais la plupart de ses animateurs professent des opinions classées à gauche. Or, depuis quelques temps, la question de l’islam radical devient de plus en plus prégnante dans leurs échanges.
Émerge aussi un glissement conceptuel : les islamistes seraient, d’un point de vue musulman, islamophobes (en développant des revendications identitaires, en interprétant les textes selon des visées patriarcales, dictatoriales, totalitaires).
Un déclencheur, ou plutôt accélérateur, a été l’affaire Henri Péna-Ruiz, qui avait eu pourtant, fin octobre 2017, bénéficié d’une tribune sur le site LFI pour son Dictionnaire amoureux de la laïcité (Plon). Hué sur les réseaux sociaux lors de la dernière université de LFI pour sa phrase « on a le droit d’être athéophobe comme on a le droit d’être islamophobe, comme on a le droit d’être catophobe… », il a suscité une forte adhésion et même si LFI a rectifié le tir (par une mise au point), la suspicion d’une collusion à des fins électoralistes, de la part de certaines formations de gauche, avec l’islam(isme) prosélyte, a suscité des levées de boucliers. Avec des exagérations (une partie de la gauche fut présumée se livrer à une chasse aux sorcières).
J’ajouterai que les menées de la Turquie d’Erdogan (un temps alliée de fait à Daesh) contre les kurdes syriens (et autres), la popularisation des combattantes kurdes (musulmanes ou athées) dévoilées, le film Sœurs d’armes de Caroline Fourest, ont aussi contribué à la montée d’une parole décomplexée, non pas antimusulmane, mais antitotalitaire, anti-islamiste.
Cela étant, la controverse sur le vocable islamophobie, qui émergea, selon un universitaire spécialiste de l’époque coloniale, dans des cercles d’administrateurs coloniaux, et non pas, comme Michel Taube (directeur d'Opinion internationale) l’estime, inventé « par les islamistes pour interdire toute critique de l’islam », est quelque peu stérile. Il y a eu certes récupération, tout comme pour le terme d’antisémitisme (visant Juifs et non-Juifs sémites).
Ce qui se dessine, c’est que, à gauche, l’expression de Michel Taube : « si c’est cela être islamophobe, alors je suis islamophobe ! » (cela étant la servitude volontaire, la religion grignotant les libertés…), s’exprime beaucoup plus ouvertement et fortement.
C’est d’ailleurs un retour à la source de l’une des valeurs majoritaires à gauche : la religiophobie. Non point au sens d’absolue détestation (en tout cas majoritairement — et que l’on sache, aucune des deux Simone Weil ne fut lynchée ou assassinée), mais de profonde défiance.
S’ajoute, pour certaines et d’aucuns, la franche stupeur de se voir pour un oui, pour un non, un mot de travers, voire très justifié, assimilés à des adversaires antimusulmans, antijuifs, antimaçons, antiathées, racistes, anti tout ce qui n’est pas eux ou elles.
Je ne sais si, dans Charlie Hebdo du 7 dernier, Géard Biard a exagéré en estimant que cette marche « semble provoquer à gauche un phénomène proche du Brexit ». Ou s’il a décelé les prémisses d’une évolution durable.
Ce qui semble assuré, c’est qu’un autre type d’appel aurait sans doute rassemblé plus de 13 000 (et quelque) personnes à Paris… Une « marche républicaine » de condamnation des actes terroristes et anti-religieux aurait sans doute drainé aussi de nombreux laïcards. L’idée a-t-elle été écartée ? C’est la question que beaucoup se posent à présent

Brexit : erreur fatale du Labour, le revenu universel

C’est plié pour les travaillistes, comme pour Benoît Hamon

Le shadow chancellor travailliste, John McDonnell, veut introduire un revenu universel dans le manifeste du Labour. On sait ce que cela a pu coûter à Benoît Hamon.
Je relis Dingo, d’Octave Mirbeau. Parce que la société Octave Mirbeau (la Som), préparant son numéro 27 lance des appels à contributions sur le thème de l’anticolonialisme. Cela tombe bien, Dingo (en accès libre sur Gallica), en est une illustration. Je vous en ferai part plus tard… Car bien évidemment, si « Les principaux lieux de vie d’Octave Mirbeau » ont été dédaignés par deux présidents successifs de la société, le reste s’ensuit. L’anticolonialisme de Mirbeau exprimé dans Dingo restera entre nous.
Parlons donc de choses sérieuses, et plus actuelles. Voici donc le pendant du ministre (Tory) des finances, côté Labour, John McDonnell, prônant, tel un Benoît Hamon naguère, un revenu universel, a universal basic income.
Tout comme Benoît Hamon, il aurait gagné à lire Dingo… Même les paysans au bord du suicide n’en veulent pas de ce revenu, pas même les autres assistés cumulant aides des allocations familiales, secours municipaux, voire ayant recours à des subsides caritatifs. C’est simple : plus miséreux que soi l’a toujours mérité, et il est hors de question de se laisser ôter le pain de la bouche par plus nécessiteux que soi.
J’étais à Tergnier quand j’ai entendu un emploi aidé (par la municipalité, ou le conseil départemental), maugréer contre les « feignants » de la cité Roosevelt. Lui, il trime, ne règle sans doute pas le moindre impôt, mais les autres exonérés ne vont quand même pas prétendre à pouvoir consacrer ce qu’il concède à la Française des Jeux (Loto, cartes à gratter…). C’est la mentalité Gilets Jaunes insatisfaits de leurs 3 000 à 4 000 euros mensuels — cas de l’un d’eux en comparution immédiate — ou du gradé CRS s’estimant insuffisamment rétribué. Et quand on a une cinquantaine d'euros mensuels de plus qu'un autre, on tient à tenir la distance (la distinction... Bourdieu ?).
En sus, le Labour est déserté par les classes populaires qui se tournent vers le Brexit Party. Ce parti représente à présent surtout une lower middle class se sachant précarisée. Cela étant, accorder cent livres aux adultes, et 50 par enfant, chaque semaine, en sus d’autres aides, ne va pas équivaloir aux 700 euros accordés en Espagne, ou aux quelques 800 bénéficiant aux retraités démunis français. Mais dans l’esprit de beaucoup, ce sera toujours trop.
Cette base électorale pressent bien, pour les plus avertis, que l’intelligence artificielle, l’automatisation, la robotisation, les mènera au chômage. Mais refuser un revenu universel revient à — psychologiquement, fantasmagoriquement – repousser l’échéance.
En sus, pour des raisons environnementales, le Labour veut progressivement interdire les jets privés. Eh quoi, si j’emporte l’Euromillions, je ne pourrais plus poser mon jet au Royaume-Uni ?
Il faudrait creuser ce qu’est la revendication égalitaire en France et au Royaume-Uni. Et l’américanisation croissante de la population anglaise (majoritaire).
Ce qui est sûr, c’est que The Sun s’est empressé de commenter que les propositions du Labour exposeront les Britanniques à trouver 650 millions de livres quotidiennement pour financer l’ensemble des mesures envisagées. Que cela soit vrai, totalement faux ou lourdement exagéré importe finalement peu. Et bien sûr, il est affirmé que les travaillistes ont encore d’autres plans « qu’ils ne veulent pas que vous sachiez ». Air connu. Le Royaume-Uni, votant Labour, se vouerait au sort du Venezuela.
En sus, les bénéficiaires, majoritairement, soit sont trop préoccupés par leur survie pour prendre le temps de voter, soit, comme Mirbeau, considèrent que les élections sont des pièges à c… Mon pronostic : c’est mal parti pour les travaillistes.