dimanche 29 novembre 2020

Animosité policière (bis) : pour/contre l’article 24 ?

 Petite analyse de doubles languages

Je serai donc pour que les forces de l’ordre fassent un massacre dans les rangs dans La Manif pour tous et que les journalistes ou d’autres ne puissent photographier ou filmer des policiers et gendarmes. Et que Frigid Bardot soit lourdement condamnée pour outrages et provocations ? Pas vraiment…


Je viens de voir un policier se faire tabasser à terre par des hurluberlus motivés par une aminosité anti-policière. Alors, je reprends les propos d’un syndicaliste d’Alternative police au sujet du tabassage subi par Michel Zecler. Mentionné dans mon premier papier sur l’animosité policière. David Jacob appelait « à la plus grande prudence » dans l’interprétation du tabassage de Michel Zecler. Au motif qu’on ne savait pas ce qu’il s’était produit avant entre le dit Zecler et les policiers.

Alors, retournons le même argument. On ne sait pas ce qui s’est passé entre des individus divers et ce policier blessé. Avant, j’ai vu aussi des policiers frapper des manifestants (ou des casseurs, je n’en sais rien) à terre. Soyons clair : ce type de sophisme est intolérable, fait honte à la France et à la profession de journaliste. Même des comportements déplorables de la part d’un policier ne justifient pas que ce dernier ou un autre soit ainsi tabassé par diverses personnes, quoi qu’elles puissent arguer.

Je m’étonne cependant qu’une fois de pire, on ait pu laisser faire des casseurs. Il faut être net. Les casseurs ou incendiaires s’en prennent à tout le monde. Qui finit par payer la casse, d’une manière ou d’une autre (impôts locaux ou autres, primes d’assurances obligatoires relevées) ? Vous et moi. Toute dégradation de biens publics ou privés finit par être réglée par des particuliers. Aucune échappatoire.

J’éprouverai rétrospectivement de la honte si, même énervé, même provoqué, je me serais laissé blesser en groupe quiconque se retrouverait sans défense. Même s’il s’agissait d’une franche crapule.

Mais bon, j’avoue que quand je vois d’hypocrites culs-bénits la ramener, je ne vois pas pourquoi la police devrait prendre des gens et se montrer affable. Comme cela, instinctivement. Mais après réflexion, j’estime que ni moi, ni les forces de l’ordre ne doivent les lyncher. Parce que, aussi, cela pourrait se retourner contre moi.

La droite française approuve bien évidemment cet article 24 car elle estime qu’il ne pourrait jamais lui être opposé. Il faudrait qu’elle réfléchisse un peu et se souvienne comment furent réprimées diverses manifestions pro-général Boulanger ou pro-colonel de La Rocque (des Croix de feu, anciens combattants et estropiés de la Grande Guerre). Que la droite se remémore le 6 février 1934. Selon Wikipedia, « la fusillade des forces de l’ordre la plus sanglante de la Troisième République ».

Cela valut sans doute à divers David Jacob des promotions.

Les divers ministères de l’Intérieur depuis fort longtemps sont pris en otages par la police. Voire des présidents de la République. Qui donc remit la Légion d’honneur à Maurice Papon (réponse : Charles de Gaulle).

Je ne saurais faire, entre les interpellés, la part des casseurs et des simples manifestants pacifiques qui, interpellés, seront traduits en justice. Il faudrait qu’un David Jacob veuille bien considérer que, si je n’ai pas participé à la manifestation, c’est par peur d’être interpellé loin des casseurs, juste pour faire du chiffre. J’en suis là. Et je n’éprouve pourtant aucune animosité contre la police dans son ensemble.

Ce que je ne comprends pas, c’est que la place de la Bastille où des casseurs se sont défoulés, fut largement encerclée par des forces de l’ordre largement supérieures en nombre. Et au lieu de resserrer la nasse et d’embarquer des casseurs, la police a semblé les exfiltrer. Admettons, histoire de s’épargner des histoires avec des filles ou fils de… ou, discours habituel, ne pas faire de blessé·e·s. Bien, puisque je ne comprends pas, je gagnerai à me taire. Je n’en considère pas moins que faire écran entre casseurs et policiers établit une complicité de manifestants, par complaisance passive, avec les casseurs. Tout comme de trop nombreux policiers ont laissé Michel Zecler se faire cogner de nouveau par des collègues sans la moindre velléité de s'interposer.

Ce que je crois comprendre davantage, après avoir suivi l’actualité étasunienne, et constaté l’accroissement indéniable de l’électorat de Donald Trump (insuffisant, certes, mais élargi). C’est que la profession en minorant les faits des casseurs sert objectivement ce qui la discrédite. Quand je lis Le Monde considérant que « quelques affrontements ont opposé manifestants et forces de l’ordre, contrastant avec un défilé calme », j’ai l’impression que l’inconscience a contaminé la profession. Non, ce sont des affrontements graves, non pas du fait de manifestants mais de fascistes de tous acabits (ils ne sont pas que de gauche, il y a aussi des Boogaloo boys and girls français, équivalents de ceux, suprématistes blancs, ayant infiltré le mouvement Black Lives Matter), qui doivent être dénoncés. La presse étasunienne s’est totalement décrédibilisée aux yeux d’une très large partie de l’opinion (qui l’a désertée) à force de minorer l’importance des menées des casseurs et incendiaires. Minimiser, relativiser la gravité, non pas de l’animosité anti-flics (parlons cette fois de violences, ce type de tabassage peut aussi étouffer), mais de cette haine auto-justifiée à tort par, certes, de trop nombreux abus policiers, c’est se condamner à l’insignifiance. Et on ne pourra pas dire, après le trumpisme, qu’on n’a rien vu venir. Des voitures incendiées sur la fin du parcours, puis des dégradations volontaires importantes, ou des policiers en statique blessés, ce n’est ni accessoire, ni secondaire. On ne peut déplorer un recrutement de type Orange mécanique (film A Clockwork Orange, dans lequel de sombres frappes deviennent des policiers frappeurs), et prêter le flanc à laisser penser que de tels agissements sont des débordements somme toute tolérables.

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