samedi 5 décembre 2020

Inimitiés policières : contagion ou pandémie ?

Il y a de tout dans la police et la population

Hier, faute de temps ou de forte envie, je me suis retenu de faire la pub (disons la promotion) du livre d’un commissaire de police. Il n’est jamais trop tard pour bien faire et remettre en perspective aussi.


Or donc, hier, sur le site du Figaro, s’exprimait le commissaire Patrick Visser-Bourdon, auteur principal, ave Jean-Marie Godard, d’
Une vie de flic, chez Fayard. Au nombre de ses propos un « qu’ils se débrouillent ! » émanant de subalternes écœurés et réticents à répondre aux demandes d’interventions dans des zones, mettons, peu sûres. La couverture du livre montre un migrant mineur que le commissaire aida dans le cadre d’un regroupement familial au Royaume-Uni. Résumons, oui, dans la réalité, il y a aussi des policiers tels qu’ils sont dépeints dans les séries policières télévisées (lesquelles, à quelques nuances près, rares, mettent bien en scène des individus douteux mais font globalement l’éloge de la police et de la gendarmerie). Mais il y a bien sûr quelques revers à la médaille et le commissaire n’est pas dans leur déni systématique, il les remet simplement dans sa perspective découlant de sa pratique professionnelle. C’est très recevable et mesuré. Peu déontologiquement reprochable si, par ailleurs, Patrick Visser-Bourdon faisait des piges pour la presse.

L’actualité du jour, c’est qu’après que Macron ait considéré pour le média Brut que les contrôles au faciès sont un peu plus fréquents que souhaitable (le verbatim emploie « insoutenable »), des syndicats de policiers appelleraient à l’arrêt des contrôles d’identité. J’emploie le conditionnel parce que je ne sais s’il s’agit d’un arrêt généralisé ou non, soit arrêt dans les quartiers difficiles et routine là où cela ne pose pas problème.

L’autre actu, c’est que la syndicaliste policière Linda Kebbab annonce « le lancement d’une plate-forme pour dénoncer les discriminations », en soulignant qu’il en préexiste une autre, officielle, au moins pour l’Outre-Mer. Bien, il y a aussi une Défenseure des droits.

Cela pourrait paraître une bonne initiative, sauf que je crains que celle ou celui dénonçant un contrôle au faciès, même avec la plus parfaite bonne foi, même es qualité de fonctionnaire de la plus haute catégorie ou de décoré d’un ordre ou d’un autre, rechigne à communiquer ses données. Juste au cas où, de nouveau contrôlé, cette fois en infraction, en contrevenant mineur, admettant bien volontiers être en stationnement irrégulier ou avoir omis d’actionner un clignotant, on puisse aussi lui reprocher son signalement antérieur. J’dis cela, j’dis rien, c’est une insinuation gratuite, que je conviens exagérée. En tout cas, si j’estimais, à tort, voir mon identité contrôlée parce que je serais muni d’un appareil photo, je préférerai l’écraser, soit m’abstenir de signaler. J’ai appris à ne pas redouter la facilité, à éviter de me retrouver banni de main courante (la consultation des mains courantes permettant de remplir la chronique des petits-faits divers dans la presse régionale). Mais, sachons raison garder et ne pas monter en épingle une ou deux anecdotes isolées.

Et puis, sur une grosse affaire, mettant en valeur des enquêteurs et leur hiérarchie, je ne vois pas la police, ni même les policiers intéressés, reprocher à un journaliste de Marianne, même s’il s’agissait d’Étienne Girard, d’avoir commis cet article sur « l’univers impitoyable des PV covid ». Il est en accès libre, plutôt édifiant. Il pêche cependant par refus de ne pas affronter résolument la facilité d’ajouter que, par ailleurs, lors des contrôles d’attestation de déplacement, de nombreux policiers peuvent se montrer compréhensifs, voire tolérants. Oui, des SDF se sont vus contrôlés, sanctionnés, mais force m’est de constater que, là où ils sont nombreux, les policiers s’abstiennent de faire du chiffre.

Cela étant, les exemples relevés dans Marianne sont édifiants. Le cas d’un éducateur senior ayant eu l’outrecuidance de demander la raison de son contrôle et se retrouvant verbaliser pour absence de masque mais aussi usage irrégulier d’un moyen de transport et tapage « pour un total de 338 euros », alors qu’il assure avoir porté son masque et être resté calme, laisse imaginer qu’il n’aurait pas eu recours à la plate-forme de Linda Kebbab, fusse-t-il aussi basané. Cet éducateur se prénomme Omer. Étienne Girard prend au moins la précaution de noter « des affirmations qu’il lui faut maintenant prouver ».

En effet, en matière de contravention, la décharge de la preuve incombe au contrevenant.

Je ne sais si cet Omer a fait ou non posément remarquer qu’il collaborait régulièrement avec la police et si les policiers ont estimé que cette remarque équivalait à une manifestation « d’arrogance ». J’ai eu à connaître d’un cas semblable (non pas celui d’un indicateur mais d’un ex-collaborateur d’un ancien ministre de l’Intérieur, il n’a cependant pas été poursuivi pour outrage).

En gros, cela n’arrive pas qu’aux autres. Le syndicat Alliance PN remarque que « la police n’est pas raciste, elle ne choisit pas sa délinquance ». Effectivement, être propre sur soi et de type nordique mais délinquant ne garantit pas la mansuétude, et cela se conçoit fort bien.

La police, comme la presse d’ailleurs, se voit fréquemment reprocher d’en faire soit trop, soit pas assez. La presse pourrait aussi se mettre en retrait, sur une ligne éditoriale « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. ». Passer sous silence tout ce qui pourrait fâcher. Bref, on ne retient que ce qui nous arrangerait. Or, dans les propos de Macron sur la police, il y en avait bien qui plaidaient pour une certaine indulgence à l’endroit de policiers exerçant des violences illégitimes, découlant de violences inverses.

Le problème de cet article 24 est parfaitement similaire à celui des « pv caniveau » (voir l’article de Marianne), rien n’empêche un, des policiers étant filmés d’interpréter cela comme une intention de nuire et de prendre des mesures, parfois musclées, de prévenir une intention toujours interprétée malveillante. Qui s’oppose à cet article ne cherche pas du tout à protéger des casseurs ou à légitimer les actes à l’encontre des policiers. des syndicats de police en sont conscients mais laissent l’impression qu’ils ne veulent pas l’entendre. Voire qu’en représailles, ces syndicats chauffent l’opinion contre la presse. On voit cela cela donne aux États-Unis. Permettez qu’on puisse s’en inquiéter. 

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