dimanche 29 novembre 2020

Animosité policière (ter) : l’engrenage CFDT

Entre blancs et noirs, Laurent Berger et la CGC doivent choisir

Selon le site Journalistes-CFDT, leur confédération est opposée à l’article 24 et Laurent Berger en demande le retrait. On y croit très fort, surtout quand on consulte les messages d’Alternance Police nationale, syndicat affilié CFDT. Deux poids, deux mesures ?


En préambule, cette citation d’un entretien d’un policier anonyme (appellons-le Aranaud Pinault) avec des journalistes du Zéphyr. Après des faits tels que la mort de Cédric Chouviat (ou le tabassage de Michel Zecler), « dans te telles circonstances, on a toujours peur d’être pris pour cible à cause de l’uniforme. On peut ne rien avoir fait dans le décès de Chouviat et devoir éviter les pierres et les crachats dans la rue. À part du moment où une nouvelle bavure est révélee au grand jour, tout peut arriver sur le terrain. ».

Ce qui est arrivé place de la Bastille où un policier a failli subir le même sort que Michel Zecler. On ne peut pourtant dresser de parallèle. D’une part, on a des gens portant un uniforme et assermentés, de l’autre peut-être de jeunes fachos infiltrés (de type Boogaloo Boys) ou des cogneurs excités qui, après avoir commis des dégradations aux dépens du reste de la population (contribuables, assurés, consommateurs), se comportent comme des tortionnaires. Attention, je ne garantis pas qu’il y ait des miliciens d’extrême-droite ou des policiers infiltrés dans les manifestations tournant mal, je n’ai pas enquêté, je n’en sais rien. Il se peut même que des gens se définissant anarchistes ou gaucho-spontex se conduisent comme des tortionnaires, des fascistes.

Le fait qu’ils ne représentent qu’elles ou eux-mêmes ne les exempte nullement de leurs responsabilités.

En revanche, le discours de divers syndicats de policiers, dont Alliance police, est presque toujours, avec des nuances, similaire : les futurs ex-collègues ne représentent qu’eux-mêmes (ou elles-mêmes, car les policières serrant des pinces à fond pour faire mal, quel que soit le motif de l’interpellation, savent aussi faire du zèle).

Que dit encore Arnaud ? « Dans la brigade, on parle volontiers de matraquer des journaleux, de leur mettre un coup de pied dans la gueule. Et ça fait sourire les collègues. ». Bien, là, que ce soit un témoignage anonyme n’est pas en cause (c’est Zéphyr qu’il l’anonymise), mais le principe testis unus, nullus. Le témoin résume-t-il un climat, une ambiance, ou rapporte-t-il exactement des propos ?

Mais ne pinaillons pas, cela n’importe finalement assez peu. On a constaté la même chose aux États-Unis avec le mouvement BLM à la suite de la mort de George Floyd (et au moins d’une autre justiciable). Du fait qu’une partie de la presse semblait minimiser ou ne pas trop s’offusquer des dégradations, incendies, et projectiles lancés contre des policiers, ces derniers en sont venus à considérer la presse leur serait hostile. Il semble probable que l’on soit entré dans le même engrenage en France.

Mais quand des adhérents d’Alliance police reflètent, par leurs propos (genre « silence total des bien-pensants toujours prêts à dégaine pour condamner et vomir sur les policiers. », j’ai éliminé les fautes d’accord et je rappelle que, pour intégrer la police espagnole, il faut réussi à passer une épreuve d’orthographe), un tel état d’esprit, ils ne semblent pas s’alarmer très fort de l’affiliation de leur syndicat à unecentrale syndicale.

Inversement, la CFDT Journalistes (de je fus adhérent et délégué) ne semble pas prompte à demander des comptes à Laurent Berger sur le maintien d’Alternative police au sein de la confédération CFDT. On comparera les prises de position d’Alternative PN avec le syndicat Police-SCSI de l’encadrement, lui aussi affilié à la centrale.

Alternative PN est une chose, Alliance PN (CFE-CGC) est à fond pour l’article 24, mais ce syndicat dénonce clairement tous ceux qui s’y opposeraient tels des factieux. Donc, la fédération F3C-CFDT à laquelle se rattache CFDT-Journalistes est une organisation factieuse : ne s’oppose-t-elle pas à cet article en considérant que « lorsqu’on prive es citoyens de leur liberté d’être informés, ne serait-ce que partiellement, on installe au quotidien chez eux la défiance et la peur. ». Défiance et peur qui, en France comme aux États-Unis, motivent directement ou de manière induite conduire à ce qui s’est produit et perdure aux États-Unis (hausse des voix trumpistes, milices). Mais il est tout aussi vrai que ne faire état que « d’incidents sporadiques » ou d’« incivilités » lorsqu’il y a actions concertées de s’en prendre aux policiers est choquant. Alternative PN se satisfait de l’article 24 mais fait aussi état de la nécessité de l’amender « afin de garantir la liberté de la presse et le droit d’informer ». Dont acte.

Le journalisme ne consiste pas qu’à poser des questions qui ne fâchent pas. On peut toutefois les formuler de manière non agressive. Et j’aimerais bien que les confrères et ex-camarades (je ne suis pas retraité cotisant) de la CFDT-journalistes posent à Laurent Berger cette question : « un dialogue entre journalistes CFDT et policiers CFDT est-il encore possible ? ». Il semble que oui. J’irais même plus loin, ne seraient-ce pas les agissements des black blocs et consorts qui induisent les réactions de policiers contre les journalistes ? Brice Culturier, un journaliste, a relevé « l’extraordinaire discrétion des médias sur les violences inouïes commises (…) par les émeutiers. ». Cela se discute, En déduire que cela témoignerait de partis pris de confrères contre la police, c’est une extrapolation. Tout comme il est à présent allégué que Michel Zecler serait « un trafiquant de drogue » (ce que j’ai pu lire dans Valeurs actuelles). Que les policiers aient eu une suspicion légitime est une chose, que Michel Zecler n’ait pas voulu suivre sans discuter ces policiers une autre. Et qu’un refus d’obtempérer justifierait un tabassage une troisième. Je n’y étais pas, et donc je n’ai pas non plus entendu les invectives racistes qu’allègue Michel Zecler. Ce que l’on craint cependant, c’est que si l’on ne savait plus dans quelle poche on a placé une attestation de déplacement dérogatoire et que l’on tarde à la produire, on soit frappé. Ce n’est pas par peur généralisée de toute la police, mais appréhension devenue diffuse. On n’y peut rien, ce qui augmente l’inquiétude, c’est de voir, sur une seconde vidéo, des policiers rester passifs alors que le tabassage se poursuit sur le trottoir.

Je voudrais signaler la réaction insolite de mon confrère et ex-condisciple du Cuej, Olivier Biffaud. « Au fait, commment vont-ils être identifiés ces amoureux de la liberté de la presse qui s’acharnent sur un policier à terre ? Grâce aux prises de vues des « journalistes à smartphone” qui se délectent “professionnellement” de ce déchaînement de violence ? ». Question qui fâche aussi puisque ces images pourraient encourager ces prétendus amoureux des libertés à récidiver. Ce qui serait redoutable, c’est que ce type d’interprétation soit allégué. On peut se demander aussi si cet article 24, par extrapolation, ne le permettrait pas. Alliance CFE-CGC fait de la surenchère, « le texte ne va pas assez loin, les policiers doivent être protégés en tous lieux et tous temps ». Oui, les policiers, comme tous les justiciables, doivent l’être, ont droit à des protections. Non, quel que soit le texte, s’il est systématiquement envisagé qi’il n’irait jamais assez loin, où s’arrêtera-t-on ?


J’estimais hier que la droite soutient un texte qui pourra être utilisé aussi contre, comme par le passé, des ligues, ou des manifestations soutenues par la droite. La police est multiforme (l’épuration de la police à la Libération a aussi servi à se débarrasser de gêneurs ou de concurrents pour des promotions qui avaient peu à se reprocher en matière de collaboration), la presse est tout autant plurielle. En février 1934 (au moins 16 morts, 1 500 blessés), c’était la presse droitière qui minimisait les incidents et dégradations.

Je déplore bien sûr que Le Monde fasse état de « policiers tabassés par des manifestants » (et non par des casseurs bien qu’on ne puisse exclure qu’un manifestant énervé se soit mêlé aux casseurs, l’énervement n’étant pas une excuse, quand on manifeste, on ne se mêle pas à des casseurs). Ce qui est certain, c’est que policiers et journalistes divergent sur cette loi. Est-il abusif de souhaiter que, de part et d’autre, on surveille son langage ? On veut croire aussi que le photojournaliste de l’AFP blessé au visage par un coup de matraque n’a pas été agressé parce que journaliste identifié et qu’il s’agit d’une bavure, d’un quiproquo que les syndicats de la police devraient s’efforcer de clarifier. Après que la commission administrative interne se soit prononcée.

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