Entre blancs et noirs, Laurent Berger et la CGC doivent choisir
Selon le
site Journalistes-CFDT, leur confédération est opposée à l’article 24 et
Laurent Berger en demande le retrait. On y croit très fort, surtout quand on
consulte les messages d’Alternance Police nationale, syndicat affilié CFDT. Deux
poids, deux mesures ?
En préambule, cette citation d’un entretien d’un policier anonyme (appellons-le Aranaud Pinault) avec des journalistes du Zéphyr. Après des faits tels que la mort de Cédric Chouviat (ou le tabassage de Michel Zecler), « dans te telles circonstances, on a toujours peur d’être pris pour cible à cause de l’uniforme. On peut ne rien avoir fait dans le décès de Chouviat et devoir éviter les pierres et les crachats dans la rue. À part du moment où une nouvelle bavure est révélee au grand jour, tout peut arriver sur le terrain. ».
Ce qui est
arrivé place de la Bastille où un policier a failli subir le même sort que
Michel Zecler. On ne peut pourtant dresser de parallèle. D’une part, on a des
gens portant un uniforme et assermentés, de l’autre peut-être de jeunes fachos
infiltrés (de type Boogaloo Boys) ou des cogneurs excités qui, après avoir commis
des dégradations aux dépens du reste de la population (contribuables, assurés,
consommateurs), se comportent comme des tortionnaires. Attention, je ne garantis
pas qu’il y ait des miliciens d’extrême-droite ou des policiers infiltrés dans
les manifestations tournant mal, je n’ai pas enquêté, je n’en sais rien. Il se
peut même que des gens se définissant anarchistes ou gaucho-spontex se conduisent
comme des tortionnaires, des fascistes.
Le fait qu’ils
ne représentent qu’elles ou eux-mêmes ne les exempte nullement de leurs responsabilités.
En
revanche, le discours de divers syndicats de policiers, dont Alliance police,
est presque toujours, avec des nuances, similaire : les futurs
ex-collègues ne représentent qu’eux-mêmes (ou elles-mêmes, car les policières
serrant des pinces à fond pour faire mal, quel que soit le motif de l’interpellation,
savent aussi faire du zèle).
Que dit
encore Arnaud ? « Dans la brigade, on parle volontiers de
matraquer des journaleux, de leur mettre un coup de pied dans la gueule. Et ça
fait sourire les collègues. ». Bien, là, que ce soit un témoignage
anonyme n’est pas en cause (c’est Zéphyr qu’il l’anonymise), mais le
principe testis unus, nullus. Le témoin résume-t-il un climat, une
ambiance, ou rapporte-t-il exactement des propos ?
Mais ne
pinaillons pas, cela n’importe finalement assez peu. On a constaté la même
chose aux États-Unis avec le mouvement BLM à la suite de la mort de George
Floyd (et au moins d’une autre justiciable). Du fait qu’une partie de la presse
semblait minimiser ou ne pas trop s’offusquer des dégradations, incendies, et
projectiles lancés contre des policiers, ces derniers en sont venus à
considérer la presse leur serait hostile. Il semble probable que l’on soit entré
dans le même engrenage en France.
Mais quand
des adhérents d’Alliance police reflètent, par leurs propos (genre « silence
total des bien-pensants toujours prêts à dégaine pour condamner et vomir sur
les policiers. », j’ai éliminé les fautes d’accord et je rappelle que,
pour intégrer la police espagnole, il faut réussi à passer une épreuve d’orthographe),
un tel état d’esprit, ils ne semblent pas s’alarmer très fort de l’affiliation
de leur syndicat à unecentrale syndicale.
Inversement,
la CFDT Journalistes (de je fus adhérent et délégué) ne semble pas prompte à
demander des comptes à Laurent Berger sur le maintien d’Alternative police au
sein de la confédération CFDT. On comparera les prises de position d’Alternative
PN avec le syndicat Police-SCSI de l’encadrement, lui aussi affilié à la
centrale.
Alternative
PN est une chose, Alliance PN (CFE-CGC) est à fond pour l’article 24, mais ce
syndicat dénonce clairement tous ceux qui s’y opposeraient tels des factieux.
Donc, la fédération F3C-CFDT à laquelle se rattache CFDT-Journalistes est une
organisation factieuse : ne s’oppose-t-elle pas à cet article en
considérant que « lorsqu’on prive es citoyens de leur liberté d’être
informés, ne serait-ce que partiellement, on installe au quotidien chez eux la
défiance et la peur. ». Défiance et peur qui, en France comme aux
États-Unis, motivent directement ou de manière induite conduire à ce qui s’est
produit et perdure aux États-Unis (hausse des voix trumpistes, milices). Mais
il est tout aussi vrai que ne faire état que « d’incidents sporadiques »
ou d’« incivilités » lorsqu’il y a actions concertées de s’en
prendre aux policiers est choquant. Alternative PN se satisfait de l’article 24
mais fait aussi état de la nécessité de l’amender « afin de garantir la
liberté de la presse et le droit d’informer ». Dont acte.
Le
journalisme ne consiste pas qu’à poser des questions qui ne fâchent pas. On
peut toutefois les formuler de manière non agressive. Et j’aimerais bien que
les confrères et ex-camarades (je ne suis pas retraité cotisant) de la CFDT-journalistes
posent à Laurent Berger cette question : « un dialogue entre
journalistes CFDT et policiers CFDT est-il encore possible ? ». Il
semble que oui. J’irais même plus loin, ne seraient-ce pas les agissements des
black blocs et consorts qui induisent les réactions de policiers contre les
journalistes ? Brice Culturier, un journaliste, a relevé « l’extraordinaire
discrétion des médias sur les violences inouïes commises (…) par les
émeutiers. ». Cela se discute, En déduire que cela témoignerait de
partis pris de confrères contre la police, c’est une extrapolation. Tout comme
il est à présent allégué que Michel Zecler serait « un trafiquant de
drogue » (ce que j’ai pu lire dans Valeurs actuelles). Que les
policiers aient eu une suspicion légitime est une chose, que Michel Zecler n’ait
pas voulu suivre sans discuter ces policiers une autre. Et qu’un refus d’obtempérer
justifierait un tabassage une troisième. Je n’y étais pas, et donc je n’ai pas
non plus entendu les invectives racistes qu’allègue Michel Zecler. Ce que l’on
craint cependant, c’est que si l’on ne savait plus dans quelle poche on a placé
une attestation de déplacement dérogatoire et que l’on tarde à la produire, on
soit frappé. Ce n’est pas par peur généralisée de toute la police, mais
appréhension devenue diffuse. On n’y peut rien, ce qui augmente l’inquiétude, c’est
de voir, sur une seconde vidéo, des policiers rester passifs alors que le
tabassage se poursuit sur le trottoir.
Je
voudrais signaler la réaction insolite de mon confrère et ex-condisciple du
Cuej, Olivier Biffaud. « Au fait, commment vont-ils être identifiés ces
amoureux de la liberté de la presse qui s’acharnent sur un policier à terre ?
Grâce aux prises de vues des « journalistes à smartphone” qui se
délectent “professionnellement” de ce déchaînement de violence ? ».
Question qui fâche aussi puisque ces images pourraient encourager ces prétendus
amoureux des libertés à récidiver. Ce qui serait redoutable, c’est que ce type
d’interprétation soit allégué. On peut se demander aussi si cet article 24, par
extrapolation, ne le permettrait pas. Alliance CFE-CGC fait de la surenchère, « le
texte ne va pas assez loin, les policiers doivent être protégés en tous lieux
et tous temps ». Oui, les policiers, comme tous les justiciables,
doivent l’être, ont droit à des protections. Non, quel que soit le texte, s’il
est systématiquement envisagé qi’il n’irait jamais assez loin, où s’arrêtera-t-on ?
J’estimais hier que la droite soutient un texte qui pourra être utilisé aussi contre, comme par le passé, des ligues, ou des manifestations soutenues par la droite. La police est multiforme (l’épuration de la police à la Libération a aussi servi à se débarrasser de gêneurs ou de concurrents pour des promotions qui avaient peu à se reprocher en matière de collaboration), la presse est tout autant plurielle. En février 1934 (au moins 16 morts, 1 500 blessés), c’était la presse droitière qui minimisait les incidents et dégradations.
Je déplore
bien sûr que Le Monde fasse état de « policiers tabassés par des
manifestants » (et non par des casseurs bien qu’on ne puisse exclure
qu’un manifestant énervé se soit mêlé aux casseurs, l’énervement n’étant pas
une excuse, quand on manifeste, on ne se mêle pas à des casseurs). Ce qui est
certain, c’est que policiers et journalistes divergent sur cette loi. Est-il abusif
de souhaiter que, de part et d’autre, on surveille son langage ? On veut
croire aussi que le photojournaliste de l’AFP blessé au visage par un coup de
matraque n’a pas été agressé parce que journaliste identifié et qu’il s’agit d’une
bavure, d’un quiproquo que les syndicats de la police devraient s’efforcer de clarifier.
Après que la commission administrative interne se soit prononcée.
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