Le voisin ayant filmé a-t-il voulu nuire à la police ?
Le site
Loopsider diffuse une nouvelle vidéo de l’intervention contre Michel Zecler.
Elle provient d’un voisin qui a filmé d’autres policiers. Sera-t-il (autant que
Loopser) poursuivi par la justice ?
Non, assurément, la police n’est pas raciste (d’ailleurs, si certains policiers tabassaient une petite blonde, cela ne ferait pas de toute la police une institution sexiste). J’ajoute que puisqu’il nous est répété que les violences policières n’existent pas et que les évoquer risquerait d’étouffer un ministre, employons à présent l’expression d’animosité policière (au singulier, car le pluriel laisserait penser à une généralisation abusive, alors qu’il s’agit toujours d’un cas isolé).
J’ai
écouté Monsieur Darmanin expliquer que sur la masse des interventions
policières, il n’y en aurait que 0,3 % suscitant des récriminations (fondées ou
infondées, il n’a pas précisé). Je parle de mémoire, mais je considère qu’il s’agit
là d’un argument recevable.
Or donc,
sous le titre « Nouvelle pièce dans le dossier de l’agression de Michel Zecler »,
le site Loopsider diffuse une
vidéo supplémentaire de l’intervention. Elle est pris en extérieur, par un
voisin. On entend « dernière sommation après on tire » après
qu’une voix déclare « justement, je sors maintenant ». On ne
sait pas quels sont les policiers qui plaquent le sortant au sol ainsi que de
nombreux autres, en arrière, restent en retrait tandis que l’un ou l’autre d’entre
eux rejoignent leurs collègues.
La question
n’est pas de savoir s’il y a automatiquement distinction entre un quelconque
justiciable et un membre des forces de l’ordre : rester en retrait relève-t-il
du délit de mise en danger de la vie d’autrui ? La question est absurde puisque
la police ne peut par définition, mettre en danger la vie d’autrui (en cas de
risque immédiat de blessures).
Ce qui m’inquiète
davantage, c’est que ni ce voisin, ni les responsables du site n’ont pris la
peine de flouter les visages de tous ces policiers. Certes, ils sont nombreux à
être masqués, certes il fait sombre, non, un visionneur lambda ne saurait
mettre le moindre nom sur un seul de ces visages. D’autant que certains sont
trop loin de l’objectif et d’autres sont filmés de dos. Mais en agrandissant ?
Allez savoir...
L’absence
de floutage vaut-elle intention de nuire à des policiers, donc à encourir d’être
poursuivi ?
Et puis,
dire, comme on l’entend « je n’ai rien fait, je n’ai rien fait du tout,
monsieur » constitue-t-il un outrage ? Ou une incitation à quoi
que ce soit ? Employer un simple « monsieur » n’est-il point
cavalier ?
Ce riverain
déclare « ils auraient pu le tuer ». Par inadvertance, bien
évidemment.
Je n’étais
pas sur place, donc je ne me prononce pas, mais je me demande quand même si se
poser des questions ne soulève pas le soupçon d’être un élément subversif et si
le fait d’avoir exercé la profession de journaliste n’est pas une circonstance
aggravante.
Évoquons
aussi ce délit « de se maintenir dans un attroupement ». Qui
doit estimer le maintien dans un tel attroupement et à quelle distance ? Refluer
à la fin d’une manifestation, en groupe, même en respectant les règles de distanciation
constitue-t-il une manifestation de se maintenir dans un groupe et à partir de
combien constitue-t-on un groupe ?
Un éditorial
du Monde met
en cause la hiérarchie policière. C’est en accès libre.
Comment ne
plus se maintenir dans un attroupement. En s’éloignant en marchant au risque de
susciter l’idée que l’on nargue la police, ou en courant, au risque d’indiquer
qu’on pourrait avoir quelque chose à se reprocher ?
Le mieux,
évidemment, serait de ne plus s’approcher du moindre attroupement, de ne jamais
prendre en photo ou de filmer un ou des policiers. Je suggère donc de ne plus
couvrir le moindre attroupement, à commencer dans les stades où jusqu’à 22 ou 30
personnes se réunissent, et de ne plus diffuser d’images de la moindre manifestation
policière, que ce soit lors d’une commémoration ou d’une remise de décoration.
Et puis, pour les faits divers, ne plus mentionner le moindre nom d’un policier
devrait s’imposer. Un principe de précaution maximal devrait s’imposer de
lui-même.
Relevons
quand même les réactions de divers syndicats de police qui, même sans avoir
entendu leurs collègues, les désavouent. L’un avait ouvert le ban, d’autres ont
suivi. C’est assez insolite car nous étions plus habitués à des propos tels que
ceux tenus par David Jacob, d’Alternative police (syndicat affilié CFDT) qui,
ne connaissant pas le début de l’interpellation, appelle « à la plus
grande prudence sur l’interprétation » qu’on peut faire des images
diffusées.
J’aimerai
signaler au camarade (je fus délégué du personnel journaliste CFDT) que le fond
du problème est que, même si je peux imaginer que Michel Zecler aurait pu avoir
un comportement, voire des paroles (semble-t-il du mode « je rentre chez
moi », mais encore une fois, je n’y étais pas), on en vient à se demander
comment interpréter cet appel à la « plus grande prudence ». J’ai
eu à faire avec, professionnellement et individuellement, des policiers et des
gendarmes affables, et ce n’est pas par crainte que je le redis. Aussi avec d’autres,
mais cela restait dans l’acceptable ou l’excusable.
Et puis,
Cher Camarade, la liberté de la presse consiste par exemple à pointer que des
politiques ont favorisé des expressions communautaristes (notamment islamiques,
voire islamistes) et d’estimer que, parfois, des responsables syndicaux, pour
ne pas s’aliéner des votes, peuvent éluder les questions qui pourraient fâcher.
Est-ce bien prudemment énoncé ou considérez-vous que c’est à vous seul d’en
décider en votre qualité de policier ?
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