mercredi 2 décembre 2020

Black blocs, du grand n’importe quoi

 Amateurs d’émotions fortes ou réels protestataires ?

Présenter les membres de la nébuleuse black blocs tels des voyous n’est pas trop loin de réalité. Ils cassent, nous payons (contribuables, assurés, consommateurs). Quant à savoir qui les instrumentalise le mieux, c’est une autre histoire.


Voici peu, réagissant à des propos la policière syndicaliste Linda Kebbab, je n’excluais pas que des pendants des Boogaloo Boys étasuniens aient infiltré les black blocks. Il se trouve que les membres de Strasbourg Offender, labellisés néo-nazis par Mediapart, s’étaient infiltrés dans les rangs des manifestant contre la loi de sécurité globale. En fait, ils n’étaient que 14 à vouloir « cherché en vain des antifacistes ». Faut-il rappeler que les antifas se manifestent davantage sur les réseaux sociaux, pour dénoncer tel ou telle tenant des propos douteux ou aux comportements discutables, que lors des manifestations ? On peut d’ailleurs se demander si antifas se mêlant aux black blocs et néo-nazis ne sont pas fondamentalement les deux faces d’une même réalité.

Soit, selon Causeur, des gens majoritairement jeunes, las de ne s’exciter que devant des écrans affichant des jeux violents ou de jouer au paint-ball (je n’ai pas trouvé de traduction, de même pour airsoft), jeu un cran au-dessus d’une bataille avec des pistolets à eau. Cela étant, je n’irai pas extrapoler à partir d’un seul exemple ma comparaison entre ces Offenseurs strasbourgeois et les Boogaloo Boys... Cela reste une hypothèse quelque peu hasardeuse.

Toutefois, les jugements de trois casseurs de Toulouse révèlent un insolite échantillon. Soit un intérimaire alcoolisé, deux ados, dont l’un de 15 ans, fils de diplomate. Cela me semble assez loin de jeunes fanatisés par l’ultra-gauche que dénonçait Linda Kebbab. Laquelle, tout comme le courageux syndicaliste policier Alexandre Langlois (ex-Vigi Police) qui vient de demander une rupture conventionnelle, se pose des questions à propos de la façon policière (soit, ici, de la hiérarchie) de traiter ces casseurs.

Faut-il d’ailleurs les cataloguer tous extrême ou ultra-gauche ? Ou, comme Linda Kebbab les cataloguer « manifestants dangereux ». Dangereux, certes, manifestants, peut-être, car des manifestants ne se contrôlant plus car colériques ou outrés par des violences illégitimes de policiers, ce ne peut être exclu.

Mais comme la droite la plus dure et la droite extrême ne cessent, comme Trump, de se définir en partisans de la loi et de l’ordre, et de réclamer davantage de moyens pour les policiers, et de dénoncer les casseurs d’ultra-gauche, des syndicats de policiers se gardent bien de les contredire.

Linda Kebbab estime que « la police est instrumentalisée par le politique ». L’inverse serait-il tant sans fondement ?

En fait, il est difficile de cerner ce qui compose le « bloc noir ». Pour apporter une nuance à ce que relate (ou invente) Causeur, il convient de remarquer qu’on trouve aussi des jeunes et moins jeunes femmes dans la galaxie des cagoulé·e·s de noir.

Ce n’est pas pour critiquer Marine Le Pen parce qu’elle est Marine Le Pen que je relève qu’on ne peut dissoudre une mouvance floue. Mais que, même si elle était mieux identifiée, elle se reformerait (comme les groupuscules d’extrême-droite) sous une autre appellation. Et puis, l’arsenal juridique existant suffit en général largement (ce qui vaut aussi pour l’article 24 de la loi sur la sécurité, qui ne vise en fait qu’à pomper des voix d’électeurs policiers, gendarmes, voire militaires, cette appréciation étant discutable, j’admets).

Enfin, il est faux d’avancer que les « journalopes » ou la gauche exonère systématiquement le bloc noir de ses responsabilités. Certes, Yannick Jadot et d’autres ne sont pas à la gauche de la gauche du mouvement écologiste, tout comme Xavier Bertrand ne se situe pas à la droite de la droite. Et le préfet Didier Lallement n’est pas tout à fait le préfet Chiappe (soutien des ligueurs des années 1930).

Ce qui semble sûr, c’est que la police n’est pas formée, comme l’étaient des forces spéciales australiennes en Aghanistan, à former les récentes recrues à tuer, égorger des civils, tout comme les militaires français au Tchad, encadrés par de jeunes officiers formés à Saint-Cyr, pendaient des paysans par les pieds pour leur enflammer un brasier sous la tête (fameux article du Spiegel de l’époque).

Il n’existe pas de défiance généralisée de la police de la part des justiciables lambda, juste une méfiance qui devient plus générale. Cela tient aussi à de petites choses, comme cette policière, alors je tentais d’argumenter que la situation n’était pas tout à fait comme elle l’interprétait et montre son badge du doigt en me disant « il ya marqué police, là ». Ce qui venait à signifier « tais-toi, je n’ai rien à entendre d’un justiciable ». Ou ce petit gradé auquel je disais que l’on allait raccompagner un jeune homme un peu éméché et seulement bruyant qui me rétorquait : « on peut aussi vous embarquer », voussoyement sans doute dû à mes cheveux blancs ?.  Je me plais à souligner le comportement irréprochable et courtois d’autres policiers (ce n’est pas la première fois). L’entretien entre Charlotte Herzog, du Monde et le sociologue Mathieur Zdagtrodzki, me semble assez significatif de l’attitude de syndicats policiers clientélistes. C’est en accès libre.

Si, non pas la police, mais des policiers, croient que l’opinion de droite leur sera toujours favorable, qu’ils se dessillent. Une culture de l’impunité leur fera tôt ou tard se la mettre à dos, comme par le passé. Pour le moment, la droite ne s’en prend qu’à l’institution judiciaire (estimée outrancière dans des affaires de fraude fiscale, d’abus de pouvoir, notamment). L’institution policière, laissée à elle-même, suivra.

Je me souviens de cet ancien directeur de maison d’arrêt de Belfort, ancien militaire, me disant que « les réformes pénitentiaires ont toujours suivi l’incarcération de gens n’ayant, a priori, rien à faire en prison. ». Il faudrait peut-être que certains syndicats de policiers viennent à y réfléchir. Alexandre Langlois estrime qu’’il n’ y a plus de moyen de se faire entendre à l’intérieur de la police et considère que les policiers ont peur, non pas de la population, de la hiérarchie. Je ne cautionne pas tous ses propos, faute d’avoir enquêté. Les policiers devrait se souvenir de l’épuration à la Libération, parfois abusive et biaisée, et se dire que sous l’uniforme, ils restent des travailleurs, dispensables donc limogeables au gré des intérêts du moment. Dont ceux d’autres policirers. Au fait, Linda Kebbab, pourquoi, sur la couverture de vore livre, vote visage n’est-il pas flouté ?

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