vendredi 4 décembre 2020

Le Wall Street Journal lâche Trump

Net démenti et condamnation provisoire de NewsCorp

Cela vaut vraiment d'être relevé : dans un éditorial, le Wall Street Journal (NewsCorp, WSJ, Fox News et New York Post) indique clairement que Donald Trump a perdu sa réélection. Qu'importe, ce qui prédomine, c'est la crainte qu'il affaiblisse les chances de voir deux sénateurs (dont une sénatrice) de Géorgie, laissant le Sénat aux mains des démocrates.


Cela pourrait être un coup très dur pour Trump, mais il en a vu d'autres, et le désaveu du WSJ n'est peut-être que provisoire. Ce quotidien, comme le Post, NYP, fait partie de la presse Murdoch. Fox News aussi, qui a vu son audience chuter, et tente de se refaire une santé en se mettant moins la Trumpland à dos. Pour le Post, c'est à peu près la même chose : surtout ne pas s'aliéner la Trumpland.
Mais le WSJ, c'est les gros sous d'abord. Donc un Sénat républicain. Et la majorité sénatoriale républicaine dépend d'une sorte de second tour en Géorgie, le 5 janvier.

Or, un sondage donne déjà le candidat sénateur démocrate Warnock devant son adversaire. Pour le second siège, c'est presque moitié-moitié. Il faudrait que les deux démocrates soient élus pour que la présidence Biden ne soit pas paralysée (on serait à 50-50, mais la voix de la vice-présidente Harris compterait double). Mais il faut aussi considérer qu'un sénateur républicain tiède, pas trop trumpiste, fasse défection sur des dossiers financiers.

Trump va se rendre en Géorgie pour soutenir Kelly Loeffler et David Perdue, les deux républicains. Mais alors qu'il a profité d'une remise de médaille (à un entraîneur de foot américain), il en a profité pour seriner tout le monde avec les fraudes électorales. Au point que CNN a préféré ne pas relayer ses dires. Il est donc redouté qu'en Géorgie, il recommence son cirque et critique les autres républicains du cru qui lui auraient failli en ne prenant pas assez les supputations de fraude au sérieux et en concédant que la victoire revint à Biden. De quoi diviser l'électorat, et de mobiliser celui des démocrates. Warnock, proche de Bernie Sanders, est un épouvantail pour la Trumpland et même l'électorat républicain modéré (enfin, ce qu'il peut en subsister). Trump a fait perdre des voix, notamment à Atlanta et, horreur, dans ses banlieues, et même d'autres. Pour la direction éditoriale du WSJ, en cas de perte de ces deux sièges, ce serait la faute de Trump. Il faut donc qu'il change de ton, du moins, provisoirement. L'édito critique aussi Trump qui pompe des donations pour préparer sa réélection en 2024.

Cela étant, on peut se demander s'il ne s'agit pas aussi pour la presse Murdoch d'une manière d'indiquer à Trump qu'il faut qu'il cesse de faire de la publicité pour les concurrents de Fox News (Oann et NewsMax, qui continuent à conforter les supputations de fraude et s'en prennent à présent à Barr, le ministre de la Justice, pourtant ardent trumpiste et exécuteur de basses œuvres, mais qui n'aurait pas assez, jusqu'à présent du moins, trouvé autant de cas de fraudes qu'il conviendrait). Barr a certes dit que la pêche n'était pas encore bonne, mais qu'elle se poursuivait.

Pour le moment, Trump n'a pas répliqué par un fake news. Il a accordé un sursis à Barr, qui pourrait garder sa confiance s'il changeait son fusil d'épaule, mais rien encore sur l'édito du Wall Street Journal. Le titre, après le dépouillement de l'élection du 5 janvier, si satisfaisante pour les républicains, pourrait d'ailleurs aussi faire machine arrière. Sans doute pas en disant que finalement, l'élection de Trump fut truquée, mais en ne contrariant pas ses ambitions. Donc en le citant, en publiant des photos, en remémorant les hauts faits de sa présidence.

Trump étant immensément revanchard (il adore virer les mous, les contradicteurs, même timides), s'il continuait à poursuivre de sa vindicte trop d'élus républicains, à pousser des candidatures d'ardents trumpistes lors de primaires dans les États fédéraux, le risque d'une scission au sein du parti républicain semble plausible. Ou qu'une partie de l'électorat centre-droit républicain fasse défection, s'abstienne. La direction du WSJ a sans doute pris le pouls de son lectorat avant de se montrer si critique. Ce n'est certes pas celui de la majorité de la Trumpland qui préfère les pages sportives d'autres quotidiens plus accessibles. La même édition se montre critique à l'égard de la juriste Jenna Ellis (embauchée pour rejoindre l'équipe juridique de Trump), qui n'a pas fait ses études dans une université de l'Ivy League, fut auparavant une piètre avocate (ne traitant que de petits dossiers, genre infractions routières et affaires familiales). Un autre article s'en prend à une autre juriste trumpiste, Sidney Powell, une quasi-illuminée ayant vu partout la main de l'étranger. Dans un autre article sur la démission d'une communicante de la Maison Blanche (Alyssa Farah), il est aussi rappelé qu'aucune preuve de fraude électorale massive n'a pu être produite. Pour le Journal, une page semble tournée.

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