Selon un athée qui en est proche, le pape François serait un hérétique
Cela fait un bon mois que les
bonnes feuilles du dernier livre d’Eugenio Scalfari, 95 ans, fondateur du
quotidien La Repubblica en 1976, et longtemps son éditorialiste dominical,
ont agité l’univers catholique romain. Mais, le 5 novembre dernier, La
Reppublica lui offre une tribune, et ce n’est qu’hier que le Vatican a émis une mise au point : les propos du pape François recueillis par Scalfari ne
sont pas verbatim, point.
Ce n’est guère différent de ce qui
s’était produit en 2013, 2014 et 2018. Car Scalfari converse régulièrement avec
le pape… Et il publie les propos pontificaux entre guillemets, les
authentifiant ainsi.
Le laconisme des réfutations vaticanes peut laisser
supposer que Scalfari serait le porte-parole officieux du pape, qui, bien
évidemment, ne confirme pas urbi et orbi ce qu’il lui confie. Car s’il s’exprimait
ainsi ex cathedra ou ex officio, soit paré d’une infaillibilité
pontificale décrétée en 1870, laquelle, malgré les efforts du théologien Hans
Küng, reste acte de foi, un nouveau schisme ne saurait tarder.
En substance, selon Scalfari, l’actuel
pape serait un adepte de la christologie kénotique, dérivée de l’interprétation
de propos de l’apôtre Paul, selon laquelle Jésus aurait renoncé à sa divinité
dès sa venue au monde et ne l’aurait recouvrée qu’après sa mort. Ce n’est pas l'homme incarné qui serait ressuscité, et c’est sous la forme d’un esprit que cet homme se
serait manifesté après sa mort. L’apôtre Thomas aurait donc été un illuminé
victime d’une apparition ou l’évangéliste Jean aurait inventé le dialogue entre
le Christ et son apôtre.
Cela étant, pourquoi pas ? Si
tant était qu’il ne fut qu’un seul authentique Jésus (de… Nazareth, d’une autre
localité ?), qu’un dieu unique se soit incarné en lui (quand ? dès l’annonce
faite à Marie ? post-partum ?), et lui ait donné la latitude de se
renoncer à sa divinité en tant qu’homme jusqu’à son trépas (dès
son premier vagissement, plus tard ? mystère...), tout cela reste abracadabrantesque.
Bref, que le pontife catholique
apostolique romain (entre autres multiples pontifes catholiques, chrétiens…) n’accorderait
— le conditionnel s’impose — aucune foi en la « résurrection corporelle
du Christ » ne change pas grand’chose.
Le dieu unique et la société
moderne, le livre de Scalfari, met à mal les Actes des apôtres, les conclusions
du concile de Nicée-Constantinople (325-Nicée ; 381-Constantinople), que
certaines églises protestantes ne contestent pas. Pour résumer, l’anathème
pourrait frapper un pape romain…
Mgr Strickland, un évêque
américain, se proclamant gardien de la vraie foi, a condamné sans équivoque le « prétendu
journaliste Scalfari ». Lequel échappera sans doute au bûcher.
En fait, Scalfari est accusé d’être
un crypto-communiste laïcard, mais une partie de la cour vaticane s’empresse de
relayer ses allégations / présupposés / affirmations (in)fondées (rayez la mention
qui ne vous convient pas) afin d’écourter l’actuel pontificat.
Si le quotidien français La Croix a fait état du démenti du Vatican (mars 2018) selon lequel le pape
François n’aurait jamais déclaré à Scalferi que « l’enfer n’existe pas »,
sauf erreur (d’inattention, d’absence de recherches approfondies), les
dernières controverses sur l’authenticité des propos rapportés par le
journaliste tardent à être évoquées dans ses colonnes.
La doctrine veut que ce Jésus ait été,
de sa conception à sa résurrection, à la fois un homme et un dieu. « Vrai
Dieu et vrai homme ».
Deux supputations contradictoires
veulent que soit le pape ait réellement tenu de tels propos, soit qu’il ne soit
plus maître en sa maison et que son service de presse laisse entretenir le
doute.
Comme l’exprime Riccardo Cascioli
de La Nuova Bussola, tout cela revient à « mettre la foi des
simples en péril ». Et à endosser une lourde responsabilité « devant
Dieu avant tout ».
Comme l’exprimait Ludwig
Wittgenstein, « les limites de mon langage signifient les limites de
mon propre monde. ». Et on se demande si Eugenio Scalfari et le pape
François vivent vraiment dans le même monde, ici, maintenant, et dans un incertain au-delà.
J’irai plus loin : certes, qu’un
Jésus se soit voulu Jésus et non Christ de son vivant ne change pas grand’ chose
à sa présumée divinité (antérieure, postérieure). Mais j’imagine que d’autres
intégristes des autres obédiences dites « du Livre » (monothéistes)
ne vont pas laisser passer ces propos (doublement, aux deux sens ?)
apocryphes. Ils peuvent conforter l’idée que ce Jésus ne serait qu’un prophète
parmi tant et tant d’autres. D’un autre côté, on pourrait espérer qu’ils aient
valeur d’incitation à mettre en doute des hadiths, de multiples gloses… En
toute intégrité intellectuelle, ou pour favoriser des jeux de pouvoir, des
ambitions ?
Tout cela est en fait plutôt insignifiant
en soi (quant au devenir climatique, au sort de millions d’êtres humains), mais
ce ne serait pas la première fois qu’un fait d’apparence très secondaire
finisse par revêtir une signification primordiale.
Petites causes, grandes conséquences :
un nouveau pape serait-il appelé « araignée » ? L’effet papillon
ne doit jamais être négligé.