Philippe Lacoche, du couvent au phalanstère
Mi-réussi et nonobstant pas mi-raté. Pour les lecteurs
assidus de Philippe Lacoche, c’est un succès, un tube pas que de toilettes.
Pour d’autres, c’est selon. « Eau chaude, eau froide, eau mitigée »,
comme le chantait Boby Lapointe. Pour moi, c’est moit-moit du bon côté, le, la
meilleure l’emportant haut la main (et le cœur, l’aile d’alouette, tutti
quanti).
Une autre fois, je vous évoquerai Iris Picardie (sous-titré
« embrouilles à perte de vue »), polar « oiseux » (nan,
isarien, ou oisien, comme vous sied), de Jean-Charles Fauque, aux éditions
Zones noires. D’accord, je vous le concède, c’est procrastiner, reculer pour
mieux ne pas bondir de traviole sur la Mise au vert de Philippe Lacoche
aux éditions du Rocher. Ou prendre son élan jusqu’à la page 120 (sur 380) — comment
vais-je donc me débrouiller pour caser le prix, 19 euros ? —ah, j’ai raté
mon coup, tant pis. Bon, titre, auteur, éditeur, nombre de pages, prix, j’ai
rempli mon contrat et pourrait m’en tenir là, m’évitant d’avouer que j’ai savouré
sans m’enthousiasmer le… faites le compte : premier tiers du récit ?
Un bon truc de journaleux (Lacoche en reste un autre)
consiste à glisser un bémol qui crédibilise encore mieux l’allegro
fortissimo élogieux de l’ensemble. Là, non, c’est sincère, deux-trois trucs
du confrère m’ont laissé mollasson au départ embrayé.
Lacoche-Chaunier (Philippe-Pierre) est au couvent et non
point d’ores et déjà prêt à convoler avec Ore. Ou l’Orangée de Mars. Fine allusion
à Soulages qui valait d’être explicitée, ce qui le fut.
Eau froide (glacée ?), à mon sens pour un lectorat
quadra-quinquagénaire peu porté sur la gaudriole et les cuites, macroniste de
surcroît, lecteur de précis de bien-être zen et de manuels genre méthode Coué
pour réussir en affaires, mener sa présentation PowerPoint, subjuguer la DRH.
Ni féru, ni congru de littérature et d’histoire (des luttes sociales, des
objets et appareils obsolètes du temps de la TSF et des Teppaz, du temps jadis
qu’on pourra remettre en sels de la Terre ne trompant pas).
Eau… Non, plus tard. Or donc, Ore. De son vrai prénom, j’ai
oublié. Accorte, prévenante, plantureuse. Pierre Chauvier (zut, Chaunier :
Chauvier, c’est le surnom d’un confrère de France Cul’, Olivier Chaumelle…) se
défroque, sa bure réticente tout d’abord remontée au nombril, puis jetée aux
orties.
Reprenons. Eau mitigée. Certes, avant la page 120, j’ai
relevé l’incidente à propos des aurochs (qui, comme dans Animal Farm,
sont polyglottes). Huxley n’est pas mentionné (de mémoire défaillante). Mais
Roger Vailland, si, par deux fois (vers la p. 60, à quatre-cinq près). Qui
cela ? Vailland, Roger ? Et pourquoi pas Paulo, le couturier homonyme ?
L’ennui, pour d’autres frileux de moins de x années, c’est que des noms d’auteurs,
de Résistants, d’utopistes raisonnés (Godin, à votre guise ; sucreurs francisiens,
donc isariens ; Léon Harmel valaisan-des-bois ; « graveleux »
zyslyens des Vaux et des monts ; d’autres cités ou non que j’oublie), leur
échapperont totalement. Oui, zyslyens (Henri Zisly). Lacoche se permet bien « bloyistes »
(p. 274), littérateur léonin en diable (ou léonien, comprend qui veut, ou
qui peut… pointerai-je), et s’affranchissant de transition explicative. Ce
roman mériterait un index des noms propres et toponymes, et on y trouverait
Léon Bloy. Kiça ? Léon de Blois ? Meuh non, de Bruges !
Eau bouillante ou bouillonnante, en effervescence à jets
continus, artésienne à pleins baquets. Pour l’ode laudatrice à tout crin (d’auroch), voyez
Bernard Leconte et Michel Bouvier (le bien nommé en l’occurrence pour causer
vaches, cochons, couvées, sans oublier Zahia la chevrette, de son vrai prénom
Fanfan), et l’émission La
Baraque à livres de RCF radio. Ce n’est pas le bol d’arabica lacté dans
lequel je trempe mon maroilles. Ce sera encore moins la tasse de thé des
grincheux, des non-imaginatifs, des coincés, pisse-froids (je ne vais pas
parodier Rabelais et vous égrener une litanie post-lacochenienne).
Pour ne pas balancer (ni pousser trop haut l’escarpolette) mais
évoquer, nuance, je ne vous ménage aucune épiphanie. N’espoillions point (du
lat. psoliare), ou nenni ne divulgâcherai. Comtois, Breton, Limougeaud, Champenois,
Ardennais (idem, n’abusons point) ; Comtois ne te rend point, ne commence pas ce roman mâtiné whodunit
(le nom du violeur, du prédateur, bien connu du lectorat du Chemin des fugues
ou d’autres « Chaunier » de l’auteur, sera divulgué, tout comme
la détranconisation, en temps utile et tempo sursautillant).
On passe donc de l’intimisme (les galipettes d’Ore et de
Chauv… zut, Chaunier) au tarazimboumant. Libertaro-conseilliste-communardo-léniniste,
voire, comme me désignèrent des trotskards, circa fin 1967, anarcho-éthylique.
Debordélique, sans accent sur la première e. Jouissif. J’enchaînerai bien avec
une rime en if, mais Lacoche préfère les ormeaux (aux deux sens du terme).
Terme ? Et si je stoppais là ? Ci-fait.
Trop vite. Je laisse Murielle
Compère-Demarcy, de La Cause littéraire, poursuivre. Initials PC, aurait
chanté Gainsbarre (Lacoche est un fin connaisseur de musiques contemporaines).
Ce n’sera pas moi qui vous aura dévoilé la trame, mais elle…
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