mercredi 11 septembre 2019

Brexit : vers un assouplissement du backstop ?

Le no-deal délivré franco de port ?

Quel sous-titre tiré par les cheveux ! Ports francs (déjà évoqués sur ce blogue), pont entre Irlande du Nord et Écosse ? Quoi qu’il advienne, le Brexit aura un coût, économique et politique… Quant à le prévoir ou le chiffrer… Et quel Brexit ? Allez savoir…
Heads or tails?
Larne (Latharna), port et ville de moins de 20 000 h, au nord de Belfast, sera-t-elle reliée à Portpatrick (Port Phàdraig), ancien port du temps de la marine à voile, et village écossais de moins de mille habitants ? Relier par un pont le comté d’Antrim (Aontraoma) et l’ancien comté de Dumfries (Dùn Phris) est souhaité par le DUP (Parti démocratique-unioniste) nord-irlandais. Cela éviterait de fixer, post-Brexit, une frontière virtuelle maritime entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.
Enfin, paraît-il…
Techniquement, franchir 28 miles (45 km) reste un défi — le pont de Saint-Nazaire ne couvre que trois kilomètres — mais non insurmontable, car depuis 2010, on a fait largement plus long en Asie. Mais il se pourrait que des explosifs, mines, bombes, de la dernière guerre contrecarrent l’avancée des travaux… Économiquement, c’est tout autre. Mais des études auraient été lancées.
D’ici à ce que cela soit réalisé ou rejeté, des eaux couleront sous les ponts de Londres et ceux sur la Liffey (Dublin) ou de Belfast. Et avant de faire de Portpatrick un port franc (d’autres sont envisagés), il faudrait bien une décennie…
Mais c’est bien de l’instauration d’une frontière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne dont il est de nouveau question en coulisses, à Londres et Bruxelles (et Dublin). Cela permettrait à la Grande-Bretagne de ne pas rester indéfiniment dans l’union douanière européenne, et d’éviter de restaurer une frontière terrestre entre les deux « Irlande ».
Sauf que… D’une part, du temps de Theresa May, le DUP (dix sièges à Westminster) et les conservateurs les plus hostiles à l’Union européenne se sont catégoriquement opposés à ce que l’Irlande du Nord soit dotée d’un statut spécial. D’autre part, si la République d’Irlande n’est pas totalement opposée à cette solution, on ne sait trop si une majorité se dégagerait au sein des 26 autres pays. Or, l'unanimité est requise.
Pour le moment, de quoi s’agirait-il ? De trouver un accord sur l’agro-alimentaire. Sur les autres échanges de biens (industriels et autres) et services (financiers et divers), il ne semble pas que des avancées significatives se dessinent.
Et puis, toute concession de la part du gouvernement heurte déjà les « Spartiates ». C’est le surnom que Boris Johnson vient d’affecter aux conservateurs les plus eurosceptiques. Il s’est aliéné les europhiles et les modérés et a perdu sa majorité. Ce qui, paradoxalement, lui donne un peu plus les coudées franches : que le DUP le désavoue devient moins important.
Selon divers sondages, il semblerait qu’environ un tiers des Britanniques seraient jusqu’auboutistes : non seulement ils souhaitent une sortie sans le moindre accord contraignant, mais s’estiment prêts à affronter les conséquences. Les indécis ou sans opinion formeraient un cinquième de la population. Mais la répartition, sans être totalement nette, est géographiquement et sociologiquement dispersée.
En termes de circonscriptions, un indice est donné par le Brexit Party qui réclame de pouvoir présenter 90 candidatures n’ayant pas à affronter une concurrence des conservateurs. Boris Johnson se refuse à passer un tel compromis avec Nigel Farage. Jusqu’à quand ?
Car si les prétentions de Farage sont excessives, il n’en reste pas moins que l’hémorragie de votes conservateurs vers le Brexit Party empêcherait le parti Tory de retrouver une majorité à Westminster. La majorité deviendrait composite : Labour, LibDem, SNP pour les gros effectifs (avec l’apport ou non d’autres formations). Une coalition plus que fragile, mais qui pourrait, si les élections se tiennent en novembre ou décembre et que la date d’application du Brexit soit repoussée à fin janvier, permettre de mener des négociations accélérées avec l’Union européenne sur la base du plan de Theresa May plus ou moins aménagé.
On en est là. « On » et non pas « ils » (ou eux, les Britanniques) seulement. De part et d’autre de la Manche, d’Iroise, des mers celtique et du Nord, on reste dans l’expectative…
À part cela, théoriquement, après la décision d’une cour écossaise ayant estimé que la mise en congé du Parlement est illégale, les députés pourraient rejoindre leurs bancs. Enfin, c’est selon. Le gouvernement a saisi la Cour suprême qui débattra le 17 prochain. Il n’est donc pas sûr que les députés puissent regagner Westminster avant le 14 octobre.
En attendant, certains députés mettent la pression sur le gouvernement pour qu’il divulgue tant un rapport sur les conséquences négatives d’un Brexit sans accord qu’un point circonstancié sur ceux qu’il entend négocier avec Bruxelles.
Pour le gouvernement, c’est no et no. Le dossier Operation Yellowhammer listant les conséquences négatives d’un no-deal est trop excessif pour être divulgué, cela induirait l’opinion à considérer que ce scénario du pire est le seul envisageable. Et hors de question de négocier avec Bruxelles en dévoilant à l’avance des directives générales : cela reviendrait à se présenter à la table des débats en costume d’Adam.
David Frost, le négociateur britannique, est retourné à Bruxelles… Avec pour seule nouvelle proposition de convier des représentants de l’Assemblée nord-irlandaise lors de discussions sur la circulation des denrées agro-alimentaires entre la République et la partie britannique d’Irlande.
Cela commence à irriter sérieusement les négociateurs de l’Union. Qui ne savent plus trop quelle sont réellement les intentions du gouvernement britannique (ou plutôt du duo Johnson-Cummings et de leurs partisans), celles du principal parti d’opposition aux voix discordantes (élection d’abord, referendum ensuite, ou l’inverse ?). Le SNP écossais veut un accord, sans pour autant, s’il obtenait satisfaction, renoncer à l’indépendance. Les libéraux-démocrates feront campagne pour rester dans l’UE.
Laquelle est partagée. L’Allemagne veut négocier jusqu’au bout. L’Espagne ne veut rien lâcher de plus au Royaume-Uni. L’Irlande balance (mais son budget pour 2020 se fonde sur la perspective d’un Brexit sans accord). La France hausse le ton mais ne dit rien de ses réelles intentions. Quant à Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, elle semble entériner le fait que la sortie sans accord est l’éventualité la plus probable en réaffirmant que l’Union y serait désormais totalement préparée.
Que faut-il (tenter de) comprendre ? Que la porte est étroite, la pente est dure, l’issue incertaine. Et que, entre les sondages et les cotes des bookmakers (5/2 pour une sortie sans accord selon Betfair) qui divergent, autant lancer une couronne (Crown, pièce de cinq livres) de Gibraltar ou de Man en l’air, histoire de voir si elle retombe tails (pile) ou heads (face).
Au fait, puisqu'on cause pognon, pépètes... Boris Johnson, en direct sur Facebook, dialoguant avec des interlocutrices et interlocuteurs choisis (plus ou moins), a indiqué que chaque semaine, le Royaume-Uni consentait 250 millions de livres sterling à l'Union européenne. Soit cent millions de moins par rapport à ce qu'il affirmait voici peu. Alors, 250 ou 350 hebdomadaires ? Oh, bof, quand il s'agit de préserver la survie du parti conservateur, on n'en est plus à quelques millions près... À la petite semaine, chameau ou dromadaire, c'est du quasi kif-kif j't'embrouille.

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