Mediapart répond à Marianne : cui kil dit kié
Marine Turchi, consœur davantage estimée pour ses papiers
économiques que pour ceux traitant de faits divers (mais cela pourrait
évoluer), répond à Gabriel Liebert, de Marianne. L’enquête de Mediapart
sur l’affaire Haenel a été rigoureuse.
Je m’étais promis de ne pas revenir sur la contre-enquête de
Gabriel Libert, de Marianne, donnant la parole à Christophe Ruggia et à
sa sœur.
Sauf si…
Si Mediapart répliquait. C’est le cas, et
cela, en libre accès, sous le titre : « Quand Marianne
déguise une interview en “contre-enquête” ».
Bien, cela vaut aussi droit
de réponse à mon billet de blogue, enfin, de facto, et j’admets bien
volontiers que les arguments de Marine Turchi sont étayés, &c.
Que Marine Turchi ne soit pas principalement une fait-diversière
ne la disqualifie nullement. Je le signale incidemment, cela ne manifeste qu’un
léger étonnement de la voir au cœur de l’enquête de Mediapart.
Que ce soit Marine Turchi et non « la rédaction »
qui, dans l’espace des abonnés du titre, donne la réplique à Gabriel Libert, ne
doit pas être soupesé. Il est probable que ce fut discuté collectivement. Donc,
je maintiens que Mediapart répond à Marianne.
En revanche, mon sous-titre, « c’est celui qui le
dit qu’il l’est », est juste une impression furtive, avant relecture
des propos de Marine Turchi. Je le conserve par flemme et confesse qu’il
pourrait induire en erreur, remarque valant rectificatif.
Et puis, je ne prétends que vous inciter à faire votre opinion
par vous-mêmes. Les éléments sont publics, et je n’ai pas de réel parti-pris
(fumeux, peut-être).
Dans des messages sur Twitter, Gabriel Libert va plus loin
que ce qu’il a publié dans Marianne. Je lis que Marianne aurait exhumé « mensonges,
contre-vérités, et approximations ». Ou que « le pouvoir
revendiqué d’Haenel pourrait empêcher certains de témoigner au préjudice de
leur carrière ». Ce n’est plus tout à fait du journalisme impartial,
plutôt de l’auto-réclame, à mon humble avis, mais là, Gabriel Liebert n’engage
que lui-même… en tant qu’utilisateur de Twitter. Nuance. Mais on a du mal à saisir que ce seraient des témoins, et non Mediapart, qui auraient menti, déformé, &c. Ce qui n'est pas très... Bon, c'est du Twitter.
Effectivement, il aurait pu contacter Mediapart, cela
se fait.
Mais la conclusion de Marine Turchi est quelque peu
expéditive : la contre-enquête se résumerait à un entretien avec
Christophe et Véronique Ruggia, « ni plus, ni moins ».
Effectivement, le seul témoignage quelque peu étayé d’un tiers est celui d’Érik Deniau, « un vieil ami de Ruggia ». Oui, et
alors ? Irrecevable de ce fait ? Je l'avais d'ailleurs remarqué et indiqué.
Pour un peu, on reverrait les parties dos-à-dos. Les
procédés reprochés à l’un valent à l’une des emplois voisins.
Je trouve aussi quelque peu léger de considérer que, parce
que trois titres que je mentionnais dans mon billet reprennent la même dépêche
AFP en considérant que l’article de Libert est présenté trois fois « comme
la prise de parole de Christophe Ruggia », cela ne serait que cela. L’élément
nouveau, c’est bien que Ruggia s’exprime, mais est-ce vraiment le seul ? L'unique ?
Mediapart a donc consacré « 59 000 signes »
— près de 40 feuillets si je sais encore compter — contre cinq pages de texte
(plus une légende de photo pleine page) pour Marianne. Mais comparer un
site à un hebdo, cela revient à comparer un quotidien à un mensuel : ce n’est
pas la même encre, le même poids de papier. Mediapart n’a pas à router son
édition quotidienne (et à timbrer). Faible argument.
Que Marine Turchi ait ressenti de l’empathie pour Adèle
Haenel, et bien, pourquoi pas ? Un autre texte en témoigne (« Une
enquête singulière »). Lequel relève qu’ont été interrogées « des
personnes qui ont, sinon ignoré les alertes, en tout cas pas pris la mesure de qu’il
se passait ». Sciemment ? Ayant choisi de ne rien voir, rien
écouter, et surtout ne rien dire ? Cela laisse présumer que Marine Turchi ait pu développer une intime conviction. Mais cela, on le laisse aux policiers et aux jurés.
L’argument que, généralement les enquêtes de ce genre s’appuient
« sur les témoignages de plusieurs victimes d’une même personne »
mais que ces absences sont compensées par « l’existence de documents »
et « un nombre inédit de témoignages » est recevable. Après
tout, Ruggia pourrait (conditionnel requis) n’avoir éprouvé que pour cette
adolescente un désarroi impliquant des comportements déplacés. Ce, trois ans
durant, sans qu’Adèle Haenel s’en ouvre à quiconque. Ce qui, si elle n’avait eu
que six ans, et non le double, puis davantage (de 12 à 15 ans, et de 2001 à 2004, relève Marine Turchi), peut surprendre. Mais dans ce type de relation, beaucoup peut surprendre.
Et c’est aussi ce que relève la « contre-enquête » ;
qui ne prouve rien. Et se préserve bien de mettre en doute la parole de l'actrice, ou d'affirmer que les arguments du réalisateur sont irréfutables.
Ce que je remarque… Si l’enquête de Mediapart s’est
prolongée sur sept mois, pourquoi ne pas la poursuivre, aller à la rencontre de
ces personnes n’ayant rien remarqué d’anormal, leur donner aussi la parole ?
D’autant qu’elles disposent à présent de la version de Christophe Ruggia, ce
qui pourrait raviver leurs souvenirs et moins « peiner à mettre un mot »
sur ce qu’ils étaient censés voir, et même observer ?
Quant aux omissions de Libert dénoncées, l’une paraît pour
le moins faible. Comme la note « Festival+Christophe Chelou=>je me
sens seule, bizarre » ; ce « louche » en verlan peut
recouvrir de multiples significations, et se sentir seule n’implique pas d’être
obligée de se barricader.
Je ressens pour ma part que la meilleure réfutation ne
consiste pas à mettre en accusation le travail de Libert, ou alors, il faudrait
carrément énoncer qu’il n’a rien fait d’autre que de pomper l’enquête de Mediapart
et la dénaturer.
Bien, contrairement à ce qui se passait lors de l’affaire
Grégory, personne ne s’envoie des insultes, voire en vient à être prêt à
échanger des coups.
Mais la lectrice ou le lecteur reste bien en peine de
départager Marianne et Mediapart. Quant à dire qui surinterprète ou
minore quoi d’essentiel au juste dans les propos de l’actrice et du
réalisateur, je ne suis pas sûr à l’avance que des magistrats y parviendront
irréfutablement. Mais attendons, ou passons à autre chose.
Cela étant, avant justement, d'élargir, je signale que le visuel ci-dessus est un montage (fidèle), et que ce que vous lisez, sur un blogue-notes, n'est pas le reflet de ce que j'aurais pu écrire en enquête de terrain. Là, je peux livrer mon opinion.
Déjà, on ne se bisbille pas ainsi. Pas la peine d'invoquer « le tribunal de l'opinion » quand, au lieu de tenter de rétablir ou établir la vérité des faits, on titre sur le site Mediapart. Parce que sa dénomination fait davantage vendre ? Marianne aurait pu retoquer l'article du confrère, l'enjoignant de s'en tenir aux faits sans engager une polémique. Ou sans mêler faits et considérations.
J'ai le souvenir singulier d'une histoire de militaires passant en assises pour crimes de sang (sur des civils). L'Événement du jeudi (qu'on va abusivement qualifier d'ancêtre de Marianne) m'avait commandé la pige. Voilà qu'un jeune sec' de rédac', croyant bien faire, voulait que je développe l'angle « l'armée apprend à tuer ». Ben, voui, quand même, mais pas à violer avec un casque bleu sur le crâne, ni à distribuer des friandises (quoique... ne fut-il point cela, Jacques Chirac ou Jean-Pierre Chevènement, aussi, en Algérie ?). J'ai plutôt insisté sur le fait que l'armée enrôle, trie, et rejette celles et ceux qui ne peuvent passer gradés en fin de contrat, et qu'ils (ou elles, désormais) se retrouvent désemparé·e·s. Le commandement fait à présent du management.
Laissons à nos bons maîtres (nos employeurs, pour moi, ex-employeurs) et à ceux et celles qu'ils ont promu pour être dans leur ligne éditoriale, le soin de blablater sur les grandes questions de société. De peaufiner des belles phrases (j'aime bien Natacha Polony, enfin, ce qu'elle écrit à présent, plus que ce qu'elle écrivait dans Le Fig', qui n'était pas mal non plus).
Je me souviens d'avoir dit, en entretien d'embauche, à Ouest-France, que je n'étais pas un mercenaire, même si je venais du Courrier de l'Ouest (dit la voix de l’évêché), de titres qualifiés d'extrême-gauche, de L'Alsace (très bien, sauf quand il fallait traiter des banques, vu que le financier, c'était Le Crédit mutuel), &c. Pas embauché. Ils voulaient bien un journaleux de terrain, mais pensant bien. Ce n'est pas notre rôle.
Aux fouille-merde le fumier, aux gradés, les idéaux et idées élevées. La presse, à la base, près des lectrices et lecteurs, tu fais semblant (pas trop) de l'aimer, ou tu la quittes. Par le bas (soit promu séide des proprios), par le haut (en tentant de faire survivre un temps un titre avec des consœurs et confrères, en sachant qu'on va pas durer trop longtemps, sauf à produire La Hulotte ou un truc qui ne fâche personne). Ou tu retournes aux petits boulots.
Jouer aux bon·ne·s petit·e·s soldat·e·s du service des ventes ne grandit personne. Et si on est pour ou contre les prostituées et la pénalisation des clients, juste un exemple pour dire bonjour au passage à Mylène Juste, on tente à l'objectivité en exposant les faits pour ou contre. Point.
Si l'on veut mettre un autre grain de sel, il y a maintenant des réseaux sociaux pour ce faire.
Je ne souhaite pas un nouveau comité Théodule pour veiller sur la déontologie de la presse. Ce seront toujours les mêmes les plus compromis qui siégeront (hormis quelques figurants syndicalistes, ou des Delevoye prenant la monnaie sans jamais siéger). Je ne prône pas l'omerta sur nos pratiques, nos manières de faire, de laisser entendre aux flics comme aux truands qu'on est ami-amis, de jouer tantôt un cabinet d'avocats contre un autre et inversement. Comme dans Le Voleur (Darien), on fait un sale métier, on assume, mais toujours avec le respect du lectorat pour guide.
Ou alors, comme ici, on énonce qu'il y a beaucoup de c..·e·s dans le lectorat, mais que notre rôle est de tenter d'en réduire le nombre. Y compris quand cela fait moins vendre. Y compris quand cela nous expose à ce que la police comme en face nous casse le matos voire nous voue aux urgences.
Nous pouvons devenir la risée de tous les autres, mais, au moins, entre nous, pas de cela, Lisette.
Cela étant, avant justement, d'élargir, je signale que le visuel ci-dessus est un montage (fidèle), et que ce que vous lisez, sur un blogue-notes, n'est pas le reflet de ce que j'aurais pu écrire en enquête de terrain. Là, je peux livrer mon opinion.
Déjà, on ne se bisbille pas ainsi. Pas la peine d'invoquer « le tribunal de l'opinion » quand, au lieu de tenter de rétablir ou établir la vérité des faits, on titre sur le site Mediapart. Parce que sa dénomination fait davantage vendre ? Marianne aurait pu retoquer l'article du confrère, l'enjoignant de s'en tenir aux faits sans engager une polémique. Ou sans mêler faits et considérations.
J'ai le souvenir singulier d'une histoire de militaires passant en assises pour crimes de sang (sur des civils). L'Événement du jeudi (qu'on va abusivement qualifier d'ancêtre de Marianne) m'avait commandé la pige. Voilà qu'un jeune sec' de rédac', croyant bien faire, voulait que je développe l'angle « l'armée apprend à tuer ». Ben, voui, quand même, mais pas à violer avec un casque bleu sur le crâne, ni à distribuer des friandises (quoique... ne fut-il point cela, Jacques Chirac ou Jean-Pierre Chevènement, aussi, en Algérie ?). J'ai plutôt insisté sur le fait que l'armée enrôle, trie, et rejette celles et ceux qui ne peuvent passer gradés en fin de contrat, et qu'ils (ou elles, désormais) se retrouvent désemparé·e·s. Le commandement fait à présent du management.
Laissons à nos bons maîtres (nos employeurs, pour moi, ex-employeurs) et à ceux et celles qu'ils ont promu pour être dans leur ligne éditoriale, le soin de blablater sur les grandes questions de société. De peaufiner des belles phrases (j'aime bien Natacha Polony, enfin, ce qu'elle écrit à présent, plus que ce qu'elle écrivait dans Le Fig', qui n'était pas mal non plus).
Je me souviens d'avoir dit, en entretien d'embauche, à Ouest-France, que je n'étais pas un mercenaire, même si je venais du Courrier de l'Ouest (dit la voix de l’évêché), de titres qualifiés d'extrême-gauche, de L'Alsace (très bien, sauf quand il fallait traiter des banques, vu que le financier, c'était Le Crédit mutuel), &c. Pas embauché. Ils voulaient bien un journaleux de terrain, mais pensant bien. Ce n'est pas notre rôle.
Aux fouille-merde le fumier, aux gradés, les idéaux et idées élevées. La presse, à la base, près des lectrices et lecteurs, tu fais semblant (pas trop) de l'aimer, ou tu la quittes. Par le bas (soit promu séide des proprios), par le haut (en tentant de faire survivre un temps un titre avec des consœurs et confrères, en sachant qu'on va pas durer trop longtemps, sauf à produire La Hulotte ou un truc qui ne fâche personne). Ou tu retournes aux petits boulots.
Jouer aux bon·ne·s petit·e·s soldat·e·s du service des ventes ne grandit personne. Et si on est pour ou contre les prostituées et la pénalisation des clients, juste un exemple pour dire bonjour au passage à Mylène Juste, on tente à l'objectivité en exposant les faits pour ou contre. Point.
Si l'on veut mettre un autre grain de sel, il y a maintenant des réseaux sociaux pour ce faire.
Je ne souhaite pas un nouveau comité Théodule pour veiller sur la déontologie de la presse. Ce seront toujours les mêmes les plus compromis qui siégeront (hormis quelques figurants syndicalistes, ou des Delevoye prenant la monnaie sans jamais siéger). Je ne prône pas l'omerta sur nos pratiques, nos manières de faire, de laisser entendre aux flics comme aux truands qu'on est ami-amis, de jouer tantôt un cabinet d'avocats contre un autre et inversement. Comme dans Le Voleur (Darien), on fait un sale métier, on assume, mais toujours avec le respect du lectorat pour guide.
Ou alors, comme ici, on énonce qu'il y a beaucoup de c..·e·s dans le lectorat, mais que notre rôle est de tenter d'en réduire le nombre. Y compris quand cela fait moins vendre. Y compris quand cela nous expose à ce que la police comme en face nous casse le matos voire nous voue aux urgences.
Nous pouvons devenir la risée de tous les autres, mais, au moins, entre nous, pas de cela, Lisette.
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