dimanche 22 novembre 2020

Trump réélu par la Cour suprême ?

De l’infaillibilité de S.-S. Donald Premier

Donald Trump a fait un peu de figuration lors de la réunion virtuelle du groupe G20. Au bout de treize minutes, il twittait sur la fraude électorale, et au bout de deux heures, il laissait les autres chef·fe·s d’États évoquer la pandémie sans lui : il avait golf. C’est ce qui se nomme filer à la donaldienne. Soit en anglais “to take French or Dutch leave’ et en allemande quelque chose comme « prendre congé à la française ».Depuis, il vaticine sur les fraudes électorales multiples.


On ne sait plus trop si Trump croit toujours qu’il a perdu l’élection ou s’il ne veut pas décevoir ses plus fidèles trumpistes, dont ses avocats. Pour lesquels, sa divine parole étant infaillible, il faut à tout prix abonder dans le même sens.

Un titre de Newsmax reprenant les termes de l’avocate Sidney Powell établit cette analogie. En Géorgie, le procès visant Dominion Voting Systems sera « biblique ». Powell établira que Dominion avait déjà faussé la primaire démocrate de 2016 au profit d’Hillary Clinton contre Bernie Sanders. Elle prouvera de même que le prétendu républicain gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, fut stipendié par Dominion. Une société, nous apprennent Oann et Breitbart, entièrement infiltrée par des antifacistes. On croit s’enfoncer dans le délire. Pas du tout, c’est une question relevant des fondements de la foi chrétienne. D’ailleurs, comme l’énonce la conférence des évêques catholiques étasuniens, Joe Biden est un apostat, si ce n’est un hérétique puisqu’il ne s’oppose pas à l’avortement.

Tout cela semble dérisoire. Mais si significatif. Voici quelques jours, j’écrivais que le parti républicain n’existait plus et que les éminents républicains s’opposant à Trump se comptaient sur les doigts d’une seule main. Je n’avais pas tort alors (j’évoquais les actuels, non les ex-républicains ayant rejoint le Lincoln Project ou celles et ceux ayant rompu les ponts avec Trump avant son élection). Je dois rectifier aujourd’hui : ils se comptent sur un peu moins des doigts de deux mains (je maintiens, au moins jusqu’à la fin de ce dimanche, cela peut évoluer). Il y en a au moins trois de plus. Dont le sénateur de Pennsylvanie Pat Toomey, la représentante (députée) Liz Cheney, le représentant Adam Shiff. Tous les autres, hormis quelques obscurs seconds couteaux, ménagent au moins la chèvre Biden (qui pourrait éventuellement être déclaré président) et le chou Trump (qui a bien raison de ne vouloir prendre en compte que les votes légalement validés).

Que dit Adam Schiff ? Ce que je répète depuis un moment en d’autres termes. Pour lui, l’ex parti républicain est « devenu un culte ». Culte-relais d’une doctrine trumpiste dont l’un des dogmes, irréfragable, irrécusable pour la Trumpland, reste qu’Obama fut un président usurpateur (un faux pape, tel Anaclet II) car inéligible puisque né à l’étranger.

Pour Schiff, que ce soit par intérêt ou peur que Trump les voue à l’enfer, les trumpistes n’ont plus d’autre choix que de se dire pétris de dévotion. En serait-il de même à la Cour suprême où ils sont majoritaires ?

C’est ce sur quoi mise l’équipe juridique de Trump. Laquelle veut mettre à présent en avant devant cette cour le principe de l’inégalité de traitement. Les électeurs républicains n’auraient pas bénéficié de la même égalité de traitement que les électeurs démocrates, avantagés par des dispositions prises par divers États fédéraux. Il faudrait donc déclarer l’élection nulle, ou que le résultat soit inversé.

Il n’y a pas qu’Oann, Maxnews, Breitbart à relayer la bonne parole trumpiste. Real America’s voice est aussi du nombre croissant des médias ultra-conservateurs donnant la parole à des pasteurs, des révérends, prédicateurs et divers autres bateleurs, et c’est du très lourd. Foxnews est à présent à la traîne et se contente de répercuter les dires de Trump ou de ses avocats (l’un de ses animateurs, Tucker Carslon, ayant émis des doutes sur les preuves de la fraude, la chaîne rattrape le coup et son audience conservatrice). Le New York Post veut bien admettre que le temps est compté pour Trump mais que ses avocats ont toutes les bonnes raisons de continuer la lutte pour les libertés et de dénoncer « la presse corrompue ».

Il n’y eu que le sénateur républicain Kevin Cramer pour accepter un débat (avec Chuk Todd, de NBC Meetthepress) du dimanche — alors que tous les politiciens se précipitent pour se montrer le dimanche — et il s’est bien gardé de critiquer les actions judiciaires de Donald Trump.

Trump est là pour durer, d’une manière ou d’une autre, et un autre sénateur républicain, Mark Meadows, a décidé de ne pas se représenter… pour laisser son siège à Lara Trump, l’épouse d’Eric Trump, en Caroline du Nord, en 2022.

La présidente du parti trumpiste (ex-républicain), Ronna McDaniel, conforte la Trumpland dans l’idée que la fraude électorale a été favorisée. Il y a divers renouvellements à la Chambre et au Sénat en 2022. L’argument risque donc de resservir. Si Biden accède à la Maison Blanche, pendant deux ans, les Étasuniens s’entendront seriner qu’il transforme leur pays en État totalitaire avec un antéchrist à sa tête.

Cela peut sembler exagéré, voire ahurissant. J’aimerai hausser les épaules, me dire que je joue les Cassandre. Je ne m’exagère pas la portée du Comité Trump France. Mais j’avoue redouter une contagion plus générale. La chaîne russe anglophone RT (rt.com) veut bien faire état de « la victoire présumée » de Biden, mais relaie abondamment les accusations de fraude électorale. L’hypothèse de l’élection « volée » de Trump restera sans doute l’un des éléments alimentant la théorie d’un complot mondial (ou pour le moins des puissances dites occidentales).

On se rassurera, car selon le site Axios, sept sénateurs (dont une sénatrice), sept gouverneurs, et onze représentant·e·s du parti républicain auraient reconnu la défaite de Trump sans trop l’assortir de nuances. Je dois donc concéder que mes précédents décomptes étaient trop pessimistes. 25 quand même à ne pas clamer “Trump, Right or Wrong”. Reste à savoir si le prochain Sénat bloquera ou non (presque) toutes les initiatives de l’administration Biden. 

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