vendredi 30 août 2019

Brexit : le bunker du Bojo expulse sa gorge profonde


Une haute fonctionnaire des finances arrêtée par la police

Elle n’a pas été exécutée sur le champ mais Sonia Kahn est sortie du 10, Downing Street, escortée par deux policiers…
Difficile d’estimer la légalité de cette insolite opération de police : l’éminence grise de Boris Johnson, Dominic Cummings, a requis la force publique pour expulser une cheffe de cabinet de la Chancellerie…
Imaginez qu’en mai 2012, Emmanuel Macron, alors secrétaire général adjoint de François Hollande, soit sorti de l’Élysée escorté par deux gardes républicains, après que son téléphone lui ait été confisqué. C’est un peu l’équivalent qui s’est produit vers 21 heures (de Paris), jeudi soir, quand Dominic Cummings, le numéro deux officieux de Boris Johnson, a sommé deux policiers d’expulser Sonia Kahn hors du 10, Downing Street. Ces fonctionnaires ont-ils outrepassé leurs fonctions, cette arrestation fut-elle légale ?
Selon la presse anglaise (The Sun, The Daily Mail, The Week…), Dominic Cummings, l’ex-spin doctor de la campagne du “Vote Leave” lors du referendum, depuis nommé « conseiller spécial » du gouvernement britannique, aurait déterminé que Sonia Kahn serait celle qui avait fait fuiter le dossier de l’Opération Yellowhammer au profit du Sunday Times
Ce dossier détaillait les conséquences d’une sortie sans accord du Royaume-Uni de l’Union européenne.
C’est en fait un plan d’urgence, censé s’appliquer trois mois, du 1er novembre prochain au 31 janvier 2020, et faire face aux suites prévisibles d’une sortie sans accord.
Dès la parution du Sunday Times, le 18 août dernier, la bande à Bojo affirmait que le dossier était obsolète, remontait à des mois auparavant… Puis, Philip Hammond, l’ex-Chancelier (ministre des Finances), Eurosceptique, mais débarqué du gouvernement de Boris Johnson car partisan d’un Brexit négocié, était formellement accusé d’être la source de la fuite. Il a depuis exigé des excuses publiques qu’il attend en vain… Mais il est apparu clairement depuis que le dossier avait été mis à jour par l’équipe d’experts du Bojo courant août, et qu’il était donc réaliste et d’actualité. Bah, un mensonge de plus ou de moins, les Britanniques n’en sont plus là…
Or, cette Sonia Kahn avait conservé son poste à la Chancellerie, auprès de l’actuel ministre, Sajid David, après le départ de Philip Hammond. Elle serait donc la lanceuse d’alerte ou la traîtresse, c’est selon…
Dans la soirée de jeudi, Dominic Cummings la prend violemment à partie et en dépit des dénégations de l’intéressée, exige qu’elle lui remette son téléphone (il aurait été saisi par les policiers et remis à Dominic Cummings selon certaines sources). Or donc, Dominic Cummings aurait des pouvoirs de police ? Il serait situé hiérarchiquement au-dessus du Chancelier, le locataire du 11, Downing Street ?
Boris Johnson, qui a obtenu de la Reine la suspension de la prochaine session parlementaire (laquelle deviendra effective si des contre-mesures judiciaires ou législatives restaient sans effet), argue qu’il doit mobiliser le gouvernement pour négocier d’arrache-pied avec Bruxelles.
Il propose à l’Union européenne deux séances hebdomadaires de discussions. Va-t-il venir lui-même à Bruxelles, et tel Nikita Krouchtchev à l’Onu en octobre 1960, marteler la table de négociations du talon de sa chaussure ? Les Irlandais lui ont déjà répondu qu'il pouvait venir camper à Bruxelles cinq jours sur sept, que Michel Barnier l'écouterait ad nauseam.
En fait, des dispositions bilatérales sont déjà prises de part et d’autre de la Manche. Michale Gove est ce jour à Calais en compagnie de Gérald Darmanin (ministre en charge des Douanes à Bercy). Christophe Castaner a rencontré son homologue Priti Patel hier. Aurélie de Montchalin, ministre des Affaires européennes, a laissé entendre à BFMTV que les Britanniques restent encore dans l’improvisation pour faire face à une sortie sans accord. Les conséquences chaotiques sont évaluées, la manière de parvenir à les atténuer sera plus ou moins bien affinée au cours des trois premiers mois après l'entrée en vigueur de l'article 5O. Des dispositions seraient cependant déjà prises, comme l’importation de doses de vaccins contre la grippe… Roselyne Bachelot (ex-ministre en 2008) en sourira peut-être.
Pour le moment, Bojo est surtout soucieux de resserrer encore les rangs. Selon la presse britannique, tout lui sera bon pour contrer les parlementaires europhiles ou désireux qu’un accord se concrétise. Comme par exemple, créer des jours fériés (les chambres ne peuvent siéger), nommer une pléthore de nouveaux Lords en phase avec lui… Pour le moment, David Cameron garde le silence, mais John Major appuie le recours à la justice pour empêcher la suspension du Parlement…
Quant à Sonia Kahn, Downing Street a confirmé son limogeage ; pour le moment, elle se tait, a fermé ses pages sur les réseaux sociaux… Mais peut-être pourrait-elle éclairer l’Union européenne sur les plans du gouvernement britannique de créer des ports francs (Teesside, Milford Haven, Sunderland…) ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire