Une haute fonctionnaire des finances arrêtée par la police
Elle n’a pas été exécutée sur le champ mais Sonia Kahn est
sortie du 10, Downing Street, escortée par deux policiers…
Difficile d’estimer la légalité de cette insolite opération
de police : l’éminence grise de Boris Johnson, Dominic Cummings, a requis
la force publique pour expulser une cheffe de cabinet de la Chancellerie…
Imaginez qu’en mai 2012, Emmanuel Macron, alors secrétaire
général adjoint de François Hollande, soit sorti de l’Élysée escorté par deux
gardes républicains, après que son téléphone lui ait été confisqué. C’est un
peu l’équivalent qui s’est produit vers 21 heures (de Paris), jeudi soir, quand Dominic
Cummings, le numéro deux officieux de Boris Johnson, a sommé deux policiers d’expulser
Sonia Kahn hors du 10, Downing Street. Ces fonctionnaires ont-ils outrepassé
leurs fonctions, cette arrestation fut-elle légale ?
Selon la presse anglaise (The Sun, The Daily Mail,
The Week…), Dominic Cummings, l’ex-spin doctor de la campagne du “Vote Leave”
lors du referendum, depuis nommé « conseiller spécial » du gouvernement
britannique, aurait déterminé que Sonia Kahn serait celle qui avait fait fuiter
le dossier de l’Opération Yellowhammer au profit du Sunday Times…
Ce dossier détaillait les conséquences d’une sortie sans
accord du Royaume-Uni de l’Union européenne.
C’est en fait un plan d’urgence,
censé s’appliquer trois mois, du 1er novembre prochain au 31 janvier
2020, et faire face aux suites prévisibles d’une sortie sans accord.
Dès la parution du Sunday Times, le 18 août dernier,
la bande à Bojo affirmait que le dossier était obsolète, remontait à des mois
auparavant… Puis, Philip Hammond, l’ex-Chancelier (ministre des Finances),
Eurosceptique, mais débarqué du gouvernement de Boris Johnson car partisan d’un
Brexit négocié, était formellement accusé d’être la source de la fuite. Il a
depuis exigé des excuses publiques qu’il attend en vain… Mais il est apparu
clairement depuis que le dossier avait été mis à jour par l’équipe d’experts du
Bojo courant août, et qu’il était donc réaliste et d’actualité. Bah, un
mensonge de plus ou de moins, les Britanniques n’en sont plus là…
Or, cette Sonia Kahn avait conservé son poste à la
Chancellerie, auprès de l’actuel ministre, Sajid David, après le départ de
Philip Hammond. Elle serait donc la lanceuse d’alerte ou la traîtresse, c’est
selon…
Dans la soirée de jeudi, Dominic Cummings la prend violemment
à partie et en dépit des dénégations de l’intéressée, exige qu’elle lui remette
son téléphone (il aurait été saisi par les policiers et remis à Dominic
Cummings selon certaines sources). Or donc, Dominic Cummings aurait des
pouvoirs de police ? Il serait situé hiérarchiquement au-dessus du
Chancelier, le locataire du 11, Downing Street ?
Boris Johnson, qui a obtenu de la Reine la suspension de la prochaine
session parlementaire (laquelle deviendra effective si des contre-mesures judiciaires
ou législatives restaient sans effet), argue qu’il doit mobiliser le
gouvernement pour négocier d’arrache-pied avec Bruxelles.
Il propose à l’Union européenne deux séances hebdomadaires de
discussions. Va-t-il venir lui-même à Bruxelles, et tel Nikita Krouchtchev à l’Onu
en octobre 1960, marteler la table de négociations du talon de sa chaussure ? Les Irlandais lui ont déjà répondu qu'il pouvait venir camper à Bruxelles cinq jours sur sept, que Michel Barnier l'écouterait ad nauseam.
En fait, des dispositions bilatérales sont déjà prises de
part et d’autre de la Manche. Michale Gove est ce jour à Calais en compagnie de
Gérald Darmanin (ministre en charge des Douanes à Bercy). Christophe Castaner a
rencontré son homologue Priti Patel hier. Aurélie de Montchalin, ministre des
Affaires européennes, a laissé entendre à BFMTV que les Britanniques restent
encore dans l’improvisation pour faire face à une sortie sans accord. Les
conséquences chaotiques sont évaluées, la manière de parvenir à les atténuer
sera plus ou moins bien affinée au cours des trois premiers mois après l'entrée en vigueur de l'article 5O. Des dispositions
seraient cependant déjà prises, comme l’importation de doses de vaccins contre
la grippe… Roselyne Bachelot (ex-ministre en 2008) en sourira peut-être.
Pour le moment, Bojo est surtout soucieux de resserrer
encore les rangs. Selon la presse britannique, tout lui sera bon pour contrer
les parlementaires europhiles ou désireux qu’un accord se concrétise. Comme par
exemple, créer des jours fériés (les chambres ne peuvent siéger), nommer une pléthore
de nouveaux Lords en phase avec lui… Pour le moment, David Cameron garde le
silence, mais John Major appuie le recours à la justice pour empêcher la
suspension du Parlement…
Quant à Sonia Kahn, Downing Street a confirmé son limogeage ;
pour le moment, elle se tait, a fermé ses pages sur les réseaux sociaux… Mais
peut-être pourrait-elle éclairer l’Union européenne sur les plans du
gouvernement britannique de créer des ports francs (Teesside, Milford Haven,
Sunderland…) ?
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