dimanche 25 août 2019

Brexit : Le Donald (Trump) et le Boris “Bojo” Johnson font leur numéro

Le Donald et le Bojo font pression sur l'Union européenne

Bras dessus-bras dessous, accolades et congratulations : Donald Trump et Boris Johnson ont joué la totale complicité à Biarritz et se sont jurés mutuellement que les promesses engagent ceux qui les écoutent.
Alors que Boris Johnson, avant de partager un petit-déjeuner avec Donald Trump, avait déclaré que la négociation d’un accord commercial entre le Royaume-Uni et les États-Unis ne serait pas une traversée par grand vent sur une mer calme, d’un jour à l’autre, tout va pour le mieux. Embrassons-nous, Foleville…
Ce sera, entre les deux pays, un très vaste accord commercial, peut-être pas conclu dès le 1er novembre mais « très vite ». Parce que lui et le Bojo sont en phase, que son interlocuteur est « fantastique » (contrairement à Theresa May). L’accord sera « le plus grand qu’il il n’y ait jamais eu », assure Trump. Normal, il est « l’élu » du Seigneur, “The Chosen One”, et le Bojo n’est pas loin à ses yeux d’être l’ange Gabriel, sans doute pas tout à fait son alter ego, mais presque tout comme.
Sauf que, s’il suffit d’être deux pour danser le tango, en matière de négociations bilatérales portant sur les domaines industriels, commerciaux et financiers, c’est un peu plus complexe.
Les restrictions à l’exportation de produits britanniques outre-Atlantique sont multiples, tandis que le Royaume-Uni a beaucoup plus facilité l’activité des entreprises étasuniennes sur son territoire. Les États-Unis sont l’un des pays les plus protectionnistes qui soit au monde. Tout est bon pour, par exemple, barrer le marché à un produit alimentaire (la tourte de porc, ou la cornish pasty, par exemple). Tandis que si, comme l’a dit Trump, le Royaume-Uni n’avait plus « le boulet [de l’UE] au pied », tout sera plus facile pour y exporter des produits américains.
Mais Trump ou Johnson sont prompts à se dédire d’un jour à l’autre, voire d’une heure sur l’autre… Ainsi, Bojo s’est bien évidemment félicité de l’attitude et des bonnes paroles du Donald matinal, mais dans l’après-midi, il commentait que si les États-Unis désirent conclure un accord en un an seulement, « ce serait vraiment très rapide​», car le marché américain est « parfois » sérieusement bouclé. Parfois seulement ?
Eh oui, être une femme libérée (de l’Union européenne) se vouant à un amant américain, « c’est pas si facile ».
Pour Johnson, Biarritz a tout d’abord été un terrain de jeu à « c’est celui qui le dit qui l’est ». Donald Tusk, ancien Premier ministre polonais, président du Conseil de l’Union, avait rappelé que Johnson était le troisième dirigeant britannique avec lequel il s’entretient sur le Brexit et que ce dernier risquait de devenir pour la postérité “Mr No Deal”. Pas du tout, a rétorqué Bojo. Ce sera toi et les tiens qui resteront les M’sieurs-Dames « Pas d’accord ». Car lui, il est ouvert, béant même, à tout accord le satisfaisant ainsi qu’à la majorité de ses électeurs conservateurs. Par exemple, un accord assorti de la réduction du montant de la compensation à verser à l’UE de 39 milliards de livres à… environ sept seulement. Parce qu’avec lui tout a changé, qu’il a refait ses calculs. Sept milliards, c’est mieux que rien. Voici peu, c’était, pour lui, pas le moindre penny.
Et puis yaka-faukon, et puis tusé, toutéfacil… L’UE n’a besoin que de renoncer à donner à la République d’Irlande les garanties d’un bakstop et… la bigamie Royaume-Uni-Union Européenne-États-Unis se passera pour le mieux.
Ce à quoi Tusk a rétorqué qu’il appartenait à Bojo d’avancer « des idées opérationnelles, réalistes et acceptables » par l’Irlande et les 26 autres pays (sans compter quand même, par exemple, la Norvège et la Suisse et des pays associés non-décisionnaires).
Petite anecdote… Alors qu’Emmanuel Macron avait laissé entendre que Bojo était disposé à faire du Royaume-Uni le vassal des États-Unis, sa sœur, Rachel Johnson a renchéri à l’occasion d’un tweet : « Chaque président a besoin d’un Johnson ». Et c’est de Trump et de son frère dont il est, pour elle, question. Soit de Bojo, l’homme à tout faire, le factotum du Donald.
Lequel, après avoir laissé l’Élysée annoncer que les membres du G7 (dont lui-même) laissaient les coudées franches à la France pour s’adresser à l’Iran, a attendu quelques heures pour moucher Macron : qu’il fasse avec les Iraniens ce que bon lui semble, cela ne l’engage pas, lui. « On va continuer à agir chacun dans son rôle », a donc rectifié Macron.
Trump décide de tout souverainement… Abe Shinzo, le Premier ministre japonais, l’assure que Kim Jong-un, le dictateur nord-coréen, viole des résolutions de l’Onu en procédant à des essais de missiles, Trump lui répond que c’était prévu entre les États-Unis et la Corée du Nord… Pas de quoi se froisser, et de toute façon, l’Onu, Trump s’en balance. Comme d’ailleurs du G7, en fait. Ou des mesures de rétorsion chinoises, des risques de récession généralisée, de l’Amazone en feu, comme d’ailleurs de Boris Johnson si celui-ci se rebiffait.
Quand le Donald qualifie de Bojo de ”right man for the job”, il faut comprendre que lui décide et Bojo exécute. Soit en substance : rejette la responsabilité sur l’UE d’une sortie sans accord du Royaume-Uni, fais-toi réélire, et tu auras tes gages plus peut-être une petite prime.
Tout le jeu de Johnson consiste à présent soit à prolonger les vacances du Parlement britannique de cinq semaines, soit à se faire révoquer à l’occasion d’une motion de censure pour préparer des élections générales auxquelles l’électorat conservateur est préparé (et les autres électeurs travaillés au corps à la faveur d’une campagne en ligne et audiovisuelle sans précédent assurant que le Brexit sera sans douleur). Et si cela suspendait le Brexit (à condition que l’UE y consente), ce sera la faute du travailliste Corbyn ou de tout autre.
Une fois réélu, assurera-t-il, il sera en position de force à Bruxelles. Ce ne seront plus sept milliards, mais six, mais cinq… Jusqu’au faire rendre gorge aux 27 avec l’appui de Donald Trump menaçant les vins français, puis les fromages de Hollande, puis les brocolis italiens, et les saucisses allemandes. En parallèle, du moment que Johnson ne touche pas à la taxation des Gafas d’Amérique, des micro-brasseries britanniques (pas toutes…) seront autorisées à écouler quelques bouteilles outre-Atlantique… un jour, ou l’autre, ou le suivant.
En attendant, Johnson assure à Tusk qu’il est en phase avec l’Union européenne sur l’Ukraine, la Russie, l’Iran, Hong Kong… « Tout à fait, mon petit Bojo » a répondu Tusk poliment. Comme cela ne contredit pas les positions de Trump, cela ne mange pas de pain. « Quoi qu’il advienne, les liens étroits entre le Royaume-Uni et nos amis européens persisteront après le 31octobre, » a renchéri Johnson.
Ce qui est clair, c’est que Trump considère que le Royaume-Uni sera un partenaire plus commode hors de l’UE qu’en dedans. Mais on peut finir par se demander, comme le laisse entendre Marc Bassets d’El Pais, si ce n’est pas simplement parce qu’Obama soutenait le contraire, et qu’en fait le Royaume-Uni était un bon relais à Bruxelles dont il ne fallait surtout pas se priver.
Ce qui est évident, c’est que Boris Johnson a fait grand cas de sa relation avec Donald Trump, conviant les chaînes et radios britanniques à relayer ses propos sur sa fermeté accrue vis-à-vis de Bruxelles, fort de l’appui américain… Mais pour la presse nord-américaine, canadienne incluse donc, c’est un sujet fort mineur, voire un non-sujet. It’s China, stupid! La guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, les relèvements de taxes, la parité des deux devises, sont de tout autres mobiles de préoccupations…
Bojo constatera demain, lundi, si ses bons mots ont eu une influence sur le cours de la livre sterling. Lequel dépendra surtout de la tournure des relations sino-américaines.

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