vendredi 10 janvier 2020

Incendies austraux : médias et politiciens australiens dans le déni

Changement climatique ? C’est pas le charbon, stupid!

L’Australie est le second exportateur mondial de charbon (vers la Chine, principalement). Est-ce pourquoi la classe politique australienne et les principaux médias dénient tout lien entre le changement climatique et les incendies qui risquent bientôt d’empoisonner l’air de Sydney ?
C’est une anecdote que j’avais relevée voici quelques jours sans l’estimer suffisamment significative pour attirer votre attention. Sur Good Morning Britain, la spécialiste météo britannique Laura Tobin, lors d’un entretien avec un politicien, Craig Kelly, député des New South Wales, l’accuse d’être un climatosceptique. Réplique de l’intéressé : ce n’est qu’une écervelée, une présentatrice décorative. Craig Kelly est convaincu que des incendiaires sont seuls responsables de la tragédie humaine et écologique frappant l’Australie (et même le sud de l’Amérique du Sud, l’Océanie).
Le fait que Laura Tobin est docteure en physique et météorologie, fut employée quatre ans en tant que prévisionniste pour la RAF, a douze ans de bouteille dans son emploi, est post-doctorante en son domaine, ne l’a pas fait fléchir…
La presse dominante australienne a aussi crédibilisé la campagne sur les réseaux sociaux à propos des incendiaires, avant d’être forcée d’y mettre de légers bémols.
Comme le relève James Dyke dans The Independant, c’est, pour résumer, “the economy, stupid!”. Ou, “it’s coal, stupid!”. Comme, pour Donald Trump, le pétrole, les gaz de schiste…
James Dyke s’en prend frontalement à The Australian, le quotidien « de référence » en Australie.
Je suis allé vérifier. Effectivement. Certes le quotidien met aussi en avant les drames humains, les désastres écologiques (et l’extermination de millions d’espèces animales), le fait que les incendies représentent une perte d’au moins cinq milliards (les assureurs récupéreront sur les cotisations, pas trop grave).
Mais faire état du changement climatique, non. Ou alors, en catimini.
Loin de moi la prétention de donner des leçons aux Australiens. En France, ce n’est pas tout à fait pareil, mais cela revient presque, ou pas loin, au même. Certes, un Claude Allègre n’ose plus se ridiculiser. L’Imposture climatique ne trouve même plus preneurs chez les bouquinistes. Ce géologue évoque à présent la thésarde tunisienne ayant voulu soutenir que la terre est plate, parce que c’est dans le coran (c’est quand même mieux d’invoquer le coran que les pseudos-études des entreprises exploitant des ressources fossiles, soit dit en passant, et même, limite, plus crédible).
Pour The Australian, les experts en climatologie sont des professeurs Cosinus ou Nimbus, des dérangés. Paranoïaques (victimes d’attention-clamour disorder), un peu comme des hypocondriaques de Molière. À la limite, est-il concédé que les revenus des mines permettront de dépolluer Sidney. Un peu comme Hidalgo soutenant que les Jeux Olympiques vont générer des revenus pour développer les pistes cyclables.
Comme le rappelle James Dyke, Robert Murdoch, et son groupe News Corp, détient 140 titres en Australie (plus The Times, The Wall Street Journal, le très pro-Trump et Brexit The Sun, et le New York Post, la Fox Broadcasting Company, et j’en passe, plus Sky Deustchland, à mentionner au passage).
Dormez, braves gens, la fin du monde n’est pas proche (enfin, pour nous, possédants, qui pourrons vivre sous des bulles, et ne nous affligerons pas de vous voir crever la gueule ouverte).
Ces gens savent fort bien qu’au final, plus c’est gros, plus cela passe. Dans un premier temps, le déni semble outrancier, dans un second, tout le monde finit par en parler, et dans un troisième, une majorité finit par se laisser convaincre. Qu’importe les faits, finissent par dominer les croyances.
Vous verrez qu’on finira de nouveau par persuader que l’ire divine est la cause du dérèglement climatique et des catastrophes et ce pour que nous puissions enfin nous repentir de nos péchés. Ou pas (même prêchant dans le désert, face à des millions de désinformateurs, stipendiés, je préserve un faible espoir).
Tout cela prétexte pour vous caser un message publicitaire (pour le livre d’Alain [Georges] Leduc, De l’athéisme) ?
Un crin (de coton de Tuléar, pas d’auroch ou de mammouth).
Je crains toutefois la collusion convergente entre des médias présumés crédibles et des réseaux sociaux manipulés. Et le fait — indéniable — que les voix discordantes soient désormais minoritaires, puis deviennent ultra-minoritaires. Que des livres ne trouvent plus pour public que de vieux birbes de mon acabit. Bah, toutes les générations précédentes ont exprimé la même antienne. Quelques sursauts (l’éphémère notoriété de l’Indignez-vous, de Stéphane Hessel, en 2010). Un Fabrice Grimal (avec lequel je diverge fort sur l’Union européenne ; je vous en reparle la semaine prochaine).
Sauf que je crains que les dérisoires palliatifs (genre le végétalisme vertical des immeubles des mégalopoles, prôné par des filiales des banques et des grands monopoles, pétroliers et autres) ne vont pas compenser de sitôt l’effet, mondial, des incendies australiens (et les inondations qu’ils répercuteront en Europe ?).
Et que nous restons trop peu à nous préoccuper de nos consciences éclairées par des scientifiques honnêtes.

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