Changement climatique ? C’est pas le charbon, stupid!
L’Australie est le second exportateur mondial de charbon (vers
la Chine, principalement). Est-ce pourquoi la classe politique australienne et
les principaux médias dénient tout lien entre le changement climatique et les
incendies qui risquent bientôt d’empoisonner l’air de Sydney ?
C’est une anecdote que j’avais relevée voici quelques jours
sans l’estimer suffisamment significative pour attirer votre attention. Sur
Good Morning Britain, la spécialiste météo britannique Laura Tobin, lors d’un
entretien avec un politicien, Craig Kelly, député des New South Wales, l’accuse
d’être un climatosceptique. Réplique de l’intéressé : ce n’est qu’une
écervelée, une présentatrice décorative. Craig Kelly est convaincu que des
incendiaires sont seuls responsables de la tragédie humaine et écologique frappant
l’Australie (et même le sud de l’Amérique du Sud, l’Océanie).
Le fait que Laura Tobin est docteure en physique et météorologie,
fut employée quatre ans en tant que prévisionniste pour la RAF, a douze ans de
bouteille dans son emploi, est post-doctorante en son domaine, ne l’a pas fait
fléchir…
La presse dominante australienne a aussi crédibilisé la
campagne sur les réseaux sociaux à propos des incendiaires, avant d’être forcée
d’y mettre de légers bémols.
Comme le relève James Dyke dans The Independant, c’est,
pour résumer, “the economy, stupid!”. Ou, “it’s coal, stupid!”.
Comme, pour Donald Trump, le pétrole, les gaz de schiste…
James Dyke s’en prend frontalement à The Australian,
le quotidien « de référence » en Australie.
Je suis allé vérifier. Effectivement. Certes le quotidien
met aussi en avant les drames humains, les désastres écologiques (et l’extermination
de millions d’espèces animales), le fait que les incendies représentent une
perte d’au moins cinq milliards (les assureurs récupéreront sur les
cotisations, pas trop grave).
Mais faire état du changement climatique, non. Ou alors, en
catimini.
Loin de moi la prétention de donner des leçons aux
Australiens. En France, ce n’est pas tout à fait pareil, mais cela revient
presque, ou pas loin, au même. Certes, un Claude Allègre n’ose plus se
ridiculiser. L’Imposture climatique ne trouve même plus preneurs chez
les bouquinistes. Ce géologue évoque à présent la thésarde tunisienne ayant
voulu soutenir que la terre est plate, parce que c’est dans le coran (c’est
quand même mieux d’invoquer le coran que les pseudos-études des entreprises exploitant
des ressources fossiles, soit dit en passant, et même, limite, plus crédible).
Pour The Australian, les experts en climatologie sont
des professeurs Cosinus ou Nimbus, des dérangés. Paranoïaques (victimes d’attention-clamour
disorder), un peu comme des hypocondriaques de Molière. À la limite, est-il
concédé que les revenus des mines permettront de dépolluer Sidney. Un peu comme
Hidalgo soutenant que les Jeux Olympiques vont générer des revenus pour
développer les pistes cyclables.
Comme le rappelle James Dyke, Robert Murdoch, et son groupe
News Corp, détient 140 titres en Australie (plus The Times, The Wall
Street Journal, le très pro-Trump et Brexit The Sun, et le New
York Post, la Fox Broadcasting Company, et j’en passe, plus Sky Deustchland,
à mentionner au passage).
Dormez, braves gens, la fin du monde n’est pas proche
(enfin, pour nous, possédants, qui pourrons vivre sous des bulles, et ne nous
affligerons pas de vous voir crever la gueule ouverte).
Ces gens savent fort bien qu’au final, plus c’est gros, plus
cela passe. Dans un premier temps, le déni semble outrancier, dans un second,
tout le monde finit par en parler, et dans un troisième, une majorité finit
par se laisser convaincre. Qu’importe les faits, finissent par dominer les
croyances.
Vous verrez qu’on finira de nouveau par persuader que l’ire
divine est la cause du dérèglement climatique et des catastrophes et ce pour
que nous puissions enfin nous repentir de nos péchés. Ou pas (même prêchant
dans le désert, face à des millions de désinformateurs, stipendiés, je préserve
un faible espoir).
Tout cela prétexte pour vous caser un message publicitaire (pour
le livre d’Alain [Georges] Leduc, De l’athéisme) ?
Un crin (de coton de Tuléar, pas d’auroch ou de mammouth).
Je crains toutefois la collusion convergente entre des
médias présumés crédibles et des réseaux sociaux manipulés. Et le fait —
indéniable — que les voix discordantes soient désormais minoritaires, puis deviennent
ultra-minoritaires. Que des livres ne trouvent plus pour public que de vieux
birbes de mon acabit. Bah, toutes les générations précédentes ont exprimé la
même antienne. Quelques sursauts (l’éphémère notoriété de l’Indignez-vous,
de Stéphane Hessel, en 2010). Un Fabrice Grimal (avec lequel je diverge fort
sur l’Union européenne ; je vous en reparle la semaine prochaine).
Sauf que je crains que les dérisoires palliatifs (genre le
végétalisme vertical des immeubles des mégalopoles, prôné par des filiales des banques
et des grands monopoles, pétroliers et autres) ne vont pas compenser de sitôt l’effet,
mondial, des incendies australiens (et les inondations qu’ils répercuteront en
Europe ?).
Et que nous restons trop peu à nous préoccuper de nos
consciences éclairées par des scientifiques honnêtes.
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