samedi 12 octobre 2019

Le mot du jour est : colophon

Incipit, excipit, colophon...

Je n'apprendrai rien à quiconque est féru de typographie et d'histoire du Livre, mais on peut encore en apprendre chaque jour sur ces domaines.
Tenez, j'ai fait longtemps mon malin en traitant de typographie et orthotypographie mais ce n'est que récemment que j'employais excipit au lieu d'explicit. L'incipit est une sorte d'oyez-oyez, voici ce dont il sera question par la suite. L'explicit est un genre de fermez le ban. La chute, dit-on en terme de presse. Les deux peuvent être fort brefs, laconiques (« Fin est un explicit en trois lettres »), ou couvrir quelques pages, mettons explicatives.
Mais en jargon typographique, la polysémie « régit ». Enfin, non, mais les synonymes et quasi-synonymes abondent. Ainsi, excipit, formé je ne sais trop quand sur incipit et exit (peut-être...), supplante très fréquemment explicit.
Et le colophon, où se loge-t-il ?
Un mot rapide sur le titre « le mot du jour ». Je ne sais à qui Jean-François Lecompte, auteur prolixe, aurait pu l'emprunter si ce fut le cas. L'expression « le mot hodierne » a sans doute eu des équivalentes dès l'aube du... crépuscule du parler inarticulé. Toujours est-il que je l'emprunte à Jean-François Lecompte qui, quotidiennement ou  presque, nous entretient d'architectures (médiévales, de la Renaissance, antérieures et ultérieures), entre autres sujets, parfois, d'émerveillements.
Ce n'est certes pas à lui que j'apprendrai ce qu'est un colophon, ou un quatre de chiffre (fréquente marque de diverses corporations, dont celle des imprimeurs-éditeurs-libraires... pour résumer), lequel fut sans doute précédemment manu scriptus. Chirographaire, serais-je tenté d'ajouter (pas au sens juridique, mais les lettres grecques khi et rhô, le chrisme, &c., m'inspirent cette hasardeuse association d'idées confuses).
Confusément, il me semble avoir antan traité des créations graphiques et typographiques d'Alessandro Segalini dans le défunt mensuel Création numérique (prédécesseur de Créanum dont le bandeau fut de Jean-Jacques Tachdjian). Et c'est à lui, Alessandro, que je dois de me pencher de nouveau sur le colophon.
Un colophon, cékoidon ? Un peu l'équivalent d'un quatre de chiffres à l'occasion, autre chose qui voisine avec l'explicit, soit sur la même page, soit sur la suivante. Celui conçu, rédigé et réalisé par Alain Hurtig pour mon Femmes & Métiers du Livre (épuisé) se trouve à l'avant-dernière page (299), la page 300 étant réservé aux mentions légales. 
Celui d'Alessandro Segalini est en quelque sorte scindé... Car en général, le colophon renseigne, donne quelques indications... Notamment signale quelle(s) police(s) de caractères ont été utilisées. Pour cet Aline & Valcour, du divin marquis, il s'agit principalement de l'Adobe Warnock Pro (32 graisses ou styles) qui doit son nom à John Warnock, d'Adobe, et à Robert Slimbach (idem, mais pas que...) son dessinateur. L'IM Fell Pica a été réservée aux légendes des illustrations. Il doit s'agir en fait de l'IM Fell DW Pica Pro d'Igino Marini et même de l'Adobe IM Fell, &c. ou d'une autre (Great Primer, French Canon, Double Pica, English... lesquelles sont apparemment similaires mais évidemment non identiques).
Autant vous dire aussi que sans doute, ça et là dans ces ouvrages (trois volumes), traduits du français vers l'anglais (ou un anglais, mais je serai surpris que les traducteurs, Jocelyne Geneviève Barque et John Galbraith Simmons en aient employé un divergeant de celui contemporain du marquis), se sont peut-être glissées subrepticement d'autres polices, mais ne valant guère d'être mentionnées (peut-être la police « maison » de Contra Mundum Press, s'il en est). Au passage, j'insère ici que la traduction a pris deux lustres. Il fut fait plus longuet avec des livres de James Joyce (par ex., Ulysses fut traduit par Jacques Aubert, Bernard Hoepffner, avec Danièle Vors, Pascale Bataillard, Michel Cusin, Sylvie Doizelet, Tiphaine Samoyault et Patrick Dervet en renfort, Auguste Morel, Stuart Gilbert, avec Valery Larbaurd et Joyce himself les ayant précédés). Chapeau les « confrères » (j'ai eu aussi cette casquette, parfois de plomb quand il fallut traduire les allitérations de Truman Capote).
Autant préciser que, dans le genre, Alain Hurtig fut « petit joueur » : des tas de précisions peuvent être incluses dans un colophon et celui d'Alain est relativement, mettons, concis.
Cela énoncé, je signale que j'aurais pu m'épargner de faire figurer ci-contre la mention copyrighted material. J'ai pu aussi trouver cette page sur le site contramundum.net des éditions et je doute fort que la maison me reproche durablement de l'avoir ici reproduite (d'autant qu'elle autorise le droit de citation).
Adobe ne me cherchera sans doute pas non plus des poux dans la tête. J'avais ardemment soutenu l'introduction d'InDesign en France, ne serait-ce que pour avoir su gérer les OpenType avant Quark XPress...
Bref, pour « monter » des esperluettes alternatives, avant InDesign, c'était un peu galère... Idem pour les ligatures.
Lire Aline & Valcour dans cette édition, c'est du bonheur...
Bien évidemment, tout l'appareillage de notes, est remarquable (je regretterais peut-être l'absence d'un index si je commande et la découvre).
La traduction, fondée sur la publication Pléiade de 1990, méritait un Alessandro Segalini. Elle doit aussi diverses choses aux prédécesseurs (édition Pauvert du Cercle du livre précieux, à Michel Delon, Jean-Marie Goulemont). 
Un truc que j'apprécie aussi chez cet éditeur anglophone et d'autres, c'est l'emploi de vocables étrangers divers comme « à rebours » (en fr. in...), Weltkultur, et je vous en passe. Rien ne me ravit davantage que de découvrir ces encomiums (pluriel ang. issu du français encomium que je ne retrouve pas dans mon Grand Bob qui se contente de l'adjectif encomiastique, ce qui me permet de découvrir que panégyrique est aussi un adjectif).
Alessandro me communiquera peut-être ses options d'empagement (j'imagine qu'il a dû se calquer sur celui de l'éditeur, mais ce n'est pas garanti). 
Alain Hurtig consacre une longue page aux tracés régulateurs (dont le canon des ateliers et celui d'Olivier Randier, que je salue aussi amicalement). Allez voir sur alain.les-hurtig.org. Ou « L'Outil typographique ». Une somme qui vous tient éveillé.
Produire, ou plutôt trop souvent commettre, un livre, semble évident à tout un chacun à présent. Oui, mais il y a livre et livre.
J'ai cru comprendre que Denis Guénoun sera invité prochainement (quand ? lors des journées portes ouvertes, vendredi 31 janvier et samedi 1er ? lors d'un prochain Printemps de la typo ?) par l'École Estienne. J'ai raté l'expo Multyp de Christian Paput (à La Grange, Gap). Aussi le Forcalquier des Livres (Fête du livre d'artiste), 18-20 octobre prochains (car retenu à Paris). Je tenterai de fêter la prochaine saint-Jean (l'évangéliste, patron des imprimeurs et typographes, aussi, avec Barthélémy, et Célestin, des relieurs, le 6 mai). 
Bref, avant de vous lancer dans la réalisation d'un livre, voyez ceux des autres, des prédécesseurs, et ce Alice & Valcour, par exemple... Il est en précommande et sortira en décembre.
  
  

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