samedi 12 octobre 2019

Brexit : still in the blue devils

Un accord sur le Brexit toujours envisageable ?

Michel Barnier et son équipe, Stephen Barkley & co, vont confronter les positions respectives de l'Union européenne et de Boris Johnson et de son gouvernement. Lequel Boris Johnson pourrait ou non, samedi prochain, soumettre un protocole d'accord au Parlement britannique. En fait, il est douteux qu'on sache vraiment d'ici là ce qui se trame au juste...
Où localiser la blue tape que les rubans bleus de Bruxelles et Londres vont concocter ? De toute façon, de la paperasserie, il s'en trouvera bien quelque part. Mais où au juste ?
Ce qui coince, ce sont les rubans rouges, soit les impératifs non-négociables de l'Union européenne, et très clairement la personnalité de Boris Johnson.
Pour Matthew d'Ancona, qui a succédé au Bojo à la rédaction en chef du Spectator, qui reste l'une des têtes pensantes du parti Tory, et s'exprime dans l'Evening Standard, quotidien plutôt pro-Brexit, mais modéré (car moins farouchement partisan de la sortie de l'UE comme le Daily Express ou d'autres titres), c'est assez simple. « L'engagement de Boris Johnson d'assurer un accord sur le Brexit (...) a toujours été, au mieux, secondaire par rapport à sa détermination de remporte une élection générale. ».
On en reste sans doute persuadé à Bruxelles. Mais Matthew d'Ancona s'exprimait la veille de la rencontre entre le Taoiseach irlandais Leo Varadkar et Boris Johnson. Depuis, il n'est plus tout à fait certain que le Bojo pourra proclamer qu'il a vraiment tout tenté pour obtenir un accord mais que l'obtuse obstination des 27 l'oblige à faire en sorte que le Royaume-Uni prenne le large. 
Donc, de  part et d'autre de la Manche et de la mer du Nord, on laisse entendre que l'espoir de parvenir à un compromis pourrait subsister. De part et d'autre de la mer d'Irlande, c'est une autre paire de... bras de fer qui se profile.
Bojo jouerait les prolongations
Selon un sondage du Daily Express, les trois-quarts des consultés considèrent que les négociations tomberont à l'eau. Contre un cinquième, plus les indécis. En conclure qu'une majorité de Brexiters conservent en fait leur confiance dans le Bojo, car il manœuvrerait pour faire semblant de tenter d'arracher un impossible accord, serait hasardeux.
Sa fumeuse proposition initiale était d'instaurer une sorte de frontière virtuelle entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord (avec des trucs techniques pas vraiment au point, soit des contrôles en amont dans les entreprises, des douanes volantes discrètes, du traçage GPS, et on ne sait trop précisément quoi). Il aurait fait machine arrière et admis que l'Irlande du Nord reste sous régime européen tandis que l'Angleterre, l'Écosse et le Pays de Galles et voisins Grands-Bretons (Cornouailles, autres enclaves s'étant prononcées contre le Brexit) pourraient faire comme il leur plaira. Ce qui n'est pas (litote) tout à fait exact, le SNP se chargera de le remémorer.
Cela pourrait achopper sur diverses difficultés, dont celle relative à la North Ireland Assembly qui pourrait, à la majorité simple ou aménagée, mettre un terme à ce traité d'entente vaguement cordiale.
En attendant samedi prochain, le Bojo enchaîne des déclarations obscures plus ou moins contradictoires. Des deux côtés, voire des trois (UK, UE, NI), on dose le chaud et le froid, et l'espoir reste tiède d'aboutir. Comment ajuster les blueprints ?
Tout le monde restant dans l'expectative, d'autres sujets font les têtes des unes, le retour aux urnes n'est plus évoqué pour l'instant qu'à la marge.
Donc plus de contrôles douaniers en Irlande du Nord mais ce serait l'administration britannique qui se chargerait de garantir que l'union douanière européenne sera respectée. C'est grosso mode le plan Theresa May aménagé. Resterait à s'assurer que Londres ne jouerait pas double jeu, et pour Boris Johnson, à obtenir l'assentiment des unionistes nord-irlandais (le DUP, qui conserve dix sièges à Westminster). Cela avec la célérité d'un Mister Minit. 
En attendant, on amuse la galerie. Nicky Morgan, qui cumule les portefeuilles du numérique, de la culture et des médias, des sports, déclare à la BBC que non, le Bojo est sincère et ne s'apprête pas à conduire une campagne électorale sur la base d'une sortie sans accord ou d'un Brexit ultra-dur. Il y a de fortes chances qu'elle ignore les intentions réelles, peut-être changeantes au gré des circonstances, du Bojo. « La balle est dans le camp de l'Union européenne, qu'elle dévoile ses intentions lundi », dit-elle en substance. Lundi, on peut prévoir que Bruxelles dira l'inverse à peu de choses près (soit qu'il est attendu des précisions beaucoup plus concrètes de Londres). Je prends les paris.
Selon les bookmakers, qui donnaient le Bremain majoritaire et se sont plantés en juin 2016, et voyaient plutôt Greta Thunberg primée par le Nobel (ce fut Abiy Ahmed), les tendances reflétées par les cotes sont volatiles.
Pas si fou...
Ce qui reste incertain aussi, c'est l'extension du dumping fiscal que pourrait instaurer le Royaume-Uni. Il n'est pas le seul pays à pratiquer ce genre de surenchère... Attendez-vous à savoir que le siège de la future Française des Jeux privatisée sera Dublin (infotox de mon cru). Toujours est-il que les entreprises de paris de la République d'Irlande ne seront taxées l'an prochain qu'à 2 % des montants supérieurs à 50 000 euros (soit une franchise d'autant). C'est à ce genre de détail qu'on soupèse la complexité des négociations. Quelles répercussions sur la cavalerie (pas celle d'un Bernard Madoff), celle du PMU et du Horse Racing Ireland, pour approximer ?
Pas si allumé qu'on pourrait le croire, Bojo. Il prévoit de supprimer, quoi qu'il arrive, 88 % des taxes douanières sur les importations provenant du ce continent et d'autres. Par rapport à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), c'est de la surenchère. En revanche, il protégerait le steak, le haggis (la panse de mouton farcie), les pork pies, les chicken' waffles, le lait (qui se vend de nouveau en bouteilles à Londres, mauvaise nouvelles pour les emballeurs, pas trop pour Saint-Gobain). Comprenez qu'il protégerait ses producteurs de viandes diverses et de produits laitiers. Ainsi que ses producteurs de bioéthanol, entre autres. La réciproque sera-t-elle actée ? Les tarifs du M&S de Bonne-Nouvelle (ma superette pour les cidres britanniques) vont-ils grimper ? Comment survivre à une pénurie de vin de pissenlit ? Le continent panique, désespère, va plier, c'est sûr... 
Côté bookies britanniques, j'en reste à la cote du Bojo de fin septembre dernier. Il était auparavant à 10 contre 11, il serait à 6/4 estimé restant Premier ministre jusqu'à décembre 2019. Ou quelque chose dans ces eaux-là (en fait, je n'y comprends rien, c'est peut-être l'inverse). Ah, Ladbrokes, hier, vendredi, laissait entendre que le Boris tenait le bon bout. Son optimiste quant à l'éventualité d'un accord était jugé fallacieux à 10/1, ce serait à présent 5/2. Je présume confusément que deux parieurs contre cinq croient qu'il aboutira à un accord.
Mais comme l'a estimé Donald Tusk, un coup fourré (political trick) n'est pas non plus à exclure. Nigel Farage (Brexit Party) espère que le Bojo ne va pas sortir le drapeau blanc, restera ferme derrière ses batteries, ne concédera pas une défaite équivalant à une reddition sans conditions. Manière de laisser entendre qu'il ne l'exclut pas totalement.
Le second mot du jour (le premier ce matin sur ce blogue-notes ayant été colophon, évoquant le quatre de chiffre) est le nombre 19. Samedi 19 et 19 jours à courir avant la fin du mois. 
Côté électorat, la cote de Boris Johnson remonterait. Le tiers des électeurs se prononceraient pour les conservateurs selon un sondage ComRes (contre 27 % pour les travaillistes, le reste se répartissant entre les Lib-Dem — 18 % — et le Brexit Party à 12 ; ce qui est bien sûr illusoire puisqu'il n'est pas tenu compte des Verts, du SNP (et d'autres formations). Si cela se vérifiait, Boris Johnson, selon les projections, obtiendrait une majorité plus stable (332 sièges, soit 14 de plus que la majorité récemment perdue).
Ce qui interloque davantage encore, vu d'ici, des bords de la Seine, c'est qu'une forte minorité des sondés imputerait à l'Union européenne le blâme d'avoir conservé le Royaume-Uni « prisonnier » après l'échéance d'Halloween (soit au-delà de la Toussaint). Bon, les torts seraient partagés entre l'UE et l'actuelle majorité composite à Westminster. Bon sang, qui, à part Marine Le Pen, François Asselineau, Dupont-Aignan et quelques autres continentaux, a demandé aux Britanniques de rompre ?
Personne ne leur a intimé de conserver la livre sterling, de nous faire poireauter avant d'embarquer à bord de l'Eurostar, ni d'ailleurs de venir acheter des Stella Artois à Calais (et des cigarettes anglaises du côté de Zeebruges, sur la Engelandstraat). Nous laissons volontiers débarquer les Anglaises, quand même... Bienvenue aux Brexpats.
Lesquel·le·s veulent espérer qu'un second référendum inversera le résultat du premier (Sue Wilson, de Bremain in Spain, se déclare confiante). Une perspective qui semble s'éloigner. Celles et ceux des localités andalouses de la province d'Almeria (qui forment parfois la majorité de la population locale à Partaloa et Arboleas) sont moins rassurés. D'ailleurs, environ 200, à Partaloa, ont vendu, plutôt à des Français et des Belges, pour se ré-expatrier (source : Diario de Sevilla). Parfois plutôt vers l'Australie ou le Canada.
C'est aussi à ce genre de détail qu'on mesure les dégâts. Mais à Stormont (siège de l'Assemblée d'Irlande du Nord), c'est accessoire. 
Demain, dimanche, Angela Merkel et Emmanuel Macron casseront la croûte (déjeuneront ensemble) sans briser l'expectative. Lundi, ce sera le discours de la Reine (de Boris Johnson lu par...) à Westminster.
Mais, a priori, je vous donne plutôt rendez-vous le 19. 
Prochaine échéance britannique, selon le Daily Mail, le 28 novembre (élections anticipées ce jour ou peu après, quelle que soit l'issue du Brexit). D'ici là... Incertain Thursdays (on vote les jeudis, pour s’entre-déchirer en Irlande du Nord, c'est plutôt les dimanches...).
P.-S. — les blue devils ne sont pas ici orléanais... Mais de Stevenson Robert, Louis. Sorte de gremlins qui vous collent le blues ? Ou divers personnages se rendant à Montfaucon ? Les interprétations divergent.  

     


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