samedi 14 novembre 2020

É. U. : la fraude électorale, coup monté depuis 2016

 Nier la victoire de Trump revient à nier l’Holocauste

Un reportage de CNN démontre que l’opération Stop the Steal (ne volez pas nos votes pour Trump) est due à Roger Stone et remonte à 2016. Ce mouvement, qui a pris une nette ampleur depuis la défaite de Trump n’a donc rien de spontané. Mais Trump sait s’en servir.


Roger Stone, consultant républicain spécialiste des « coups fourrés » de longue date était déjà à l’origine de l’affaire des courriels privés d’Hillary Clinton qui avait endommagé sa campagne en 2016. Pour avoir menti sous serments et d’autres chefs d’accusation, sept au total, il avait été condamné à 40 mois d’emprisonnement. Mais il fut grâcié par Trump et libéré après six mois de détention. C’est pour recueillir des fonds et des dons qu'il avait monté le premier site Stop the Steal dès 2016, en prévision des élections remportées par Donald Trump. Selon CNN, le slogan fut réchauffé récemment par nul autre que Steve Bannon et divers associés d’extrême-droite. Entretemps, des sites bidonnés avaient aussi été montés, comme celui des Communistes gays pour le socialisme. Histoire d’effrayer et mobiliser l’électorat trumpiste. Roger Stone et Bannon, dès les premiers jours des votes, se sont répandus dans la presse alt-right et sur les réseaux sociaux, fédérant 2,5 millions de suiveurs. Le but étant de créer une sorte de confédération de complotistes, de milices, de suprémacistes et de lui rallier l’électorat de base trumpiste. Avec des slogans quelque peu radicaux comme « fourbissez vos armes », et des arguments choc, comme « nier l’évidence de la fraude, c’est comme nier l’Holocauste », comme Stone l’a déclaré à CNN. Sur son propre site, mettant en avant ses livres récents ou antérieurs (comme L’Homme qui tua Kennedy, accusant Lindon Johnson), Stone martèle ses accusions de fraude électorale. Stone ne se distancia de Bannon qu’après que ce dernier ait été condamné pour escroqueries, détournements de fonds présumés destinés à la construction du mur frontalier de Trump.

Depuis lors, d’autres sites ont crû, si ce n’est embelli, dont le plus connu est stopthesteal.us. Trump sait fort bien ce q dont il en retourne mais a vite compris le profit qu’il en tirerait. Cette base exaltée et confortée par des sentiments d’appartenance, peut lui servir à se débarrasser de contradicteurs (les Rinos, républicains de nom uniquement) qui pourraient lui planter quelques couteaux dans le dos s’ils venaient à parler inconsidérément.

À ces divers mouvements comme la MillionMAGaMarch, la marche pour Trump, se sont ajoutés les appels des évangélistes charismatiques à combattre la fraude, et des initiatives comme WalkAway (que les démocrates quittent Washington DC) et de multiples autres. Si la marche sur la capitale fédérale n’a surtout rassemblées, au centre-ville, que les Women for Trump, seules autorisées à rejoindre la place de ralliement, des convois automobiles pro-Trump ont convergé vers la ville. Si ces manifestations ne rencontrent pas le succès espéré et prédit initialement, elles sont restées de nature à conforter les ambitions de Trump.

Ce qui peut inquiéter, c’est que Trump soit devenu une « marque » internationale. En témoigne par exemple le Comité Trump France. Lequel reprend toute la vulgate trumpiste (genre, la presse est pourrie, la vérité est toute autre que ce qu’elle en dit). La page FB de ce comité est éloquente. On y trouve des interventions du genre : « Ce qui est incroyable, c’est que la liberté est devenue un concept  d’extrême-droite » ou « le Covid-19 tue : l’avortement aussi », « journalistes ennemis du peuple ».

Mike Pompeo, le ministre des Affaires étrangères de Trump, sera reçu lundi à l’Élysée et au quai d’Orsay. On pourrait se demander pourquoi. La réponse est relativement simple, la France n’a pas les moyens de s’aliéner totalement les trumpistes s’ils conservent la majorité sénatoriale et encore moins si Trump (ou un membre de sa famille) était élu en 2024. Il va falloir faire avec et la droite française y est ardemment disposée. On ne désavoue pas des méthodes qui peuvent vous faire gagner. 

Trump se replie mais ne cède rien

 Trump s’approprie « son » vaccin de son « second mandat »

Donald Trump s’est adressé à la presse pour vanter son Operation Warp Speed de vaccination de masse. Il a refusé toute question, n’a pas abordé celle de la passation de pouvoir à Biden-Harris, mais s’est au moins préservé de proférer des insultes visant les démocrates.


Donald Trump est tel un gamin nécrophage. Il profère des insanités et s’en délecte. Mais il faut remonter à la veille du 3 novembre pour retrouver des invectives visant Sleepy Joe (Joe le somnolant) ou la monstrueuse Kamala Harris, qu’il considère « plus à gauche que Bernie [Sanders] le fou ». Biden a remporté de très loin le vote populaire (en fait, depuis 1992, les démocrates ont toujours remporté plus de voix que les républicains, sauf en 2000, sans pourtant toujours obtenir le nombre voulu de grands électeurs). Mais de toute façon, grâce au tripatouillage des circonscriptions savamment découpées, les républicains (à présent les trumpistes) parviennent toujours à mieux se placer aux commandes, hormis dans les États à écrasante majorité « bleue » (démocrate).

Si Biden-Harris ont remporté 306 grands électeurs, c’est grâce à une participation record et notamment en Géorgie où 800 000 nouveaux inscrits (les républicains faisant tout leur possible pour tenter de bloquer les inscriptions sur les listes électorales de fort longue date) ont voté démocrate. Mais on peut toutefois douter que la Géorgie puisse envoyer deux démocrates au Sénat. Or, le Sénat peut bloquer les nominations des ministres, des ambassadeurs, &c. Et aussi priver la présidence des fonds nécessaires pour mener ses réformes.

La tactique à long terme de Trump est de marteler qu’on lui a volé l’élection. Qu’importe que les recours légaux de l’équipe de Rudy Giuliani puissent ou non aboutir. Certains cabinets d’avocats se retirent comme en Pennsylvanie, d’autres réfutent qu’il y ait pu se produire des fraudes manifestes et se bornent à maintenir que des erreurs involontaires ou de fumeuses irrégularités justifient leurs plaintes. Seize procureurs fédéraux exerçant dans une douzaine d’États ont formellement réfuté les suspicions de fraudes avancées par le ministre de la Justice, William Barr. Mais pour Trump, c’est secondaire. Seule la « presse boîteuse ou éclopée », soit la fausse presse forcément libérale, mensongère, celle des élites, s’acharne en vain à le contredire (ce qui, pour lui, ne saurait tromper les vrais patriotes).

Une autre bataille légale, déjà entamée en coulisses, vise Trump, pour fraude fiscale et aux assurances et faux en écritures notamment. Qu’à cela ne tienne, c’est un peu comme l’affaire de l’ingérence russe dans l’élection précédente, de basses manœuvres des élites contre lui. Ces poursuites n’ont aucun autre fondement que politique, afin de le discréditer faussement, soutient-il.

Il n’en a cure et s’il reste à la Maison Blanche, c’est pour  préparer des vaccinations de masse, dès que « son » vaccin pourra être validé. Ayant déjà sauvé l’Amérique de la décrépitude et du déclin, il va sauver physiquement les Américains en proie à la pandémie sans, bien sûr, qu’il soit nécessaire de les confiner.

En sept jours, les États-Unis ont compté 7  000 morts de plus, et le vaccin « contre le virus chinois » (expression de Trump)  ne pourra pas être distribué avant le début de l’année prochaine, au mieux. Qu’à cela ne tienne, Trump doit rester à la Maison Blanche pour tout agencer. S’il y a des cafouillages après son départ, ce sera la faute de Biden et des « communistes » démocrates.

Trump a mis à présent la pression sur les législateurs républicains de quatre États remportés par Biden (Arizona, Michigan, Pennsylvanie et Wisconsin) pour qu’ils désignent des grands électeurs votant pour lui. Les quatre ont formellement refusé de se mettre dans l’illégalité : ils nommeront des grands électeurs qui voteront pour Biden.

Ce qui en fait déjà des républicains seulement de nom (ou Rino, in name only), comme tout autre élu républicain ne se pliant pas au bon vouloir de Trump.

C’en est au point que la perspective de voir la présidence passer à la démocrate Nancy Pelosi, qui préside la Chambre des représentants (c’est le dernier recours si les nominations de grands électeurs étaient contestées), n’est pas ce que recherche Trump. Dans ce cas, on lui aurait volé deux fois son second mandat. Le jour même de l’élection, puis de nouveau celui de l’investiture.

Histoire de chauffer les participants de la Marche Maga sur Washington ce samedi, Donald Trump Jr, le fils de l’autre, a dénoncé le candidat démocrate de Géorgie pour ses liens financiers avec la Chine (ils sont en fait indirects, liés à des droits d’auteurs pour un documentaire d’une société basée à Londres).

La marche sur Washington de ce samedi est loin d’être la seule. Le site stopthesteal.us en recense dans pratiquement tous les États.

De ce fait, même si Trump commence à réaliser qu’il a perdu, afin de préparer la suite (dont les élections de 2024), il lui semble adéquat de continuer à ressasser son antienne le plus longtemps possible. Il peut certes changer le ton de sa teinture capillaire, mais pour générer des fonds, engranger des dons, il ne peut se dédire en admettant sa défaite. Il lui suffira d’affirmer que les machines et logiciels électoraux ont été piratés par les services chinois pour que ses partisans en soient convaincus. Ou il peut arguer que les électeurs issus de l’immigration l’ont emporté sur les « vrais Américains » (c’est déjà ce qu’avance breitbart.com, le site proche de Steve Bannon). Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas pendant la Marche pour Trump que l’intéressé va décevoir ses partisans et admettre son indéniable défaite

jeudi 12 novembre 2020

Biden pourrait-il rester président de nom seulement ?

 Après Trump, le Sénat peut jouer la montre

Bizarrement, Tump ne semble pas devoir demander un nouveau compte des mois en Alaska, où il est vainqueur en dépit d’un noimbre important de bulletins par correspondance. En revanche, même si la Géorgie donne deux sièges de sénateurs (ceux de Géorgie) aux démocrates, Biden peut se retrouver dans le rôle de potiche à la Maison Blanche.


Or donc, Trump est largement vainqueur en Alaska qui a aussi élu un sénateur trumpiste. Ne dites plus « républicain », c’est devenu vide de sens. Plus un·e seul·e candidate ne peut se présenter sous une étiquette autre que trumpiste, tant bien même investi·e par un parti autrefois dénommé républicain que la famille Trump va transformer en parti clanique (ce, en vue d’investir, soit le Donald soit l’un des leurs en 2024). Mais, après tout, histoire de squatter la Maison Blanche, Trump peut fort bien aussi réclamer, et obtenir un nouveau compte, manuel cette fois, des votes en Alaska. C’est déjà le cas en Géorgie mais cet État se fait fort d’y parvenir à temps pour le 20 novembre, et la désignation des grands électeurs. Mais Trump peut toujours tenter d’obtenir des recomptages partout et prolonger son bail. S’il parvient à faire converger des milliers de trumpistes le week-end prochain sur Washington (le District qui l’a le plus désavoué, avec seulement 5, 27 § des votes pour lui et 92,41 % pour Biden), il ne se sentira plus tenu de quitter le bureau ovale. Surtout si des heurts violents lui donnent l’occasion de se poser en garant de la loi et de l’ordre.

Mais même s’il doit concéder au final sa défaite, rien n’est joué vraiment pour Biden. Tout dépendra du Sénat où, même si la vice-présidente Harris obtient une voix prépondérante (elle compte double si le Sénat compte cinquante sénateurs de chaque bord), Biden peut se retrouver incapable de former un gouvernement. Le Sénat doit approuver les nominations (comme il l’a fait pour la juge Barrett). D’où le pronostic du site Politico. Ni Bernie Sanders, ni Elizabeth Warren, ne rejoindront l’administration Biden, car ils représentent l’aile gauche du parti démocrate et que Biden ne veut pas prendre le risque de les voir blackbouler par un Sénat trumpiste et des démocrates centristes.

Les démocrates pensent aussi à leurs réélections et il ne leur pas échapper que Biden doit aussi sa victoire à un électorat chrétien ultra-conservateur que Trump croyait acquis mais qui a fait en partie défection.

Trump et les élus trumpistes (faute de pouvoir s’appuyer sur un parti républicain révolu), peuvent donc continuer de tout tenter pour discréditer Biden et les démocrates, jouer la montre au-delà du décent, faire chauffer la base de la Trumpland (visitez vraiment le site OAN, One America News Network pour comprendre ce qui est à l’œuvre).

Biden a certes emporté beaucoup plus de voix que Trump, ce que, faute de pouvoir contrôler le Sénat, ne lui confère que le pouvoir d’inaugurer les chrysanthèmes (selon le mot de de Gaulle). Toute la campagne trumpiste en Géorgie consiste à faire barrage au « communisme » et à l’ultragauche incendiaire, fomenteuse d’émeutes et de pillages.

Le britannique The Independent a passé en revue ce que l’administration Trump (entendez non pas le gouvernement mais les seuls cabinets et agences ou groupes de réflexion) pouvait tenter de faire avec ou sans l’accord du Sénat. Simple, sans accord sénatorial, Biden peut, sans majorité sénatoriale, parler aux journalistes, lancer des campagnes de presse sur la nécessité de porter des masques et de se distancier, ou mettre fin au chantier du mur frontalier, rejoindre l’accord de Paris sur le climat sans les moyens de prendre les mesures préconisées, bref, il peut créer ses machins-bidules, des commissions, mais ne peut rien financer.

Cde qu’il subsiste du GOP révolu (l’ex-parti républicain) peut bien s’égosiller et dire que l’électorat a voté pour lui et non pour Trump, cela reste une prière inexaucée. Restent la formation Save America de Trump et des trumpistes ayant été élus (dont deux femmes proches de la secte QAnon) et qui financera les devenus indépendants de fait alors que Trump pompe les dons via un appel à le financer, lui, au prétexte de couvrir ses frais d’avocats.

On pense ce qu’on veut des sondages, mais celui de YouGov semble significatif, il n’y a que 65% des Étasuniens (dont 92% de démocrates et 62 % d’indépendants) à penser que Biden pourra prêter serment et devenir président. Chez celles et ceux se déclarant républicains, 46 % pensent que Trump prêtera serment et seulement 27 % croient que Biden sera président. Plus étonnant, 13 % du total estime que « quelque chose d’autre » se produira (quoi ? Pas de serment, un coup d’État ? une nouvelle élection ?), et le nombre restant dans l’expectative, ne se prononçant pas est de 15 % (dont 23 % de « républicains » déclarés tels). En déduire qu’il ne reste que 27 % de républicains ancienne manière serait aller vite en besogne, mais non que près de la moitié de cet électorat a viré trumpiste d’abord. Right or wrong, My Trumpland.

L’actuelle Maison-Blanche bloque tout contact avec l’équipe Biden, et le ministère des Affaires étrangères conserve sous le coude des courriers lui étant destinée. Mais l’important, pour Trump, c’est de se réjouir que l’audimat de FoxNews ait chuté depuis que la chaîne eut annoncé la victoire de Biden. Depuis, la Trumpland se reporte sur les chaînes Newsmax et Oann qui répercutent mieux ses « bonnes paroles ». Un aperçu de ce que soutient à présent Oann : les démocrates ont truqué l’élection, la question est de savoir s’ils l’ont fait seuls « ou avec l’aide de puissances étrangères ? ». Tel que.

Comme nombre de sondés de l’institut YouGov, on en viendrait à se demander ce qui pourrait se produire aux États-Unis ces prochaines semaines et même lors du jour prévu pour la passation de serment.

mardi 10 novembre 2020

Trump a dix semaines pour finir son mur

 Dix semaines de travail de sape pour Trump

Théoriquement, début janvier, Trump doit s’expulser de la Maison Blanche. En fait, il tente tout pour repousser l’échéance et entre temps, il exerce à plein son pouvoir de nuisance. Faute de pouvoir finir son mur frontalier, Trump se battra jusqu’au bout sur tous les fronts et sa famille vise déjà 2024, persuadée de sa légitimité.


Sans majorité au Sénat, la présidence Biden-Harris est d’ores et déjà paralysée.  Or il n’est pas du tout sûr que les deux siège en lice en Géorgie soient remportés par les démocrates Jon Ossoff et Raphael Warnock. En revanche, pendant encore dix semaines, voire davantage, Trump n’est pas du tout paralysé. Outre ses prérogatives, il peut compter sur l’ex-parti républicain et ses élus. Et sur une cour suprême à sa dévotion. Car la fiction du parti républicain a vécu, se distancier de Trump, c’est s’aliéner trop d’électeurs, manquer de fonds. Biden est présumé favoriser le consensus, soit obtenir des concessions d’élus républicains. À moins de se voir assurer une prébende ou un pantouflage juteux, plus aucun·e élu·e républicain·e ne peut se le permettre. Il ou elle serait catatalogué·e État profond, Rino (Republican in name only).

Pour le moment l’administration Trump bloque à l’équipe Biden-Harris tout accès à quoi que ce soit. Trump fait aussi le ménage en virant les tièdes, comme le ministre de la Défense. Quant au ministre de la Justice (le procureur général), il a carte blanche pour fonder toutes les accusations de fraudes électorales visant les démocrates, y compris les plus vénielles ou carrément ridicules, insignifiantes. D’ici à janvier, une cour suprême à la dévotion (ou menacée par Trump, ou indirectement rétribuée) peut détricoter l’Obamacare, la couverture sanitaire minimale.

Si Trump veut virer les directions de la CIA ou du FBI, il le peut, des ex-républicains protesteront faiblement ou plus véhémentement, peu importe, la Trumpland applaudira. Le mieux, comme le fait l’ex-vice-président Mike Pence, est de se taire, de se confiner loin de Washington, et attendre des propositions d’embauche. Ou hurler avec Trump en vue d’une réélection par la Trumpland.

D’ici début janvier, Biden peut toujours recommander aux gens de porter des masques, réunir une équipe de scientifiques, Trump n’a aucune raison d’en tenir compte.

En fait, le réel dilemme de Trump, c’est de décider s’il se représentera en 2024 ou s’il fera plébisciter sa fille par la Trumpland. Et dans cette perspective, plus il se montrera vindicatif au cours des dernières semaines de son bail, mieux il enflammera la Trumpland, minera la crédibilité de la presse et des médias ne lui étant pas favorables inconditionnellement.

Si Trump décidait de transformer les jardins de la Maison Blanche en bassins d’épuration d’eaux usées avant de rendre les clefs, la Trumpland applaudirait ou s’agenouillerait pour louer son prophète, l’élu du Très Haut, le Donald.

Comme l’a estimé l’ancien directeur de la CIA, John Brennan « vous pouvez faire une masse de dégâts en 70 jours (…) et malheureusement, les républicains siégeant au Congrès laisseront faire Trump. ».

L’une des toutes dernières de Trump est d’assurer que l’État profond (démocrates, institutions médicales, &c.) ont différé l’annonce de la découverte d’un vaccin (présumément, le vaccin occidental, non le russe ou le chinois) afin de lui faire perdre l’élection. Croyez-vous que la Trumpland en déduit qu’il concède avoir perdu l’élection ? Pas du tout. Breitbart News met en avant un sondage selon lequel 70% de l’électorat de Trump reste persuadé que l’élection a été trafiquée, faussée (voire que la volonté divine rétablira la vérité).

On a pu, provisoirement, se rassurer du fait que les milices armées pro-Trump n’ont pas déferlé partout. En fait, leurs membres rejoignent à présent le mouvement Loud Majority (censé transformer la majorité silencieuse pro-Trump en majorité tonitruante).

Dans un premier temps, on s’est conforté de l’idée que même la presse pro-Trump (Fox News, le New York Post) admettait la victoire du tandem Biden-Harris. À présent, c’est le retour à la propagande selon laquelle le président élu est l’otage des « communistes » et de l’ultra-gauche. OAN (One America News) met en doute les résultats en Pennsylvanie.

Trump continue à convaincre la Trumpland que l’élection a été truquée par l’État profond. Ainsi, il dénonce de nouveau Andew McCabe, l’ancien directeur adjoint du FBI, qu’il avait limogé deux jours avant qu’il puisse prétendre à une retraite complète.  Ses deux fils, Eric et Donald Junior, en rajoutent aussi sur le thème qu’une machination a confisqué la réélection de leur père. Et le compte Twitter @TrumpWarRoom et d’autres leur servent d’orchestre symphonique. Quoi qu’il advienne, le trumpisme se survivra. Aux États-Unis, mais aussi en France (écoutez donc Zemmour...) et ailleurs, hélas.

dimanche 8 novembre 2020

É.-U. : Trump propage encore sa pensée universelle

 Le trumpisme et la cocoricologie mineront  encore longtemps les É.U.

C’est relativement simple, lorsque, Breton de Paris, petit Blanc pauvre, je deviendrai l’un des dispensables « indigènes » de ce que deviendra la France (ou je ne sais trop quoi), eh bien, je m’y ferai. Car trop vieux pour aller me réfugier dans un réduit breton, en Guyane ou ailleurs, j’aurai fait mon temps. Mais je peux comprendre, et non approuver, que cet état d’esprit ne soit pas partagé par la Tumpland. Tentons donc, faute de mieux, d’en sourire. Mode Pensée universelle.


Je ne vais pas vous rabâcher que l’Associated Press (AP) ayant donné Joe Biden président des États-Unis d’Amérique, selon les usages de cet étrange État fédéral, c’est plié pour le Donald. Mais j’attire l’attention sur deux autres titres de cette même agence. « Les partisans de Trump refusent d’accepter la défaite » et « Trump a perdu, mais pas le trumpisme ». Trump, c’est Obélix sans Astérix. Et l’irréductible Donald va sans doute se voir un jour convaincu par une Falbala-Ivanka qu’il peut encore assommer des taupes avec des balles de golf bien ajustées. Certes, le Donald, sachant qu’il en est bien incapable, va plutôt tenter de persuader l’univers qu’il va avoir des milliers de taupes à son futur tableau de chasse (car Trump ne cherche pas à améliorer son par, mais à occire des taupes sur le parcours). La Trumpland fera sans doute quelques temps semblant de le croire. Puis une ou un autre viendra, plus persuasif. Une ou un plus convaincant, plus hargneux, encore plus pugnace.

L’ernnui, tel que je le pressens, et qui n’est pas un minime inconvénient, est que Trump va s’accrocher, si ce n’est à la Maison Blanche, à l’idée qu’il dispose d’une base suffisante pour reconquérir le pouvoir. Et il se trouvera bien quelqu’un·e pour faire semblant de le conforter dans cette certitude avant de le coiffer sur le poteau et convaincre la Trumpland qu’il a fait son temps, mais qu’elle ou lui réussira mieux que lui à l'incarner, cette envahissante et exportable Trumpland.

Biden et Harris savent qu’ils vont se retrouve héritiers d’une Trumpland pour laquelle c’est elle face au reste du monde. Et que pour que se la concilier, ce qui est d’autant plus nécessaire que même dans leur électoratdes fondamentaux de la Trumpland restent partagés, il leur faudra maintenir que le principe de l’Amérique d’abord (America first) les guide.

Trump va s’accrocher, s’enraciner autant qu’il le pourra dans sa « société du spectacle ». Il ne jettera pas le gant, quelqu’un·e le lui ravira. Biden-Harris devront faire avec, et ce, aux dépens, ce me semble, du réduit (ou rebut) européen, avec sans doute un peu plus de doigté que leurs prédécesseurs.

Ne vous déplaise, je suis fort conscient de divaguer, de vaticiner, sur le mode the end is near. Mais d’un, ce qui semble plausible, c’est que des gens qui vraiment cru qu’ils descendaient des Gaulois (en fait d’un peu tout le reste du monde) ont fini par se persuader qu’un Pétain, avec l’aide de Dieu, rétablirait l’ascendant des Gaulois. Il suffit de voir les réactions de la Trumpland aux tweets du Donald pour se rendre compte qu’après Trump, elle en adulera un autre.

Et de deux, je n’écris pas pour que vous vous lamentiez avec moi, mais pour tenter de nous faire rigoler.

C’est pourquoi je cesse de me prétendre expert en géopolitique pour céder la parole à un véritable expert. J’ai nommé, sous vos applaudissements, Mohammed Madjour. Comme il se définit sur son profil Facebook, c’est un « homme de science et Expert au service de la vérité et de la Justice » (sic, je préserve les capitales qu’il emploie). Il reste peu sceptique à propos de la fraude électorale imputée aux démocrates car il attribue la défaite de Trump à… l’Élysée. Tout s’éclaire.

En réponse à Donald Trump, il compatit avec lui, victime d’un complot international fomenté rue du faubourg-Saint-Honoré. C’est là qu’a été conçu le programme « Rendre l’Amérique misérable ». À un moment, je me suis dit, ce gars est comme moi, il écrit un peu tout et n’importe quoi, mais ne le pense pas vraiment. Ou, tel un Trump, s’auto-persuade qu’il peut penser, réfléchir sainement (prétention que je partage avant de me pincer pour revenir à une raison raisonnante). Eh bien non. Il est fort sérieux.

Son compte Twitter aligne des interventions du même tonneau. C’est « la désinformation et la manipulation française depuis 2016 » qui étaient à l’œuvre pour détruire Trump. La « Sorcellerie de l’Élysée » fut la plus puissante, en déployant les maléfices de la « cocoricologie ». Je n’invente rien. Car Trump n’a aucune chance : “Biden, will apply to him the program of the Elysee which wants to lock up the whole world in his comedy of cocorioco-logy of 2015!”. « Drôle d’époque», s’exclame Madjour. Eh oui, “les médias de l’Elysée avaient investi tout leur énergie négative. L’Amérique a succombé sous la puissance de la propagande et de la désinformation. ». Tout s’explique, tout devient clair.

Ce qui semble surtout limpide, c’est que ce monsieur a sans doute cherché en vain à se faire publier en France et que faute de trouver un éditeur, il lui faut une explication plausible, laquelle c’est évident provient de « la clandestine tribu de l’Élysée qui vit de la sorcellerie ».

Avant l’an 1996, une maison d’édition publiait à compte d’auteur, tous les délires qu’on lui adressait. La Pensée universelle a déposé le bilan. Je me souviens avoir reçu l’un de ses auteurs (une blague des confrères sans doute ou du chargé de l’accueil au siège du journal) qui me soutenait qu’il recevait des émissions de télévisions du monde entier derrière ses rétines. Une révélation qu’il avait tenu à partager grâce à La Pensée universelle. De 1970 à mars 1996, cette maison publiait environ 400 ouvrages chaque année. Les seuls manuscrits refusés (à peu près 4 %) l’étaient pour des raisons légales (écrits susceptibles de faire condamner l’éditeur). La plupart des livres publiés étaient des témoignages, des autobiographies, qui ne manquaient pas d’intérêt. C’est d’ailleurs pourquoi certains figurent encore aux catalogues de diverses bibliothèques publiques.

Madjour, comme Trump, n’est pas tout à fait ce qu’on appelait « un simple d’esprit ». Croyez-le ou non, voici seulement une heure, Trump s’est de nouveau exprimé pour redire que l’élection lui a été volée (on peut le croire sincère, il s’en est vraiment persuadé). Malheureusement, il attribue sa défaite aux traficotages des “big city machines” démocrates, et non pas à la sorcellerie élyséenne (qui peut contrôler à distance les machines à décompter les bulletins de vote, chacun sait bien cela).

Ce qui est gênant dans cette histoire, c’est que, voici encore quelques jours, nombre de démocrates ou indépendants voulaient émigrer à l’étranger (principalement au Canada). Depuis l’élection de Biden, nombre de trumpistes veulent se relocaliser en Alaska (État républicain). Pour tenter d’avancer une idée un peu sérieuse, espérons que l’administration Biden pourra faire en sorte que la pollution de l’Alaska n’aura pas de répercussions lamentables jusqu’au faubourg Saint-Honoré avant le plus longtemps possible.

Ce qui me semble raisonnable (cela m’advient parfois), c’est que la tâche de Biden-Harris devra consister à faire en sorte que la Trumpland, qui se sent annointée par un dieu à son image, puisse être convaincue que ce dieu n’a pas pour dessein de voir la planète qu’il est supposé avoir créé finir submergée, anéantie par la pollution. Ce n’est pas gagné d’avance.

Histoire de quitter l’avant-scène en beauté, Trump a réussi à faire passer un sondeur étasunien pour un britannique. En fait, le britannique Sunday Express avait confié une tribune à Patrick Basham, résident de Washington. Lequel soutient que les Afro-Américains et les femmes caucasiennes des banlieues sont restés jusqu’au bout des électeurs silencieux de Trump, faussant les sondages. Et que dans ce cas, seule la fraude électorale explique la victoire de Biden. Cet Étasunien pro-Trump devient, sous la plume de l’ex-président le “best pollster in Britain”. Pour tous les trumpistes ayant réagi à ce mensonge, c’est parole d’évangile. Jusqu’au bout, Trump ne croira que ce qui l’arrange, ne dira que ce qui l’avantage et quelle que soit l’évidence contraire, la Trumpland l’ovationnera. Et accordera une confiance absolue à qui lui succédera en utilisant les mêmes méthodes. Pour mémoire, c’est exactement ce qui se produit au Royaume-Uni avec le Brexit. Tous ses partisans restent persuadés qu’il instaurera leur paradis sur terre. Et si cela tournait mal, ne cherchez pas plus loin : les satanistes de l’Élysée peuvent toujours tout tenter, au final, le Mal sera terrassé. Mohammed Madjour, en ce dimanche de confinement, you made my day. J’ai bien ri. Demain ou après-demain, il sera toujours temps de pleurer si, en France, les complotistes de cet acabit deviendront majoritaires. Rappelez-vous le film Dead Poets Society (Cercle des poètes disparus). Carpe diem. Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain (quam minimum credula postero diei).

vendredi 6 novembre 2020

Soutenir la librairie Shakespeare and Company (Paris)

 Anglicistes, avant de chercher sur Amazon…

Bien, je ne vais pas plagier le papier de Thoimas Adamson d’Associated Press faisant état de l’appel de Sylvia Whitman qui cherche à survivre aux conséquences de la pandémie et sauver sa librairie parisienne anglophone, Shakespeare & Company. Juste quelques souvenirs.


J’admets, j’ai plus fourgué des livres en anglais à Shakespeare & Company que j’en ai acheté là, alors que pourtant, j’adorais parcourir les rayons ou feuilleter gratis, confortablement assis, au premier étage. Le lieu est internationalement célèbre à plusieurs titres (consultez la page en français du site de la librairie pour comprendre qu’avouer en ignorer l’existence c’est proclamer qu’on connaît fort peu Paris).

Quand j’étais un jeune grand voyageur (autostoppeur, tendance beatnik ou du moins m’y assimilant), à chaque fois que je montais à Paris depuis ma province pour solliciter un visa dans une ambassade ou une autre (j’ai encore une page de visa du Royaume d’Afghanistan), je passais aussi à cette librairie, par exemple pour simplement consulter les petites annonces déposées sur des panneaux en façade (colocations, bons plans d’hébergement, tuyaux divers), ou dans le vague espoir de dragouiller dans un anglais encore approximatif.

En revanche, mon dernier souvenir marquant de la librairie remonte à environ une décennie. Le révérend Billy Hults, un ami, beaucoup plus connu en ses qualités de joueur de planche à laver, libraire d’ancien et journaliste-éditeur de Cannonball (Oregon) que de « religieux » agnostique (ou vaguement théiste) fut l’un des hôtes de la librairie. Comprenez qu’après tant et tant d’autres, il déroulait son sac de couchage sur le sol après la fermeture et le rangeait dans son sac à dos à l’ouverture. J’imagine qu’après le déconfinement, il sera possible de consulter sa page autobiographique sur place (les hôtes étaient conviés à en rédiger une).


Deux manières de soutenir cette véritable et vénérable institution. Commander des livres via son site (à venir se voir remettre sur place, 10, rue Saint-Julien-le-Pauvre, ou commander pour livraison à domicile), ou un café à emporter (37, rue de la Bûcherie, rive gauche, face à Notre-Dame). Question choix de livres, certes, c'esst plus restreint que sur Amazon (j’ai fait un test avec les livres de Tom Corraghessan Boyle ou TC Boyle). Mais tentez donc de vous faire héberger ou de lire gratuitement dans un entrepôt d’Amazon…

Vous pouvez aussi commander un bon d’achat (de 15 euros, par exemple, qui vous permettra d’acquérir, à réouverture, la tasse en céramique frappée du logotype de la librairie).

Bien, ce n’est pas que toutes les librairies indépendantes mériteraient moins votre soutien que celle-ci, mais franchement, l’imaginer être transformée en un Starbucks quelconque serait un crève-cœur.

Un mot sur l’article de l’agence AP cependant. Sylvia Whitman, à la suite du premier confinement, a épuisé toutes ses économies. Si les ventes en ligne ont fortement progressé, il semble que ce soient les dons sans contrepartie qui assurent l’ordinaire et les perspectives de reprise de l’activité.

J’avais déjà effleuré l’histoire de cette librairie à l’occasion d’une approche d’un article de Roger Vailland (alias Geores Omer), « la grande dame anglaise ». Puisque, confinés, vous avez du temps à tuer, je vous convie à le consulter. Histoire de vous replonger dans l’ambiance des débuts de la librairie. Cela devrait suffire à vous persuader que, vraiment, ce lieu et ses activités multiples restent essentiels à la vie parisienne ; n’en déplaise à un certain Stéphane Bern, je préférerai voir Notre-Dame rester en ruines que de constater que cette librairie soit reconvertie en une quelconque boutique (de mode, de restauration rapide). Et puis, Notre-Dame pourra attendre au-delà de cinq ans pour se faire refaire, tandis que pour Shakespeare & Co, il y a urgence.

É.-U. : une évangéliste fait parler les anges pour Trump

 Dieu a parlé à la conseillère spirituelle du Donald

Dur d’employer l’écriture inclusive pour « l’aumonier » de Donald Trump. Laquelle a feint de reproduire les propos (on ne sait si c’est en Tsonga, en Ndébélé ou Zoulou) des anges d’Afrique qui l’ont assuré que Dieu avait choisi Trump. Le Donald a trouvé sa Jeanne d’Arc, une linguiste polyglotte en transes.


Évidemment, le New York Post (pro-Trump) l’a soigneusement mise en valeur. Paula White-Cain, une télévangéliste évangéliste a martelé, en transes, à ses ouailles d’Apopka (Floride), que seules des forces démoniaques avaient pu faire remporter l’État du Wisconsin par Joe Biden. Mais que les États-Unis d’Amérique se rassurent, Dieu, par la bouche d’anges africains, s’est exprimé. Le Donald Trump, son élu, sera réélu.

Paula White-Cain est multimillionnaire, et un peu comme une Kardashian, deux fois divorcée, elle est à présent l’épouse d’un musicien de rock, Jonathan Cain (goupe le Journey), lui aussi sans soucis financiers. Il est présumé qu’elle fut choisie pour être la conseillère spirituelle de Trump et de la Maison Blanche parce qu’elle soutient qu’orpheline de père et abandonnée par une mère alcoolique, elle fut régulièrement violée dès l’âge de six ans jusqu’à son adolescence (pratique pour chanter les louanges d’un homme accusé maintes fois d’abus sexuels). Comme elle le serine depuis, « dire non à Trump, c’est refuser d’obéir à Dieu ». Passe encore. Mais, là, elle est montée de plusieurs crans.

Les évangélistes sont présumés pouvoir parler « en langues ». Et en pleine transe, la Paula s’est mise à entrecouper ses propos véhéments d’un charabia de vocables énigmatiques. C’est bien la preuve, veut-elle faire croire, que ces propos sont ceux d’anges africains. Mais d’autres « les voilà qu’ils viennent, les voilà qu’ils viennent ici », cette fois, « au nom de Jésus », mais d’Amérique du sud. Alors, archanges zoulous puis anges sud-américains survolant les États-Unis et bourrant les urnes pour Trump (par le truchement de réels électeurs vraiment chrétiens) ?

« J’entends le son — elle a su se retenir d’employer les mots trompettes ou cors — de la victoire. Le Seigneur dit que c’est dans la poche. Car j’entends victoire, victoire, victoire, victoire dans les corridors du ciel » (lesquels lui sont bien entendu familiers). Elle s’est retenue de faire parler en espagnol les anges d’Amérique du sud qui sont « envoyés à présent, dès cet instant. ». Sentez leur divine présence.

Les confédérations sataniques viendront-elles à bout des archanges et des nuées d’anges latinx ? Les démons démocrates égorgeront-ils les chérubins et autres séraphins (Qanon dépeint les démocrates en pédophiles sanguinaires) ? Dans ce cas, il appartiendra au peuple divin de la Trumpland de les venger, est-il de fait insinué.

Cela peut paraître tarazimboumant, abracadabradantesque, et ce l’est effectivement. Mais le site de l’hedomadaire protestant Réforme, fort sérieux, étaye en quelque sorte la « démonstration » de la pasteure néo-charismatique. Trump est peut-être un individu spirituellement imparfait, mais, à l’instar du roi perse Cyrus le Grand, il peut être l’instrument du divin. Réforme expose le raisonnement de Paula White, non pour l’étayer ou l’approuver mais en exposer le fondement crédible pour les évangélistes de la Trumpland. Pour eux, Trump peut arrêter le bras des « ennemis de Dieu » et faire en sorte que « leur plan échoue ». Certes, du côté des baptistes et d’autres, Paula White est plus que controversée. Mais pour elle et ses ouailles, il s’agit forcément d’hérétiques s’excommuniant d’eux-mêmes qu’il faudrait exorciser comme le soutiennent « les catholiques pour Trump ». Satan, sort du corps de Joe Biden et de ceux de ses cohortes d’incubes et de succubes.

Paula White a su aussi, dans sa transe, évoquer celles des rites vaudous en soignant sa gestuelle. Car il ne faut pas s’aliéner l’électorat afro-américain., mais au contraire le séduire. De même, faire intervenir des anges latinx est une bonne trouvaille. À la Maison Blanche, Paula White dirige une équipe de 35 religeux, tous rétribués par les contribuables étasuniens. Elle prêche une « théologie de la prospérité » car Dieu enrichit en dollars les plus fidèles d’entre ses fidèles et punit les tièdes, les mièvres, les timorés, qu’il plonge dans la misère tôt ou tard. Mais si on n’a pas le temps de rester confit en dévotions, une donation peut faire l’affaire.

Juste avant que Trump intervienne depuis la Maison blanche, cette nuit, selon CNN, l’un de ses conseillers aurait estimé que les perspectives (de réélection) sont faibles et « qu’il nous [la Trumpland] faudrait un signe de Dieu pour inverser la tendance ». Homme de peu de foi ! Mais enfin, le signe est venu, et Paula White a entendu les voix l’annonçant. Depuis, le bruissement des ailes des anges n'est pas devenu assourdissant. Mais pour qui veut l'entendre le moindre acouphène se transforme en certitude.

jeudi 5 novembre 2020

É.-U. : Trump se reconvertit en aboyeur de foire

 

Joe Biden va-t-il lui accorder une grâce présidentielle ?

Non, tout n’est pas plié et Joe Biden n’est pas déjà prévu parvenu à la Maison blanche en janvier. Mais le Donald doit déjà songer à sa reconversion en amuseur de tréteaux. Failli, il saura se trouver des parrains publicitaires.


Un ancien gouverneur-adjoint de Pennsylvanie a trouvé la bonne locution pour qualifier le Donald hurlant qu’il a vaincu son adversaire démocrate : a carnival barker. Soit un crieur de fête à Neuneu ou un aboyeur publicitaire de tréteau de centre commercial vantant des promotions à ne pas manquer.

Je me souviens des équivalents de mon enfance beuglant « petite jeunesse, ne vous bousculez pas, les tours seront plus longs » (auto-tamponneuses), ou « Et voici Louana, notre ravissante suédoise, dans le déshabillé de la Parisienne » (strip-tease), et encore « Alors, le militaire du bataillon de Joinville relève le gant du Bucheron des Ardennes » (combat de catch truqué). Jusqu’à la dernière minute (qui peut se prolonger longtemps), Trump le bateleur d’estrade s’égosillera.. En témoignent ses derniers messages sur Twitter, fort contradictoires. Pourquoi cesser de dépouiller des bulletins s’il est si sûr de l’avoir remporté ? Vous connaissez la réponse, je ne vais pas vous rabâcher mes précédentes explications.

Mais on peut s’interroger et enfoncer le clou. Dans l’Arizona, des trumpistes armés s’en sont pris à un bureau de vote de Maricopa pour exiger… que le dépouillement se poursuive jusqu’à son terme. Ce dans l’espoir que le vote pour Trump rattrape son retard. Dans une moindre mesure, des réclamations similaires ont été prononcées dans le Nevada. Mais dans le Michigan, c’est l’inverse, les pro-Trump réclament la fin du dépouillement. Bref, c'est “count the votes” là où cela arrange, et “Stop the steal” (arrêtez le décompte, cessez le dépouillement) là où cela dérange.

Il était, ce jeudi soir, effectivement envisageable que Tump puisse empocher les grands électeurs de l’Arizona, mais pour l’agence AP (qui donnait déjà 264 grands électeurs à Biden contre 214 à Trump), les projections en Pennsylvannie et en Géorgie semblaient problablement donner l’avantage final à Trump, provisoirement du moins. De toutes façons, comme Hillary Clinton, Biden remporte l’élection en voix (ou le popular vote, selon l’expression en cours).

Même cela, Trump, comme précédemment, vociférera que c’est faux, qu’il l’a emporté, que seuls les votes en sa faveur sont légitimes et tous les autres frauduleux, trafiqués, ou injectés en douce.

L’ennui, c’est que cela durera encore et encore. Certes, un juge de Géorgie a débouté les trumpistes de leur recours qui ne portait que sur un prétexte (53 bulletins présumés invalides, ce qui est contesté par les autorités locales). Mais ne serait-ce que pour sa postérité le « vrai Donald J. Trump » (son pseudo pour Twitter) voudra battre les estrades en se dénommant le « vrai président », le seul, l’authentique, celui qui n’a jamais rien perdu (mis à part quelques immeubles restant partiellement vides et quelques litiges réglés ensuite en coulisses). Donald Trump ne doit pas sa fortune à ses affaires foireuses mais à ses émissions de télévision, des contrats publicitaires (un peu quand même, plus récemment, à des nuitées dans ses hôtels ou golfs payés par les contribuables américains ou des évangélistes, des solliciteurs d'aides publiques).

Pour préserver l’avenir, certains élus républicains du parti d’avant désavouent « leur » président, et même Mitch McConnell, son âme damnée au Sénat, prend quelques distances. Même FoxNews (pro-Trump de longue date) crédite déjà Biden de 264 grands électeurs. Et laisse entendre qu’au Nevada et même en Arizona, dont on connaîtra les résultats dénitifs cette nuit, Biden devrait logiquement l’emporter. Mais il ne faut pas négliger la capacité de nuisance de Trump.

La perspective d’une défaite de Trump ne fait pas que des malheureux dans la Trumpland. Comme le relate le site The Daily Beast, de nombreux sites de soutien au Donald en appellent à des donations afin, prétendent-ils, de l’aider dans ses combats judiciaires à venir. Les casquettes pour Trump, « le vrai président » ou « Trump 2024 » (à moins que ce ne soit « Ivanka 2024 ») ne sont pas encore confectionnées, mais cela ne saurait sans doute trop tarder. J’avais reçu autrefois un maillot « la pêche aux moules »’(chanson popularisée par Jacques Martin), Trump en labellisera peut-être d’autres avec pour slogan « la pêche aux nouilles » et il les placera sur les marchés. Comme il le proclamait : « je pourrais tuer quelqu’un sur la 5e avenue et ne pas perdre des partisans ». Cela, il l’a prouvé, d’une élection à l’autre, il a progressé en nombre d’électeurs.

É.-U. :Trump l’escroc sait qu’il a perdu l’élection

La Trumpland soutient la triche de son veau d’or

Le parti républicain n’existe plus, ne subsiste que la formation trumpiste. Laquelle approuve sans réserve les manœuvres frauduleuses de Donald Trump, lesquelles ne datent pas d’hier.


La première mesure frauduleuse de Donald Trump remonte à juin 2020 avec la nomination de Louis DeJoy à la tête du service postal public (USPS). Déjà, Trump savait que les démocrates, en raison de la pandémie, pousseraient à voter par correspondance. DeJoy s’est donc attelé à démanteler les infrastructure du service postal (mise au rebut de centres de tri, suppression de boîtes postales, &c.). Donc, en dépit d’injonctions judiciaires, tout a été mis en œuvre pour que les bulletins de vote (provenant même d’un même État fédéré, a fortiori d’un autre et évidemment de l’étranger) ne puissent parvenir à temps dans les centres officiels de vote. Il en est d’autres, soit des « urnes » (boîtes de dépôts réservés) que les républicains ont multiplié dans des endroits sûrs (genre boutique vendant la paraphernalia Trump-Maga) et tenté de faire supprimer les autres, situés dans des comtés démocrates, surtout urbains. Ajoutez à cela, en vue de conserver une majorité au Sénat, le gerrymangering (charcutage électoral).

Quant à l’exigence de ne pas prendre en compte les bulletins de vote parvenus après le 3 novembre dernier dans les États qui en autorisent le dépouillement, la manœuvre est limpide. Le graphique de NBC portant sur ces États est plus que parlant.

Dans les districts ruraux, présumés voter massivement pour Trump, on a surtout voté en personne (moins de risque de contracter le virus, ou d’avoir à rester longuement en file pour voter). Donc, dans ces districts ou comtés peu peuplés, les résultats ont été plus rapidement proclamés, laissant penser que Trump l’avait emporté. Et la grande, parfois colossale masse de bulletins présumés démocrates provient des agglomérations urbaines.

Bien évidemment, pour un État comme l’Alaska – Ankorage et son aire ne concentrent que quelque 400 000 h, sur un peu plus de 730 000 pour tout l’État – , le phénomène est marginal car même les urbains votent fortement pour les républicains. En revanche, en Pennsylvanie, Georgie, Arizona et Nevada, il est évident qu’une majorité de la population réside dans des villes et agglomérations importantes (c’est un peu moins marqué en Caroline du nord).

Les Trumpistes savent fort bien qu’il en est ainsi. Mais voyez ce que les bons chrétiens (évangélistes, fondamentalistes) et les nuques rouges (les « bouseux ») soutiennent. Le titre du New York Post (pro-Trump) est éloquent : « Biden peut bien voler une élection au profit des élitistes, mais les démocrates vont le regretter »). Cette tribune de Miranda Devine serait à hurler de rire ; elle soutient en substance que les milliardaires, les patrons de la Big Tech, de la presse généraliste de portée nationale sont tous des communistes, des antipatriotes, mais que, quoi qu’il advienne Trump (présenté tel le Sauveur, le Prophète), grâce au Sénat et à la Cour suprême, paralysera les « traîtres », et que ce n’est que partie remise (elle ne va pas jusqu’à indiquer que ce sera avec Ivanka Trump dans quatre ans ou auparavant, avec des milices lynchant les dirigeants démocrates). J’exagère à peine mais il ne faut pas être grand clerc pour lire entre les lignes de la prose pro-famille Trump.

Ce qui est indéniable, c’est que même si la Trumpland parvenait à ses fins (maintenir Trump au pouvoir), comme lors de l’élection précédente, même si Trump a effectivement progressé en voix (c’est assez simple, du moment qu’on fait beaucoup d’argent, présumément car Trump est au bord de la faillite, même Al Capone aurait passé pour un bon président capable de relancer l’économie), il perdra le « vote populaire » comme ce fut le cas précédemment face à Hillary Clinton. C’est déjà patent avec 89 % des bulletins validés. Le dépouillement tardif devrait accentuer l’écart. La Trumpland le sait, n’en a cure, car elle se persuade d’être d’essence patriotique divine : la secte est devenue une religion.

C’est Trump-Jésus contre Biden-Satan donc si des compatriotes ont voué leurs âmes à Satan, il faut les sauver malgré eux. Sauf que pour la Trumpland, l’exorcisme, c’est souvent avec un colt en guise de goupillon. Certes l’intégralité de la Trumpland n’en est pas à ce point, mais si les milices entraient en action, elle entonnerait Onward Christian Soldiers et applaudirait chaudement, avec Trump en meneur de claque, comme il l’a déjà fait.

Cela peut sembler insensé mais un vieil ami, vétéran du Vietnam dans les Marines, prof d’histoire en fin de carrière, résolument anti-Trump, m’écrivait voici deux jours “my guns are loaded, and I’m ready”. Non pas à provoquer les trumpistes mais à se défendre et forcer leurs barrages s’il le faudra. 

vendredi 23 octobre 2020

Biden-Trump : le pire de Trump reste toujours son meilleur

 La Trumpland satisfaite par son débatteur de Donald

Cette fois, j’ai veillé tard pour visualiser le second et ultime débat présidentiel confrontant Joe Biden à Donald Trump. Le Donald se révéla, pour la circonstance, à son meilleur, mais c’est sans doute en coulisses que se jouera l’issue de l’élection dans x jours.


C’est simple, Trump sait toujours mentir avec un indéfectible aplomb, soit qu’il soit persuadé de la véracité de ses arguments, même mensongers, soit qu’affabulations ou exagérations outrancières parfaitement assumées sur le ton de la plus forte conviction et sincérité lui donnent presque toujours l’avantage en matière de spectacle. Cette fois, de plus, il a su se couler dans le personnage capable d’assumer la fonction présidentielle. Il a su se retenir de gesticuler, invectiver, vociférer (aidé par le fait qu'alternativement, les micros des deux hommes étaient coupés).

Bien évidemment, la Trumpland se dispense totalement de se livrer à la fastidieuse vérification des faits qu’il avance, ou si, par hasard, ses partisans se trouvent confrontés à des informations recoupées, les évidences sont immédiatement disqualifiées. Joe Biden n’a pas démérité, fort peu bredouillé, n’a pas commis de gaffe majeure, et il conserve donc son avantage dans les sondages un tant soit peu sérieux. On sait ce que valent les sondages quand, en fait, seuls ceux portant sur une demi-douzaine d’États doivent être réellement pris en considération avec une marge d’erreur d’autant plus importante que les taux sont serrés.

Mais à moins de deux semaines du jour de clôture du scrutin, tout peut encore se jouer en périphérie.

Les accusations fondées visant Hunter Biden, le fils de l’ex-vice-président (présumé par Trump de s’être considérablement enrichi en se servant de son nom à l’étranger, allégations en partie fausses ou fabriquées et formidablement exagérées) forment un nuage de fumée épaisse qui n’est que le précurseur d’un autre feu bouté. Très longtemps, avant même sa nomination, Joe Biden était soupçonné de nourrir un faible pour le charme des mineurs des deux sexes. Ce fut le “pizzagate” visant les démocrates soutenant Hillary Clinton. Des orgies dans le sous-sol d’une pizzeria. L’accusation ne reposait sur rien, il en est de même pour Hunter Biden mais il suffit de répandre que son présumé ordinateur contenait des photos compromettantes et de le répéter sans cesse, ce que fait, selon NBC et d’autres sources, des sites créés par des ex-associés de Steve Bannon (l’un de ces sites est Revolver News), et que des supports de presse plus crédibles y fassent simplement allusion pour que la rumeur, relayée à des dizaines de milliers de messages sur les réseaux sociaux finisse par passer pour une certitude. Et si Joe Biden soutient publiquement son fils, dément, « c’est bien la preuve qu’il en est ». Trump se fait d’ailleurs l’agent commercial de Revolver News auprès de la Trumpland. La fumée s’épaississant, dans le doute, faute de ne plus voter pour Biden, une partie de l’électorat indécis ou faiblement démocrate pourrait s’abstenir.

L’autre facteur en coulisses, aussi pointé par une tribune parue sur le site de NBC, c’est qu’une forte croissance d’actions judiciaires menées par les républicains visent à faire invalider ou ne pas prendre en compte une partie notable des votes par correspondances. Et sur les 400 actions judiciaires entamées, près d’une centaine sont déjà diligentées dans trois États cruciaux pour Trump (Texas, Caroline du nord, Pennsylvanie). À cela s’ajoute les décisions de gouverneurs républicains de limiter le nombre de « boîtes posiales électorales » publiques (on dépose son enveloppe de vote) et les inévitables délais de l’US Postal Service (délais sciemment allongés par la direction nommée par Trump).

Certains bulletins postés avant ou le 3 novembre pourront donc être poubellisés car parvenant trop tard.

Là où le résultat serait serré, ce ne sera pas du tout un facteur marginal.

Or, les démocrates, en raison du covid, ont dans un premier temps incité leur électorat à voter par correspondance.

Enfin, on connaît l’adage étasunien “if it ain’t broke(n), don’t fix it”. Or l’extraction pétrolière et du gaz de schiste maintien des emplois. Joe Biden en a pointé les inconvénients sanitaires et répété que la transition énergétique créerait beaucoup plus de nouveaux emplois. Et si Biden est donné en tête dans les sondages globalement (en raison du virus et d’autres sujets), sur l’économie, Trump le domine (de peu, mais l’électorat croit toujours que sa fortune provient de ses immeubles et golfs et non pas de ses anciens juteux contrats publicitaires, très peu d’électeurs peuvent se faire une idée de ses dettes et de la fragilité de son groupe).  Dans un pays où neuf petits États, en majorité ruraux, cumulent autant de grands électeurs (55) que la Californie à populations respectives inégales (40 millions pour la Californie, moins de 30 pour ces neufs États réunis), Trump conserve de fortes chances de l’emporter.

L’autre facteur, c’est qu’entre la perspective de mourir ou de rester handicapé du fait du covid (cela n’arrive qu’aux autres d’ici l’élection) et celle de devoir vendre son véhicule ou son habitation pour toute autre raison, les promesses de Trump peuvent sembler plus attrayantes que celles de Biden. Les deux risques sont pourtant liés,  mais les illusoires assurances de Trump (vaccin, traitement imminents, majorité de cas bénins, essor économique). Tandis que Biden, les républicains et affidés le martèlent, ce sera forcément l'apocalypse économique.