Le trumpisme et la cocoricologie mineront encore longtemps les É.U.
C’est
relativement simple, lorsque, Breton de Paris, petit Blanc pauvre, je
deviendrai l’un des dispensables « indigènes » de ce que deviendra la
France (ou je ne sais trop quoi), eh bien, je m’y ferai. Car trop vieux pour
aller me réfugier dans un réduit breton, en Guyane ou ailleurs, j’aurai fait
mon temps. Mais je peux comprendre, et non approuver, que cet état d’esprit ne
soit pas partagé par la Tumpland. Tentons donc, faute de mieux, d’en sourire.
Mode Pensée universelle.
Je ne vais pas vous rabâcher que l’Associated Press (AP) ayant donné Joe Biden président des États-Unis d’Amérique, selon les usages de cet étrange État fédéral, c’est plié pour le Donald. Mais j’attire l’attention sur deux autres titres de cette même agence. « Les partisans de Trump refusent d’accepter la défaite » et « Trump a perdu, mais pas le trumpisme ». Trump, c’est Obélix sans Astérix. Et l’irréductible Donald va sans doute se voir un jour convaincu par une Falbala-Ivanka qu’il peut encore assommer des taupes avec des balles de golf bien ajustées. Certes, le Donald, sachant qu’il en est bien incapable, va plutôt tenter de persuader l’univers qu’il va avoir des milliers de taupes à son futur tableau de chasse (car Trump ne cherche pas à améliorer son par, mais à occire des taupes sur le parcours). La Trumpland fera sans doute quelques temps semblant de le croire. Puis une ou un autre viendra, plus persuasif. Une ou un plus convaincant, plus hargneux, encore plus pugnace.
L’ernnui,
tel que je le pressens, et qui n’est pas un minime inconvénient, est que Trump
va s’accrocher, si ce n’est à la Maison Blanche, à l’idée qu’il dispose d’une
base suffisante pour reconquérir le pouvoir. Et il se trouvera bien quelqu’un·e
pour faire semblant de le conforter dans cette certitude avant de le coiffer sur
le poteau et convaincre la Trumpland qu’il a fait son temps, mais qu’elle ou lui
réussira mieux que lui à l'incarner, cette envahissante et exportable Trumpland.
Biden et
Harris savent qu’ils vont se retrouve héritiers d’une Trumpland pour laquelle
c’est elle face au reste du monde. Et que pour que se la concilier, ce qui est
d’autant plus nécessaire que même dans leur électoratdes fondamentaux de la
Trumpland restent partagés, il leur faudra maintenir que le principe de
l’Amérique d’abord (America first) les guide.
Trump va
s’accrocher, s’enraciner autant qu’il le pourra dans sa « société du
spectacle ». Il ne jettera pas le gant, quelqu’un·e le lui ravira. Biden-Harris
devront faire avec, et ce, aux dépens, ce me semble, du réduit (ou rebut)
européen, avec sans doute un peu plus de doigté que leurs prédécesseurs.
Ne vous
déplaise, je suis fort conscient de divaguer, de vaticiner, sur le mode the
end is near. Mais d’un, ce qui semble plausible, c’est que des gens qui
vraiment cru qu’ils descendaient des Gaulois (en fait d’un peu tout le reste du
monde) ont fini par se persuader qu’un Pétain, avec l’aide de Dieu, rétablirait
l’ascendant des Gaulois. Il suffit de voir les réactions de la Trumpland aux tweets
du Donald pour se rendre compte qu’après Trump, elle en adulera un autre.
Et de
deux, je n’écris pas pour que vous vous lamentiez avec moi, mais pour tenter de
nous faire rigoler.
C’est
pourquoi je cesse de me prétendre expert en géopolitique pour céder la parole à
un véritable expert. J’ai nommé, sous vos applaudissements, Mohammed Madjour.
Comme il se définit sur son profil Facebook, c’est un « homme de
science et Expert au service de la vérité et de la Justice » (sic,
je préserve les capitales qu’il emploie). Il reste peu sceptique à propos de la
fraude électorale imputée aux démocrates car il attribue la défaite de Trump à…
l’Élysée. Tout s’éclaire.
En réponse
à Donald Trump, il compatit avec lui, victime d’un complot international
fomenté rue du faubourg-Saint-Honoré. C’est là qu’a été conçu le programme « Rendre
l’Amérique misérable ». À un moment, je me suis dit, ce gars est comme
moi, il écrit un peu tout et n’importe quoi, mais ne le pense pas vraiment.
Ou, tel un Trump, s’auto-persuade qu’il peut penser, réfléchir sainement
(prétention que je partage avant de me pincer pour revenir à une raison raisonnante).
Eh bien non. Il est fort sérieux.
Son compte Twitter aligne des
interventions du même tonneau. C’est « la désinformation et la
manipulation française depuis 2016 » qui étaient à l’œuvre pour
détruire Trump. La « Sorcellerie de l’Élysée » fut la plus
puissante, en déployant les maléfices de la « cocoricologie ». Je
n’invente rien. Car Trump n’a aucune chance : “Biden, will apply to him
the program of the Elysee which wants to lock up the whole world in his comedy
of cocorioco-logy of 2015!”. « Drôle
d’époque», s’exclame Madjour. Eh oui, “les médias de l’Elysée avaient
investi tout leur énergie négative. L’Amérique a succombé sous la puissance de
la propagande et de la désinformation. ». Tout s’explique, tout
devient clair.
Ce qui
semble surtout limpide, c’est que ce monsieur a sans doute cherché en vain à se
faire publier en France et que faute de trouver un éditeur, il lui faut une
explication plausible, laquelle c’est évident provient de « la
clandestine tribu de l’Élysée qui vit de la sorcellerie ».
Avant l’an
1996, une maison d’édition publiait à compte d’auteur, tous les délires qu’on
lui adressait. La Pensée universelle a déposé le bilan. Je me souviens avoir
reçu l’un de ses auteurs (une blague des confrères sans doute ou du chargé de l’accueil
au siège du journal) qui me soutenait qu’il recevait des émissions de télévisions
du monde entier derrière ses rétines. Une révélation qu’il avait tenu à
partager grâce à La Pensée universelle. De 1970 à mars 1996, cette maison
publiait environ 400 ouvrages chaque année. Les seuls manuscrits refusés (à peu
près 4 %) l’étaient pour des raisons légales (écrits susceptibles de faire
condamner l’éditeur). La plupart des livres publiés étaient des témoignages,
des autobiographies, qui ne manquaient pas d’intérêt. C’est d’ailleurs pourquoi
certains figurent encore aux catalogues de diverses bibliothèques publiques.
Madjour,
comme Trump, n’est pas tout à fait ce qu’on appelait « un simple d’esprit ».
Croyez-le ou non, voici seulement une heure, Trump s’est de nouveau exprimé
pour redire que l’élection lui a été volée (on peut le croire sincère, il s’en
est vraiment persuadé). Malheureusement, il attribue sa défaite aux traficotages
des “big city machines” démocrates, et non pas à la sorcellerie
élyséenne (qui peut contrôler à distance les machines à décompter les bulletins
de vote, chacun sait bien cela).
Ce qui est
gênant dans cette histoire, c’est que, voici encore quelques jours, nombre de
démocrates ou indépendants voulaient émigrer à l’étranger (principalement au
Canada). Depuis l’élection de Biden, nombre de trumpistes veulent se
relocaliser en Alaska (État républicain). Pour tenter d’avancer une idée un peu
sérieuse, espérons que l’administration Biden pourra faire en sorte que la
pollution de l’Alaska n’aura pas de répercussions lamentables jusqu’au faubourg
Saint-Honoré avant le plus longtemps possible.
Ce qui me semble
raisonnable (cela m’advient parfois), c’est que la tâche de Biden-Harris devra
consister à faire en sorte que la Trumpland, qui se sent annointée par un dieu
à son image, puisse être convaincue que ce dieu n’a pas pour dessein de voir la
planète qu’il est supposé avoir créé finir submergée, anéantie par la
pollution. Ce n’est pas gagné d’avance.
Histoire
de quitter l’avant-scène en beauté, Trump a réussi à faire passer un sondeur
étasunien pour un britannique. En fait,
le britannique Sunday Express avait confié une tribune à Patrick
Basham, résident de Washington. Lequel soutient que les Afro-Américains et les
femmes caucasiennes des banlieues sont restés jusqu’au bout des électeurs
silencieux de Trump, faussant les sondages. Et que dans ce cas, seule la fraude
électorale explique la victoire de Biden. Cet Étasunien pro-Trump devient, sous
la plume de l’ex-président le “best pollster in Britain”. Pour tous les
trumpistes ayant réagi à ce mensonge, c’est parole d’évangile. Jusqu’au bout,
Trump ne croira que ce qui l’arrange, ne dira que ce qui l’avantage et quelle
que soit l’évidence contraire, la Trumpland l’ovationnera. Et accordera une
confiance absolue à qui lui succédera en utilisant les mêmes méthodes. Pour
mémoire, c’est exactement ce qui se produit au Royaume-Uni avec le Brexit. Tous
ses partisans restent persuadés qu’il instaurera leur paradis sur terre. Et si
cela tournait mal, ne cherchez pas plus loin : les satanistes de l’Élysée
peuvent toujours tout tenter, au final, le Mal sera terrassé. Mohammed Madjour,
en ce dimanche de confinement, you made my day. J’ai bien ri. Demain ou
après-demain, il sera toujours temps de pleurer si, en France, les complotistes
de cet acabit deviendront majoritaires. Rappelez-vous le film Dead Poets Society (Cercle
des poètes disparus). Carpe diem. Cueille le jour présent sans te
soucier du lendemain (quam minimum credula postero diei).
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