lundi 30 septembre 2019

Brexit : l’opposition en appellerait à HM The Queen

Elizabeth the Second, please sack The Bojo

Votre Majesté, Reine, par la grâce de Dieu, du Royaume uni, &c., souveraine du Consortionis Populorum, tenante de la Foi, &c., par cette humble requête nous vous prions de virer Boris Johnson…
Ce serait une Humble Adress que l’opposition britannique présenterait à Sa Majesté Elizabeth, au plus tard le 19 octobre au soir, afin de solliciter que « son » Premier ministre, d’une publie tous les documents gouvernementaux sur le Brexit, de deux, se plie à la décision du parlement de solliciter de l’Union européenne un report de la date de sortie, et à défaut, présente sa lettre de démission.
L’opposition ne s’est pas accordée sur l’opportunité de déclencher une motion de confiance (ou plutôt défiance) qui ferait le jeu de Boris Johnson. Elle était sûre de l’emporter, les conservateurs et les unionistes nord-irlandais étant devenus minoritaires. Mais la suite pouvait permettre à Boris Johnson de placer le Royaume-Uni sur un siège éjectable.
L’idée serait d’obtenir en temps utile la formation d’un gouvernement transitoire d’union nationale (sans les conservateurs fidèles au 10, Downing Street et leurs alliés). Mais ni trop tôt, ni trop tard, et la marge est plus qu’étroite.
Boris Johnson est présent à la conférence des conservateurs, leur grand raout annuel, et même s’il ne prendra la parole que mercredi, on sait déjà ce qu’il martèlera. Strictement la même promesse que celle proclamée par le chancelier Sajid Javid à la tribune : avec ou sans accord, le Royaume-Uni prendra la tangente la veille de la Toussaint, lors d’Halloween.
On ne sait cependant s’il emboîtera ou non le pas à Donald Trump qui qualifie ses opposants de « traitres » et « félons » (dont tous ceux ayant divulgué le rapport d’un lanceur d’alerte pouvant conduire à une procédure de destitution). Si c’était le cas, il s’abstiendrait, lui, de clamer qu’il faut les passer par les armes… Downing Street laisse filtrer que les dissidents conservateurs auraient reçu l’appui de la diplomatie française pour élaborer le texte de la loi obligeant Johnson à solliciter un report de l’application de l’article 50. De fourbes agents de l'étranger. La ficelle est un peu grosse.
S’il n’est pas arrivé là où il est par la « volonté du peuple », le Bojo n’en sortirait que par la force des baïonnettes, ou, cas improbable, selon ses dires prévisibles, par celle d’un édit royal infligé à Sa Majesté lui enjoignant, contrainte et forcée, de se vouer au martyre.
De toute façon, après que Marc Francois, député conservateur, ait surchauffé la salle, sous d’unanimes applaudissements (les conservateurs opposés au Bojo ont préféré s’abstenir de venir), par ses propos enflammés, impossible de calmer le jeu. « Je vais rester moi-même, je n’ai pas le choix », a confié Bojo à des conservateurs écossais en coulisses. Pour lui, tergiverser serait « capituler ». Il l’avait pourtant envisagé quand il espérait que le référendum échouerait à donner le feu vert à un Brexit qu’il estimait alors catastrophique… Mais bon…
Mark Francois est un « Spartiate », membre du clan des conservateurs jusqu’au-boutistes eurosceptiques. Même si le Bojo revenait de Bruxelles avec un pré-accord provisoire incluant un report de la date de sortie, il voterait contre. Mais, bien sûr, c'est inimaginable. Boris! Boris! Boris! Tous les maillots, mugs, colifichets en vente dans le hall sont au nom ou à l'effigie du Bojo.
Pour vous donner une idée de l’ambiance : des protestataires pro-UE crachaient à la figure des délégués conservateurs se rendant à la salle de la conférence. Les conservateurs dissidents auraient risqué le même traitement à l’intérieur.
Histoire de rassurer l’opinion, le gouvernement a fait fuiter un document « sensible » émanant du plus capé des hauts fonctionnaires de l’administration, sir Mark Sedwill. C’est un ramassis de lieux communs, un globi-glouba exposant qu’il ne manque pas un bouton aux guêtres des fonctionnaires œuvrant dans la perspective voulue par Boris Johnson. « Nous continuons à préparer un no deal ». Le Daily Express (pro-Brexit) en fait tout un foin. De même, il est fait état d’un préliminaire d’accord négocié de réciprocité entre la Norvège et le Royaume-Uni quant aux droits de pêche dans leurs eaux territoriales respectives. On y croit très fort.
John Bercow, le Speaker des Commons, conservateur désavoué et démissionnaire au 31 octobre, accrédite l’idée que les « Spartiates » et affidés sont stipendiés par des spéculateurs misant contre la livre sterling et pour une poussée inflationniste (voir précédents articles). Il souhaiterait une commission d’enquête parlementaire.
Bref, c’est chaud bouillant. À un mois de l’échéance. En fait, ce que semblent espérer le Bojo et son bunker, ce serait soit que l’un des 27 oppose son veto à la perspective d’un report, soit qu’il soit dit qu’en dépit des formidables et incessants efforts de leur part, l’Union européenne a poussé le Royaume-Uni vers la sortie… faute d’avoir obtenu que Britannia reste soumise à sa « dictature ».
Mais le vent a tourné. Un sondage Ipsos-Evening Standard laisse penser que seulement un électeur sur huit pense à présent que les conservateurs remporteront des élections. Bojo est devenu moins populaire que Theresa May. Mais il devance encore nettement le travailliste Jeremy Johnson dans les intentions de vote.
Boris Johnson continue à laisser entendre que si Michel Barnier reste inflexible, il saura le contourner en prenant langue avec des chefs d’États plus complaisants, plus ouverts à soupeser ses énigmatiques initiatives. L’Irlandais Leo Varadkar et Angela Merkel seraient « flexibles ». S’ils ne l’étaient pas, le Bojo pourrait réclamer les pleins pouvoirs, l’état d’urgence, au titre du Civil Contingencies Act (ce afin d’éviter rien de moins que des émeutes, voire une guerre civile). L’opposition porterait alors l’affaire en justice…
En fait, sauf sidérante surprise, Boris Johnson pourrait plaider sur le mode yaka-fokon qu'il suffirait de créer des sortes de plates-formes de dédouanement (ou on ne sait quoi pour ne pas parler de postes des douanes) ça et là, de part et d'autre de l'ex-frontière entre la république d'Irlande et l'Irlande du Nord, en retrait. Genre à dix, quinze ou vingt kilomètres en-deçà ou au-delà. Parfait, monter de telles structures en moins d'un mois avant le 31 octobre, fastoche... Mais en attendant qu'elles prennent forme, où se situerait la frontière, réellement ? Au milieu de la mer d'Irlande ? Ce que les unionistes du DUP se refusent d'envisager ? Si ces douanes sous autre appellation étaient la solution-miracle, en trois ans de négociations plutôt intenses, on aurait pu y songer. En fait, cet habillage a déjà été écarté.
De ce côté-ci, le problème des 27 est le suivant… Ils s’attendent à ce que le Bojo (se) la joue au kamikaze (l’expression, selon The Independent, aurait été employée par un diplomate européen à Bruxelles), ne propose que des solutions inacceptables ou du vent destiné à ne pas s’aliéner ses partisans. Mais ils ne savent pas ce qu’il faut attendre ou présumer de l’attitude d’une opposition divisée sur les finalités d’un éventuel accord. Ou sur l’opportunité d’organiser un second référendum… Lassant.

Les Cinquante nuances de gras d’Éric Boschman

Au cul des casseroles, et autres culbutes…

C’est toujours un exercice périlleux de présenter un livre qu’on n’a pas lu. Dont pratiquement personne ne parle (déjà). Drôle de cuisine, trop peu d’ingrédients à concocter, pas grand’ chose à lier. Tentative avec ces Cinquante nuances de gras d’Éric Boschman (éds Racine).
Un soir, l’écrivain et essayiste Alain (Georges) Leduc se pointe avec un tout petit bouquin : Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir, de Benoist Rey. Couverture de l’ami Siné, dédicace se terminant par « amitiés libertaires ». C’est aux Éditions libertaires. L’auteur, restaurateur autodidacte grand amateur de ripailles inventives, gargantuesques, remercie Siné, Joseph Delteil, Roland Topor, et Sylvie Augereau pour son Soif d’aujourd’hui — la compil des vins au naturel. Bref, un humoriste et soiffard peu porté sur le Coca-Cola™®. Vous verrez qu’il y a un rapport pas si subreptice avec Boschman et ses Cinquante nuances de gras (178 pages, 25 euros) qui sortiront à la mi-novembre prochaine (précommande sur le site racine.be).
J’avais aussi fort apprécié le Jean-Pierre Duplan, Jiji (Jean-Jacques) Tachdjian et alii, Les Nouvelles Légendes improbables du Nord et du Pas-de-Calais. J’ignorais qu’il y avait eu récidives avec celles de Roubaix et de Bruxelles (toujours « abondamment illustrées ». Ma faute, ma très grande faute… Parfois, Tachdjian me file ses œuvres en amical service de presse, parfois, je lui en commande et il m’arrive d’oublier de le régler (aparté : comme quoi, je n’ai pas oublié, Jiji ; si tu as encore un exemplaire des deux autres, je te fais un chèque global avant l’envoi, arriéré inclus).
Wallonie-Bruxelles, comme l’entité administrative et la librairie parisienne très proche de Beaubourg. Or, je le découvre, Éric Boschman est belge.
Et je suis sûr d’avance qu’entre Rey, Boschman, la bande à Jiji, voire même Alain (Georges) Leduc, autre « nordiste », il doit y avoir comme des affinités. La bouffe, ces dames… entre autres. J’ajouterais bien le Picard Philippe Lacoche, histoire de former un quintet élargi. Sa Mise au vert (éds du Rocher, nominée pour le prix Interallié) est aussi une mise à table, une pause de coude sur les comptoirs. Et je signale au passage que Benoist Rey est un Axonais d’adoption (Mérilocien, pour être précis). Ah, gent du Nord…
Au départ, je tombe sur la couverture du Boschman sous-titré « Cuisiner, c’est forcément aimer ». Je crois à un gag graphique comme il en circule tant. Que nenni.
Or donc, Boschman fut meilleur sommelier de Belgique, reste cuisinier et amateur d’accortes et prévenantes gentes demoiselles et dames. Dürer campait Le Cuisinier et sa femme, Boschman si j’en crois le prière d’insérer, livre, outre ses 50 recettes de cuisine, 50 autres histoires d’amour. Tout se lirait à deux mains, « y compris dans les transports en commun ». Précédemment, l’auteur à commis deux Le Goût des Belges, un Almanach insolite et gourmand de Wallonie, La Belle – Sandrine Dans, co-auteure – et (zut, oublié la suite), La Cuisine des Boschman (père et frère ; ouf, il ne s’agit pas de Madame Boschman, épouse Éric), Vins d’artisans en Wallonie (avec Marc Vanel). Wallonie élargie peut-être aux deux Ardennes (en tout cas, la septentrionale produit un pinot blanc au Domaine de la Bergerie d’Acremont).
Il fait aussi son saltimbanque en ouonewouanechaud (One Wine Schow), paraît-il. Dans L’Âge de bière (vers Liège, à Ofivat, le 5 octobre prochain). La Peak Brasserie sera de la partie.
M’est avis que cet ouvrage sera doublement roboratif. Coq au vin et saucisson d’âne ? Simple association d’idées : les éditions du Coq à l’âne des Rémois Éric Poindron et Sandra Rota faisaient aussi dans la gastronomie régionale. De quoi attendre agréablement de devoir gougnotter (euh, non, impropre, c’est à un régionalisme, gnouniouter, synonyme de boulotter, que je songeais) les pissenlits par la racine.
On en roterait d’aise à l’avance. Avec la tête pressée (plat de terroir) sans se la prendre.

Greta Thunberg : la légèreté des mots, l'enclume des photos

Greta Thunberg, oui, et alors ? Femelle à abattre ?

Une lectrice assidue (oui, cela existe) m'interpelle en privé : pourquoi ne parles-tu pas de Greta Thunberg ? Eh bien, parce que d'autres le font mieux (ou pire) que moi. Point final. Au bout du compte, points de suspension ou de suite : je vous en cause.
Pourquoi donc ajouterais-je mes mots à la logorrhée de ceux des confrères et consœurs ? Bande de petites merdeuses et merdeux, comme susurrait Jean Yanne au micro, vous n'avez guère besoin de moi pour vous faire une opinion, la Greta, elle est partout, la cause est entendue, que vous apporterais-je de plus (ou, surtout, de mieux) ? Mon principe : si je n'ai rien susceptible d'ajouter à ce que vous lisez ailleurs, aucun angle original propice à vous faire réfléchir autrement, à quoi bon ? En revanche, parfois, en en passant en revue la presse étrangère, je me laisse aller à vous pointer des trucs négligés par vos sources habituelles d'information.
Bref, vous avez lu ailleurs que Bernard Chenebault s'est fait limoger de ses fonctions auprès du palais de Tokyo pour avoir évoqué le « visage haineux » de Greta Thunberg qui susciterait « la haine en retour », et provocateur, estimé qu'il espère « qu'un désaxé va l'abattre ». Sans le connaître, j'estimais qu'un Bernard Chenebault usait du ixième degré pour... Et puis, je ne sais plus trop. Inutile de s'étendre, c'est largement commenté par ailleurs.
Ce qui me fait réagir, c'est le choix éditorial de je ne sais qui du Daily Mail pour illustrer un article de Milly Vincent. Un espèce d'amuseur, d'animateur audiovisuel, vaguement obscur, vaguement célèbre, Jeremy Clarkson (ex-bateleur de Top Gear, un truc incitant à se ruiner en accessoires automobiles), somme la Greta Thunberg de retourner à ses poupées, de jouer au Pokemon avec ses petites camarades, et à en rabattre. Du fait qu'elle serait une enfant gâtée, abusant d'appareils ou véhicules polluants, pour donner des leçons aux adultes qui lui ont fourni, de leur vivant d'actifs, tout ce dont elle profite pour cracher dans la soupe.
J'avoue qu'il n'a pas tout à fait tort : Greta Thunberg veut traîner en justice de vieux pays de sa sphère culturelle, et non les émergents, ou la Chine, et d'autres plus gros pollueurs. Poupée de cire éphémère, de son amplifié par des hauts-parleurs, eh, balaye d'abord devant ta porte.
Ce Jeremy Clarkson reprend l'argument de Cédric Villani. Pas d'écologie punitive, science et technologie (Thunberg, retourne à l'école, et trouve des solutions lucratives technologiques et gaies pour résoudre les problèmes) seront la baguette magique. Pas si faux, pas si sûr.
Tout se discute. Ce qui ne se discute pas, déontologiquement, c'est de publier en appui trois photos (deux d'Associated Press, une de Reuters) de la gamine en quasi-harpie.
Je vous ai concocté un montage des trois... Jugez par vous-mêmes.
En regard, une photo sereine du Clarkson, une autre avec sa décorative fille (Emily), laquelle fait la promo du dernier bouquin de papa.
Là, ce n'est plus Machin déclare, Truc a dit (la fameuse saillie de Woody Allen : un quart d'heure d'antenne pour Hitler, un autre pour les déportés ; Alléluia, objectivité respectée). Mais un, des portraits à charge. La ch'tite harpie contre les adultes sensés. La dérangée, quoi.
Qui dérange. Qui nous crache à la figure qu'on a balancé des mégots par la fenêtre de la tuture en conduisant pied au plancher, pissé dans l'eau de la rivière, bâfré comme des chancres de l'ours, du sanglier, de la biche encore enceinte (j'ai une circonstance atténuante : jamais mes rôts arrosés de ketchup), flanqué des piles de Teppaz ou Walkman à la poubelle, &c. Elle aurait, à mon sens, assurément fait de même. Burp. Et nous, les vioques, n'en faisons pas assez pour nous réformer. Elle mériterait des fessées, mais voilà que se serait devenu suspect, et même répréhensible, de l'énoncer.
Eh bien, nonobstant, j'éprouve de la gratitude (non pour flagorner ma lectrice, c'est sincère).
Bon, j'aurais préféré qu'une émule de Vanessa Paradis tienne le rôle (Cocorico ! une ch'tite franchouillarde célébrité mondiale...). Je fais avec la jeune étrangère. Qui exprime ce que je scandais en trépignant à son jeune âge (en 1967, j'étais précoce). Différemment. Autres temps, autres combats.
Greta, tu n'as pas tout faux (mes cheveux blancs patriarcaux m'autorisent-ils encore à tutoyer une ado ?).
Tu es la Minou Drouet du moment, version imprécatrice. « On fait de moi un animal qui a mal », disait Minou. Minou ? Bon, voyez Wikipedia si elle ne vous dit plus rien. Les millénaires (nés en 1980-2000), revisitez ce qu'a subi « La » Vanessa Paradis. Revoyez aussi ce qu'il fut dit du jeune Dany (Cohn-Bendit). J'avais 16-17 ans en 1968, et un maître auxiliaire (chargé de TD de je ne sais plus quoi, chimie, biologie ?) m'a rossé, tandis que mes profs d'anglais et de français rigolaient à mon approche, évoquant qu'ils pourraient de nouveau endosser leurs treillis de « leur » guerre d'Algérie (des pince-sans-rire, pas méchants du tout, mais style Philippe Clay interprétant Mes Universités, et ils n'avaient pas non plus « tout faux »).
Tu es l'Antoine (le chanteur) de l'instant. Les Johnny Halliday d'à présent te reprochent d'avoir les idées courtes. Tu me rajeunis, t'sais. Trop vieux singe pour être tout à fait ton dupe, mais tu es rafraîchissante. Attention : ce n'est ni machiste, ni condescendant. Admiratif, plutôt. Ton petit côté Bund Mädel Werk Gauble und Schönheit (présumé) ne me fait pas frémir. Bon vent. Bon soleil pour tes futurs trajets en voiture à panneau solaires. Ou en montgolfière gonflée au charbon de bois.
Quant à ceux qui te disent de retourner à l'école, tu es à la meilleure. Voyager, me confronter à l'adversité, m'a autant appris que les universités. Et si tu retombais dans l'anonymat, t'inquiètes, on s'y sent beaucoup plus libre.
     
    

dimanche 29 septembre 2019

Trumpland : le Donald fait comme il lui plait

Donald Trump, champion du foul play, toujours adulé

J’avais négligé de vraiment m’intéresser à cette histoire de révocation de Donald Trump. Après tout, vu d’ici, qu’un président s’occupe davantage de sa réélection que de son pays, emploie des moyens douteux, bah, on en a vu d’autres. Ces Étasuniens font tout un foin de pas grand’ chose. Sauf que, cette fois, c’est différent.
Sondage CBS-YouGov, 26-27 sept., 2 059 adultes
Hier, évoquant Raphaël Enthoven s’adressant aux tenants d’une refondation de l’extrême-droite autour ou en marge de Marion Maréchal Le Pen, j’avais été frappé par cette phrase : « vous brandissez des valeurs sans jamais questionner la valeur de ces valeurs ». Et dans mon commentaire, j’avais omis de souligner à quel point Enthoven avait su insister sur le caractère mythique des valeurs de cette extrémité de l’ultra-droite. Ce par l’emploi de mots ou expression comme « le Bien », « valeur absolue », « dispensateur magique », « vertu en soi », « sanctification arbitraire », « sacralise », « passion grégaire », « credo ». La suite, soit la nature des réactions tendant à le diaboliser parce qu’il démythifie la profession de foi des tenants d’une « identité » intangible, qui détournent l’« amour sacré de la patrie » au profit de leurs ambitions, conforte cette partie de son analyse (par ailleurs bancale, justement parce que, aussi stupide ou néfaste qu’il soit, un mythe peut en chasser un autre).
N’est pas Tocqueville qui veut se faire passer pour son émule, et je me garde bien de me prétendre tel. Mais le cas de Trump me semble, à la lumière de cette histoire de conversations avec les présidents ukrainien et russe et le roi d’Arabie, emblématique d’un changement de paradigme.
La valeur suprême des Étasusiens, des citoyennes et citoyens all Americans des United States of America, reste majoritairement la monnaie, le profit, America First right or wrong. Donald Trump, ex-millionnaire très endetté mais se prétendant toujours richissime, incarne cette foi inébranlable. Mais il est d’autres valeurs que le Donald foule allègrement sans que cela puisse lui porter préjudice. Car ce n’est plus un simple président, mais un pape, un Zeus, un refounding father, et qu’une énorme partie de ses fidèles ne saurait plus lui contester son bon plaisir.
Songez à quel point les « histoires de fesse » tracassent ces puritains de façade que sont ces patriotes à tout crin.
On se souvient de l’affaire Clinton-Lewinsky, moins de l’aventure sentimentale de Mark Sanford avec une maîtresse argentine. Cela lui coûta son poste de gouverneur et en partie (Trump lui cira la planche) son siège au Congrès. J’y reviendrai car Mark Sanford est l’un des trois républicains briguant l’investiture de son parti contre le Donald.
Toutes histoires de cul et corne-cul de Donald Trump ne lui ont guère collé aux fesses. On se souvient aussi que Clinton fut doublement honni, car s’étant envoyé une stagiaire, il s’était ensuite enfoncé dans le déni et finalement contraint de confesser avoir menti.
Le Donald est l’empereur des menteurs, et cela ne change rien dans l’esprit de ses séides… Tout mensonge proféré devient article de foi. Notez incidemment qu’il en est de même pour une écrasante majorité de l’électorat conservateur britannique vouant un culte au Bojo, à Boris Johnson.
Trahison
Vue d’ici, cette histoire de lanceur d’alerte balançant que Trump fait tout son possible pour traîner son opposant démocrate, Jo Biden, dans la boue, semble vénielle. Sauf que, j’ai révisé mon opinion en constatant que Mediapart avait traduit son poulet adressé aux présidents des commissions parlementaires sur l’espionnage des deux chambres. Faute de pouvoir la consulter (je ne suis plus abonné de Mediapart), j’ai pris connaissance de l’original. Bof… Et puis, dans la partie (dé)classifiée de facto, je lis que Trump, pour faire pression sur le président ukrainien Zelensky, avait fait geler l’aide américaine, l’argent des contribuables étasuniens, aide matérielle, militaire, et assistance d’experts de la Défense, destinée à l’Ukraine. La presse française s’est peu attardée sur cet aspect qui relève pourtant de la haute trahison en vue de satisfaire des visées personnelles.
Que réplique Trump ? Qu’au bon temps d’antan, le lanceur d’alerte aurait été passé par les armes, soit jugé et condamné (songez à Edward Snowden, à Chelsea Manning…), soit discrètement liquidé. Rugissements et hourras de la Trumpland.
Pelosi, la démocrate soutenant que l’opinion générale évolue et que la révocation du Donald n’est plus tout à fait une gageure, une utopie, semble pratiquer la méthode Coué. Très peu de républicains se rallient à cette idée. Tous derrière, tous derrière, et lui, l’immortel, le Tout Puissant Donald, devant… Et lorsqu’il conchie ses adversaires républicains, les applaudissements redoublent.
Impasse
Ils sont trois à briguer l’investiture du Grand Old Party, des « éléphants », afin d’affronter Trump. William Weld (Massachusetts, passé au parti Libertarian, redevenu républicain), Joe Walsh (Illinois) et Mark Sanford (Caroline du sud). Sarah Lyall, du New York Times, a rencontré ce dernier. Et c’est… ahurissant. La moitié de l’équipe de campagne de l’ancien gouverneur se résume à… un étudiant bénévole (l’autre moitié étant le candidat lui-même). Simple : aucun donateur républicain de poids ne se risque à financer les challengers. Pourquoi faire ? C’est joué d’avance. La Trumpification du parti est quasi-totale (à 91 % semblerait-il).
C’en est au point que dans divers États, les caciques républicains se refusent à organiser des primaires. Dont la Caroline du Sud. Soit qu’ils soient trumpifiés jusqu’à la moelle, soit qu’ils redoutent l’ire, la rage, le déferlement de tweets présidentiels (et donc tout espoir d’être réélus ou maintenus dans leurs sinécures).
William Weld a bien considéré que Trump était coupable de haute trahison mais il lui épargnerait la peine capitale. Le meurtre de la députée britannique Jo Cox par un néo-nazi a marqué aussi les esprits outre-Atlantique. Weld surveille ses arrières, varie ses déplacements, mais se rassure cependant. Il sait qu’il pèse si peu, qu’il passe pour si négligeable, que le risque reste moindre.
En fait, si 91 % des républicains idolâtrent Trump, parmi l’électorat vaguement susceptible de voter républicain, ou indécis, il ne se trouve que 42 % à envisager de soutenir un adversaire du président sortant. Jusqu’à nouvel ordre, c’est plié d’avance : aucun des trois n’est susceptible d’obtenir l’investiture (donc, à quoi bon les financer, aucune retombée à en attendre).
Les trois Stooges (ou bouffons, sous-fifres, larbins, sicaires, ixièmes couteaux), selon le Donald, sont la risée universelle de la Trumpland.
91 % d’idolâtres, et 87 % des républicains à considérer qu’il régit tout à fait bien les US of A. Donc seulement 13 % à considérer qu’il n’a pas toujours fait de son mieux-mieux (comme on dit d’une cheftaine de louveteaux).
Enthoven a lancé aux franco-trumpistes qu’ils étaient des « moutons ». Trump est chef de meute, oint par le Grand Canin, conçu de Ses Œuvres, de toutous.
Il s’est mythifié, plus il tonne en maître des cieux orageux et des foudres, plus les toutous frétillent de la queue. Ses Valeurs sont intangibles, s’interroger serait tabou.
Depuis Tocqueville, les « Conducators Supremos » étasuniens furent rares et marginaux, jusqu’à présent. Qu’importe donc son parcours des montagnes russes, ukrainiennes, saoudiennes, voire israéliennes ou nord-coréennes, ses tocades et revirements. Durablement consacré, côté républicain, il semble indéboulonnable. Tel un Staline de son vivant. Nancy Pelosi peut toujours brûler des cierges au pied de la statuette de Benjamin Franklin, de John Adams, de Thomas Jefferson, ou d’Abraham Lincoln, des Kennedy, c’est en vain. Mais, parfois, le vent tourne. Et un tweet de trop, une fuite de plus… À force d’enfler, les chevilles du Donald pourraient céder.
Contre-attaque miteuse
La dernière manœuvre de Trump, pour contrer l'attention se portant sur ses conversations téléphoniques, consiste à ce que le département d'État contraigne le FBI a reprendre l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton... L'affaire avait empoisonné la campagne électorale. Le but est sans doute d'opérer une diversion, voire de tenter de suggérer que « les » Clinton ont fait bien pire que lui-même.
Cela ne convaincra que la Trumpland. Pour laquelle seule une faible minorité (7 %) considère que l'affaire ukrainienne pourrait — peut-être, non assurément — établir que le président se serait mal conduit. C'est ce qui ressort d'un sondage CBS. 59 % veulent défendre leur héros. 34 % pensent qu'il est urgent d'attendre et de pouvoir se prononcer sur les faits (comme s'ils n'étaient pas déjà patents), et les 7 % se demandent en fait s'il ne s'agirait pas que d'un véniel manquement.
Plus parlant encore, le même sondage indique que 28 % de l'ensemble de l'opinion étasunienne considèrent que Donald Trump a bien agi (proper), 31 % qu'il a certes mal agi mais est resté dans les clous (not proper, but legal), et seulement 41 estiment sa conduite illégale.
Le plus fou est la majorité des républicains pensent que le Donald a ainsi agi pour protéger les intérêts américains et faire cesser la corruption (ie des démocrates). Quant à lui, il a fait savoir via son administration que, s'il avait fait geler la contribution des États-Unis à l'Ukraine, c'était pour que l'Union européenne et en particulier l'Allemagne soit incitée à prendre le relai ou à augmenter son aide militaire à l'Ukraine. Ben voyons, non, ce n'était ni du chantage, ni une monnaie d'échange...
Tocqueville, inquiète-toi, la marge d'erreur n'est que de 2,3 %.  Et le même sondage révèle 61% d'optimistes, et autant d'adultes considérant que l'économie américaine se porte bien ou très bien...
Comme disait Clinton, it's the economy, stupid! Au moins, cela ne varie pas. Mais à 13 mois des élections, sauf revirement, c'est tout bon pour le Donald. 

Raphaël Enthoven : doux rêveur ou habile prêcheur ?

Enthoven, ou le mystificateur persuadé (?) que sa mythification opérera

Himmler croyait à ses rêves, Zemmour, Ménard, Enthoven, là, je doute. Retour sur la Convention de la droite...
La « tribune » d'Enthoven dans le... Figaro
Bon, si la Convention de la droite ne vous dit rien, renseignez-vous, documentez-vous. Étonnamment, Le Figaro a reproduit in extenso le discours de Raphaël Enthoven devant, ou plutôt face à, des vis-à-vis plus qu'hostiles à sa personne et ses propos. C'est là.
Et je me prends à songer à deux de mes récentes lectures. La Cuisinière d'Himmler, de Franz-Olivier Giesbert, et Sapiens: a Brief History of Humankind, de Yval Noah Harari.
Himmler croyait à ce qu'il mythifiait. Zemmour, Ménard et Enthoven ont dû sans doute lire Harari. Propagande versus contre-propagande. L'emportent ceux qui enfument le mieux.
Enthoven a dû lire Harari. « La nature n'est pas une norme. Son fonctionnement n'est pas une intention. ».  Il tape juste : « vous donnez à la francité tous les attributs d'un communautarisme ».
Bien évidemment. Et c'est ce quoi misent Zemmour, Ménard & Co. Avec de fortes chances de l'emporter, ou, si ce n'était eux, leurs successeurs.
Car il est totalement absurde de soutenir que « la nature humaine », dotée d'une nouvelle liberté, ne puisse y renoncer. Les exemples sont légion. Et la plupart des religions, en multipliant les interdits, ont conforté les pouvoirs qui assuraient leur pérennité. Et combien de religions en ont chassé d'autres, antérieures ?
C'est toujours mythe contre mythe afin que les puissants puissent manger la laine sur le dos des plus faibles. Le prétexte peut être un totalitarisme ou un autre, peu importe sa « nature ». Qui n'a effectivement rien de « naturel » (au sens biologique, pour résumer).
Qu'est-ce que l'identité ? Pure croyance. Mythe collectif mouvant. Je me veux breton, mes petits-enfants se voudront... aryens, musulmans, post-punks, raphaéliens, hybrides cyberchoses, je ne sais.
Quant aux arrières-petits-enfants, c'est encore plus imprévisible. Un mythe fonda-menteur en chassera un autre, d'autres.
Ce qui subsistera, au moins pour quelques temps (et ceux-ci prennent leur temps), c'est que des femelles ou des mâles dominants sauront fédérer, faire consensus prédominant, pour obtenir l'assentiment majoritaire, et préserver leur ascendant.
Enthoven accuse : « vous brandissez des valeurs sans jamais questionner la valeur de ces valeurs. ».
Mais, cela va de soi : pratiquement tout le monde au monde fait de même. 
Lorsqu'une minorité l'emporte, devient majorité, elle se pérennise de la même façon.
En fait, qu'énonce Enthoven : je suis majoritaire. Personne ne le reste durablement. Enfin, durablement... La démocratie l'a emporté à peu près partout où nous, Européens, vivons.
Qu'est-ce qu'un, deux, trois, quatre millénaires ?
« Il suffit à une sottise en ligne d'être likée 10 000 fois pour devenir une ''vérité" », remarque Enthoven. Bien sûr, et les « sottises » des Zemmour et des Ménard peuvent ainsi l'emporter. Voyez celles de Trump, de Boris Johnson, d'Orban, Salvini, tant d'autres. Ce ne sont nullement des billevesées, mais des éléments de conquête de l'opinion.
Entre Ménard et Zemmour et Abou Bark al-Baghadi (Daesh), il ne s'agit que de rivalités. De faire fructifier un mythe ou un autre (la chrétienté authentique, l'islam épuré). Et pour Enthoven (ou un Luc Ferry, c'est du pareil au même ; allez, qu'en sais-je ?), de préserver une forme de démocratie qui leur garantit notoriété et... dividendes induits.
De deux maux, il faut choisir le moindre. Ou choisir le mythe qui vous épargnera des cas de conscience. En quelque sorte, opter pour le joug qui vous convient moins pire. Non seulement pour sa sécurité matérielle, mais mentale. Ou se boucher yeux, oreilles, bouche, et cultiver son jardin. Soit, pour certaines et certains, se fuir. 
Pratiquement toute ma génération (celle des baby-boomers) n'a pu échapper au questionnement : qu'aurais-je fait lors de l'Occupation ? Eh bien, il est impossible de répondre. Mais je veux croire que, même prescient de la suite, sans opportunisme, sachant donc fort bien que le gaullisme virera à ce dont il accoucha (des affairistes avides, principalement, des « socialistes » amis de la finance), j'aurais davantage toléré l'Enthoven du moment. C'est tristouille, je sais. Mais à défaut de rigoler, on trouve peut-être toujours le moyen de sourire... de soi-même. 

     
  





samedi 28 septembre 2019

Brexit : vers l’état d’urgence et sortie sans accord ?

Boris Johnson prêt à tout pour aboutir au Brexit illico ?

Presto, presto, et à quelques jours d’Halloween (le 31 octobre), Boris Johnson va-t-il faire décréter l’état d’urgence pour museler opposition et parlement et faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne ?
Farage & Johnson
Franchement, il n’y a pour le moment que l’ancien ministre conservateur Dominic Grieve pour en agiter la fusée de détresse. Soit la perspective d’une application du Civil Contingencies Act (équivalent à l’état d’urgence, et pratiquement les pleins pouvoirs exercés par le gouvernement) au prétexte que l’agitation populaire deviendra menaçante à l’approche de la date fatidique. Rien que cela : des émeutes, des assassinats, des attentats !
La petite fumée noire ayant inspiré cette hardie supputation fut, devant le Parlement, l’évocation par le Bojo du meurtre d’une députée travailliste, Jo Cox, par un frappadingue néo-nazi s’étant écrié “Britain First!”. « Moralité » : respectons la volonté populaire exprimée lors du référendum et que moi, Boris Johnson, j’incarne. Bref, c’est le fameux « moi ou le chaos ».
Second indice : une source gouvernementale anonyme déclarant au Times que, s’ils se sentaient en passe d’être trahis, les partisans du Brexit endosseraient des gilets jaunes (en fr. dans le texte). Ou plutôt rouges, ce qui conduirait à l’affrontement généralisé avec sans doute des gilets bleus. La guerre des Deux Roses mode populace en furie, quoi…
En fait, Boris Johnson est doublement fragilisé.
Incidemment, l’actuel maire de Londres a fait savoir que son prédécesseur (le Bojo) aurait favorisé une copine (lequel Bojo se refuse à qualifier leurs relations d’intimes ou autres) lors de son mandat. Un marché public lui aurait attribué par favoritisme. La police des polices britanniques est donc saisie. Comme en France, un maire britannique est officier de police, par conséquent, l’équivalent approximatif de l’IGPN (et non celui de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration) est compétent. Ce n’est sans doute pas cela qui le paralysera de sitôt, mais… Allez prévoir.
Plus menaçante est la perspective d’une motion de censure. La Cour suprême a enjoint le gouvernement de mettre fin à la suspension du parlement où l’opposition est majoritaire. Et même quasiment unie pour confier au travailliste Jeremy Corbyn la tâche de former un gouvernement provisoire (le SNP écossais est pour, les libéraux-démocrates réticents, voudraient l'un des leurs ou un conservateur dissident à la primature, mais pourraient se laisser fléchir, les dissidents conservateurs pourraient s’abstenir). Cela n’impliquerait pas immédiatement, mais sous un délai de 14 jours, la formation d’un nouveau gouvernement demandant un report de la date du 31 octobre à l’Union européenne. Ensuite, soit c’est l’entrée en brexiternity (sortie vers Pâques, la Trinité, la Saint-Glinglin), soit un accord (sur quelles bases ? Celles des travaillistes ? d’autres ?) est conclu, soit le Lib-Dem obtient la révocation de l’article 50, avant, après nouveau référendum ?
Attendez-vous à savoir que… presque tout est envisageable, ou le contraire, rien n’étant assurément joué…
Nouveauté : la conférence conservatrice, le grand raout des Tories, devrait entendre partie des propositions que le gouvernement présentera aux 27 (les 17 et 18  octobre, voire auparavant). En fait, depuis les rencontres entre Boris Johnson et le quatuor Macron, Merkel, Tusk, Michel, à New-York, en début de semaine, les lignes n’ont guère bougé. Le Belge Charles Michel et ses homologues n’ont pas vraiment commenté, mais Donald Tusk a twitté : « Ni percée. Ni échec. Pas de temps à perdre. ». Traduction : point mort, mais cela urge grave ? Ou le Boris nous gonfle et inutile qu’il nous fasse lanterner plus longtemps ?
Stephen Barclay, le Brexit Secretary, considère aussi que l’heure de vérité approche. Que des propositions concrètes seront avancées… Mais après le 2 octobre et la clôture de la Tory Conference.
Bref, lors de cette grand' messe, le voile sera timidement soulevé, quelques-unes des intentions de négociation vaguement évoquées, mais si des ministres vont discourir demain et jusqu’à mardi, il faudra attendre mercredi prochain pour voir monter le Bojo à la tribune. Reste à savoir s’il sera encore Premier ministre de plein exercice ou intérimaire (en cas de motion de censure).
Cette motion, Boris Johnson l’appelle de ses vœux… Il pense en fait que les travaillistes se défileront (ils espèrent plutôt remporter des élections après que les effets d’un Brexit dur se soient fait sentir) et qu’il pourra donc les ridiculiser, replacer les conservateurs en tête.
Autre coup de pied dans ses chevilles. Selon Philip Hammond, l’ex-Chancelier (ministre des Finances et numéro deux gouvernemental, siégeant au 11, Downing Street), les membres du Cabinet les plus opposés à une sortie négociée seraient stipendiés par des spéculateurs boursicotant. C’est d’ailleurs ce que suggère la propre sœur du Bojo, Rachel. Ils joueraient contre la livre et en fonction d’un retour de l’inflation.
Là où on s’esclaffe, c’est en entendant le ministre de l’Industrie rétorquer que l’ex-Chancelier est incompétent, ne connaît rien à la finance et à la City. Les conservateurs auraient donc placé un bourrin pendant trois ans en charge des finances du royaume ?
Hammond a fait résonner les grands orgues. Et quelques indices le confortent. Par exemple l’afflux des riches étrangers obtenant, pour deux millions de livres, un « visa doré ». Cinq ans après, ils peuvent obtenir la nationalité britannique. Et puis, si elle n’est plus fréquemment évoquée, la menace de faire du Royaume-Uni un paradis fiscal a été plusieurs fois brandie. Aussi, avec les Brexpats, il y a de bonnes affaires immobilières qui se profilent (-4 % en moyenne et valeur, mais cela pourrait s’accélérer).
En fait, le véritable enjeu pour Boris Johnson et Nigel Farage, du Brexit Party, c’est de rugir plus fort l’un que l’autre un Make Britannia Rule Again. Tous deux veulent incarner le British Trump. Cela a bien fonctionné pour leur mentor : Great Again.
C’est le titre de conducator, leader maximo, grand timonier, Führer, Duce, qui les motive.
Matteo Salvini, lui aussi, réclama à corps et cris des élections législatives, promettant aux Italiens que, doté des « pleins pouvoirs » (pieni poteri), il ferait plus et mieux… Boris Johnson promet de mettre au pas l’Establishment pro-Européen (apatride et félon interlope ?). Nigel Farage assure qu’il traitera les scribouillards parlementaires surpayés, ces mauviettes, « au couteau » (take the knife to the penpushers). Tous deux promettent la Lune, soit des mesures sociales et de relance économique, s’affrontent et surenchérissent.
Les 27 semblent avoir commencé à comprendre que les ambitions personnelles l’emportent sur toutes autres considérations. C’est sans doute pourquoi Michel Barnier (the Brussels bureaucrat, pour le Daily Express) a signifié par écrit aux Britanniques que les préparatifs européens en vue d’une sortie sans accord étaient « finalisés » et n’évolueraient plus. Il leur revient d’avancer des propositions réalistes en vue d’assouplir le « filet de sécurité » (le backstop), la principale pierre de touche (ou d’achoppement) : mais il y a fort à parier que Boris Johnson ne fera miroiter que des chimères ne s'appliquant que… un jour ou l'autre. Donc...

vendredi 27 septembre 2019

Canins & Co : le labradoodle, ou le toutou-faux ?

Le croisé labrador-caniche inspire des regrets...

Le labradoodle (ou labraniche ?) résulte-t-il d'une erreur d'appréciation humaine ? C'est en tout cas l'avis de son créateur, Wally Coron... Espérons que l'avenir lui donnera tort.
Fumeux prétexte. Voici longtemps que je me retenais de vous entretenir de O*** des Fleurs d'aloès (son élevage d'origine), ex-pensionnaire chéri toute une année par V***, de Vishka Land (autre élevage de cotons de Tuléar). Un amour de chien-chien qui finira par me mener par le bout du nez (enfin, pas trop quand même) selon le principe qu'un chien domestique devient le plus souvent un chien disposant d'un, de domestiques. Mais bon, je n'insiste pas. Les gens qui ne cessent de se prendre en multiples photos, d'afficher leurs compagnons à divers nombres de pattes sur Instagram ou Facebook me plongent dans des abîmes de perplexité. Fort peu pour moi. Une fois ne sera pas coutume, voici donc O*** en photo.
Qu'est-ce que le westie (West Highland White Terrier) ? En gros, même s'il est de taille réduite, un Scottish à robe blanche. Et le coton ? Allez savoir... Il serait issu de trois bichons ayant accosté à Madagascar et d'autochtones canins. Totale(s) réussite(s). À la longue en tout cas... Quoique, tout dépend de ce à quoi l'on destine la descendance de leurs aïeux. Un jeune westie n'est pas de tout repos, un jeune coton est beaucoup plus adapté à un rôle d'animal urbain de compagnie. De plus, contrairement au labradoodle, c'est généralement un chien robuste.
C'est d'ailleurs ce qui inspire d'amers regrets à Wally Coron au crépuscule de ses jours. À présent âgé de 90 ans, il estime que ses bonnes intentions ont accouché d'un « monstre à la Frankenstein » sorti d'une « boîte de Pandore ». Un homme épris de chiens et de littérature classique ne saurait être foncièrement mauvais.
Initialement, Wally Coron voulut créer un chien d'aveugle (les labradors et les bergers allemands excellent dans ce rôle) pour une dame dont l'époux supportait mal les poils de chiens. Il croisa donc un caniche royal avec une labrador (à moins que ce soit l'inverse, les sources en anglais autorisant les deux interprétations ; en réalité, Harley était un caniche, Brandy une labrador, ai-je trouvé par la suite). C'était en 1989. Depuis, diverses portées ont popularisé le labradoodle non seulement en Australie et à Hawaï, mais dans l'ensemble des terres australes et de l'Amérique du Nord (et au-delà).
Mais l'Australien Wally Coron estime à présent avoir joué les apprentis sorciers (ce qu'il n'était pas tout à fait, puisque qualifié, en tant que membre d'une guilde de dresseurs de chiens d'aveugles de Victoria, contrairement au personnage de Goethe). 
Car celles et ceux lui ayant emboîté le pas ont produits des animaux fragiles, aux comportements erratiques, affligés de défauts congénitaux.
Pourtant, les caniches étaient aussi, comme les labradors, aux origines, des retrievers, en particulier pour les gibiers d'eau, et donc, ce croisement semblait prometteur. Hélas, tout croisement porte en germe une forte probabilité d'imprévisibilité. On ne sait trop ce qu'il pourra en résulter.
Du point de vue de leur santé, les labradoodles sont exposés à des problèmes oculaires, de hanches et d'articulations. Ils sont plus aussi davantage enclins à l'obésité l'âge venant. Les problèmes oculaires semblent plus fréquents chez eux que chez les labradors ou les caniches. Ces chiens peuvent aussi se révéler fréquemment sujets à des allergies. De plus, si on prend mal soin d'eux, leur tempérament peut devenir agressif.
C'est tout le problème d'adopter ou acquérir un chien par tocade pour son aspect, ou le fait qu'une Jennifer Aniston ou un Neil Young, un Tiger Woods se soient entichés d'un labradoodle.
O*** provient d'élevages familiaux et la seconde éleveuse nous a fait passer une sorte d'examen de passage (un élevage familial digne de ce nom veut obtenir des garanties avant de céder un chiot ou une chienne, un chien). De plus les caractéristiques de la race, déjà ancienne, même si la plupart des cotons français sont des descendants de chiens venus en France dans les années 1970, sont fixées. Le coton est généralement affectueux et calme, sociable. Bref, adaptable.
Cela étant, je ne sais ce que regrette le plus réellement Wally Coron : d'avoir créé le labradoodle ou de constater que ses successeurs ont fait un peu n'importe quoi pour placer des chiens en vogue ?
Est-ce réversible ? L'avenir le dira... Des éleveurs et possesseurs de labradoodles ont abondé dans le sens de Wally Coron, d'autres se sont étonnés ou ont contesté ses appréciations. 
   




   

dimanche 22 septembre 2019

Brexit : le point sur les négociations

Ce qu'en gros préconise le Bojo pour « son » Brexit

Je sais, je vous gave avec le Brexit. Chaque jour ou presque. Parce que c'est vraiment important. Moins que le réchauffement climatique, les toquades du Donald, d'ac'... Mais pourtant. Point d'étape avec le Daily Mail.
Déjà, il faut savoir que le Daily Mail est à peu près objectif (on y tend toutes et tous, on y  parvient comme on peut : la presse pourrie, c'est un mythe commode). Nonobstant, sa ligne est claire et tout à fait acceptable puisque non insidieuse : Brexit d'abord.
Or donc, le Cabinet a fait parvenir ses « grandes lignes » ou pré-propositions pour sortir le Royaume-Uni de l'impasse. Boris Johnson va tenter de convaincre Merkel et Macron que ce n'est pas du vent (en début de semaine prochaine, lors de l'AG de l'Onu). Pour le moment, c'est du flan...
N'empêche, le Daily Mail résume la situation.
Le Bojo ne veut plus du filet de sécurité en Irlande et voudrait concocter des relations avec Bruxelles plus souples afin de laisser le Donald et d'autres chefs d'États libres de vendre les camelotes de leurs pays au Royaume-Uni et vice-versa.
Il commence par vanter une sorte de zone agroalimentaire pour toute l'Irlande (l'île), une frontière virtuelle entre les deux parties (soit peu discernable, avec des moyens technologiques dans un second temps qu'il n'a su sortir de sa poche), avec des douaniers mobiles en retrait pour effectuer des contrôles au jugé (ou sur dénonciations). Il veut aussi que l'Assemblée d'Irlande du Nord (qui ne siège plus depuis bientôt trois ans) puisse donner son avis sur la, les questions.
L'Union européenne veut bien tout ce qu'on voudrait lui vendre, à condition que cela soit du dur, pas des idées générales jetées en l'air, et des Bojo sautant comme des cabris et chevrotant que cela va le faire.
Oui, un accord agro-on-ne-sait-pas-trop-quoi-au-juste serait envisageable pour l'Irlande (République d' et sa voisine) mais insuffisant, et il faut que cela soit acté avant Halloween (31 octobre), disent les 27.
Merkel et l'Irlandais Varadkar seraient les « maillons faibles » du bloc continental : ils feraient sous eux de peur des conséquences d'un Brexit dur ou sans accord (ça, c'est du Daily Mail tout craché). 
Le Parlement brit' est partagé. Si les unionistes nord-irlandais (dix sièges aux Commons) fléchissaient, et les travaillistes ayant voté contre le plan de Theresa May se ravisaient, ce serait jouable.
Maintenant, passons aux commentaires d'euzôtres. Viendez, Pologne, on t'a libéré (ah bon, ce n'était pas Staline ?). Donnes-nous un coup de main. Hé les grenouilles, on va plus boire votre vin. La France et la Belgique se sentiront piteuses quand il faudra trouver les fonds pour combler le manque à gagner de notre contribution. Feignants d'agriculteurs français, ils devront se manier leur derrière (en français). L'herbe sera plus verte (no deal). Sir Nigel (Farage, qui n'est pas encore annobli) nous sortira de là si Boris n'y parvient pas. Pas question de rester les vassaux de l'UE. Halte à la dictature. Let's make Britain great again. Boris gagnera au bras de fer. Je veux ma pièce de monnaie commémorative du Brexit. L'humiliation, ça suffit.
Je vous en passe (il s'agit d'adaptions libres et les rares répliques favorables au Remain ont été omises).
Ce qui se dessine, c'est plutôt Farage si le Bojo flanchait. Et c'est le nœud du sac. Boris Johnson, qui avait espéré que le référendum rejetterait le Brexit, en est persuadé. L'électorat majoritaire conservateur risque de filer s'il échoue à obtenir de fortes concessions de Bruxelles et pour se maintenir, il n'a plus le choix.
Le Telegraph, a Brexit-liker, monte en page d'accueil de son site les déclarations de la ministre du Commerce extérieur, Liz Truss. Elle revient d'une tournée au Japon, en Australie et Nouvelle-Zélande. Tout le reste du monde veut le Brexit mordicus pour traiter avec le Royaume-Uni (tiens, comme les États-Unis : tu prends notre camelote, mais nous, on ne prend de toi que celle qui nous convient, mais bon, c'est mon opinion personnelle). Thatcher avait convaincu Nissan de construire en Angleterre, bientôt, très vite, ce sera Boeing, General Electric, Tata, Sony, Asperjet, Clipperjet, Whisperjet, Pan-American (et j'chais pu où j'suis à donner d'la tête, aurait pu chanter Charlebois). La plus grande fabrique de tapis volants de chez l'Erdogan veut en tisser chez nouzôtres.
Voui, mais les futurs Brexpats les plus talentueux pensent à se faire la malle. Eux aussi pensent au large. C'est bien de dérouler le tapis rouge aux firmes du monde entier. Mais il faut qu'elles puissent recruter des ingénieurs et des très qualifiés. Or, le système éducatif britannique fournit surtout des traders de hauts vols (aux deux sens du terme) passés par Eton et Oxbridge (et la London School of Economics). Et un Dyson à l'occasion. James Dyson a inauguré une boutique en France, près de l'opéra Garnier. Il va la construire où, sa voiture électrique ? À Bristol et Singapour. Sauf qu'il est smart (la Smart, c'est aussi fabriqué en France). Tu le vois, toi, Liz Truss, ramener ses bagnoles dans les ports francs qu'envisage le Bojo pour les réexpédier sur le continent des 27 ?
Liz, je ne sais comment se calculent les droits à la retraite des ministres britanniques. Mais si toi aussi tu joues la montre, avant que Dominic Cummings te vire, tu tiens le bon bout. Pour le moment.
T'inquiète, tu auras toujours des escargots en entrée, de la choucroute ou du couscous en plat de résistance, des fromages qui puent, des îles (bretonnes) flottantes en dessert chez moi. Trop choupinette pour te mettre au pain sec.
Il n'y a que le Sunday Evening Standard pour faire tout un foin de tes propos (sauf erreur, j'ai eu la flemme d'aller traquer ailleurs). Ailleurs, on y croit très fort (même pas en rêve). Allez, on va laisser tomber la neige qui viendra sur les Highlands, et comme Farage, si le Brexit tourne vinaigre, tu viendras che nous, che nous, et tu s'ras la reine de mon p'tit cœur (je ne devrais pas écrire cela, j'en connais au moins trois qui voudront me crêper, mais heureusement, je viens de passer la tondeuse).
Mieux vaut en rire, mais tout cela est tragique. Ce Brexit-qui-vient est un désastre. Pas que pour euzôtres. Bye-bye Britannia... Je retournerai en Écosse indépendante, par voie de mer, à la voile (vu que je tenterai de préserver notre planète en ne pissant qu'à bord avant de disperser large sur les moors). En attendant, apprends à prononcer a bro brecht moonlecht over the lake. Lève la herse (eh, erse...), mais pense à la suite.