Donald Trump, champion du foul play, toujours adulé
J’avais négligé de vraiment m’intéresser
à cette histoire de révocation de Donald Trump. Après tout, vu d’ici, qu’un
président s’occupe davantage de sa réélection que de son pays, emploie des
moyens douteux, bah, on en a vu d’autres. Ces Étasuniens font tout un foin de
pas grand’ chose. Sauf que, cette fois, c’est différent.
Sondage CBS-YouGov, 26-27 sept., 2 059 adultes |
N’est pas Tocqueville qui veut se
faire passer pour son émule, et je me garde bien de me prétendre tel. Mais le
cas de Trump me semble, à la lumière de cette histoire de conversations avec
les présidents ukrainien et russe et le roi d’Arabie, emblématique d’un
changement de paradigme.
La valeur suprême des Étasusiens,
des citoyennes et citoyens all Americans des United States of America, reste
majoritairement la monnaie, le profit, America First right or wrong. Donald
Trump, ex-millionnaire très endetté mais se prétendant toujours richissime, incarne
cette foi inébranlable. Mais il est d’autres valeurs que le Donald foule
allègrement sans que cela puisse lui porter préjudice. Car ce n’est plus un
simple président, mais un pape, un Zeus, un refounding father, et qu’une
énorme partie de ses fidèles ne saurait plus lui contester son bon plaisir.
Songez à quel point les « histoires
de fesse » tracassent ces puritains de façade que sont ces patriotes à
tout crin.
On se souvient de l’affaire
Clinton-Lewinsky, moins de l’aventure sentimentale de Mark Sanford avec une
maîtresse argentine. Cela lui coûta son poste de gouverneur et en partie (Trump
lui cira la planche) son siège au Congrès. J’y reviendrai car Mark Sanford est
l’un des trois républicains briguant l’investiture de son parti contre le
Donald.
Toutes histoires de cul et corne-cul de Donald Trump ne lui ont guère collé aux fesses. On se souvient
aussi que Clinton fut doublement honni, car s’étant envoyé une stagiaire, il s’était
ensuite enfoncé dans le déni et finalement contraint de confesser avoir menti.
Le Donald est l’empereur des
menteurs, et cela ne change rien dans l’esprit de ses séides… Tout mensonge
proféré devient article de foi. Notez incidemment qu’il en est de même pour une
écrasante majorité de l’électorat conservateur britannique vouant un culte au
Bojo, à Boris Johnson.
Trahison
Vue d’ici, cette histoire de
lanceur d’alerte balançant que Trump fait tout son possible pour traîner son
opposant démocrate, Jo Biden, dans la boue, semble vénielle. Sauf que, j’ai révisé
mon opinion en constatant que Mediapart avait traduit son poulet adressé aux
présidents des commissions parlementaires sur l’espionnage des deux chambres.
Faute de pouvoir la consulter (je ne suis plus abonné de Mediapart), j’ai pris
connaissance de l’original. Bof… Et puis, dans la partie (dé)classifiée de facto,
je lis que Trump, pour faire pression sur le président ukrainien Zelensky,
avait fait geler l’aide américaine, l’argent des contribuables étasuniens, aide
matérielle, militaire, et assistance d’experts de la Défense, destinée à l’Ukraine.
La presse française s’est peu attardée sur cet aspect qui relève pourtant de la
haute trahison en vue de satisfaire des visées personnelles.
Que réplique Trump ? Qu’au
bon temps d’antan, le lanceur d’alerte aurait été passé par les armes, soit
jugé et condamné (songez à Edward Snowden, à Chelsea Manning…), soit
discrètement liquidé. Rugissements et hourras de la Trumpland.
Pelosi, la démocrate soutenant que
l’opinion générale évolue et que la révocation du Donald n’est plus tout à fait
une gageure, une utopie, semble pratiquer la méthode Coué. Très peu de
républicains se rallient à cette idée. Tous derrière, tous derrière, et lui, l’immortel,
le Tout Puissant Donald, devant… Et lorsqu’il conchie ses adversaires
républicains, les applaudissements redoublent.
Impasse
Ils sont trois à briguer l’investiture
du Grand Old Party, des « éléphants », afin d’affronter Trump. William
Weld (Massachusetts, passé au parti Libertarian, redevenu républicain), Joe
Walsh (Illinois) et Mark Sanford (Caroline du sud). Sarah Lyall, du New York
Times, a rencontré ce dernier. Et c’est… ahurissant. La moitié de l’équipe
de campagne de l’ancien gouverneur se résume à… un étudiant bénévole (l’autre
moitié étant le candidat lui-même). Simple : aucun donateur républicain de
poids ne se risque à financer les challengers. Pourquoi faire ? C’est joué
d’avance. La Trumpification du parti est quasi-totale (à 91 % semblerait-il).
C’en est au point que dans divers
États, les caciques républicains se refusent à organiser des primaires. Dont la
Caroline du Sud. Soit qu’ils soient trumpifiés jusqu’à la moelle, soit qu’ils
redoutent l’ire, la rage, le déferlement de tweets présidentiels (et donc tout
espoir d’être réélus ou maintenus dans leurs sinécures).
William Weld a bien considéré que
Trump était coupable de haute trahison mais il lui épargnerait la peine
capitale. Le meurtre de la députée britannique Jo Cox par un néo-nazi a marqué
aussi les esprits outre-Atlantique. Weld surveille ses arrières, varie ses déplacements,
mais se rassure cependant. Il sait qu’il pèse si peu, qu’il passe pour si
négligeable, que le risque reste moindre.
En fait, si 91 % des républicains
idolâtrent Trump, parmi l’électorat vaguement susceptible de voter républicain,
ou indécis, il ne se trouve que 42 % à envisager de soutenir un adversaire
du président sortant. Jusqu’à nouvel ordre, c’est plié d’avance : aucun
des trois n’est susceptible d’obtenir l’investiture (donc, à quoi bon les
financer, aucune retombée à en attendre).
Les trois Stooges (ou bouffons,
sous-fifres, larbins, sicaires, ixièmes couteaux), selon le Donald, sont la
risée universelle de la Trumpland.
91 % d’idolâtres, et 87 %
des républicains à considérer qu’il régit tout à fait bien les US of A. Donc
seulement 13 % à considérer qu’il n’a pas toujours fait de son mieux-mieux
(comme on dit d’une cheftaine de louveteaux).
Enthoven a lancé aux franco-trumpistes
qu’ils étaient des « moutons ». Trump est chef de meute, oint par le
Grand Canin, conçu de Ses Œuvres, de toutous.
Il s’est mythifié, plus il tonne
en maître des cieux orageux et des foudres, plus les toutous frétillent de la
queue. Ses Valeurs sont intangibles, s’interroger serait tabou.
Depuis Tocqueville, les « Conducators
Supremos » étasuniens furent rares et marginaux, jusqu’à présent. Qu’importe
donc son parcours des montagnes russes, ukrainiennes, saoudiennes, voire
israéliennes ou nord-coréennes, ses tocades et revirements. Durablement
consacré, côté républicain, il semble indéboulonnable. Tel un Staline de son
vivant. Nancy Pelosi peut toujours brûler des cierges au pied de la statuette
de Benjamin Franklin, de John Adams, de Thomas Jefferson, ou d’Abraham Lincoln,
des Kennedy, c’est en vain. Mais, parfois, le vent tourne. Et un tweet de trop,
une fuite de plus… À force d’enfler, les chevilles du Donald pourraient céder.
Contre-attaque miteuse
La dernière manœuvre de Trump, pour contrer l'attention se portant sur ses conversations téléphoniques, consiste à ce que le département d'État contraigne le FBI a reprendre l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton... L'affaire avait empoisonné la campagne électorale. Le but est sans doute d'opérer une diversion, voire de tenter de suggérer que « les » Clinton ont fait bien pire que lui-même.
Cela ne convaincra que la Trumpland. Pour laquelle seule une faible minorité (7 %) considère que l'affaire ukrainienne pourrait — peut-être, non assurément — établir que le président se serait mal conduit. C'est ce qui ressort d'un sondage CBS. 59 % veulent défendre leur héros. 34 % pensent qu'il est urgent d'attendre et de pouvoir se prononcer sur les faits (comme s'ils n'étaient pas déjà patents), et les 7 % se demandent en fait s'il ne s'agirait pas que d'un véniel manquement.
Plus parlant encore, le même sondage indique que 28 % de l'ensemble de l'opinion étasunienne considèrent que Donald Trump a bien agi (proper), 31 % qu'il a certes mal agi mais est resté dans les clous (not proper, but legal), et seulement 41 estiment sa conduite illégale.
Le plus fou est la majorité des républicains pensent que le Donald a ainsi agi pour protéger les intérêts américains et faire cesser la corruption (ie des démocrates). Quant à lui, il a fait savoir via son administration que, s'il avait fait geler la contribution des États-Unis à l'Ukraine, c'était pour que l'Union européenne et en particulier l'Allemagne soit incitée à prendre le relai ou à augmenter son aide militaire à l'Ukraine. Ben voyons, non, ce n'était ni du chantage, ni une monnaie d'échange...
Tocqueville, inquiète-toi, la marge d'erreur n'est que de 2,3 %. Et le même sondage révèle 61% d'optimistes, et autant d'adultes considérant que l'économie américaine se porte bien ou très bien...
Comme disait Clinton, it's the economy, stupid! Au moins, cela ne varie pas. Mais à 13 mois des élections, sauf revirement, c'est tout bon pour le Donald.
Contre-attaque miteuse
La dernière manœuvre de Trump, pour contrer l'attention se portant sur ses conversations téléphoniques, consiste à ce que le département d'État contraigne le FBI a reprendre l'enquête sur les courriels d'Hillary Clinton... L'affaire avait empoisonné la campagne électorale. Le but est sans doute d'opérer une diversion, voire de tenter de suggérer que « les » Clinton ont fait bien pire que lui-même.
Cela ne convaincra que la Trumpland. Pour laquelle seule une faible minorité (7 %) considère que l'affaire ukrainienne pourrait — peut-être, non assurément — établir que le président se serait mal conduit. C'est ce qui ressort d'un sondage CBS. 59 % veulent défendre leur héros. 34 % pensent qu'il est urgent d'attendre et de pouvoir se prononcer sur les faits (comme s'ils n'étaient pas déjà patents), et les 7 % se demandent en fait s'il ne s'agirait pas que d'un véniel manquement.
Plus parlant encore, le même sondage indique que 28 % de l'ensemble de l'opinion étasunienne considèrent que Donald Trump a bien agi (proper), 31 % qu'il a certes mal agi mais est resté dans les clous (not proper, but legal), et seulement 41 estiment sa conduite illégale.
Le plus fou est la majorité des républicains pensent que le Donald a ainsi agi pour protéger les intérêts américains et faire cesser la corruption (ie des démocrates). Quant à lui, il a fait savoir via son administration que, s'il avait fait geler la contribution des États-Unis à l'Ukraine, c'était pour que l'Union européenne et en particulier l'Allemagne soit incitée à prendre le relai ou à augmenter son aide militaire à l'Ukraine. Ben voyons, non, ce n'était ni du chantage, ni une monnaie d'échange...
Tocqueville, inquiète-toi, la marge d'erreur n'est que de 2,3 %. Et le même sondage révèle 61% d'optimistes, et autant d'adultes considérant que l'économie américaine se porte bien ou très bien...
Comme disait Clinton, it's the economy, stupid! Au moins, cela ne varie pas. Mais à 13 mois des élections, sauf revirement, c'est tout bon pour le Donald.
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