mardi 10 septembre 2019

La Mise au vert et au Rocher de Philippe Lacoche

Philippe Lacoche, du couvent au phalanstère

Mi-réussi et nonobstant pas mi-raté. Pour les lecteurs assidus de Philippe Lacoche, c’est un succès, un tube pas que de toilettes. Pour d’autres, c’est selon. « Eau chaude, eau froide, eau mitigée », comme le chantait Boby Lapointe. Pour moi, c’est moit-moit du bon côté, le, la meilleure l’emportant haut la main (et le cœur, l’aile d’alouette, tutti quanti).
Une autre fois, je vous évoquerai Iris Picardie (sous-titré « embrouilles à perte de vue »), polar « oiseux » (nan, isarien, ou oisien, comme vous sied), de Jean-Charles Fauque, aux éditions Zones noires. D’accord, je vous le concède, c’est procrastiner, reculer pour mieux ne pas bondir de traviole sur la Mise au vert de Philippe Lacoche aux éditions du Rocher. Ou prendre son élan jusqu’à la page 120 (sur 380) — comment vais-je donc me débrouiller pour caser le prix, 19 euros ? —ah, j’ai raté mon coup, tant pis. Bon, titre, auteur, éditeur, nombre de pages, prix, j’ai rempli mon contrat et pourrait m’en tenir là, m’évitant d’avouer que j’ai savouré sans m’enthousiasmer le… faites le compte : premier tiers du récit ?
Un bon truc de journaleux (Lacoche en reste un autre) consiste à glisser un bémol qui crédibilise encore mieux l’allegro fortissimo élogieux de l’ensemble. Là, non, c’est sincère, deux-trois trucs du confrère m’ont laissé mollasson au départ embrayé.
Lacoche-Chaunier (Philippe-Pierre) est au couvent et non point d’ores et déjà prêt à convoler avec Ore. Ou l’Orangée de Mars. Fine allusion à Soulages qui valait d’être explicitée, ce qui le fut.
Eau froide (glacée ?), à mon sens pour un lectorat quadra-quinquagénaire peu porté sur la gaudriole et les cuites, macroniste de surcroît, lecteur de précis de bien-être zen et de manuels genre méthode Coué pour réussir en affaires, mener sa présentation PowerPoint, subjuguer la DRH. Ni féru, ni congru de littérature et d’histoire (des luttes sociales, des objets et appareils obsolètes du temps de la TSF et des Teppaz, du temps jadis qu’on pourra remettre en sels de la Terre ne trompant pas).
Eau… Non, plus tard. Or donc, Ore. De son vrai prénom, j’ai oublié. Accorte, prévenante, plantureuse. Pierre Chauvier (zut, Chaunier : Chauvier, c’est le surnom d’un confrère de France Cul’, Olivier Chaumelle…) se défroque, sa bure réticente tout d’abord remontée au nombril, puis jetée aux orties.
Reprenons. Eau mitigée. Certes, avant la page 120, j’ai relevé l’incidente à propos des aurochs (qui, comme dans Animal Farm, sont polyglottes). Huxley n’est pas mentionné (de mémoire défaillante). Mais Roger Vailland, si, par deux fois (vers la p. 60, à quatre-cinq près). Qui cela ? Vailland, Roger ? Et pourquoi pas Paulo, le couturier homonyme ? L’ennui, pour d’autres frileux de moins de x années, c’est que des noms d’auteurs, de Résistants, d’utopistes raisonnés (Godin, à votre guise ; sucreurs francisiens, donc isariens ; Léon Harmel valaisan-des-bois ; « graveleux » zyslyens des Vaux et des monts ; d’autres cités ou non que j’oublie), leur échapperont totalement. Oui, zyslyens (Henri Zisly). Lacoche se permet bien « bloyistes » (p. 274), littérateur léonin en diable (ou léonien, comprend qui veut, ou qui peut… pointerai-je), et s’affranchissant de transition explicative. Ce roman mériterait un index des noms propres et toponymes, et on y trouverait Léon Bloy. Kiça ? Léon de Blois ? Meuh non, de Bruges !
Eau bouillante ou bouillonnante, en effervescence à jets continus, artésienne à pleins baquets. Pour l’ode laudatrice à tout crin (d’auroch), voyez Bernard Leconte et Michel Bouvier (le bien nommé en l’occurrence pour causer vaches, cochons, couvées, sans oublier Zahia la chevrette, de son vrai prénom Fanfan), et l’émission La Baraque à livres de RCF radio. Ce n’est pas le bol d’arabica lacté dans lequel je trempe mon maroilles. Ce sera encore moins la tasse de thé des grincheux, des non-imaginatifs, des coincés, pisse-froids (je ne vais pas parodier Rabelais et vous égrener une litanie post-lacochenienne).
Pour ne pas balancer (ni pousser trop haut l’escarpolette) mais évoquer, nuance, je ne vous ménage aucune épiphanie. N’espoillions point (du lat. psoliare), ou nenni ne divulgâcherai. Comtois, Breton, Limougeaud, Champenois, Ardennais (idem, n’abusons point) ; Comtois ne te rend point, ne commence pas ce roman mâtiné whodunit (le nom du violeur, du prédateur, bien connu du lectorat du Chemin des fugues ou d’autres « Chaunier » de l’auteur, sera divulgué, tout comme la détranconisation, en temps utile et tempo sursautillant).
On passe donc de l’intimisme (les galipettes d’Ore et de Chauv… zut, Chaunier) au tarazimboumant. Libertaro-conseilliste-communardo-léniniste, voire, comme me désignèrent des trotskards, circa fin 1967, anarcho-éthylique. Debordélique, sans accent sur la première e. Jouissif. J’enchaînerai bien avec une rime en if, mais Lacoche préfère les ormeaux (aux deux sens du terme). Terme ? Et si je stoppais là ? Ci-fait.
Trop vite. Je laisse Murielle Compère-Demarcy, de La Cause littéraire, poursuivre. Initials PC, aurait chanté Gainsbarre (Lacoche est un fin connaisseur de musiques contemporaines). Ce n’sera pas moi qui vous aura dévoilé la trame, mais elle…

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