lundi 30 septembre 2019

Brexit : l’opposition en appellerait à HM The Queen

Elizabeth the Second, please sack The Bojo

Votre Majesté, Reine, par la grâce de Dieu, du Royaume uni, &c., souveraine du Consortionis Populorum, tenante de la Foi, &c., par cette humble requête nous vous prions de virer Boris Johnson…
Ce serait une Humble Adress que l’opposition britannique présenterait à Sa Majesté Elizabeth, au plus tard le 19 octobre au soir, afin de solliciter que « son » Premier ministre, d’une publie tous les documents gouvernementaux sur le Brexit, de deux, se plie à la décision du parlement de solliciter de l’Union européenne un report de la date de sortie, et à défaut, présente sa lettre de démission.
L’opposition ne s’est pas accordée sur l’opportunité de déclencher une motion de confiance (ou plutôt défiance) qui ferait le jeu de Boris Johnson. Elle était sûre de l’emporter, les conservateurs et les unionistes nord-irlandais étant devenus minoritaires. Mais la suite pouvait permettre à Boris Johnson de placer le Royaume-Uni sur un siège éjectable.
L’idée serait d’obtenir en temps utile la formation d’un gouvernement transitoire d’union nationale (sans les conservateurs fidèles au 10, Downing Street et leurs alliés). Mais ni trop tôt, ni trop tard, et la marge est plus qu’étroite.
Boris Johnson est présent à la conférence des conservateurs, leur grand raout annuel, et même s’il ne prendra la parole que mercredi, on sait déjà ce qu’il martèlera. Strictement la même promesse que celle proclamée par le chancelier Sajid Javid à la tribune : avec ou sans accord, le Royaume-Uni prendra la tangente la veille de la Toussaint, lors d’Halloween.
On ne sait cependant s’il emboîtera ou non le pas à Donald Trump qui qualifie ses opposants de « traitres » et « félons » (dont tous ceux ayant divulgué le rapport d’un lanceur d’alerte pouvant conduire à une procédure de destitution). Si c’était le cas, il s’abstiendrait, lui, de clamer qu’il faut les passer par les armes… Downing Street laisse filtrer que les dissidents conservateurs auraient reçu l’appui de la diplomatie française pour élaborer le texte de la loi obligeant Johnson à solliciter un report de l’application de l’article 50. De fourbes agents de l'étranger. La ficelle est un peu grosse.
S’il n’est pas arrivé là où il est par la « volonté du peuple », le Bojo n’en sortirait que par la force des baïonnettes, ou, cas improbable, selon ses dires prévisibles, par celle d’un édit royal infligé à Sa Majesté lui enjoignant, contrainte et forcée, de se vouer au martyre.
De toute façon, après que Marc Francois, député conservateur, ait surchauffé la salle, sous d’unanimes applaudissements (les conservateurs opposés au Bojo ont préféré s’abstenir de venir), par ses propos enflammés, impossible de calmer le jeu. « Je vais rester moi-même, je n’ai pas le choix », a confié Bojo à des conservateurs écossais en coulisses. Pour lui, tergiverser serait « capituler ». Il l’avait pourtant envisagé quand il espérait que le référendum échouerait à donner le feu vert à un Brexit qu’il estimait alors catastrophique… Mais bon…
Mark Francois est un « Spartiate », membre du clan des conservateurs jusqu’au-boutistes eurosceptiques. Même si le Bojo revenait de Bruxelles avec un pré-accord provisoire incluant un report de la date de sortie, il voterait contre. Mais, bien sûr, c'est inimaginable. Boris! Boris! Boris! Tous les maillots, mugs, colifichets en vente dans le hall sont au nom ou à l'effigie du Bojo.
Pour vous donner une idée de l’ambiance : des protestataires pro-UE crachaient à la figure des délégués conservateurs se rendant à la salle de la conférence. Les conservateurs dissidents auraient risqué le même traitement à l’intérieur.
Histoire de rassurer l’opinion, le gouvernement a fait fuiter un document « sensible » émanant du plus capé des hauts fonctionnaires de l’administration, sir Mark Sedwill. C’est un ramassis de lieux communs, un globi-glouba exposant qu’il ne manque pas un bouton aux guêtres des fonctionnaires œuvrant dans la perspective voulue par Boris Johnson. « Nous continuons à préparer un no deal ». Le Daily Express (pro-Brexit) en fait tout un foin. De même, il est fait état d’un préliminaire d’accord négocié de réciprocité entre la Norvège et le Royaume-Uni quant aux droits de pêche dans leurs eaux territoriales respectives. On y croit très fort.
John Bercow, le Speaker des Commons, conservateur désavoué et démissionnaire au 31 octobre, accrédite l’idée que les « Spartiates » et affidés sont stipendiés par des spéculateurs misant contre la livre sterling et pour une poussée inflationniste (voir précédents articles). Il souhaiterait une commission d’enquête parlementaire.
Bref, c’est chaud bouillant. À un mois de l’échéance. En fait, ce que semblent espérer le Bojo et son bunker, ce serait soit que l’un des 27 oppose son veto à la perspective d’un report, soit qu’il soit dit qu’en dépit des formidables et incessants efforts de leur part, l’Union européenne a poussé le Royaume-Uni vers la sortie… faute d’avoir obtenu que Britannia reste soumise à sa « dictature ».
Mais le vent a tourné. Un sondage Ipsos-Evening Standard laisse penser que seulement un électeur sur huit pense à présent que les conservateurs remporteront des élections. Bojo est devenu moins populaire que Theresa May. Mais il devance encore nettement le travailliste Jeremy Johnson dans les intentions de vote.
Boris Johnson continue à laisser entendre que si Michel Barnier reste inflexible, il saura le contourner en prenant langue avec des chefs d’États plus complaisants, plus ouverts à soupeser ses énigmatiques initiatives. L’Irlandais Leo Varadkar et Angela Merkel seraient « flexibles ». S’ils ne l’étaient pas, le Bojo pourrait réclamer les pleins pouvoirs, l’état d’urgence, au titre du Civil Contingencies Act (ce afin d’éviter rien de moins que des émeutes, voire une guerre civile). L’opposition porterait alors l’affaire en justice…
En fait, sauf sidérante surprise, Boris Johnson pourrait plaider sur le mode yaka-fokon qu'il suffirait de créer des sortes de plates-formes de dédouanement (ou on ne sait quoi pour ne pas parler de postes des douanes) ça et là, de part et d'autre de l'ex-frontière entre la république d'Irlande et l'Irlande du Nord, en retrait. Genre à dix, quinze ou vingt kilomètres en-deçà ou au-delà. Parfait, monter de telles structures en moins d'un mois avant le 31 octobre, fastoche... Mais en attendant qu'elles prennent forme, où se situerait la frontière, réellement ? Au milieu de la mer d'Irlande ? Ce que les unionistes du DUP se refusent d'envisager ? Si ces douanes sous autre appellation étaient la solution-miracle, en trois ans de négociations plutôt intenses, on aurait pu y songer. En fait, cet habillage a déjà été écarté.
De ce côté-ci, le problème des 27 est le suivant… Ils s’attendent à ce que le Bojo (se) la joue au kamikaze (l’expression, selon The Independent, aurait été employée par un diplomate européen à Bruxelles), ne propose que des solutions inacceptables ou du vent destiné à ne pas s’aliéner ses partisans. Mais ils ne savent pas ce qu’il faut attendre ou présumer de l’attitude d’une opposition divisée sur les finalités d’un éventuel accord. Ou sur l’opportunité d’organiser un second référendum… Lassant.

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