Boris Johnson prêt à tout pour aboutir au Brexit illico ?
Presto, presto, et à quelques jours d’Halloween (le 31 octobre), Boris Johnson va-t-il faire décréter l’état d’urgence pour museler
opposition et parlement et faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne ?
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Farage & Johnson |
Franchement, il n’y a pour le moment que l’ancien ministre
conservateur Dominic Grieve pour en agiter la fusée de détresse. Soit la perspective
d’une application du Civil Contingencies Act (équivalent à l’état d’urgence, et
pratiquement les pleins pouvoirs exercés par le gouvernement) au prétexte que l’agitation
populaire deviendra menaçante à l’approche de la date fatidique. Rien que cela :
des émeutes, des assassinats, des attentats !
La petite fumée noire ayant inspiré cette hardie supputation
fut, devant le Parlement, l’évocation par le Bojo du meurtre d’une députée travailliste,
Jo Cox, par un frappadingue néo-nazi s’étant écrié “Britain First!”.
« Moralité » : respectons la volonté populaire exprimée lors du
référendum et que moi, Boris Johnson, j’incarne. Bref, c’est le fameux « moi
ou le chaos ».
Second indice : une source
gouvernementale anonyme déclarant au Times que, s’ils se sentaient en passe d’être
trahis, les partisans du Brexit endosseraient des gilets jaunes (en fr. dans le
texte). Ou plutôt rouges, ce qui conduirait à l’affrontement généralisé avec sans
doute des gilets bleus. La guerre des Deux Roses mode populace en furie, quoi…
En fait, Boris Johnson est
doublement fragilisé.
Incidemment, l’actuel maire de
Londres a fait savoir que son prédécesseur (le Bojo) aurait favorisé une copine
(lequel Bojo se refuse à qualifier leurs relations d’intimes ou autres) lors de son
mandat. Un marché public lui aurait attribué par favoritisme. La police des polices
britanniques est donc saisie. Comme en France, un maire britannique est
officier de police, par conséquent, l’équivalent approximatif de l’IGPN (et non celui
de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration) est compétent. Ce n’est
sans doute pas cela qui le paralysera de sitôt, mais… Allez prévoir.
Plus menaçante est la perspective
d’une motion de censure. La Cour suprême a enjoint le gouvernement de mettre
fin à la suspension du parlement où l’opposition est majoritaire. Et même
quasiment unie pour confier au travailliste Jeremy Corbyn la tâche de former un
gouvernement provisoire (le SNP écossais est pour, les libéraux-démocrates
réticents, voudraient l'un des leurs ou un conservateur dissident à la primature, mais pourraient se laisser fléchir, les dissidents conservateurs
pourraient s’abstenir). Cela n’impliquerait pas immédiatement, mais sous un
délai de 14 jours, la formation d’un nouveau gouvernement demandant un report
de la date du 31 octobre à l’Union européenne. Ensuite, soit c’est l’entrée en
brexiternity (sortie vers Pâques, la Trinité, la Saint-Glinglin), soit un
accord (sur quelles bases ? Celles des travaillistes ? d’autres ?)
est conclu, soit le Lib-Dem obtient la révocation de l’article 50, avant, après
nouveau référendum ?
Attendez-vous à savoir que…
presque tout est envisageable, ou le contraire, rien n’étant assurément joué…
Nouveauté : la conférence conservatrice,
le grand raout des Tories, devrait entendre partie des propositions que le gouvernement
présentera aux 27 (les 17 et 18 octobre, voire auparavant). En fait, depuis les
rencontres entre Boris Johnson et le quatuor Macron, Merkel, Tusk, Michel, à
New-York, en début de semaine, les lignes n’ont guère bougé. Le Belge Charles
Michel et ses homologues n’ont pas vraiment commenté, mais Donald Tusk a twitté :
« Ni percée. Ni échec. Pas de temps à perdre. ». Traduction :
point mort, mais cela urge grave ? Ou le Boris nous gonfle et inutile qu’il
nous fasse lanterner plus longtemps ?
Stephen Barclay, le Brexit
Secretary, considère aussi que l’heure de vérité approche. Que des propositions
concrètes seront avancées… Mais après le 2 octobre et la clôture de la Tory
Conference.
Bref, lors de cette grand' messe, le
voile sera timidement soulevé, quelques-unes des intentions de négociation
vaguement évoquées, mais si des ministres vont discourir demain et jusqu’à
mardi, il faudra attendre mercredi prochain pour voir monter le Bojo à la
tribune. Reste à savoir s’il sera encore Premier ministre de plein exercice ou
intérimaire (en cas de motion de censure).
Cette motion, Boris Johnson l’appelle
de ses vœux… Il pense en fait que les travaillistes se défileront (ils espèrent
plutôt remporter des élections après que les effets d’un Brexit dur se soient
fait sentir) et qu’il pourra donc les ridiculiser, replacer les conservateurs
en tête.
Autre coup de pied dans ses chevilles.
Selon Philip Hammond, l’ex-Chancelier (ministre des Finances et numéro deux
gouvernemental, siégeant au 11, Downing Street), les membres du Cabinet les
plus opposés à une sortie négociée seraient stipendiés par des spéculateurs
boursicotant. C’est d’ailleurs ce que suggère la propre sœur du Bojo, Rachel. Ils
joueraient contre la livre et en fonction d’un retour de l’inflation.
Là où on s’esclaffe, c’est en entendant
le ministre de l’Industrie rétorquer que l’ex-Chancelier est incompétent, ne
connaît rien à la finance et à la City. Les conservateurs auraient donc placé
un bourrin pendant trois ans en charge des finances du royaume ?
Hammond a fait résonner les grands
orgues. Et quelques indices le confortent. Par exemple l’afflux des riches
étrangers obtenant, pour deux millions de livres, un « visa doré ».
Cinq ans après, ils peuvent obtenir la nationalité britannique. Et puis, si
elle n’est plus fréquemment évoquée, la menace de faire du Royaume-Uni un
paradis fiscal a été plusieurs fois brandie. Aussi, avec les Brexpats, il y a
de bonnes affaires immobilières qui se profilent (-4 % en moyenne et valeur, mais
cela pourrait s’accélérer).
En fait, le véritable enjeu pour Boris
Johnson et Nigel Farage, du Brexit Party, c’est de rugir plus fort l’un que l’autre
un Make Britannia Rule Again. Tous deux veulent incarner le British
Trump. Cela a bien fonctionné pour leur mentor : Great Again.
C’est le titre de conducator,
leader maximo, grand timonier, Führer, Duce, qui les motive.
Matteo Salvini, lui aussi, réclama
à corps et cris des élections législatives, promettant aux Italiens que, doté des
« pleins pouvoirs » (pieni poteri), il ferait plus et mieux… Boris
Johnson promet de mettre au pas l’Establishment pro-Européen (apatride et félon
interlope ?). Nigel Farage assure qu’il traitera les scribouillards
parlementaires surpayés, ces mauviettes, « au couteau » (take
the knife to the penpushers). Tous deux promettent la Lune, soit des mesures
sociales et de relance économique, s’affrontent et surenchérissent.
Les 27 semblent avoir commencé à
comprendre que les ambitions personnelles l’emportent sur toutes autres
considérations. C’est sans doute pourquoi Michel Barnier (the Brussels
bureaucrat, pour le Daily Express) a signifié par écrit aux
Britanniques que les préparatifs européens en vue d’une sortie sans accord
étaient « finalisés » et n’évolueraient plus. Il leur revient d’avancer
des propositions réalistes en vue d’assouplir le « filet de sécurité »
(le backstop), la principale pierre de touche (ou d’achoppement) :
mais il y a fort à parier que Boris Johnson ne fera miroiter que des chimères ne s'appliquant que… un jour ou l'autre. Donc...
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