samedi 28 septembre 2019

Brexit : vers l’état d’urgence et sortie sans accord ?

Boris Johnson prêt à tout pour aboutir au Brexit illico ?

Presto, presto, et à quelques jours d’Halloween (le 31 octobre), Boris Johnson va-t-il faire décréter l’état d’urgence pour museler opposition et parlement et faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne ?
Farage & Johnson
Franchement, il n’y a pour le moment que l’ancien ministre conservateur Dominic Grieve pour en agiter la fusée de détresse. Soit la perspective d’une application du Civil Contingencies Act (équivalent à l’état d’urgence, et pratiquement les pleins pouvoirs exercés par le gouvernement) au prétexte que l’agitation populaire deviendra menaçante à l’approche de la date fatidique. Rien que cela : des émeutes, des assassinats, des attentats !
La petite fumée noire ayant inspiré cette hardie supputation fut, devant le Parlement, l’évocation par le Bojo du meurtre d’une députée travailliste, Jo Cox, par un frappadingue néo-nazi s’étant écrié “Britain First!”. « Moralité » : respectons la volonté populaire exprimée lors du référendum et que moi, Boris Johnson, j’incarne. Bref, c’est le fameux « moi ou le chaos ».
Second indice : une source gouvernementale anonyme déclarant au Times que, s’ils se sentaient en passe d’être trahis, les partisans du Brexit endosseraient des gilets jaunes (en fr. dans le texte). Ou plutôt rouges, ce qui conduirait à l’affrontement généralisé avec sans doute des gilets bleus. La guerre des Deux Roses mode populace en furie, quoi…
En fait, Boris Johnson est doublement fragilisé.
Incidemment, l’actuel maire de Londres a fait savoir que son prédécesseur (le Bojo) aurait favorisé une copine (lequel Bojo se refuse à qualifier leurs relations d’intimes ou autres) lors de son mandat. Un marché public lui aurait attribué par favoritisme. La police des polices britanniques est donc saisie. Comme en France, un maire britannique est officier de police, par conséquent, l’équivalent approximatif de l’IGPN (et non celui de l’IGA, l’Inspection générale de l’administration) est compétent. Ce n’est sans doute pas cela qui le paralysera de sitôt, mais… Allez prévoir.
Plus menaçante est la perspective d’une motion de censure. La Cour suprême a enjoint le gouvernement de mettre fin à la suspension du parlement où l’opposition est majoritaire. Et même quasiment unie pour confier au travailliste Jeremy Corbyn la tâche de former un gouvernement provisoire (le SNP écossais est pour, les libéraux-démocrates réticents, voudraient l'un des leurs ou un conservateur dissident à la primature, mais pourraient se laisser fléchir, les dissidents conservateurs pourraient s’abstenir). Cela n’impliquerait pas immédiatement, mais sous un délai de 14 jours, la formation d’un nouveau gouvernement demandant un report de la date du 31 octobre à l’Union européenne. Ensuite, soit c’est l’entrée en brexiternity (sortie vers Pâques, la Trinité, la Saint-Glinglin), soit un accord (sur quelles bases ? Celles des travaillistes ? d’autres ?) est conclu, soit le Lib-Dem obtient la révocation de l’article 50, avant, après nouveau référendum ?
Attendez-vous à savoir que… presque tout est envisageable, ou le contraire, rien n’étant assurément joué…
Nouveauté : la conférence conservatrice, le grand raout des Tories, devrait entendre partie des propositions que le gouvernement présentera aux 27 (les 17 et 18  octobre, voire auparavant). En fait, depuis les rencontres entre Boris Johnson et le quatuor Macron, Merkel, Tusk, Michel, à New-York, en début de semaine, les lignes n’ont guère bougé. Le Belge Charles Michel et ses homologues n’ont pas vraiment commenté, mais Donald Tusk a twitté : « Ni percée. Ni échec. Pas de temps à perdre. ». Traduction : point mort, mais cela urge grave ? Ou le Boris nous gonfle et inutile qu’il nous fasse lanterner plus longtemps ?
Stephen Barclay, le Brexit Secretary, considère aussi que l’heure de vérité approche. Que des propositions concrètes seront avancées… Mais après le 2 octobre et la clôture de la Tory Conference.
Bref, lors de cette grand' messe, le voile sera timidement soulevé, quelques-unes des intentions de négociation vaguement évoquées, mais si des ministres vont discourir demain et jusqu’à mardi, il faudra attendre mercredi prochain pour voir monter le Bojo à la tribune. Reste à savoir s’il sera encore Premier ministre de plein exercice ou intérimaire (en cas de motion de censure).
Cette motion, Boris Johnson l’appelle de ses vœux… Il pense en fait que les travaillistes se défileront (ils espèrent plutôt remporter des élections après que les effets d’un Brexit dur se soient fait sentir) et qu’il pourra donc les ridiculiser, replacer les conservateurs en tête.
Autre coup de pied dans ses chevilles. Selon Philip Hammond, l’ex-Chancelier (ministre des Finances et numéro deux gouvernemental, siégeant au 11, Downing Street), les membres du Cabinet les plus opposés à une sortie négociée seraient stipendiés par des spéculateurs boursicotant. C’est d’ailleurs ce que suggère la propre sœur du Bojo, Rachel. Ils joueraient contre la livre et en fonction d’un retour de l’inflation.
Là où on s’esclaffe, c’est en entendant le ministre de l’Industrie rétorquer que l’ex-Chancelier est incompétent, ne connaît rien à la finance et à la City. Les conservateurs auraient donc placé un bourrin pendant trois ans en charge des finances du royaume ?
Hammond a fait résonner les grands orgues. Et quelques indices le confortent. Par exemple l’afflux des riches étrangers obtenant, pour deux millions de livres, un « visa doré ». Cinq ans après, ils peuvent obtenir la nationalité britannique. Et puis, si elle n’est plus fréquemment évoquée, la menace de faire du Royaume-Uni un paradis fiscal a été plusieurs fois brandie. Aussi, avec les Brexpats, il y a de bonnes affaires immobilières qui se profilent (-4 % en moyenne et valeur, mais cela pourrait s’accélérer).
En fait, le véritable enjeu pour Boris Johnson et Nigel Farage, du Brexit Party, c’est de rugir plus fort l’un que l’autre un Make Britannia Rule Again. Tous deux veulent incarner le British Trump. Cela a bien fonctionné pour leur mentor : Great Again.
C’est le titre de conducator, leader maximo, grand timonier, Führer, Duce, qui les motive.
Matteo Salvini, lui aussi, réclama à corps et cris des élections législatives, promettant aux Italiens que, doté des « pleins pouvoirs » (pieni poteri), il ferait plus et mieux… Boris Johnson promet de mettre au pas l’Establishment pro-Européen (apatride et félon interlope ?). Nigel Farage assure qu’il traitera les scribouillards parlementaires surpayés, ces mauviettes, « au couteau » (take the knife to the penpushers). Tous deux promettent la Lune, soit des mesures sociales et de relance économique, s’affrontent et surenchérissent.
Les 27 semblent avoir commencé à comprendre que les ambitions personnelles l’emportent sur toutes autres considérations. C’est sans doute pourquoi Michel Barnier (the Brussels bureaucrat, pour le Daily Express) a signifié par écrit aux Britanniques que les préparatifs européens en vue d’une sortie sans accord étaient « finalisés » et n’évolueraient plus. Il leur revient d’avancer des propositions réalistes en vue d’assouplir le « filet de sécurité » (le backstop), la principale pierre de touche (ou d’achoppement) : mais il y a fort à parier que Boris Johnson ne fera miroiter que des chimères ne s'appliquant que… un jour ou l'autre. Donc...

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