lundi 21 décembre 2020

Breton, donc « indigène de la République »

La victimisation vénale commence à me gonfler

Rassurez-vous, je ne vais pas donner dans la victimisation. Je ne suis à la recherche d’aucune subvention, je ne sollicite pas des dons. Mais l’historiographie trafiquée, suraccentuée, commence à me gonfler.


N’ayez crainte, pas d’évocation de Bécassine ou des Bretons importés pour creuser le métropolitain parisien. Ni de déni du racisme xénophobe parfois indéniable. Je ne parle pas de la défiance et de l’animosité larvée de la fonctionnaire venue de Guadeloupe prenant plaisir à vous remettre à votre place de demandeur d’un renseignement ou d’un rendez-vous. C’est plutôt l’exception occasionnelle que la règle. Les apanages s’inversent parfois. Ne nous exagérons rien.

Mais si je voulais faire de l’historiographie crédible, je pourrais me fonder sur les albums d’Astérix. Où finissaient donc les prisonniers bretons des ancêtres des Barbaresques ? Dans des cellules pour VIP ?

Ce n’est pas non plus que je veuille mettre en doute les recherches historiques. Sur le statut et le comportement des troupes africaines sous uniformes français en Indochine ou des administrateurs indochinois dans les AOF et AEF. Un champ d’investigation intéressant. Portant sur les rapports des galonnés ou promus avec les populations dites « indigènes », ce qui pourrait valoir pour toutes les puissances coloniales, et la plupart des territoires colonisés (par les Vikings ou les Omeyyades, par exemple et leurs suppléants mozarabes).

J’ai beau être aussi aware, voire woke, que Jean-Claude Van Damme, je n’en considère pas moins qu’à vouloir jouer au c**, on peut être deux.

Donc, les Manceaux, les Angevins et autres peuples des marches de Bretagne pourraient aussi revendiquer des réparations des Bretons. Non ? Pourquoi donc s’en tenir au seul demi-millénaire antérieur si on peut remonter plus avant ?

Toute l’histoire de l’humanité est celle de multiples colonisations. Les uns avancent, les autres reculent, mais les vaincus se font généralement toujours avoir, voire en redemandent, pactisent, tentent de profiter des avantages des désavantages.

Je sais, c’est une réflexion ras-des-pâquerettes. Pas d’autre pour le moment.

Je ne vais pas ressasser que les régiments bretons étaient envoyés le plus souvent en première ligne aux côtés des régiments sénégalais et autres exogènes lors des deux deniers conflits mondiaux (et antérieurement liquidés par Gambetta autant que par les Prussiens). Simplement pointer que nos fiertés respectives ne gagneraient rien à se déclarer antagonistes.

La Bretagne, c’était aussi, « tu l’aimes tellle que les plus forts la veulent, ou tu la quittes », et ce fut un exode massif, pour trouver à croûter mieux ou plutôt moins mal ailleurs.

Sans pour autant nous replier sur nous-mêmes. Ni dénigrer nos nouveaux voisins. Je fus Breton d’Alsace, puis de Franche-Comté, et après, trop isolé, ou indifférent, je n’ai pas insisté. Je ne sais si créer un groupe ex-Bretons de Paris en Pays-de-Retz aurait un sens ou non. Pourquoi pas ?

Toujours est-il que, si vous venez vous établir en Bretagne, ne tentez pas de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : nous avons du répondant. Courtoisement et même amicalement…

Cet exposé nombriliste me semble en valoir d’autres. Je n’ai pas énoncé chacun des autres mais de très nombreux autres. Car les nations et peuples, en large majorité, ont été tour à tour colonisés et colonisateurs. Admettons que des groupes humains, sur des îles arides, des vallées encaissées, aient pu y échapper.

Mais tout communautarisme (breton inclus) se fondant sur le rappel des torts subis me semble relever d’une « construction mythologique récente », faute d’expression plus adéquate. Je ne sais s’il existe des récits ancestraux athées, se contentant de faire d’ancêtres des Supermen ou Wonder Women. Je ne sais non plus où en est la recension des myriades de genèses. C’est un peu comme les langues, certaines se créent, d’autres tombent dans l’oubli. Parmi ces récits de créations de mondes et d’humains, l’un des plus farfelus voudrait qu’il n’y ait eu qu’un seul Adam et une seule Ève pour toute l’humanité. Métaphore estimera-t-on à présent. Mais que des millions de gens se prosternant ou se flagellant diversement continuent de prendre pour un acte de foi véridique et intangible. Ce récit n’a pas contrecarré la tenue de diverses disputations, jusqu’à la Controverse de Valladolid qui eut des effets bénéfiques et d’autres néfastes pour les Amérindiens et les Africains.

De nos jours, il semble que la plausibilité que des extra-terrestres se soient livrés à diverses expériences en diverses parties de la planète, un peu comme on crée de la viande artificielle, gagnerait du terrain. Ce qui n’empêche pas davantage divers communautarismes de se réinventer une, des histoires, des légitimités. Avec quelques effets bénéfiques (comme le regain du folklore  et des musiques celtes) et d’autres néfastes (une extrême-droite bretonne plus ou moins ouvertement xénophobe).

Cela conduit parfois à grossir la poutre dans l’œil de l’autre pour amenuiser la paille dans le sien.

Dans Le Monde, en entretien avec Valentine Faure, le sociologue Alain Policar estimait que « Cette fixation sur les origines, qui tend à les transformer en destin, me paraît introduire des identités factices, et ignorer qu’au sein même d’un groupe humain quel qu’il soit, il y a des différences considérables. ». Elle est d’ailleurs plus souvent coercitive que libératrice (rattachant l’individu à un seul groupe, ainsi que sa descendance).

C’est ce que l’on constate au pays du mythique melting pot. Lequel a viré au salad bowl ou à la mosaïque culturelle. Ce qui se constate aux États-Unis, c’est un fractionnement des communautarismes (Afro ou Asiatico-américains), chaque groupe tendant à accroître son influence, sa notoriété et ses sources de financements. Il faut se constituer en minorités visibles en nombres croissants. On en serait déjà à plus de 250 groupes ethniques au Canada. Chacun renforçant son awareness.

Aux États-Unis, les dernières élections en témoignent, cela entraîne de formidables coûts en publicités ciblées que tout le monde finit par payer (les donateurs en répercutant les coûts sur l’ensemble). La multiplicité des cultes (bénéficiant d’avantages fiscaux, ceci expliquant aussi cela) contribue aussi à la fragmentation. Et en fait à la multiplication des clientélismes.

C’est ce que l’on commence à observer en France (donc marginalement aussi en Bretagne). J’ai beau éprouver quelque sympathie pour des thèmes défendus par Douar ha Frankiz, mouvement confédéraliste, la dénonciation d’une instrumentalisation de la laïcité « pour attaquer des communautés racisées » me semble outrancière. Les laïcs, voire les laïcards, ne se résument pas à Riposte laïque (de plus en plus proche des identitaires catholiques et autres).

Il est généralement admis que la Bretagne doit son existence aux persécutions et discriminations subies de la part des Anglo-Saxons, avant et après la Bataille de Deorham. Je ne sais trop ce que les Bretons ont fait subir aux populations de l’ancienne Armorique. Autrefois roux et constellé de pikoù panez (taches de rousseur), comme encore mes enfants, ce qui suggère une génétique prédominante (non exclusive d’autres apports). Mais je ne vais pas faire commerce de la brittophobie ou de la roussophobie. Ni scinder rouquins et acajous. Le covid soit des victimaires et des victimicieux, et que le gwalarn (noroît) ou mervent (suroît) les emporte. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire