lundi 11 novembre 2019

Roumanie : la diaspora n’a pas repêché son « Macron »

Le président sortant roumain confronté à Viorica Dăncilă (PSD)

Sans surprise, Klaus Ionhannis, actuel président, est arrivé en tête du premier tour des élections présidentielles roumaines. Mais la défaite de la candidate du parti « sortant » n’est pas si éclatante…
On me pressait, la nuit dernière, de faire état des élections présidentielles roumaines… D’une part, il ne s’agit que du premier tour, d’autre part, sauf improbable retournement, le Saxon Klaus Iohannis, président sortant, devrait être reconduit.
Et puis, soyons réalistes, vue de France — hormis pour les apparentés (familiaux) roumains et qui affectionne ce pays — la Roumanie, c’est un peu le Honduras ou Ceylan. Grand et magnifique pays, fort peu peuplé, du fait d’un exode massif des jeunes et des plus qualifié·e·s dans le monde entier, la Roumanie intéresse surtout du fait de ses intellectuels (surtout les expatriés) de renom. Bien sûr, ce n’est pas le cas de Pierre Moscovici, ex-commissaire européen, fils de Serge, dissident du PCR, réfugié en France en 1947, et de maints autres Français ayant conservé des attaches (familiales, sentimentales, culturelles, autres…) avec la Roumanie. Et qui suivent de près son actualité.
Donc, j’ai procrastiné en toute quiétude et surtout attendu les résultats définitifs de la diaspora, que voici, que voilà :
Clasamentul votului din diaspora:
Klaus Iohannis – 52,94 % (335.712)
Dan Barna – 27,51 % (174.464)
Theodor Paleologu – 6,4 % (41.000)
Mircea Diaconu – 3,65 % (23.119)
Viorica Dăncilă – 2,75 % (17.430)
Il en manque (14 candidats s’affrontaient, dont celui des Hongrois, Kelemen Hunor).
Mais au final, Iohannis ne recueille qu’un peu plus de 39 % des suffrages, et Dăncilă plus de 22. Alors qu’on donnait le président sortant largement plus en tête, et la candidate du PSD, ex-Première ministre contrainte à la démission, plus proche de la barre du cinquième des suffrages.
Car, jusqu’au dernier moment, il fut supputé que la diaspora la ferait devancer par Dan Barna.
Ce dernier est jeune, talentueux, et à la tête d’une formation attrape-tout, l’USR, qui évoque très fort La République en marche. En sus une autre formation, le Parti de la liberté, appuyait sa candidature.
Sauf que, ancien de l’ONG Transparency International de 1996 à 2014, il semblerait que, par la suite, ses affaires n’auraient pas été très claires et que son élection en tant que député de Sibiu (ou Hermannstadt, autre grande ville saxonne avec Brasov/Kronstadt), fin 2016, n’a guère changé la donne. Sa fortune provient essentiellement de fonds européens pour des projets sociaux et autres qui lui ont permis d’embaucher des proches et de faire tourner ses diverses sociétés (ou celles de familiers). Gênant quand on s’était fait le chantre de la lutte anticorruption.
Certes, la candidate du PSD, parti estimé ô combien corrompu et clientéliste, et dénoncé pour tel, a fait reculer l’influence de sa formation. Mais elle résiste néanmoins fortement, et ce n’est pas le bourrage des urnes dans de petites localités rurales qui en est la cause. L’ancrage des caciques, les slogans populistes et eurosceptiques, les réseaux remontant à la période communiste, le fort quadrillage (de la Ligue des élèves à celle des retraités), le conservatisme, concourent à son pouvoir de nuisance, maintes fois dénoncé par d’immenses manifestations dans les principales villes. De même, sous les gouvernements PSD, l’église autocéphale orthodoxe roumaine a pu étendre son emprise sur les consciences (et créer des écoles, des centres sociaux, s’enrichir considérablement).
La réélection probable du président sortant ne changera pas fondamentalement la donne politique roumaine. La présidence roumaine est, contrairement à la couronne britannique, libre de s’exprimer, mais le régime est très fortement parlementaire. Il fut un bon maire, a les mains à peu près propres (comme tant d’autres, il avait pu s’approprier une demeure grâce à des documents douteux), est un libéral affirmé (quoique prudent : luthérien, il ne peut s’opposer frontalement au clergé orthodoxe). Pour l’anecdote, la candidate parle encore moins bien le roumain que Trump l’anglo-américain et Gorbatchev le russe. Ce qui, dans certaines parties de l’électorat, contribue à sa popularité (tout comme ses nombreuses bourdes garanties involontaires et non feintes). L'opposition au PSD la considère telle une potiche (son mentor, l'homme fort du parti, étant inéligible pour faits de corruption).
La diaspora a voté « utile ». Elle est aussi vieillissante et rétive à retourner en Roumanie tant que la corruption, l’incurie des pouvoirs locaux, ne régresseront pas. Mais d’ici quelques années, si la situation s’améliore, elle pourrait contrecarrer le système PSD. Mais cet espoir reste fragile.
On peut nonobstant relier ce résultat à ce qui se produit en Slovaquie et Hongrie : un recul des populistes.
À présent, le PSD veut que le président concède deux débats avec sa candidate avant le second tour. C’est peut-être accorder trop d’importance à Viorica Dăncilă. Laquelle, désavouée dans ses principaux fiefs, limoge à tour de bras.
Autre enseignement de ce premier tour : Dan Barna n’est arrivé premier dans aucune circonscription. C’était pourtant l’étoile montante.
Peut-être est-ce à présent l’étoile filante de la vie politique roumaine.

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