mardi 10 décembre 2019

Amendement X: plus de photos de maires et de préfets


Consoeurs, confrères, ne publions plus les tronches des officiers de police

Bien Chère Consoeurs, Bien Chers Confrères, ne publions plus les tronches des officiers de police (bis, et reprenez avec moi en chœur). Non, non, non aux deux poids, deux mesures. Les maires et leurs adjoints sont officiers de police, les préfets ont policiers et gendarmes sous leurs ordres. Si, comme le propose le sénateur de l’Hérault, nous devons risquer un an de prison et 45 000 € d’amende, ne prenons aucun risque.
Le sénateur (ex-UMP-LR) de l’Hérault n’est plus maire de Castelnau-le-Lez. Dommage. Cela donnait l’occasion de ne pas le photographier en compagnie de Mohed Altrad, candidat à la mairie de Montpellier. Or donc, X veut réprimer toute diffusion de photo ou vidéo des forces de l’ordre ou de sécurité (genre Alexandre Benalla ?).
Pourquoi pas ? Nous savons faire, et nous saurions, par exemple après avoir pris la photo ou la vidéo de CRS ou autres policiers frappant à terre un·e manifestant·e (après avoir, à l’occasion, renversé son fauteuil roulant), remplacer leurs silhouettes par celles de soldats de plomb. Je n’ai pas écrit de… ou de… (où … pourrait être des gremlins, des paillasses ou clowns blancs, ou ce qu’il vous plait d’imaginer, ecclésiastiques goupillonnant, personnages de BD)
Les amendements, qui devraient être examinés le 17 décembre (voir, le lendemain, sur le site du Sénat, le compte-rendu des débats, certainement instructifs : retenons ces dates), prévoient de lourdes peines. Dont la plus faible, en cas de diffusion d’images de fonctionnaires de la police, des armées (gendarmerie, donc), ou d’agents des douanes, serait une amende de 15 000 euros. Cela vise tout un·e chacun·e, pas uniquement des directrices ou directeurs de publication.
Cela viserait à protéger, et cela, on le conçoit fort bien, des fonctionnaires qui pourraient subir des conséquences. Mais la raison invoquée, c’est qu’il n’est pas possible d’obtenir le floutage des éléments permettant de les identifier. Donc, interdiction totale et non obligation de floutage (laquelle permettrait pourtant, en cas d’enquête administrative ou judiciaire, de produire l’original). Là, en fait, c’est entraver le travail des magistrats et des autorités de contrôle. Bravo, X. Interdisez aussi les écoutes téléphoniques. Et comme au volant, nous ne donnons pas notre consentement pour être flashés par un radar, soyez logiques.
Les deux poids, deux mesures, c’est aussi la fin des régimes spéciaux, sauf pour les membres des forces de l’ordre, mais, là, d’ac’, je digresse. M'enfin, quid de la réciprocité ?
Ce qui est beaucoup, beaucoup plus inquiétant, c’est que s’il est interdit de diffuser, pourquoi ne serait-il pas interdit de prendre des photos ou tourner des vidéos ? On s’approche d’un fonctionnaire muni d’un appareil, hop, confisqué, voire détruit. Allez ensuite contester.
Ce dépôt d’amendements fait suite à un communiqué du syndicat des commissaires de police citant nommément des journalistes qui ne lui convient pas. Incitation à se rendre à leur domicile, à inspecter leurs véhicules ?
Le second amendement est analogue au premier mais durcit la sanction à un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende. Pas de quoi couler un titre pipeule, mais toute petite publication, tout site d’information pas trop solide financièrement. De mieux en mieux.
Quant au troisième, il est farce. Interdiction à tous les corps de révéler l’identité de fonctionnaires. Donc, ces fonctionnaires ne devront plus révéler leur propre identité ? Le ou la préfète de police de Paris ? Ms X. La ou le porte-parole des douanes sera anonymisé·e ? En voilà, une idée qu’elle serait bonne…
Mais pourquoi ne pas l’étendre aux parlementaires. Plus de photos, de vidéo, de passage à la télévision, de noms donnés aux radios, &c. Cela nous fera des vacances.
Ah oui, j’avais mal lu : si telle ou tel voulait librement se laisser taper le portrait, il lui serait possible de l’autoriser ; mais non de révéler son identité : l’interdiction doit s’appliquer à tout le monde, non ? Aux syndicalistes des douanes, de la police, &c., et à leurs supérieur·e·s qui ne vont quand même pas enfreindre les consignes pour se faire de la publicité, quand même !
Il se trouve qu’après tout, s’ils ne peuvent s’exprimer, sauf sous couvert d’anonymat, pourquoi les solliciterions-nous ? Quand on mentionne « une source autorisée », c’est parce que nous connaissons son identité. Là, on ne pourra plus. Alors, pourquoi perdre du temps ?
Des cabinets d’avocats ont évoqué l’état de droit. Le SNJ-CGT a été l’un des premiers syndicats de la profession à réagir. « Amendement (…) indigne d’une République démocratique » allant « à l’encontre des standards mondiaux et européens », « alarmant et honteux pour la France ».
J’en viens à me demander si, en fait, le sénateur X n’aurait pas eu une grosse contredanse à se faire sauter : à moins que Castaner (zut, Y, cela m'a échappé) l’ait sollicité en sous-main pour introduire ces amendements et que la discipline de votre du groupe LERM soit invoquée, je n’imagine même pas qu’ils soient longuement discutés et encore moins adoptés. La meilleure attitude serait de refuser de commenter et passer directement au vote, histoire de ne pas donner plus de publicité à cet individu.
Soit, bien intentionné, il est inapte à siéger au Sénat, soit il cherche juste à se faire mousser.
Que des dispositions soient prise pour protéger des fonctionnaires, non pas de la vindicte du peuple courroucé unanime, mais de personnes en ayant gros sur le cœur ou animées d’autres intentions, cela peut se justifier.
Mais légiférer de la sorte ?
Quand je vois la presse étaler largement le portrait de ce sénateur, je me pose des questions ; c’était un panorama de multiples vues de fonctionnaires en action susceptible de leur valoir des poursuites auquel il aura fallu avoir recours.
Enfin, vous l’aurez sans doute remarqué, j’écris sous le coup d’un énervement confinant à l’indignation. Bientôt, aussi, des jugements systématiquement à huis-clos de fonctionnaires ? De tout fonctionnaire désigné par ces amendements ? Donc du sieur Balkany (mince, Y, mais où ai-je la tête ?), officier de police judiciaire.
Je m’emporte, je m’emporte, sans oublier que j’ai même rencontré des policiers (CRS inclus), des gendarmes affables, compétents, &c.
Il ne s’agit nullement ici de laisser entendre que les abus de certains soient généralisés (bon, quelques commissaires syndicalistes pourraient le laisser abusivement penser).
Et je ne doute pas que, dans les couloirs du Sénat, nombre de ses collègues sauront lui expliquer les choses qu’il serait bon ne pas exprimer lors de son monologue en séance. Sa proposition est tellement excessive qu’elle en devient insignifiante.
Conclusion : passer vite à autre chose.

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