dimanche 8 décembre 2019

Brexit : l’irrationnel peut l’emporter


Jusqu’au mépris de l’évidence…

Selon une consultation en ligne du Daily Express, seulement 13 % des visiteurs de son site considèrent que les documents, issus de sources gouvernementales, dévoilés par Jeremy Corbyn, sont authentiques. Stupéfiant.
Je ne vais pas vous remémorer de quels documents Jeremy Corbyn a fait état, c’est sur ce blogue-notes, et largement exposé par ailleurs. Ils concernent des tractations préliminaires relatives à l’accord recherché par les conservateurs avec les États-Unis, abordant la question du marché médical, et des modalités d’échanges commerciaux entre la partie du Royaume-Uni située en Grande-Bretagne et l’Irlande du nord (et entre l’Irlande du nord et la République d’Irlande).
Même Boris Johson n’a pas contesté leur authenticité, ni fait valoir que les services russes seraient à l’origine de la fuite. Il s’est borné à déclarer que leur teneur était soit obsolète, soit irréaliste, spéculative.
Ce qui n’a pas empêché le Daily Express de soumettre la question à son lectorat : croyez-vous que ces documents soient réels (et non des faux, sous-entendu) ?
Le fait même de poser cette question interroge.
Ce qui est plus grave, c’est que ce 8 décembre aux petites heures, seulement 13 % des répondants considèrent ces documents authentiques (avec seulement 2 % d’indécis).
L’accusation induite est grave : avoir falsifié des documents ou faire état de documents falsifiés.
En fait, cela révèle surtout que, quels que soient les arguments avancés, une large partie de l’électorat campe sur ses positions et préfère user d’invectives, se réfugier dans le déni.
Je n’insiste pas sur le fait que le Royaume-Uni est le pays ayant initié une forme de démocratie parlementaire avant tout autre de toute l’époque « contemporaine ».
Que nous partageons, depuis des siècles, une culture commune avec les Britanniques. On me rétorquera que le lectorat du Daily Express n’est pas représentatif de l’ensemble, à fort juste titre.
Il n’en est pas moins proche de la majorité du lectorat de la presse dite populaire (The Sun, The Telegraph, &c.), très majoritairement favorable au Brexit.
Forte population qui ne se distingue guère sensiblement d’une partie importante de celle du continent européen (ce qu’il me resterait, d’évidence, à démontrer, mais partons de ce présupposé que j’estime viable, notamment pour l'Europe centrale et de l’est, et du sud, ce qui inclut la France ; je suis moins au fait du Bénélux, de la Scandinavie, des pays baltes, &c.).
Je suis inquiet. Plus que cela, alarmé, sidéré. Il faut reconsidérer la notion de manipulation des masses, lesquelles dictent à qui les confortent dans leurs convictions ce qui doit leur complaire.
En l’occurrence, c’est ce que je crois (à tort ?), le Daily Express ne manipule pas ainsi son lectorat mais répond à ses attentes. C’est du moins le postulat que je propose aux sociologues de la mobilisation de prendre en considération.
Qui fait, à présent, l’œuf, et qui la poule ?
Je n’établis pas un parallèle avec les documents relatifs aux financements libyens ayant pu bénéficier à tel ou tel. Je remarque simplement qu’en France ont été émis les opinions que certains étaient forcément authentiques ou falsifiés. Ce avant même qu’il soit possible de le déterminer.
Mais cela n’importe peu : plus rien ne semble pouvoir modifier l’opinion préconçue d’une majorité de gens se prononçant pour ou contre quoi que ce soit. Ce n’est pas tout à fait nouveau, et je ne remonterai pas à l’affaire Dreyfus. L’affaire Grégory (pour/contre la mère ou les Laroche), n’est pas si loin de nous (en tout cas de moi qui eut à la vivre). Mais il n’y eut pas de consultation : croyez-vous ou non que…
Je parle, j’écris peut-être à tort et à travers. On ne m’ôtera pas de l’idée que la consultation du Daily Express est un fait significatif méritant de s’interroger plus amplement. Et je ne vous incite pas à répondre par oui ou non. Mais à considérer l’option peut-être. Ou peut-être pas dans telle ou telle mesure. Ce qui reste la seule manière de réfléchir avant de réagir. Et de fonder ses convictions.

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